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RAPPORT 2012 SUR LA LIBERTÉ DE RELIGION DANS LE MONDE HAÏTI
Résumé analytique
La Constitution et d’autres lois et politiques protègent la liberté de religion et, dans la pratique, le gouvernement a veillé dans l’ensemble au respect de ces garanties et n’a manifesté aucune tendance pendant l’année dans le sens d’une modification profonde de son respect de la liberté de religion.
Il n’a été signalé aucun cas de discrimination ni d’abus sociétaux en raison de l’affiliation, de la croyance ni de la pratique religieuses.
Des représentants de l’ambassade des États-Unis ont régulièrement rencontré des dirigeants religieux et de la société civile pour recueillir leurs opinions sur les questions de liberté de religion. Les programmes de l’ambassade en Haïti comprenaient des actions de plaidoyer pour protéger la liberté de religion.
Section I. Démographie religieuse
D’après une estimation de 2012 du gouvernement des États-Unis, la population s’élève à 9,8 millions d’habitants. Environ 80% des Haïtiens sont catholiques, 10 % baptistes, 4 % pentecôtistes, 1 % adventistes du septième jour et 1% appartiennent à d’autres confessions protestantes. D’autres groupes religieux présents en moindre nombre comptent également des épiscopaliens, des témoins de Jéhovah, des méthodistes, des membres de l’église de Jésus Christ des saints des derniers jours (mormons), des musulmans, des scientologues et des praticiens du vaudou. Le dirigeant d’un important groupe interconfessionnel indique que la moitié de la population pratique le vaudou sous une forme ou un autre, souvent associé à des éléments d’autres religions, d’ordinaire le catholicisme. La presse signale une progression du nombre de musulmans depuis le séisme de 2010, citant des chiffres estimatifs de 2 000 à 10 000 personnes. L’on compte moins de 50 juifs en Haïti.
Section II. Situation du respect de la liberté de religion par le gouvernement
Cadre juridique et politique
La Constitution et d’autres lois et politiques protègent la liberté de religion.2
HAÏTI
International Religious Freedom Report for 2012 United States Department of State • Bureau of Democracy, Human Rights and Labor
La Constitution prévoit l’adoption de lois visant à encadrer la reconnaissance et le fonctionnement des groupes religieux. L’administration et la supervision des affaires religieuses relèvent du ministère des Affaires étrangères et des Cultes. Au sein de ce ministère, le Bureau des cultes est chargé de l’enregistrement des églises, des membres du clergé et des missionnaires.
Le catholicisme n’est plus la religion officielle depuis la promulgation de la Constitution de 1987, mais un concordat de 1860 entre l’église catholique (et ses ordres religieux) et l’État reste en vigueur. À de nombreux égards, le catholicisme conserve sa primauté traditionnelle ; le Vatican approuve un nombre spécifique de prêtres et le ministère des Affaires étrangères et des Cultes les nomme à leurs postes. Dans le cadre du concordat, le gouvernement continue de verser une allocation mensuelle aux prêtres catholiques. D’après le directeur général du Bureau des cultes, le ministère a consacré 1,4 million de dollars É.-U. en 2011 (dernières données disponibles) aux salaires des prêtres. Le gouvernement apporte également un appui financier à certaines écoles catholiques. Ce système de soutien financier n’est pas offert à d’autres groupes religieux organisés.
Les groupes religieux reconnus par le Bureau des cultes bénéficient d’un statut en cas de contentieux judiciaire ainsi que d’exonérations fiscales et sont autorisés à délivrer des certificats de mariage ou de baptême reconnus par les autorités civiles. Les importations de marchandises destinées aux groupes religieux sont exemptes de droits de douane et le gouvernement ne prélève pas d’impôt sur les églises enregistrées. Pour s’enregistrer auprès du Bureau, les groupes religieux doivent fournir des renseignements sur les qualités du dirigeant du groupe, ainsi qu’une liste de ses membres et de ses projets sociaux. Les groupes religieux enregistrés doivent présenter au ministère des Affaires étrangères et des Cultes un rapport annuel de leurs activités.
Le gouvernement observe les fêtes religieuses suivantes en tant que jours fériés nationaux : Vendredi Saint, Fête Dieu (Corpus Christi), Assomption, Toussaint, Jour des morts et Noël.
Pratiques gouvernementales
Aucun cas d’atteinte à la liberté de religion n’a été signalé ; toutefois, certains membres des communautés vaudoue et musulmane se sont plaints de ne pas jouir des mêmes protections légales que les chrétiens.3
HAÏTI
International Religious Freedom Report for 2012 United States Department of State • Bureau of Democracy, Human Rights and Labor
Les dirigeants vaudous et les représentants de la société civile ont exprimé leur inquiétude que l’adoption en mai d’un amendement constitutionnel ne pénalise à nouveau la pratique du vaudou et n’aboutisse à une discrimination accrue à l’encontre des adeptes du vaudou. Des représentants du gouvernement, y compris le Premier ministre, ont immédiatement répondu à ces inquiétudes et souligné que le nouvel amendement ne limiterait pas la liberté d’expression religieuse. Ils ont noté qu’un décret présidentiel de 2003, reconnaissant le vaudou à titre de pratique religieuse, restait en vigueur. En octobre et en novembre, des fonctionnaires de l’État ont rencontré à de nombreuses reprises des dirigeants et des praticiens vaudous afin d’atténuer des préoccupations persistantes. Il n’a été signalé aucun cas de discrimination contre la communauté vaudoue découlant de l’amendement constitutionnel adopté en mai.
Le Conseil national des musulmans d’Haïti indiquait que le ministère des Affaires étrangères et des Cultes continuait à ne pas le reconnaître. Certains dirigeants religieux musulmans affirmaient que le gouvernement était peu disposé à reconnaître l’islam comme religion. Le mariage religieux de musulmans, contrairement aux mariages religieux chrétiens, n’était pas reconnu par les autorités civiles, et les unions religieuses musulmanes n’étaient reconnues officiellement qu’en s’adressant à un tribunal civil. D’après le ministère des Affaires étrangères et des Cultes, les musulmans bénéficiaient déjà d’une certaine reconnaissance officielle du gouvernement. Le ministère des Affaires étrangères et des Cultes comprend trois sections distinctes chargées des questions administratives ayant trait aux catholiques, aux chrétiens non-catholiques et aux musulmans, et aux adeptes du vaudou.
De nombreux groupes humanitaires confessionnels, arrivés après le tremblement de terre de 2010, restaient en situation irrégulière. Bien qu’ils soient légalement tenus de s’enregistrer, de nombreux groupes chrétiens autonomes et adeptes du vaudou se livraient à leurs pratiques de manière informelle et n’avaient pas cherché à être officiellement reconnus. Il n’a pas été signalé de cas où un groupe religieux aurait été contraint de restreindre ses activités du fait de cette obligation.
Des groupes missionnaires organisés et des missionnaires affiliés à divers groupes religieux géraient des hôpitaux, des orphelinats, des écoles, des dispensaires financés par des fonds privés. Des missionnaires étrangers sont souvent entrés dans le pays comme touristes et ont présenté au ministère des Affaires étrangères et des Cultes les mêmes documents que les groupes religieux haïtiens. Les retards dans la délivrance de permis de résidence étaient principalement dûs à des problèmes administratifs.4
HAÏTI
International Religious Freedom Report for 2012 United States Department of State • Bureau of Democracy, Human Rights and Labor
Les autorités ont généralement permis aux prisonniers et aux détenus de pratiquer leur religion librement et de demander à voir un pasteur (protestant), un prêtre (catholique), un chef vaudou ou un religieux musulman. Si le droit des prisonniers et détenus de pratiquer leur religion est prévu par la loi, les autorités ne proposaient toutefois pas d’offices religieux réguliers dans les grands centres d’incarcération comme le Pénitencier national. Des offices religieux étaient animés par des bénévoles dans certaines prisons.
Il n’a pas été signalé d’actes d’antisémitisme.
Section III. Situation du respect de la liberté de religion par la société
Il n’a été signalé aucun cas de discrimination ou d’abus sociétaux en raison de l’affiliation, la croyance ou la pratique religieuses.
La religion jouait un rôle important dans la société. Si la société était généralement tolérante face à la multitude des pratiques religieuses, l’attitude des citoyens vis-à-vis du vaudou variait : certains l’acceptaient comme faisant partie de la culture haïtienne tandis que d’autres le rejetaient le jugeant incompatible avec le christianisme. La visibilité croissante de l’islam après le séisme de 2010 a élargi les perceptions locales concernant la diversité religieuse et démontré la nécessité d’un partenariat interconfessionnel plus soutenu afin de faire face aux défis du développement en Haïti. Des dirigeants religieux protestants ont signalé d’excellents rapports de travail avec l’Église catholique.
L’association Religions pour la paix et le Conseil interconfessionnel des chrétiens, des musulmans et des groupes vaudous ont mené une série de dialogues interconfessionnels de sensibilisation sur le choléra et l’importance linguistique du créole pour la promotion de la compréhension entre les religions.
Section IV. Politique du gouvernement des États-Unis
Des représentants de l’ambassade des États-Unis ont régulièrement rencontré des organisations non gouvernementales confessionnelles, des dirigeants religieux et des représentants du gouvernement pour recueillir leurs opinions sur la liberté de religion et sur le rôle de cette dernière dans la culture politique et le développement du pays.
HAÏTI (Liste de surveillance de Catégorie 2)
Haïti est un pays d’origine, de transit et de destination pour les hommes, les femmes et les enfants victimes de la traite des personnes à des fins de travail forcé et d’exploitation sexuelle. La majorité des cas de traite des personnes en Haïti concernent les quelque 150 000 à 500 000 enfants en servitude domestique chez des particuliers à travers tout le pays. En plus d’être soumis au travail forcé, ces enfants sont vulnérables à des châtiments corporels, des agressions sexuelles et d’autres sévices par des membres des familles chez qui ils habitent. Les enfants qui ont été renvoyés ou se sont échappés de situations de servitude domestique représentent une grande partie de l’importante population des enfants des rues qui finissent par être forcés de se prostituer, de mendier ou de commettre des crimes de rue par des gangs criminels de ce pays. Les enfants travaillant dans les secteurs de la construction et de l’agriculture sont également vulnérables au travail forcé. Les enfants vivant dans certaines maisons d’enfants privées et parrainées par des ONG aux responsables peu scrupuleux risquent aussi beaucoup d’être placés dans une situation de travail forcé. Des femmes et des enfants vivant dans des camps de personnes déplacées à l’intérieur de leur pays (PDIP) établis à la suite du tremblement de terre de 2010 risquaient davantage d’être victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé. Environ 1,5 million d’Haïtiens se sont réfugiés dans des camps après le séisme et quelque 357 785 y étaient toujours en mars 2013. Il y a aussi eu des cas documentés de femmes originaires de la République dominicaine obligées de se prostituer en Haïti. Des Haïtiens sont soumis au travail forcé en République dominicaine et dans d’autres pays des Caraïbes ainsi qu’aux États-Unis. Les personnes qui risquaient le plus d’être victimes de la traite étaient des Haïtiens sans papiers et ceux venant des milieux les plus défavorisés, surtout les femmes et les enfants. Selon un rapport du gouvernement haïtien, plus de 10 % des naissances de ce pays ne sont pas enregistrées.
Il y a eu des cas d’étrangers impliqués dans l’exploitation sexuelle commerciale d’enfants haïtiens, y compris des cas d’exploitation sexuelle et de maltraitance signalés par la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH). Il y a également eu des cas de tourisme sexuel impliquant des enfants ; en 2013, un Américain a été condamné aux États-Unis pour s’être rendu à l’étranger dans le but d’avoir des relations sexuelles avec des enfants et ce, dans un établissement d’accueil en Haïti qui logeait, nourrissait, habillait et scolarisait des enfants de ce pays.
Le gouvernement haïtien ne se conforme pas pleinement aux normes minimales pour l’élimination de la traite des personnes, mais il fait des efforts importants dans ce sens. En dépit de ces mesures, comme l’identification de certains enfants en servitude
domestique et la fourniture d’une aide à ceux-ci, le fait qu’il n’y ait toujours pas de loi interdisant toutes les formes de traite des êtres humains et imposant des peines sévères similaires à celles prescrites pour le viol, ainsi que le manque de dispositifs officiels de protection des victimes, sont demeurés de graves problèmes. Haïti est donc placé sur la liste de surveillance de Catégorie 2. Le gouvernement a pris certaines mesures pour attirer l’attention sur la traite des êtres humains pendant la période couverte par le présent rapport, mais le manque de moyens pour punir les trafiquants limite l’efficacité de ces mesures préventives. La création d’un groupe interministériel de lutte contre la traite des personnes et l’engagement exprimé par les officiels en faveur de l’adoption et de la mise en oeuvre d’une loi contre la traite des personnes pourraient
produire de meilleurs résultats à l’avenir.
Recommandations à l’intention d’Haïti : promulguer des lois qui interdisent la traite à des fins sexuelles et toutes les formes de travail forcé, y compris la servitude domestique, avec des peines qui seraient à la mesure de celles prescrites pour d’autres crimes graves, tels que le viol ; engager des enquêtes et des poursuites, et condamner les responsables des crimes de traite, y compris ceux qui maltraitent leurs domestiques ou livrent des enfants de moins de 18 ans à la prostitution, en utilisant les dispositions juridiques en vigueur ; adopter des lois ou des politiques pour garantir que les victimes ne soient pas punies pour des crimes commis en conséquence directe du fait qu’elles étaient des victimes de la traite et, en partenariat avec des ONG, adopter et employer des procédures officielles pour guider les responsables dans l’identification proactive des victimes et l’aiguillage des victimes mineures et adultes vers les centres d’accueil et les services appropriés.
Poursuites judiciaires
Le gouvernement n’a pas fait de progrès apparent dans la poursuite de trafiquants pendant la période couverte par le présent rapport, en grande partie parce qu’Haïti n’a aucune loi interdisant spécifiquement la traite des personnes. Pour un an de plus, le projet de loi sur la lutte contre la traite des personnes qui remonte à avant le tremblement de terre de 2010 est demeuré en attente au parlement. Il y avait plusieurs lois qui pourraient servir à poursuivre en justice les responsables de certains délits liés à la traite, comme la Loi de 2003 relative à l’interdiction et à l’élimination de toutes formes d’abus, de violences, de mauvais traitements ou de traitements inhumains contre les enfants, bien que les autorités n’aient signalé aucune poursuite ou condamnation de trafiquants en Haïti en vertu de cette loi ou de toute autre loi pendant la période couverte par le présent rapport. Le gouvernement haïtien a signalé avoir utilisé des lois contre le rapt, le viol, la prostitution et d’autres délits pour mener des enquêtes sur des trafiquants et ceux qui exploitent des victimes. Mais il n’a pas été signalé que ces enquêtes aient entraîné des condamnations. Certaines ONG et organisations internationales ont indiqué qu’il y avait peut-être eu des enquêtes et des
poursuites judiciaires concernant la traite des personnes, mais le gouvernement n’a pas pu vérifier ces informations. La Brigade de protection des mineurs (BPM), en dépit de ses ressources extrêmement limitées, a recensé 94 cas de traite des enfants et elle a arrêté et transféré au parquet 15 adultes, bien qu’il n’y ait pas d’informations indiquant que ces cas aient donné lieu à des procédures pénales – ce qui fait naître de graves préoccupations sur la répression de la traite des êtres humains en Haïti. L’absence d’une loi exhaustive sur la lutte contre la traite des personnes a également favorisé la confusion au sujet des différences entre les crimes de trafic illicite de migrants, de traite des personnes et d’adoption illégale au sein des composantes du gouvernement haïtien et de certains de ses donateurs internationaux. En plus de l’absence de loi solide, il y avait d’autres obstacles à la lutte contre la traite des personnes, y compris la corruption généralisée, le manque de réactions rapides aux cas présentant des caractéristiques de la traite, la lenteur de la procédure pénale et les budgets insuffisants des organismes gouvernementaux. Les autorités n’ont pas signalé d’enquêtes ou de poursuites à l’encontre de fonctionnaires pour complicité présumée dans des cas de délits liés à la traite des personnes pendant la période couverte par le présent rapport. La capacité du gouvernement de fournir aux officiels une formation spécialisée les sensibilisant à la traite, notamment une formation sur l’identification des victimes de la traite, l’assistance à leur apporter ou la réalisation d’enquêtes et de poursuites dans les cas de traite des personnes, était limitée.
Protection
Le gouvernement a fait des progrès limités pour protéger les victimes de la traite pendant la période couverte par le présent rapport. La majorité des services offerts aux victimes sont fournis par des ONG. Les ONG qui agissent en association avec le ministère des Affaires sociales et du Travail signalent également la majorité des cas à l’Institut du bien-être social et de recherches (IBESR), organisme de ce ministère qui établit les dossiers portant sur les cas de traite et les communique aux services de répression. Le gouvernement n’a pas suivi systématiquement les données sur l’identification des victimes de la traite. Mais la BPM a fait des progrès dans la collecte de données sur des cas de traite des personnes à quatre postes situés à la frontière avec la République dominicaine. De mai 2012 à janvier 2013, la BPM a enregistré 52 cas de traite à ces postes. L’IBESR a retiré un total de 95 enfants de situations de travail forcé en 2012 et a continué de fermer des maisons d’enfants dangereuses, en retirant 756 enfants d’environnements où ils couraient un grand risque d’être victimes de la traite des personnes. En tout, 656 de ces enfants ont été réinsérés dans leurs familles ou des familles d’accueil, tandis que 100 restaient dans des centres de transition de l’IBESR en attendant des possibilités de réinsertion durable. Le gouvernement n’a pas signalé avoir identifié ou aidé de façon proactive des adultes victimes de la traite à des fins de prostitution ou de travail forcé.
Le gouvernement n’a pas offert de services directs ou spécialisés aux victimes de la traite, mais il a orienté des victimes présumées vers des ONG financées par des donateurs qui les logent, les nourrissent et leur fournissent un soutien médical et psychosocial. Les ONG ont signalé avoir de bonnes relations de travail avec certains responsables gouvernementaux, et la direction de la BPM ainsi que celle de l’IBESR ont exprimé leur engagement à aider les enfants victimes de la traite pendant la période couverte par le présent rapport en dépit de ressources extrêmement limitées, qui ne permettent notamment pas d’avoir des moyens de transport pour enquêter sur les cas. À cause des limitations budgétaires, des officiels ont parfois utilisé leurs fonds personnels pour nourrir des enfants victimes de la traite. Le gouvernement n’avait pas de politique officielle de protection des victimes de la traite pour encourager ces victimes à aider à faire progresser les enquêtes et les poursuites judiciaires concernant les trafiquants ; il ne disposait pas non plus de dispositifs de protection juridique pour assurer que les victimes de la traite ne soient pas punies pour des crimes commis en conséquence directe du fait qu’elles étaient des victimes de la traite. Il n’y avait pas non plus de droit de résidence prévu pour les victimes étrangères qui risquaient de subir des représailles dans les pays vers lesquels elles seraient expulsées.
Prévention
Le gouvernement a fait des efforts pour empêcher la traite des personnes pendant la période couverte par le présent rapport, mais l’efficacité de ces efforts a été entravée par le manque de loi exhaustive criminalisant la traite des personnes. Au début 2013, le gouvernement a créé un groupe de travail interministériel sur la traite des personnes, présidé par le directeur des Affaires judiciaires du ministère des Affaires étrangères, afin de coordonner toutes les initiatives du pouvoir exécutif concernant la lutte contre la traite. En juin 2012, l’IBESR a établi un numéro d’appel gratuit sur la traite des personnes et mené une campagne de sensibilisation de la population au sujet de questions concernant la protection de l’enfance telles que le travail des enfants, la traite des enfants et les sévices sexuels à l’égard des enfants. Une organisation internationale a financé les premiers coûts de lancement de la ligne téléphonique d’assistance, mais l’IBESR s’est chargé des coûts d’exploitation et a employé 10 personnes pour administrer la ligne téléphonique d’assistance et la base de données sur la protection de l’enfance. Pendant la période couverte par le présent rapport, de hauts responsables de l’État ainsi que la BPM et
l’IBESR ont également fait des efforts pour informer le public au sujet de la traite des enfants et des sévices sexuels à l’égard des enfants. En décembre 2012, sans financement du gouvernement, les services haïtiens de protection de l’enfance ont organisé des tables rondes sur la servitude domestique des enfants à Port-au-Prince et dans les départements du Nord, de l’Artibonite, du Sud et du Sud-Est. Le gouvernement a créé une commission nationale pour l’élimination des pires formes de
travail des enfants, qui a animé deux ateliers, lancé une campagne de sensibilisation de la population sur le travail des enfants et attiré l’attention sur la journée nationale contre la maltraitance des restavèks. Les officiels haïtiens des services de protection de l’enfance ont fourni une aide importante à un gouvernement étranger pour mener des poursuites à l’encontre d’une personne accusée de tourisme sexuel qui avait soumis des enfants à des sévices en Haïti. Le gouvernement n’a pas pris de mesures apparentes pendant la période couverte par le présent rapport pour réduire la demande d’actes sexuels commerciaux.
RAPPORT 2012 SUR LES DROITS DE L’HOMME – HAÏTI
RÉSUMÉ ANALYTIQUE
Haïti est une république constitutionnelle à régime politique multipartite. Le second tour de scrutin des élections présidentielles a porté au pouvoir Michel Martelly, qui est entré en fonctions en mai 2011. Selon les observateurs internationaux, les élections présidentielles et parlementaires ont été, en règle générale, libres et équitables malgré quelques allégations de fraude et d’irrégularités. Le gouvernement n’a pas tenu les élections sénatoriales partielles et les élections locales prévues pour octobre 2011 puis reportées au mois de novembre 2012 en raison d’une impasse entre l’Exécutif et les pouvoirs législatif et judiciaire qui portait sur la procédure adéquate devant présider à l’établissement d’un Conseil électoral permanent. Les forces de sécurité étaient subordonnées aux autorités civiles et les autorités ont pris des mesures lorsque d’anciens éléments des forces armées et des partisans du rétablissement de l’armée ont tenté de subvertir l’autorité et le contrôle des autorités civiles.
Les plus graves obstacles aux droits de l’homme comprenaient une faiblesse de la gouvernance démocratique dans le pays, la quasi-absence de l’État de droit, exacerbée par un appareil judiciaire vulnérable à l’influence politique, enfin, une corruption chronique et grave dans tous les secteurs de l’administration publique.
Les principaux problèmes liés aux droits de l’homme comprenaient certaines exécutions sommaires et arbitraires commis par des responsables publics, un recours excessif à la force contre les suspects et les manifestants, le surpeuplement et les mauvaises conditions sanitaires dans les prisons, les détentions provisoires prolongées, un appareil judiciaire inefficace, irrégulier et inconstant, assujetti à une influence extérieure et personnelle considérable, le viol, d’autres actes de violence et de discrimination sociétale envers les femmes, la maltraitance des enfants, la marginalisation des communautés minoritaires sur le plan social, et la traite des personnes. Les allégations d’actes d’exploitation et de sévices sexuels commis par des membres de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) se sont poursuivies. La violence et la criminalité dans les camps, abritant environ 369 000 personnes déplacées à l’intérieur de leur pays (PDIP), sont demeurées un problème.
Bien que le gouvernement ait pris certaines mesures pour poursuivre en justice ou punir certains responsables publics et des forces de l’ordre ayant commis des abus, des rapports crédibles ont persisté, faisant état de responsables s’adonnant à des HAÏTI 2
Rapports 2012 sur les pratiques des pays en matière de droits de l’homme Département d’État des États-Unis – Bureau pour la démocratie, les droits de l’homme et le travail
actes de corruption en toute impunité. L’organisme judiciaire indépendant nouvellement créé a suspendu de ses fonctions un juge qui avait mis en liberté l’auteur d’un meurtre à fort retentissement.
Section 1. Respect de l’intégrité de la personne, y compris le droit de vivre à l’abri des atteintes suivantes :
a. Privation arbitraire ou illégale de la vie
Aucun meurtre à motivation politique n’a été signalé, mais l’on a signalé quelques cas isolés d’agents de police et d’autres responsables gouvernementaux qui auraient été impliqués dans des exécutions sommaires ou illégales. Seul un de ces incidents a débouché sur des arrestations ou des inculpations.
En février, le substitut juge de paix de Chantal (Département du Sud), Barthélémy Vaval, a tué par balles Marc Sony Dorestant, qui témoignait à une audition pénale présidée par le premier. Vaval a déclaré qu’il avait ouvert le feu lorsque Dorestant tentait de s’échapper de l’audition. Dorestant est décédé à l’hôpital tôt le lendemain matin. Aucune enquête n’a été ouverte dans cette affaire.
Le 17 avril, des agresseurs ont tué par balles Walky Calixte, un agent de la circulation de la Police nationale d’Haïti (PNH), alors qu’il quittait son domicile de Martissant. Le même jour, Calixte avait arrêté Mark Charles Jr., un membre d’une bande de délinquants et neveu et garde du corps de Rodriguez Séjour, alors député de Bel Air, car il soupçonnait ce dernier de possession illégale d’armes. Invoquant des pressions exercées par Séjour, le ministre de la Justice Michel Brunache a persuadé le commissaire du gouvernement de Port-au-Prince Jean Renal Senatus d’abandonner tout chef d’accusation contre Charles. Ce dernier et plusieurs complices auraient recherché Calixte à travers Port-au-Prince, raillant et menaçant des agents de la PNH sur leur chemin. Après l’avoir trouvé, le groupe aurait ouvert le feu sur Calixte et l’aurait tué. Les agents de la circulation de la PNH se sont mis en grève le lendemain, exigeant que les autorités traduisent en justice les meurtriers de Calixte. En réaction, les hauts responsables de la PNH ont promis de faire une enquête approfondie et, le 20 avril, ont fait une déclaration de presse demandant la pleine collaboration de Séjour. Aucune arrestation n’a été effectuée par la suite.
Le 18 avril, Mercidieu Valentin Calixte, représentant du Palais national et conseiller présidentiel, a tué Octanol Derissaint à Fond Parisien, une ville proche du poste frontalier séparant Haïti de la République dominicaine, à Malpasse, dans le sud du pays. Calixte, à la tête des opérations frontalières de Malpasse, avait HAÏTI 3
Rapports 2012 sur les pratiques des pays en matière de droits de l’homme Département d’État des États-Unis – Bureau pour la démocratie, les droits de l’homme et le travail
fermé ce poste plus tôt que d’habitude ce jour-là, ce qui avait suscité des tensions chez les commerçants haïtiens. Derissaint arrivait de son lieu de travail en République dominicaine au moment où un affrontement commençait. Les résidents de Fond Parisien ont remis en question les mesures arbitraires prises par Calixte et les échanges ont gagné en violence ; les témoins ont déclaré que Calixte a commencé ensuite à insulter les résidents. Au point culminant de l’affrontement, les résidents de Fond Parisien ont menacé de ne pas laisser Calixte regagner Port-au-Prince s’il continuait à les maltraiter et à leur manquer de respect. C’est alors qu’il a dégainé un revolver et tiré en l’air, ce qui a porté les résidents à se disperser rapidement. Plus tard cet après-midi, Calixte et au moins un agent de la PNH ont ouvert le feu dans un bar où un groupe s’était réuni pour parler des événements de la journée, infligeant ainsi à Derissaint des blessures mortelles. Un inspecteur divisionnaire de la PNH, Jean Garry Roc, qui était présent dans le bar, a déclaré qu’il avait dû se mettre à l’abri pour éviter d’être blessé. Derissaint est décédé tandis que Roc et quatre autres agents de la PNH le transportaient à l’hôpital le plus proche. Ce meurtre a provoqué une émeute et les résidents ont brûlé des pneus et dressé des barricades sur des routes nationales. En réaction, la PNH a appelé l’Unité départementale de maintien de l’ordre à rétablir le calme. Plus tard, les autorités ont arrêté Calixte et l’ont inculpé du meurtre de Derissaint. Après que Calixte a purgé une peine de sept mois en détention, au début du mois de novembre, le juge Fernaud Judes-Paul l’a relaxé sommairement, déclarant que les preuves étaient insuffisantes pour relier Calixte au meurtre de Derissaint. La libération de Calixte a déclenché de vives protestations au sein de la société civile et parmi les représentants de la communauté internationale, qui voyaient dans cet incident un exemple de la culture d’impunité. En réaction à la condamnation générale dont a fait l’objet cette libération, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) a suspendu le juge Judes-Paul en décembre.
Des agents de la PNH ont également été impliqués dans d’autres exécutions arbitraires de civils. Ainsi, début octobre, des résidents de Fort Liberté ont protesté contre une décision du gouvernement portant sur l’arrêt de la construction d’un port. À mesure que l’agitation des manifestants grandissait, la PNH a employé ses mesures habituelles anti-émeute, dont les tirs d’avertissement en l’air avec des balles réelles. Les médias de la zone ont rapporté qu’un participant a ainsi trouvé la mort et que trois autres ont été blessés. Les manifestants ont réagi à ces nouvelles en mettant le feu au commissariat de police local. Au mois d’octobre, aucun chef d’accusation n’avait été porté contre les auteurs des faits.
La loi exige que les autorités transmettent au Bureau de l’inspecteur général (BIG) toutes les affaires d’allégations de fautes professionnelles commises par la PNH et HAÏTI 4
Rapports 2012 sur les pratiques des pays en matière de droits de l’homme Département d’État des États-Unis – Bureau pour la démocratie, les droits de l’homme et le travail
passibles d’une peine pénale. Toutefois, en raison du manque d’enquêteurs et d’expertise, les autorités ont rarement enquêté ou clos des dossiers en temps opportun.
Un certain nombre d’affaires à fort retentissement, qui remontent à 2011, sont demeurées non résolues. Ainsi, le procès des cinq agents inculpés des coups et meurtres commis en mars 2011 contre les partisans de la candidate à la présidence Mirlande Manigat, Frantz Emmanuel Louis et Sterson Jordanaud Jeune, est demeuré dans l’impasse. L’affaire du commissaire de police Vanel Lacroix et de l’ancien commissaire du gouvernement de Port-au-Prince Harrycidas Auguste, inculpés d’avoir torturé et tué Serge Démosthène au commissariat de Pétionville en juin 2011, demeurait en cours.
b. Disparitions
Contrairement à l’année précédente, aucune disparition à motivation politique imputable à des agents du gouvernement n’a été signalée au cours de l’année. L’enlèvement à motivation politique, en 2011, de l’un des trois colleurs d’affiche travaillant pour la campagne présidentielle de Mirlande Manigat, est demeuré non résolu. Cet homme avait été vu pour la dernière fois lors d’une altercation qui l’aurait opposé à des agents de la PNH dans le camp du Champ-de-Mars près du Palais national. Les autorités ont trouvé les corps des deux autres colleurs d’affiches le lendemain.
Des agents de la PNH en service et d’anciens policiers ont été accusés de participation à des enlèvements. Au mois de décembre, la police avait fait état de 126 enlèvements par rapport à 159 en 2011. Les autorités internationales et nationales ont attribué cette baisse au professionnalisme accru au sein de l’unité anti-enlèvements de la PNH. En l’espace de deux mois, 10 opérations conjointes PNH/MINUSTAH ont donné lieu à 36 arrestations, dont celles de cinq membres de bandes criminelles impliqués dans des réseaux soupçonnés d’enlèvements.
En octobre, la PNH a arrêté Clifford Brandt, l’un des hommes d’affaires les plus influents du pays, dans le contexte de l’enlèvement de deux enfants adultes d’un homme d’affaires rival Robert Moscoso. L’arrestation de Brandt puis l’interrogatoire qui l’a suivi ont conduit à la communication de renseignements qui ont permis aux autorités de démanteler un réseau d’enlèvement basé à Port-au-Prince. Dans le cadre de cette affaire, les autorités de la PNH ont noté l’arrestation de quelques responsables du gouvernement, dont cinq agents de la PNH ; l’enquête se poursuivait encore en fin d’année. HAÏTI 5
Rapports 2012 sur les pratiques des pays en matière de droits de l’homme Département d’État des États-Unis – Bureau pour la démocratie, les droits de l’homme et le travail
c. Torture et autres châtiments ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
La loi interdit de telles pratiques mais des organisations non gouvernementales (ONG) et des organisations internationales ont indiqué que des responsables du gouvernement, précisément des membres de la PNH, ont parfois commis des actes de violence, battu des détenus et des suspects ou les ont soumis à d’autres sévices. Les prisonniers ont fait l’objet de traitements dégradants, principalement en raison du surpeuplement des locaux. En outre, il a été signalé que des gardes ont maltraité des prisonniers.
Selon le service de protection de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui recueille des données sur les programmes d’intervention visant la réduction de la violence sexiste et sexuelle (VSS) dans les camps de personnes déplacées et qui soutient ces programmes, de nombreuses personnes ont déclaré avoir été violées par des agents de la PNH, mais par crainte des représailles, les victimes n’ont pas déposé plainte auprès des autorités aux fins d’enquête et de poursuites judiciaires.
De nombreuses allégations ont été également formulées à l’encontre des soldats de la MINUSTAH impliqués dans des incidents de sévices et d’exploitation de nature sexuelle. En janvier, des soldats de la MINUSTAH basés à Limonade, dans le Département du Nord, auraient battu des élèves du Lycée Capois de cette ville. Toujours en janvier, deux membres de la MINUSTAH issus du contingent pakistanais déployé aux Gonaïves ont violé un garçon de 14 ans. En mars, les autorités ont traduit les auteurs devant le tribunal militaire, les ont condamnés à une peine d’emprisonnement d’une année et les ont rapatriés au Pakistan. En septembre, des procureurs uruguayens ont conclu à l’absence de preuves suffisantes pour poursuivre au pénal des matelots uruguayens impliqués dans l’agression sexuelle, enregistrée par vidéo en juillet 2011, d’un garçon de 18 ans, Johnny Jean. En lieu et place, ces procureurs ont décidé d’inculper les matelots de délits moins graves, soit la « violence en privé » et la « coercition », passibles de peines plus légères allant de trois mois à trois ans d’emprisonnement. En qualité de mission de maintien de la paix ayant reçu mandat de l’ONU, la MINUSTAH a officiellement une politique de tolérance zéro vis-à-vis des actes d’exploitation sexuelle. Au mois de décembre, le Groupe Déontologie et discipline de l’ONU, basé à New York, avait reçu 10 allégations d’actes d’exploitation et de sévices sexuels commis par des membres de la MINUSTAH. La commission a conclu à HAÏTI 6
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l’absence de fondement dans trois de ces cas et, en fin d’année, sept demeuraient en instance.
Conditions dans les prisons et les centres de détention
Les prisons et centres de détention à travers le pays demeuraient surpeuplés, mal entretenus et insalubres.
Conditions matérielles : Le surpeuplement était grave, surtout au Pénitencier national, dans la prison de Petit-Goâve et dans les prisons de Jérémie, des Cayes, de Port-de-Paix et de Hinche. Dans certaines prisons, les détenus dormaient à tour de rôle par manque d’espace. Certaines prisons ne disposaient pas de lits pour les prisonniers et certaines cellules ne recevaient pas la lumière du jour. Plusieurs prisons ne disposaient pas de services de base tels que toilettes, services médicaux, eau potable, électricité et cellules d’isolement sanitaire pour les patients contagieux. En général, les prisons utilisaient de l’eau de puits pour répondre aux besoins en eau de consommation et de lavage. Certains responsables d’établissements carcéraux traitaient l’eau potable au chlore à des fins d’assainissement mais en général, les prisonniers n’avaient pas accès à de l’eau potable traitée. Les observateurs de l’ONU ont indiqué qu’environ 70 % des prisonniers et détenus souffraient d’un manque d’hygiène élémentaire, de malnutrition, de soins de santé médiocres et de maladies d’origine hydrique. En raison des mauvaises conditions de sécurité et de l’état des lieux, certaines prisons ne permettaient pas aux prisonniers de sortir de leurs cellules pour faire de l’exercice.
Le système carcéral ne s’est pas remis du tremblement de terre de 2010 qui a endommagé ses principaux établissements à Carrefour, à Delmas, à l’Arcahaie et au Pénitencier national de Port-au-Prince. Au mois d’octobre, les autorités avaient repris moins de 750 des plus de 5 000 détenus qui s’étaient évadés à la faveur du tremblement de terre.
Selon la Direction de l’administration pénitentiaire (DAP), qui fait partie de la PNH, il y avait environ 9 400 prisonniers dans les établissements carcéraux du pays. Par rapport aux normes nationales, les établissements pénitentiaires fonctionnaient à 300 % de leur capacité mais des observateurs internationaux ont indiqué que le surpeuplement était considérablement pires au regard des normes internationales qui étaient plus exigeantes. La DAP a également estimé que de 2 000 à 3 000 prisonniers étaient détenus dans des centres de détention de fortune et à caractère officieux dans les postes de police de Petit-Goâve, de Miragoâne, des HAÏTI 7
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Gonaïves, de Port-au-Prince et d’autres localités. Les 400 prisonniers transférés des prisons de Gonaïves et de Petit-Goâve qui avaient été inondées en 2010 demeuraient dans leurs établissements temporaires. Les prisonniers détenus dans ces établissements étaient sous la surveillance directe de la PNH et non de la DAP. Les autorités locales détenaient les suspects dans des installations de fortune, parfois longtemps, sans les enregistrer auprès de la DAP.
Les autorités carcérales de Port-au-Prince ont maintenu des prisons séparées pour les hommes et les femmes adultes. Au sein de la MINUSTAH, le service consultatif sur les prisons a rapporté qu’au mois de décembre, 5 % des prisonniers étaient de sexe féminin, tandis que 3,4 % étaient des enfants. À Port-au-Prince, tous les garçons âgés de moins de 18 ans étaient censés être détenus dans la maison de redressement pour mineurs à Delmas 33, mais les autorités n’ont pas toujours été en mesure de vérifier l’âge de certains détenus en raison du mauvais état des infrastructures d’identification nationale et des ressources limitées disponibles pour la DAP et la PNH. C’est ainsi qu’un petit nombre de mineurs, que l’on croyait plus âgés et dont l’identité n’a pas pu être vérifiée par les autorités, étaient parfois détenus avec les adultes. Les autorités ont transféré la grande majorité de ces mineurs au centre de détention pour mineurs dans les deux mois qui ont suivi la vérification de leur âge. En dehors de Port-au-Prince, mineurs et adultes occupaient souvent la même cellule à cause du manque d’espace. Les autorités n’ont pas détenu les filles séparément des femmes dans la prison pour femmes de Pétionville mais les femmes reconnues coupables étaient détenues dans une cellule séparée des femmes en détention provisoire. En dehors de Port-au-Prince, et en raison du manque d’espace, de ressources et de contrôle, les autorités n’ont pas toujours séparé les prisonniers mineurs des adultes ou les prisonniers jugés et condamnés des détenus en attente de procès, comme le prévoit la loi.
Dans certaines prisons, l’incidence du VIH-sida, du paludisme et de la tuberculose résistante aux médicaments est demeurée un problème sérieux. La gale et le béribéri figuraient parmi les autres maladies courantes dans les prisons.
Les autorités carcérales manquaient cruellement de ressources et de capacités essentielles anti-émeute et de défense. L’accès à des aliments adéquats est demeuré problématique. La PNH a pour obligation contractuelle et fiscale de livrer de la nourriture aux prisons. En règle générale, les autorités carcérales servaient aux prisonniers un ou deux repas par jour constitués de bouillon garni de boulettes de farine et de pomme de terre, de riz et haricots secs ou de bouillie. Selon les normes médicales, aucun des repas servis régulièrement aux prisonniers ne fournissait un apport suffisant en calories. Par conséquent, les autorités ont permis aux HAÏTI 8
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prisonniers de se faire livrer régulièrement de la nourriture par leurs proches, une pratique répandue.
La PNH a également géré d’autres contrats de prestation de services aux prisons, notamment le traitement des eaux usées, et la plupart des prisons n’étaient pas équipées d’installations d’évacuation suffisantes pour leur population. Toutefois, étant donné qu’il n’existait qu’un seul bureau central à la PNH pour gérer tous les marchés pour la police, les gardes-côtes, les pompiers, les personnels des prisons et les prisonniers, les problèmes liés à l’évacuation des eaux usées ont souvent été négligés.
Administration : Les pouvoirs publics n’ont pas conservé des dossiers pénitentiaires adéquats. Toutefois, en 2009, le Programme des Nations Unies pour le développement et le gouvernement ont créé une base de données qui a commencé à suivre les mouvements des prisonniers. Aucune peine de substitution n’était prévue pour les délinquants non violents. La loi permet aux détenus de pratiquer leur propre religion en prison et de demander à voir un ministre protestant, un prêtre catholique ou un houngan (prêtre vodou). Dans les faits, la plupart des détenus n’ont bénéficié de services religieux qu’une ou deux fois par an. Les prisons ont assuré peu de services religieux réguliers et organisés, voire aucun, mais des membres d’organisations religieuses ont rendu visite aux prisonniers à l’occasion. Les autorités carcérales ont accueilli favorablement les services fournis par les ONG aux prisonniers, en particulier au Pénitencier national de Port-au-Prince. Les ONG ont fourni des soins médicaux en faible quantité.
Il n’existait pas de médiateur rattaché spécifiquement aux prisons pour traiter les plaintes. L’Office de la protection du citoyen et de la citoyenne (OPC) a vigoureusement défendu les droits des prisonniers et plaidé en faveur de meilleures conditions de détention, surtout pour les mineurs en détention préventive. Cet organisme a parrainé plusieurs petites séances de formation à travers le pays pour faire venir les juges dans les prisons afin qu’ils s’attachent à trancher les affaires de détention provisoire. Ces séances ont abouti à la mise en liberté de quelques dizaines de prisonniers.
Suivi : L’OPC a régulièrement rendu visite aux établissements carcéraux et pénitenciers dans les 18 juridictions que compte le pays et travaillé de près avec les ONG et les groupes de la société civile. La DAP a permis au Comité international de la Croix-Rouge (CICR), à la MINUSTAH, au Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), l’ONG locale renommée pour la défense des droits de l’homme, et à d’autres organisations de vérifier librement les conditions carcérales. HAÏTI 9
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Améliorations : Grâce à une aide internationale, le gouvernement a parrainé la construction de nouveaux établissements pénitentiaires à travers le pays. Ainsi, il a achevé de construire une nouvelle prison pouvant accueillir 750 détenus à Croix-des-Bouquets, qui est entrée en fonctionnement en novembre. Les travaux de rénovation ont continué dans les prisons du Cap-Haitien, de l’Arcahaie, de Delmas 33 à Port-au-Prince, de Petit-Goâve et de Fort-Liberté.
d. Arrestations ou détentions arbitraires
La loi interdit les arrestations ou détentions arbitraires, et la Constitution prévoit qu’une personne ne peut être arrêtée par les autorités que si elle est appréhendée au cours de la commission d’un crime ou sur la base d’un mandat délivré par un fonctionnaire compétent, comme un juge de paix ou un magistrat. Les autorités doivent traduire le détenu devant un juge dans les 48 heures qui suivent son arrestation. Dans les faits, les autorités ont rarement respecté ces dispositions et ont maintenu la plupart des prisonniers en détention provisoire.
Le bureau central et les 12 antennes régionales de l’OPC ont oeuvré à la défense de particuliers pour veiller à ce que les autorités policières et judiciaires respectent le droit aux garanties de procédures essentielles. Lorsque les autorités détenaient des personnes au-delà du maximum autorisé, soit 48 heures, il incombait alors à l’OPC d’intervenir en leur nom pour accélérer la procédure. L’OPC ne disposait pas des ressources nécessaires pour intervenir dans de nombreux cas de détention arbitraire.
Rôle de la police et de l’appareil de sécurité
La PNH est une institution civile autonome, agissant sous la seule autorité d’un directeur général et comprend la police, les services pénitentiaires, les pompiers, les secours d’urgence, la sécurité aéroportuaire, la sécurité portuaire et les gardes-côtes.
En décembre 2011, le président Martelly a établi une commission spéciale chargée de consulter les secteurs nationaux ainsi que la communauté internationale pour concevoir un modèle d’armée, dont éventuellement le rétablissement de la force militaire haïtienne. En mai, la commission a fait paraitre un rapport préliminaire présentant dans le détail les vastes ressources humaines et financières qui seraient nécessaires pour rétablir une force armée. Cette commission n’a ni formulé ni HAÏTI 10
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publié de conclusions additionnelles et son mandat a pris fin avec la création d’un ministère de la Défense.
En mars, le gouvernement a créé une commission spéciale chargée d’enquêter sur les activités de l’ancien groupe militaire dénommé Forces armées d’Haïti (FADH) et d’autres partisans du rétablissement de l’armée qui avaient commencé à occuper des installations publiques à l’abandon à travers le pays durant le mois de février. La commission a conclu que ces activités étaient illégales, a souligné la primauté de la PNH en matière de sécurité publique et émis un ultimatum appelant les groupes à se dissoudre au plus tard à la mi-mars. La faction pro-militaire a fait fi du délai, réclamé la création d’un haut commandement militaire au plus tard pour le début d’avril et perturbé une séance parlementaire vers la mi-avril. Le 18 mai, la PNH et la MINUSTAH ont lancé conjointement l’opération Sunrise, durant laquelle les autorités ont arrêté plusieurs centaines d’agitateurs, mettant fin effectivement au mouvement. Le nouveau ministère de la Défense a assumé la responsabilité de répondre aux préoccupations formulées par les retraités de la FADH.
Durant l’année, l’impunité caractérisant les abus qui auraient été commis par des agents de police est demeurée un problème. Officiellement, le ministère de la Justice et de la sécurité publique, par l’intermédiaire de son ministre et du secrétaire d’État à la sécurité publique, supervisent la PNH. Dans les faits, le ministre de la Justice a exercé une influence personnelle sur les opérations de la PNH. Au sein de la PNH, le BIG est chargé de mener des enquêtes intérieures sur des allégations de fautes professionnelles au sein de la police et de recommander des mesures administratives ou encore de renvoyer au commissaire du gouvernement les affaires portant sur des fautes professionnelles passibles d’une peine pénale au sein de la police. Ni le BIG ni le Parquet n’ont traité les affaires de manière régulière et effective. Le BIG comptait plus de 100 employés et plusieurs enquêteurs. Fin septembre, le directeur général de la PNH Godson Orelus a désigné l’intégralité du contingent constitué de six inspecteurs généraux.
Toujours fin septembre, ce dernier a informé le Conseil supérieur de la Police nationale qu’il était en train d’opérer des changements intéressant certains postes clés au sein de la direction de la PNH. Celui a donc nommé un nouveau chef d’état-major, un directeur de la police judiciaire (organisme d’investigation de la PNH) et un directeur de l’administration centrale (service d’achats de la PNH) ; il a également remplacé sept des 10 directeurs départementaux de la PNH. Les hauts responsables de la MINUSTAH ont noté que la PNH et la MINUSTAH n’avaient pas enquêté sur un grand nombre de ces nouveaux dirigeants de la PNH. Le plan HAÏTI 11
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de développement quinquennal de la PNH, adopté par le Conseil supérieur de la Police nationale le 31 août, prévoit une force de police intégrée dotée de services professionnels pour la protection des dignitaires et les postes frontaliers.
Malgré des efforts particuliers consentis pour attirer davantage de recrues de sexe féminin, les femmes constituaient 8 % de la force de police. Le service de la PNH consacré à la violence sexiste a continué de manquer de ressources. Ce service comptait deux bureaux satellites à Fort-National et Delmas 33 et, durant l’année, les responsables de service en poste à Fort-National ont travaillé dans des tentes. La MINUSTAH a dispensé une formation sur la violence sexiste aux membres de ce service et à plus de 500 agents de la PNH.
La section de la PNH chargée des enquêtes de sélection sur les candidats avant la remise des diplômes de l’académie de police était dotée d’un personnel et de ressources en quantité insuffisante et, entre 2011 et le second trimestre de l’année, les enquêtes sur les candidats ont été retardées. Lorsque les activités ont repris leur cours durant l’année, 138 agents n’ont pas réuni les conditions de sélection de la PNH et de la MINUSTAH, et leur licenciement immédiat a été recommandé. La commission mixte a déterminé que 79 de ces agents méritaient d’être renvoyés sur la foi des preuves réunies. Les autorités les ont congédiés début novembre.
Depuis 2004, MINUSTAH, constituée d’environ 10 000 militaires, policiers et civils, intervient dans le pays avec pour mission d’aider et conseiller les autorités gouvernementales sur des questions de sécurité. En octobre, le Conseil de sécurité des Nations Unies s’est prononcé en faveur d’une reconduction d’une année du mandat de la MINUSTAH tout en décidant de réduire le nombre de soldats de la mission et sa présence policière de 6 270 et de 2 601 hommes, respectivement, l’échéance étant le mois de juin 2013. En partie en raison de barrières linguistiques, la coordination entre la PNH et la MINUSTAH est demeurée médiocre. En effet, la mission est restée responsable des patrouilles dans les camps de déplacés mais sans pouvoir d’arrestation et avec un appui limité de la part de la PNH, elle a peiné à contrôler les actes de violence et la criminalité qui ont surgi à l’occasion (voir la section 2.d.).
Les gouvernements étrangers et d’autres entités ont continué de dispenser une grande diversité de cours de formation et d’autres modalités d’aide pour accroitre le professionnalisme de la PNH.
Procédures d’arrestation et traitement des personnes en détention HAÏTI
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La loi autorise les agents de police à arrêter un suspect pris en flagrant délit ou après l’acte commis, avec un mandat émis par un juge. Les rapports de la MINUSTAH ont confirmé des cas où la police avait appréhendé des personnes sans mandat ou avec un mandat mal établi. Les autorités ont fréquemment détenu des personnes au motif d’accusations imprécises. Les personnes arrêtées ont signalé des cas crédibles d’extorsion, de fausses accusations, de détention illégale, de violence physique de la part des personnels de la PNH et de refus, de la part des responsables judiciaires, des garanties de procédures essentielles. Le système judiciaire a rarement observé les dispositions constitutionnelles qui exigent qu’un détenu soit traduit devant un juge dans les 48 heures, et la détention provisoire prolongée est demeurée un grave problème. Parfois, les détenus passaient plusieurs années en prison avant de comparaître devant un juge.
Les autorités ont généralement permis aux détenus de voir leurs proches après leur arrestation. Bien que le droit à un avocat fût généralement reconnu, dans les faits, la plupart des détenus ne pouvaient s’offrir les services d’un avocat privé. Certains barreaux départementaux ont constitué des groupes d’aide juridique pour fournir des services de conseil aux indigents à titre gracieux, et des avocats d’ONG ont également fourni des services gratuits à ceux qui étaient trop pauvres pour s’offrir les services d’un avocat, mais le gouvernement n’a offert aucun programme d’envergure nationale pour régler ces problèmes. Le gouvernement n’administre pas un système de liberté sous caution fonctionnel.
Auparavant, les autorités détenaient certains particuliers – des criminels reconnus coupables et expulsés par des pays étrangers – dès leur arrivée, les accusaient d’activités criminelles puis les soumettaient à des actes d’extorsion commis par la police. Durant l’année cependant, de tels abus et actes d’extorsion ont considérablement diminué : ainsi, en fin d’année, les expulsés n’avaient rapporté aucune détention à leur arrivée au pays.
Détention provisoire : La détention provisoire prolongée est demeurée un problème grave. Les statistiques sur la population carcérale ne tenaient pas compte du grand nombre de personnes retenues dans les postes de police à travers le pays plus longtemps que la période maximale de détention initiale de 48 heures. Selon les estimations de la PNH, le nombre de personnes en détention provisoire était d’environ 6 200 sur une population carcérale de 9 400 personnes. Environ un tiers des 6 200 personnes étaient incarcérées depuis au moins un an. La plupart des détenus provisoires n’avaient jamais consulté un avocat, comparu devant un magistrat ou reçu le rôle des audiences. En octobre, le ministère de la Justice a lancé un programme pour accélérer l’instruction des dossiers d’environ 600 HAÏTI 13
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détenus provisoires à Port-au-Prince. À Ouanaminthe, l’OPC a pressé les autorités locales de respecter le droit aux garanties de procédures essentielles et à un procès rapide, ce qui a contribué à raccourcir les périodes de détention provisoire dans cette zone.
e. Déni de procès équitable et public
La loi prévoit un appareil judiciaire indépendant mais, dans les faits, les hauts responsables des pouvoirs exécutif et législatif ont considérablement influencé cet appareil. Les juges qui se sont vus confier des dossiers politiquement délicats se sont plaints de l’ingérence du pouvoir exécutif. Des rapports crédibles de corruption du système judiciaire étaient chose courante, comme dans l’affaire Calixte Valentin (voir la section 1.a.).
Certains problèmes omniprésents et constatés de longue date, principalement en raison d’un manque de surveillance et de professionnalisme dans l’appareil judiciaire, ont contribué à des retards considérables dans les affaires pénales. Par ailleurs, les lourdes pertes subies par le système judiciaire durant le séisme de 2010 ont retardé les poursuites engagées et refusé en effet à ceux qui avaient des affaires en cours le droit à un procès rapide.
Le code de procédure criminelle n’établit pas clairement l’entité qui est responsable de mener les enquêtes judiciaires au pénal et répartit cette charge entre la police, les juges de paix, les commissaires du gouvernement et les juges d’instruction. Par conséquent, les autorités ont souvent failli au devoir consistant à interroger les témoins, achever les enquêtes, compiler des dossiers complets ou procéder à des autopsies. La loi accorde aux magistrats un délai de deux mois pour demander aux enquêteurs des informations supplémentaires mais les autorités ne sont pas censées invoquer ce retard plus de deux fois dans une affaire quelconque. Souvent, les magistrats n’ont pas respecté cette condition et les enquêteurs ont souvent abandonné des dossiers ou ne les ont pas renvoyés dans la limite du délai précité. C’est ainsi que, dans les faits, le résultat a été une détention provisoire prolongée pour de nombreux détenus.
La corruption et le manque de surveillance dans l’appareil judiciaire ont également entravé son fonctionnement de manière considérable. De nombreux fonctionnaires ont imposé des « frais » divers pour lancer des actions au pénal, fondées sur leur opinion de ce que devrait coûter un service et, souvent, les juges et les commissaires du gouvernement ont ignoré ceux qui ne pouvaient pas payer. L’on a constaté un nombre considérable d’allégations dignes de foi relatives à des juges HAÏTI 14
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incompétents et peu professionnels qui ont été nommés comme faveurs politiques. Nombreux étaient les responsables judiciaires qui étaient simultanément employés à plein temps dans le civil, et il n’existait aucune loi sur les conflits d’intérêts pour empêcher cette pratique et ce, malgré le fait que la Constitution de 1987 interdise aux juges d’exercer tout autre type d’emploi à l’exception de l’enseignement. Dans le but de résoudre certains de ces problèmes, le président Martelly a nommé six juges à la Cour de cassation en février, dont un président, cette institution étant au complet pour la première fois de son histoire. En juillet, après avoir promulgué l’amendement constitutionnel, le président Martelly a établi le CSPJ pour surveiller de manière indépendante les nominations à l’appareil judiciaire, la discipline parmi les juges, les questions de déontologie et la gestion des ressources financières de cet appareil. Le CSPJ, prévu aux termes d’une loi de 2007, a connu des problèmes d’organisation ainsi que des obstacles de financement et de logistique durant les préparatifs qui ont abouti à son entrée en fonctions.
En septembre, le ministre de la Justice Jean Renel Sanon a congédié le commissaire de gouvernement Jean Renel Senatus. Ce dernier avait affirmé que Sanon et d’autres personnes proches du président Martelly avaient exercé des pressions à son endroit pour qu’il fasse avancer des actions en justice à motivation politique, ce qu’il s’est refusé de faire. Senatus a expliqué ces accusations dans le détail durant une audience devant une commission sénatoriale. Sanon a nié ces allégations et affirmé qu’il avait congédié Senatus pour insubordination et gestion financière impropre. En fin d’année, la commission poursuivait l’examen de l’affaire.
Procédures applicables au déroulement des procès
L’appareil judiciaire fonctionne d’après un système de droit civil, lui-même fondé sur le code Napoléon, qui est essentiellement le même depuis 1880. Dans les faits, les autorités ont largement ignoré certains droits garantis par la Constitution ayant trait au procès et aux garanties de procédures essentielles. Par ailleurs, la Constitution interdit expressément à la police et aux autorités judiciaires le droit d’interroger des suspects, sauf en présence d’un avocat ou d’un agent de leur choix, ou à moins que le suspect renonce à ce droit.
La Constitution garantit aux accusés la présomption d’innocence ainsi que le droit d’assister à leur procès, de confronter les témoins hostiles et de convoquer des témoins et présenter des preuves eux-mêmes. Dans les faits, les juges ont souvent refusé ces droits. La perception d’une impunité omniprésente a également dissuadé certains témoins de témoigner dans un procès. Les accusés et leurs avocats ont pu HAÏTI 15
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consulter les preuves détenues par le commissaire du gouvernement avant leur procès et les accusés avaient le droit d’interjeter appel. L’OPC a également défendu la cause des survivants de violence sexiste et offert une aide juridique gratuite à des particuliers.
Les tribunaux de paix, instances inférieures du système judiciaire, ont mal fonctionné. En raison du manque d’installations adéquates, plusieurs tribunaux siégeaient dans des résidences privées. Quant aux juges, ils siégeaient en fonction de leur disponibilité personnelle et, souvent, ils occupaient parallèlement des emplois à plein temps. Les personnels de police ont rarement maintenu l’ordre durant les procès et les chroniqueurs judiciaires étaient fréquemment absents. Souvent, ce sont les pots-de-vin qui ont constitué le facteur principal dans la décision prise par un juge d’entendre une affaire.
Dans de nombreuses communes, surtout en milieu rural, des membres élus des Conseils d’administration des sections communales (CASEC) ont supplanté les juges d’État et imposé des pouvoirs d’arrestation, de détention et de délivrance de décisions de justice. Certains CASEC ont converti leurs bureaux en salles d’audience. Le gouvernement a tenté de résoudre ce problème en augmentant le nombre de juges affectés à ces communes rurales. En fin d’année, on ne savait avec certitude combien de CASEC continuaient de fonctionner.
Prisonniers et détenus politiques
Il n’y a pas eu de rapports de prisonniers ou de personnes en détention pour des motifs politiques.
Procédures et recours judiciaires au civil
Les victimes de violations présumées des droits de l’homme étaient légalement habilitées à porter leur cause devant un juge pour faire cesser la violation. Les tribunaux étaient habilités à octroyer réparation dans le cas de plaintes pour abus des droits de l’homme déposées auprès d’instances civiles. Cependant, dans les faits, il était difficile de demander de telles réparations et leur octroi était rare.
f. Ingérence arbitraire dans la vie privée, la famille, le domicile ou la correspondance
La loi interdit de tels comportements mais le gouvernement n’a pas toujours respecté ces interdictions dans les faits. Plusieurs rapports ont signalé que les HAÏTI 16
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pouvoirs publics ont forcé des communautés de squatters à déloger. En particulier, des groupes de défense des droits de l’homme et des journalistes ont rapporté que les autorités policières ont usé de force excessive pour déloger des particuliers qui vivaient dans des quartiers que l’administration Martelly souhaitait utiliser à des fins de restauration écologique.
L’exemple le plus probant de ces délogements forcés est celui de particuliers vivant dans le Parc national La Visite à Marigot, une commune du Département du Sud-est. Des dizaines de familles s’étaient installées dans le parc à l’époque où le président d’alors, Jean-Claude Duvalier, avait cédé les terres à certains des squatters pour contenir toute expansion ultérieure. Tant l’administration Préval que l’administration Martelly ont tenté de mieux protéger les ressources écologiques du Parc La Visite en négociant le départ de ces familles. Les efforts consentis par l’administration Préval se sont soldés par un échec mais, au mois de mai, l’administration Martelly a entrepris une campagne de reboisement dans la région. Avant le lancement de ce programme, le maire de Marigot et le directeur technique pour la protection civile du département ont rencontré les 142 familles qui habitaient le parc et leur ont donné un délai de 18 jours pour vider les lieux. Au cours des mois qui ont suivi, des responsables du gouvernement ont essayé de négocier avec les familles habitant le parc en leur offrant 50 000 HTG (environ 1 250 dollars des États-Unis) pour quitter le Parc La Visite au plus tard à la mi-juin, ce que la plupart des familles ont refusé, arguant que la somme offerte était insuffisante pour couvrir tous leurs besoins de réinstallation. Le 23 juillet, des élus locaux, accompagnés d’environ 40 agents de police, sont arrivés et ont ordonné aux résidents du Parc La Visite de quitter leurs maisons immédiatement. En même temps, des agents de police ont commencé à démolir les maisons des habitants. Ces derniers ont vigoureusement protesté l’éviction forcée et lancé des pierres en direction des agents. En réaction, la PNH a ouvert le feu sur les manifestants et leurs biens, tuant quatre résidents et incendiant quatre maisons. Ensuite, les élus locaux ont accordé aux familles 150 000 HTG (3 750 dollars des États-Unis) pour couvrir les frais d’enterrement résultant de l’éviction forcée. Des groupes de défense des droits de l’homme ont critiqué le gouvernement Martelly pour avoir violé les droits à la vie et à la dignité des résidents du Parc La Visite, pour ne pas avoir effectué une enquête exhaustive sur l’affaire et pour ne pas avoir engagé la responsabilité des responsables du gouvernement pour leur participation.
Section 2. Respect des libertés individuelles, notamment :
a. Liberté d’expression et liberté de la presse HAÏTI
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La loi prévoit la liberté d’expression et la liberté de la presse ; le gouvernement et les élus ont généralement respecté ces droits dans les faits. Les médias indépendants ont été actifs et ont exprimé sans aucune restriction une grande variété d’opinions. Toutefois, certains incidents se sont produits durant lesquels des élus locaux ont harcelé ou menacé des journalistes et d’autres personnes qui critiquaient le gouvernement.
Liberté de la presse : Des journalistes et des ONG ont continué de critiquer l’administration Martelly pour le traitement réservé à la presse et accusé des responsables d’employer un langage péjoratif et menaçant ; le président a été cité plusieurs fois pour le langage vulgaire qu’il a employé pour répondre aux journalistes. Le président a accusé les journalistes d’un manque d’objectivité professionnelle. Durant l’année, plusieurs rapports ont fait état d’actes de harcèlement ou d’agression de journalistes commis par des agents de police en uniforme et d’autres responsables du gouvernement.
Violences et harcèlement : En septembre, les autorités ont arrêté trois journalistes, Natacha Bazelais, Jean Marc Abelard et Jeanty Augustin, qui travaillaient pour le quotidien
Le Nouvelliste
, tandis qu’ils filmaient et photographiaient les lieux d’un accident de circulation mortel survenu à Port-au-Prince. Ces trois journalistes ont refusé de remettre leur matériel de photographie et de vidéo aux agents de la PNH qui auraient voulu effacer les images. Un juge présent sur les lieux, Arnel Dimanche, est intervenu et a fait arrêter ces journalistes qui ont été ensuite amenés en prison. Peu après, des organisations de défense des droits de l’homme et des associations de journalistes ont publiquement accusé le gouvernement d’intimider les journalistes et d’essayer de restreindre la liberté de la presse ; les journalistes en question ont été relâchés par la suite.
En octobre, le procès de l’ancien maire de Thomonde (Bas-Plateau central) Jean Soverne Delva s’est ouvert. Celui-ci était accusé d’avoir caché et protégé un membre de ses effectifs de sécurité, Jean-Robert Vobe, qui avait atteint par balles et sérieusement blessé le journaliste Wendy Phèle à Thomonde en avril 2011.
Au cours des dernières années, plusieurs journalistes ont été tués par des agresseurs inconnus. En particulier, le meurtre de Jean Dominique commis en avril 2000 est demeuré non résolu ; il en est de même pour l’enlèvement et le meurtre, en juillet 2005, de Jacques Roche.
Censure ou contraintes imposées sur le fond : Certains journalistes ont pratiqué l’autocensure dans des articles portant sur le trafic de stupéfiants ou des allégations HAÏTI 18
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de corruption dans les milieux des affaires et de la politique, probablement en raison de représailles exercées auparavant contre les militants et les journalistes qui faisaient des reportages d’investigation.
Lois sur la diffamation/Sécurité nationale : Les journalistes se sont plaints d’une augmentation dans les actions pour diffamation intentées par le gouvernement contre la presse, ou pour des menaces de telles poursuites, en raison de la publication de déclarations sur des responsables de l’administration publique ou des personnalités privées dans le domaine public. La diffamation est passible de peines tant pénales que civiles. En février, la première dame Sofia Martelly a intenté une action en justice contre le quotidien
Haïti Liberté
pour diffamation, après que ce journal eut fait un reportage sur des affrontements entre la garde rapprochée du président Martelly et des étudiants de l’Université d’État d’Haïti. En avril, le directeur de la Télévision nationale d’Haïti, un organisme d’État, a intenté une action en diffamation contre deux des cinq journalistes licenciés pour manque de professionnalisme et fausses déclarations publiques à la radio qui étaient critiques à l’endroit de Michel Martelly, alors candidat à la présidence.
Liberté de l’usage de l’Internet
Le gouvernement n’a imposé aucune restriction à l’accès à l’Internet et aucun rapport crédible de surveillance, par les autorités, du courrier électronique ou de cybersalons sans surveillance judiciaire n’a été signalé. Selon les statistiques de l’Union internationale des télécommunications, environ 8,5 % de la population du pays avaient utilisé l’Internet en 2011.
Liberté de l’enseignement et manifestations culturelles
Le gouvernement n’a imposé aucune restriction sur la liberté de l’enseignement ou les manifestations culturelles.
b. Liberté de réunion et d’association pacifiques
Liberté de réunion
La loi prévoit la liberté de réunion et d’association et le gouvernement a généralement respecté ces droits dans les faits. Cependant, dans plusieurs cas, la police a recouru à la force pour imposer l’ordre durant des manifestations. Les citoyens doivent solliciter un permis en vue de manifester légalement. Parfois, des HAÏTI 19
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manifestations spontanées, à motivation politique, ont provoqué des réactions agressives de la part des forces de l’ordre.
Des groupes d’action civile ont continué d’organiser des manifestations spontanées devant des bureaux publics importants ou des voies à grande circulation. Ces groupes ont souvent érigé des barricades, parfois à l’aide de pneus et détritus enflammés ; à l’occasion, ils ont jeté des pierres et des bouteilles sur les automobilistes et les véhicules du gouvernement, de la PNH et de l’ONU.
En juillet, la police a tué quatre personnes qui protestaient contre des évictions au Parc La Visite. En septembre et en octobre, plusieurs groupes ont organisé des manifestations à travers le pays pour protester contre les politiques de sécurité de l’administration Martelly et ses réactions face à la hausse des prix alimentaires. Des milliers de personnes ont participé à des rassemblements aux Cayes et à Miragoâne dans le sud, au Cap-Haïtien dans le nord ainsi qu’à Port-au-Prince. Les forces de sécurité, dont des bataillons de la MINUSTAH, ont recouru à la force pour maintenir l’ordre mais n’ont pas essayé de prévenir ou de perturber les manifestations. Durant celles qui ont eu lieu au Cap-Haïtien, un agent de police a été blessé, un manifestant tué par balles et trois autres personnes ont été blessées. Les manifestations organisées quelques jours plus tard à Port-au-Prince se sont déroulées, pour la plupart, dans le calme. Au début, le gouvernement a essayé d’assimiler les manifestants à des mercenaires qui voulaient semer le trouble. Au fur et à mesure cependant, les responsables du gouvernement ont renoncé à cet argument, ont appelé au calme et à l’ordre et réaffirmé le droit de la population à se réunir de manière pacifique.
c. Liberté de religion
Veuillez consulter le rapport du Département d’État sur la liberté religieuse dans le monde à l’adresse suivante : http://www.state.gov/j/drl/irf/rpt.
d. Liberté de circulation, personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, protection des réfugiés et personnes apatrides
La loi prévoit la liberté de mouvement à l’intérieur du pays, celle de voyager à l’étranger, d’émigrer et d’être rapatrié. L’État a généralement respecté ces droits dans les faits. D’anciens criminels expulsés de l’étranger ont purgé une peine de 18 mois de prison avec sursis probatoire après leur arrivée et ont été contraints de se présenter chaque semaine au commissariat de police le plus proche. Toutefois, les autorités n’ont pas toujours donné suite à cette procédure d’inscription. À HAÏTI 20
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l’issue de cette période, les expulsés ont pu faire une demande de passeport en présentant une lettre adressée au ministère de l’Intérieur expliquant les circonstances de leur expulsion et un certificat attestant de l’achèvement de la période de probation. Les nouveaux passeports délivrés aux expulsés portent un sceau qui leur interdit de voyager vers le pays dont ils ont été expulsés.
En septembre, le gouvernement a imposé des interdictions de départ aux chefs d’entreprise dont le nom figurait sur une liste noire rendue publique, constituée de 66 entreprises et particuliers dont les comptes fiscaux, totalisant près de 360 millions HTG (9 millions de dollars des États-Unis), demeuraient impayés, certains remontant à 2006 selon cette liste. En particulier, les autorités ont confisqué le passeport d’un homme d’affaires influent, André Apaid, alors que celui-ci s’embarquait pour un vol à Port-au-Prince. L’homme d’affaires a opposé que ces mesures étaient arbitraires, qu’elles ne tenaient pas compte de nombreux contrevenants et déclaré que cette action pourrait avoir ciblé exclusivement des opposants politiques. Toutefois, dans les semaines qui ont suivi, il a payé ses impôts en retard.
Le gouvernement a coopéré avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et d’autres organisations humanitaires, dont l’OIM, pour apporter protection et assistance à des personnes déplacées à l’intérieur du pays, des réfugiés, des demandeurs d’asile, des apatrides et à d’autres groupes vulnérables de la population.
Personnes déplacées à l’intérieur de leur pays (PDIP)
Le gouvernement s’est efforcé de favoriser le retour de manière volontaire et en toute sécurité ou la réinstallation des personnes déplacées après le tremblement de terre mais a demandé de ses partenaires internationaux un appui considérable aux plans opérationnel et financier. Ces mesures ont contribué à la diminution significative du nombre de déplacés durant l’année. Toutefois, les camps de déplacés sont demeurés omniprésents à travers le pays ; une grande partie de ces camps, dont on estime le nombre à 541, se trouvaient dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince (précisément dans les communes de Croix-des-Bouquets, Delmas et Port-au-Prince). Les dernières estimations chiffrent à environ 369 000 le nombre de déplacés vivant dans des camps, ce qui porte effectivement le taux de réinstallation des déplacés à environ 28 % durant l’année. Les statistiques issues de la Matrice de suivi des déplacements élaborée par l’OIM indiquaient que, au mois d’août, la population générale de personnes déplacées en raison du tremblement de HAÏTI 21
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terre avait diminué de 76 % par rapport au pic des déplacements internes qui avait été calculé en juillet 2010.
Avec le concours de ses partenaires internationaux, l’administration Martelly a continué de mener un grand programme de réinstallation des déplacés dénommé projet 16/6, dont le but initial était de fermer six grands camps de déplacés occupant des terrains publics et de reconstruire 16 quartiers à Port-au-Prince, dont le Champ-de-Mars, quartier proche du Palais national qui avait été détruit. Le gouvernement et la communauté internationale ont contribué pour 30 millions de dollars des États-Unis au programme, qui a été administré par un nouveau service dénommé Unité de construction de logements et de bâtiments publics. Par le biais de ce programme, les familles qualifiées qui résidaient dans les camps de déplacés ont reçu une subvention de 20 000 HTG (500 dollars des États-Unis) pour faciliter leur réinstallation. En fin d’année, 11 000 familles résidant dans les camps de déplacés ont bénéficié de ce projet, qui a entièrement vidé 50 camps de déplacés très visibles et qui occupaient des terres de l’État à Port-au-Prince, dont 26 camps situés sur le Champ-de-Mars. Plusieurs ONG et partenaires internationaux ont mis en oeuvre des programmes de réinstallation similaires.
Selon le rapport de l’OIM paru en août, une grande partie de la population demeurant dans les camps n’avait pas les moyens de louer un logement ou de trouver d’autres solutions en cas d’urgence. Par ailleurs, la grande majorité des déplacés (81 %) n’était pas propriétaire avant le tremblement de terre. Bien que quelques grands camps de déplacés aient bénéficié de l’appui des ONG, de l’ONU et des forces de l’ordre haïtiennes, de nombreux autres camps n’étaient pas réglementés, disposaient de ressources considérablement limitées et étaient très faiblement pourvus en eau potable et services d’assainissement.
Par l’intermédiaire de la force de police de l’ONU (UNPOL), la MINUSTAH a renforcé ses effectifs dans les camps de déplacés et fourni des services de sécurité en permanence dans sept camps à forte incidence de violence sexiste. Toutefois, même dans les camps dotés d’une présence policière, les résidents et les observateurs internationaux ont signalé une faible protection réelle contre la criminalité urbaine. Certains habitants des quartiers proches des camps de déplacés ont attribué aux camps la hausse de la criminalité. Les membres de la MINUSTAH et d’UNPOL n’avaient pas mandat pour procéder à des arrestations et remplissaient généralement le rôle d’une force de dissuasion et non celui d’un organisme activement engagé dans la répression. Les arrangements internationaux régissant les activités de la MINUSTAH exigent la présence d’un agent de la PNH dans toute opération de répression, ce qui a effectivement empêché les agents de la HAÏTI 22
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MINUSTAH de prévenir la criminalité dans les camps de déplacés en l’absence de la PNH. Le personnel peu nombreux de la PNH a parfois empêché le fonctionnement réel de ce partenariat. Les travailleurs internationaux opérant dans les camps ont constaté que ni la PNH ni la MINUSTAH ne jouissait d’une bonne réputation parmi les déplacés. Les résidents du camp et les employés d’ONG ont indiqué que la plupart des patrouilles de police, tant d’UNPOL que de la PNH, ne surveillaient que les périmètres des camps et ne faisaient généralement pas de rondes après la tombée de la nuit.
Certaines personnes déplacées qui ont reçu de l’argent, des services ou une combinaison des deux pour quitter les camps ont effectivement réussi à partir mais d’autres personnes ont simplement gagné d’autres camps non réglementés. Durant l’année, on a signalé une augmentation du nombre de résidents de camps de déplacés qui ont été expulsés par la force. Selon des chiffres estimatifs de l’OIM parues en août, environ 147 camps abritant plus de 81 000 personnes étaient menacés d’éviction. Cette menace était plus grave pour les résidents de camps de déplacés situés sur des terres privées, par opposition aux terres de l’État, dont les propriétaires, qui voyaient dans les déplacés des squatters illégaux, ont violemment forcé les résidents à quitter les lieux (voir la section 6, Autres formes de violence ou discrimination sociétale).
Protection des réfugiés
Octroi de l’asile : La législation prévoit l’octroi du statut de réfugié ou de l’asile par l’intermédiaire des missions haïtiennes ou consulats à l’étranger. Cependant, dans les faits, aucune demande d’asile n’a été rapportée.
Personnes apatrides
Le système national d’enregistrement de l’état civil, en dysfonctionnement, n’a produit aucune estimation fiable sur le nombre de personnes apatrides. Les deux groupes les plus susceptibles d’être apatrides étaient les migrants haïtiens sans papiers qui n’avaient pu obtenir les leurs à l’étranger ainsi que les descendants de migrants haïtiens à l’étranger qui n’avaient peut-être pas acquis une autre nationalité à la naissance mais risquaient l’annulation de leur nationalité haïtienne pour avoir présumé acquérir cette autre nationalité. Les amendements constitutionnels publiés en juin comprenaient la levée de l’ancienne interdiction portant sur la double nationalité, qui a réduit le risque d’apatridie encouru antérieurement par les Haïtiens ayant la double nationalité. HAÏTI 23
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Le gouvernement de la République dominicaine a expulsé des milliers de personnes d’ascendance haïtienne vers Haïti. De nombreux expulsés étaient issus de familles vivant en République dominicaine depuis des générations et qui n’avaient jamais foulé le sol haïtien. L’Office national des migrations (ONM), qui relève du ministère des Affaires sociales et du travail (MAST), était responsable des questions d’expulsion vers le pays mais a manqué de ressources pour offrir d’autres prestations que les services essentiels. L’ONM a inscrit les expulsés, leur a parfois donné de la nourriture à leur arrivée et a contribué à leurs frais de transport pour qu’ils retournent chez eux. Les bailleurs de fonds internationaux et des ONG locales ont consenti des efforts pour suppléer aux capacités de l’ONM et ont assuré la plupart des services d’appui aux expulsés, dont les services d’urgence, les dépenses de transport additionnelles ainsi que les services d’avocat pour déposer des plaintes relatives à des abus des droits de l’homme ou la traite des personnes. À l’occasion, ces personnes ont reçu une petite allocation.
Section 3. Respect des droits politiques : le droit des citoyens de changer de gouvernement
La loi procure aux citoyens le droit de changer pacifiquement de gouvernement et, dans les faits, ceux-ci ont exercé ce droit lors d’élections au suffrage universel périodiques, libres et équitables.
Élections et participation politique
Élections récentes : Le pays a tenu deux scrutins pour les élections présidentielles et législatives du 28 novembre 2010 et du 20 mars 2011. Michel Martelly a remporté le deuxième tour de scrutin pour les élections présidentielles, durant lesquelles des incidents isolés de fraude, de listes électorales défectueuses, de bourrages d’urnes, d’intimidation et quelques actes de violence ont été constatés. Les observateurs internationaux et la société civile ont généralement indiqué que le second tour s’était déroulé dans un climat libre et équitable.
La Constitution prévoit qu’à la suite des élections locales et municipales, les élus locaux tiennent également une série d’élections au suffrage indirect pour désigner les fonctionnaires départementaux des organes de décentralisation, ainsi qu’un conseil interdépartemental qui conseille les autorités nationales et nomme les candidats au Conseil électoral permanent (CEP). La loi exige que les trois pouvoirs de l’État sélectionnent parmi ces candidats les neuf membres du Conseil. Ces élections au suffrage indirect n’ont pas eu lieu depuis la rédaction de la Constitution mais, après avoir promulgué une série d’amendements HAÏTI 24
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constitutionnels en mai, le président Martelly a engagé un nouveau processus visant la création d’un CEP, dans lequel chaque branche du gouvernement national, soit l’exécutif, le parlement et le pouvoir judiciaire, choisirait directement ses trois représentants au Conseil. De très nombreuses allégations d’ingérence de l’exécutif dans les nominations du pouvoir judiciaire au CEP ont surgi en juillet et immédiatement bloqué le processus de sélection au parlement. En octobre, le CSPJ a choisi trois nouveaux candidats au CEP mais leur situation demeurait incertaine parce que les personnes antérieurement sélectionnées refusaient de céder leur place. Après l’échec de nombreuses tentatives pour trouver un compromis politique, le pouvoir exécutif et le parlement ont décidé de constituer un comité de négociation en novembre qui serait chargé de régler les problèmes en suspens. Les discussions tenues dans ce contexte de négociation ont abouti à un accord entre l’exécutif et le parlement fin décembre, aux termes duquel les deux parties sont convenues de choisir leurs propres représentants au CEP début janvier, et se sont engagées également à aider le CSPJ à résoudre ses propres problèmes de nomination. C’est ainsi que les élections sénatoriales partielles et les élections locales, prévues pour 2011 puis reportées provisoirement à novembre 2012, ont été retardées.
Participation des femmes et des minorités : En mai, le président Martelly a promulgué une série d’amendements constitutionnels, dont un qui reconnaissait le principe de participation d’au moins 30 % de femmes dans la vie nationale et les institutions publiques. La loi électorale en vigueur prévoyait déjà des incitations financières considérables pour les partis politiques qui présentaient plusieurs femmes candidates. Toutefois, bien que cette loi soit en vigueur depuis 2008, aucun parti n’a réuni les critères donnant droit à ces incitations. Bien que le pays ait compté une femme président – et deux femmes candidates à cette fonction en 2010 –, en fin d’année, seules cinq femmes siégeaient à la Chambre des députés et aucune femme n’était présente au Sénat. Le cabinet ministériel, composé de 16 ministres, comptait sept femmes et les Secrétariats d’État, au nombre de 19, recensaient quatre titulaires de sexe féminin.
Section 4. Corruption et manque de transparence au sein du gouvernement
La loi sanctionne au pénal les actes de corruption dans la fonction publique. Cependant, dans les faits, la corruption était généralisée et endémique. Les autorités ont inculpé quelques hauts responsables et publié une liste de contribuables qui présentaient des arriérés. Bien que le gouvernement ait mis en oeuvre des réformes administratives et juridiques conçues pour accroître la responsabilisation, la corruption est restée omniprésente dans tous les pouvoirs HAÏTI 25
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publics et à tous les échelons du gouvernement. La Constitution prévoit que les hauts responsables et les parlementaires accusés de corruption dans la fonction publique soient poursuivis devant le Sénat, et non par le système judiciaire. Cependant, le Sénat n’a jamais intenté d’action à ce titre.
Des actes de corruption à la PNH ont été fréquemment signalés. Par exemple, les détenus aisés ont parfois obtenu des conditions carcérales favorables. La PNH a enquêté sur certaines allégations de fautes professionnelles commises par des policiers, ce qui a conduit à l’arrestation ou à la révocation d’un très petit nombre d’agents. Durant l’instruction de l’affaire d’enlèvement impliquant un membre de la famille Brandt (voir la section 1.b.), des groupes de la société civile aussi bien que des responsables du gouvernement ont commencé à réclamer des poursuites judiciaires contre les personnes impliquées dans cette affaire pour corruption.
L’Unité centrale de renseignements financiers est responsable de la lutte contre les délits financiers. Au mois de septembre, l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) du ministère de l’Économie et des finances avait mené plus de 1 000 opérations de saisie à travers le pays qui ont abouti au recouvrement de plus de 17,9 millions HTG (447 500 dollars des États-Unis). De même, l’ULCC a renvoyé 16 affaires de corruption au parquet de Port-au-Prince. Parmi ces affaires figurait celle d’Edrick Léandre, ancien directeur général de l’Office d’assurance véhicules contre tiers, arrêté par les autorités en août 2011 pour corruption et détournement de fonds publics. L’affaire était en instance à la fin de l’année. L’ULCC était largement considérée comme étant convenablement financée et jouissait d’une bonne réputation. Après avoir engagé des poursuites contre les contribuables en retard dans le milieu des affaires, l’ULCC a bénéficié d’un regain de confiance de la part de la société civile, et celle-ci a démontré une volonté accrue de collaborer avec les activités anti-corruption de cet organisme et à les soutenir.
La loi exige que tous les hauts responsables du gouvernement fassent une déclaration de patrimoine dans les 90 jours qui suivent leur entrée en fonctions ainsi que leur départ du gouvernement. Ces responsables doivent déclarer leurs biens ainsi que ceux de leurs parents proches, mais il n’existe aucune obligation de déclaration périodique, par exemple chaque année. L’ULCC est le service gouvernemental chargé de collecter et de vérifier ces rapports mais, au mois de décembre, aucune vérification n’avait été entreprise. La sanction prévue pour tout manquement au devoir de déclaration est la retenue de 30 % du salaire de la personne concernée. Dans les faits, peu de responsables concernés ont respecté cette obligation de déclaration et l’ULCC n’a pas fait usage de son pouvoir de sanction. Seuls de rares juges ont déposé de telles déclarations de patrimoine et HAÏTI 26
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aucun responsable des douanes ne l’a fait. Lorsque ces déclarations sont déposées, elles sont confidentielles et le public ne peut pas les consulter.
En juin, le président Martelly a promulgué un décret autorisant le gouvernement à s’approvisionner en biens et services en-deçà d’une certaine valeur par le biais d’appels d’offres à fournisseur exclusif et par soumissions fermées, ainsi que par des contrats sans soumissions d’offres. Les responsables du gouvernement ont déclaré que ces nouvelles mesures d’achats permettraient au pays d’accélérer les projets de reconstruction et les affaires courantes du gouvernement. Toutefois, certains observateurs, dont la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement, se sont inquiétés de l’éventualité que la nouvelle loi diminue la responsabilisation et la transparence au sein du gouvernement et qu’elle augmente également la corruption.
Peu avant sa démission en février, le Premier ministre Gary Conille a publié les résultats d’une vérification intérieure des comptes publics qui décrivait dans le détail des irrégularités dans les contrats de reconstruction d’urgence adjugés au lendemain du tremblement de terre par le Premier ministre d’alors Jean-Max Bellerive, soit entre 2010 et 2011. L’examen effectué par le Premier ministre Conille a révélé une relation existant entre Bellerive et le sénateur dominicain Félix Bautista, propriétaire exclusif ou majoritaire d’entreprises dominicaines qui étaient parties aux 41 contrats. En avril, des organes de presse ont commencé à publier des articles alléguant que le président Martelly avait reçu 2,5 millions de dollars des États-Unis en contributions pour sa campagne, en contrats sur des biens immobiliers et en paiements en espèces provenant du sénateur Bautista en contrepartie de ces contrats lucratifs. Le président a nié ces allégations mais, au début du mois de juillet, l’administration Martelly a annoncé qu’elle appliquerait les recommandations de la commission Conille et a annulé 39 des 41 contrats de reconstruction passés avec Bautista. Aucun des Haïtiens qui auraient été impliqués n’ont fait l’objet d’action en justice.
En janvier 2011, l’ex-président Jean-Claude Duvalier est rentré en Haïti et les autorités ont engagé des poursuites contre lui pour, entre autres, corruption, torture et meurtre. En janvier, Carves Jean, le juge d’instruction présidant à l’affaire, décidait que l’ancien président serait jugé uniquement pour des accusations de corruption résultant de son règne de 15 ans. Dans sa décision, le juge a noté l’absence de motifs légaux suffisants pour engager les poursuites pour violations des droits de l’homme et crimes contre l’humanité. Des organisations de la société civile, des victimes de torture sous Duvalier et des parties prenantes de la communauté internationale ont immédiatement condamné la décision, et des HAÏTI 27
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militants ont indiqué qu’ils demanderaient justice pour les crimes commis par Duvalier sur le plan des droits de l’homme auprès de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Le président Martelly a retiré ses premières déclarations selon lesquelles il était favorable à ce que Duvalier soit gracié. Dans cette affaire, les plaignants ont engagé une procédure en appel qui, en fin d’année, se poursuivait.
Aucune loi n’oblige le gouvernement à donner au public un accès aux informations détenues par les pouvoirs publics.
Section 5. Attitude du gouvernement face aux enquêtes internationales et non gouvernementales portant sur des violations présumées des droits de l’homme
Un certain nombre de groupes nationaux et internationaux de défense des droits de l’homme ont généralement fonctionné sans restriction gouvernementale ; ils ont mené leurs ’enquêtes et publié leurs conclusions sur des dossiers de droits de l’homme. Le gouvernement a coopéré avec les différentes missions d’observation des droits de l’homme et a généralement pris acte de leur opinion mais a divergé de celle-ci au sujet des moyens les plus adéquats pour régler les questions de droits de l’homme.
Certains rapports ont fait état d’efforts consentis par le gouvernement pour restreindre ou supprimer les critiques exprimées par les défenseurs des droits de l’homme. Certains groupes de défense des droits de l’homme, dont Amnesty International, ont critiqué le gouvernement Martelly pour avoir intimidé et harcelé des militants des droits de l’homme. En septembre, des avocats de défense des droits de l’homme ont allégués avoir reçu de nombreuses menaces de mort et que leurs résidences, bureaux et déplacements faisaient l’objet d’une surveillance. Ils ont déclaré qu’ils étaient menacés et harcelés en raison de leurs efforts visant à faire poursuivre en justice l’ancien président Duvalier pour des violations des droits de l’homme et pour avoir demandé une enquête sur d’éventuels détournements de fonds publics par la famille Martelly. Après avoir été renvoyé en septembre, le commissaire de gouvernement de Port-au-Prince, Jean Renel Senatus, a affirmé que le président du CEP et le conseiller présidentiel Josué Pierre-Louis l’avaient chargé d’arrêter trois avocats de défense des droits de l’homme, notant par ailleurs qu’une telle mesure plairait à la famille Martelly (voir la section 1.e.).
L’ONU et d’autres organismes internationaux : Le gouvernement a habilité les missions spéciales et autorisé la présence continue des organes des Nations Unies HAÏTI 28
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et d’autres organisations internationales comme le Comité international de la Croix-Rouge.
Organes publics de défense des droits de l’homme : En mai, le Premier ministre Lamothe a nommé Marie Carmelle Rose Anne Auguste, une femme qui a longtemps défendu les droits de l’homme, Ministre délégué auprès du Premier Ministre chargé des Droits de l’homme et de la lutte contre la pauvreté extrême, après avoir créé un nouveau portefeuille ministériel pour les droits de l’homme. La ministre déléguée conseille le Premier ministre sur les questions de politiques de défense des droits de l’homme et facilite la mise en oeuvre des programmes d’atténuation de la pauvreté. La création de ce nouveau ministère et la nomination de Marie Carmelle Rose Anne Auguste ont été favorablement accueillies par la majorité des ONG.
La Constitution prévoit un mandat de sept ans pour l’OPC, organe de médiation du gouvernement pour les droits de l’homme. Durant l’année, l’OPC, dirigé par Florence Elie, a participé plus activement aux enquêtes sur les allégations d’abus de droits de l’homme et a collaboré de près avec des organisations internationales. Les représentants régionaux de l’OPC ont mis en oeuvre les programmes d’aide de cet organisme à travers le pays. Des ONG consacrées à la défense des droits de l’homme basées à Ouanaminthe et d’autres organismes qui ont travaillé avec l’OPC ont constaté cependant que ses ressources financières et humaines limitées ont entravé les efforts de collaboration.
Ni l’OPC ni la ministre déléguée n’ont entrepris d’enquêtes sur les nombreuses allégations de corruption au sein du gouvernement.
Fin septembre, le gouvernement a organisé un atelier sur les droits de l’homme à l’intention de tous les acteurs concernés par cette question, des médias, de la société civile et des missions étrangères pour établir un plan de mise en oeuvre des recommandations formulées dans l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
Tant la Chambre des députés que le Sénat comptent une commission des droits de l’homme. En mai, le Sénat a approuvé un projet de loi, promulgué par le gouvernement en juillet, qui définit les attributions et responsabilités de l’OPC et établit son indépendance.
Section 6. Discrimination, abus sociétaux et traite des personnes HAÏTI
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La loi n’interdit pas précisément la discrimination fondée sur la race, le sexe, la langue, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ou encore la condition sociale, mais le préambule de la Constitution réitère expressément l’importance d’adhérer à la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui interdit toutes formes de discrimination. Toutefois, aucun mécanisme gouvernemental efficace n’administrait ni n’appliquait ces dispositions.
Condition féminine
Viol et violence domestique : La loi interdit le viol mais ne criminalise pas le viol conjugal. La peine minimale infligée en cas de viol est de 10 ans de travaux forcés, jusqu’à 15 ans sans sursis si le survivant était âgé de moins de 16 ans ou si l’auteur du viol était une personne investie d’autorité. En cas de viol collectif, la peine maximale devient les travaux forcés à perpétuité. En réalité, les peines étaient souvent moins lourdes et l’action en justice était rarement poursuivie en raison de l’absence de dénonciations et de suivi relatif aux déclarations des survivants. En fin d’année, la PNH a fait état de 546 allégations de viol, dont 360 ont été présentées par des mineures. S’agissant des 54 hommes reconnus coupables de viol durant la période 2010-2011, les juges ont rendu des jugements prévoyant des peines allant de huit mois à 15 ans ; un homme, prêtre de son état, a reçu une peine d’emprisonnement à vie. Le code pénal excuse un époux qui tue son épouse ou partenaire pris en flagrant délit d’adultère à son domicile. Cependant, une épouse qui tue son époux dans des circonstances similaires encourt des poursuites judiciaires.
Certaines ONG ont signalé une augmentation substantielle de l’incidence des viols, tandis qu’un rapport de l’ONU a révélé une incidence quasi quotidienne des actes de violence domestique et de viol. Au sein de la PNH, le service consacré à la violence sexiste disposait de peu de ressources pour enquêter sur les allégations de viol.
Le viol et d’autres formes de violence ont constitué un problème particulier dans les camps de déplacés aussi bien que dans les bidonvilles urbains à travers le pays. Dans ces camps, plusieurs facteurs ont contribué à la vulnérabilité accrue des femmes et mineurs : des portes de tentes peu solides, un mauvais éclairage, des familles démembrées, des voisins inconnus, l’anonymat relatif offert par des centaines de tentes, l’absence de forces de l’ordre efficaces, enfin la méconnaissance des services médicaux et économiques et de leur accessibilité. Les ONG et des partenaires internationaux ont mis en oeuvre des programmes pour aider les femmes et les enfants des camps de déplacés à rapporter les incidents de HAÏTI 30
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violence sexiste, dont le viol, les sévices sexuels, la violence familiale et le commerce du sexe, cela sans représailles. Par rapport à 2011, année durant laquelle des survivants ont rapporté 119 incidents de violence sexiste à l’OIM, au mois de juin, ils en avaient signalé 146 cas. L’on ne sait avec certitude si cette augmentation était attribuable à une hausse de la criminalité liée aux violences sexistes dans les camps ou à une multiplication des mécanismes de dénonciation pour les survivants d’actes de violence. Toutefois, l’OIM et d’autres partenaires internationaux ont convenu que la violence sexiste dans les camps de déplacés a continué d’être peu dénoncée. Les déplacés qui vivaient dans les camps Jean-Marie Vincent et du Champ-de-Mars ont affirmé que la menace de violences sexistes s’accroissait en raison de l’augmentation de tentes vides qui étaient souvent le théâtre de crimes sexistes. Les observateurs internationaux ont rapporté quelques cas où les agents de police étaient impliqués dans la criminalité sexiste dans les camps de déplacés mais la crainte de représailles de la part de la PNH a souvent empêché les survivants de demander réparation.
Les avocats représentant des survivants de viol ont déclaré que les autorités réagissaient d’une manière assez satisfaisante dans les cas de viol de mineurs car les dispositions juridiques sont claires et des mesures judiciaires en place pour gérer ces affaires, qui s’accompagnaient souvent de l’indignation des communautés locales. Toutefois, les autorités ont souvent abandonné les affaires ou cessé de les instruire lorsque l’auteur des faits était également un mineur ou lorsque le survivant était un adulte, en raison de l’absence de mécanismes juridiques ou administratifs précis pour les gérer. Selon les avocats, les autorités « mettaient souvent en liberté provisoire » les mineurs qui ont commis des viols pour les rendre à leurs parents.
Les avocats de défense des droits de l’homme ont déclaré que les barrières s’opposant à la dénonciation des viols demeuraient nombreuses et comprenaient l’opprobre, la crainte des représailles et le manque de confiance dans le système judiciaire et juridique. Ils ont également signalé de grandes disparités dans la disponibilité et la qualité des services médicaux à obtenir des hôpitaux qui traitaient les survivants de viols. De nombreux groupes dignes de confiance ont déclaré que les autorités légales posaient souvent des questions déplacées aux survivants, par exemple si le survivant était vierge avant l’incident et ce qu’il portait au moment du viol présumé, une pratique corroborée par le RNDDH. Parfois, les autorités ont conseillé aux survivants de ne pas engager de poursuites afin d’éviter une humiliation publique au moment du procès. Les survivants de viols et d’autres formes de violences sexuelles se sont heurtés à des obstacles de HAÏTI 31
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taille dans leur quête pour obtenir justice et pour bénéficier de services de protection, notamment les foyers d’accueil pour femmes.
La loi ne reconnait pas la violence domestique contre des adultes comme un délit à part entière. Des groupes de défense des droits des femmes et des droits de l’homme en général ont signalé que la violence domestique contre les femmes demeurait courante et peu dénoncée. La police a rarement arrêté les auteurs ou investigué les incidents, et les survivants ont parfois vécu d’autres épisodes de harcèlement et des représailles de leurs agresseurs, les contraignant parfois à se déplacer une seconde fois à l’intérieur des camps. Des juges ont souvent élargi des suspects arrêtés pour violence domestique et viol.
Harcèlement sexuel : La loi n’interdit pas précisément le harcèlement sexuel mais le code du travail stipule que les hommes et les femmes ont les mêmes droits et obligations. Des données concernant le harcèlement sexuel dans le milieu du travail n’étaient pas disponibles, malgré que des observateurs aient signalé que cette pratique était courante, surtout dans les usines. De tels événements n’étaient pas signalés en raison du taux élevé de chômage et du peu de confiance des survivants dans la capacité de protection du système judiciaire.
Droits génésiques : Les couples et les individus ont le droit de décider du nombre, de l’espacement et du moment de la naissance de leurs enfants et de disposer des informations et des moyens de le faire sans discrimination. Malgré des connaissances générales approfondies des méthodes contraceptives, les barrières sociales, culturelles et légales ont souvent empêché les femmes d’obtenir des informations supplémentaires sur les méthodes de planification familiale et de soins de santé génésique. Dans cette société largement conservatrice, la contraception moderne était découragée et la plupart des hommes n’en voulaient pas. Le manque de ressources adéquates en matière de planification familiale a continué de compromettre la protection des droits génésiques de la femme. Les jeunes femmes sexuellement actives considéraient qu’il était particulièrement difficile d’obtenir des services de planification familiale. Ainsi, les services publics de planification familiale, souvent situés à l’intérieur de centres de santé publique comme les hôpitaux, étaient généralement dépourvus de zones privées ou confidentielles réservées au dépistage.
Le Fonds des Nations Unies pour la population a signalé qu’en 2011, seuls 25 % des accouchements se sont déroulés dans des établissements de soins médicaux. La plupart des femmes emploient des « matrones », souvent des femmes expérimentées mais non formées, pour les aider à accoucher chez elles ou dans des HAÏTI 32
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établissements non médicaux. Les professionnels de la santé attribuaient cette pratique aux services de maternité de qualité irrégulière et médiocre dans les hôpitaux et les cliniques. Souvent, les femmes enceintes s’y rendaient pour une première visite et découvraient un établissement surchargé, avec un personnel non formé et des fournitures médicales insuffisantes. La plupart des femmes des provinces rurales décidaient d’accoucher à domicile, mais de nombreuses citadines qui pouvaient recourir à des services d’accouchement professionnels optaient elles aussi en faveur de l’accouchement à domicile. Très approximativement, à partir des calculs effectués par l’ONU, la Banque mondiale et des professionnels locaux de la santé sur les tendances sanitaires, le taux de mortalité maternelle se situerait entre 300 et 670 pour 100 000 naissances vivantes, malgré l’impossibilité de confirmer ce chiffre car les autorités n’ont pas réalisé d’enquête nationale depuis 2005. La convergence de lois sévères, de besoins en planification familiale non satisfaits, d’un taux de fécondité élevé, d’un manque de services médicaux, d’un manque de services d’urgence obstétrique et d’un grand nombre de grossesses non désirées ont contribué à un fort taux de mortalité maternelle.
Discrimination : Les femmes n’ont pas bénéficié du même statut social et économique que les hommes malgré les amendements constitutionnels qui reconnaissent le principe de participation d’au moins 30 % de femmes dans la vie nationale et, en particulier, les institutions publiques. Toutefois, la multiplication des activités de promotion entreprises par la société civile et l’administration Martelly a accru la sensibilisation autour du lien existant entre l’autonomisation des femmes et le développement national. Dans certaines couches sociales, la tradition a limité les rôles des femmes. La majorité des femmes en milieu rural’ demeuraient confinées aux occupations traditionnelles de l’agriculture, de la vente au marché et des travaux domestiques. En milieu urbain, les femmes démunies et chefs de famille avaient souvent peu de possibilités d’emploi ; elles travaillaient comme domestiques, vendeuses ou marchandes.
Les partenaires institutionnels internationaux et les ONG ont proposé des mécanismes d’accompagnement social à divers groupes, dont les femmes. La nouvelle ministre déléguée chargée des droits de l’homme et de la lutte contre la pauvreté extrême, Marie Carmelle Rose Anne Auguste, a aidé à renforcer des programmes sociaux conçus pour autonomiser les petits chefs d’entreprise et les mères célibataires en sus d’offrir des possibilités d’expression culturelle aux jeunes défavorisés et aux détenus. Les femmes demeuraient sous-représentées dans les postes de gestion ou de responsabilité au sein du gouvernement et dans le secteur privé, cependant le nombre de femmes qui occupaient ces postes était plus élevé que les années précédentes. HAÏTI 33
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Enfants
Enregistrement des naissances : La nationalité est transmise par les parents ; un seul parent, de l’un ou l’autre sexe, suffit pour transmettre la nationalité, qui peut être acquise également par une requête officielle adressée au ministère de l’Intérieur. Le gouvernement n’a pas enregistré toutes les naissances immédiatement et n’a pas tenu de statistiques sur le nombre de naissances non enregistrées chaque année. L’enregistrement des naissances est gratuit jusqu’à l’âge de deux ans, après quoi il peut s’avérer difficile et onéreux d’obtenir un acte de naissance, surtout dans les provinces. Les actes de naissance qui font la distinction entre la naissance d’un enfant « légitime » (né dans les liens du mariage) et la naissance d’un enfant « naturel » (né hors des liens du mariage) ont également découragé l’enregistrement des naissances chez certains parents, soucieux d’éviter de jeter l’opprobre sur leurs enfants. Toutefois, en avril, le Sénat a adopté une loi sur la paternité, la maternité et l’ascendance qui a mis fins à la discrimination juridique entre les enfants nés de parents mariés et ceux nés hors des liens du mariage. L’Organisation des États Américains (OEA) a également commencé à collaborer avec le ministère de la Justice durant l’année pour résoudre les problèmes d’enregistrement des naissances.
Les certificats de naissance sont requis par la loi pour ouvrir un compte en banque, demander un crédit, être admis à l’hôpital et voter. Cependant, les personnes dépourvues des certificats de naissance requis ont tout de même été admises aux urgences dans les hôpitaux ou dans les établissements d’enseignement sur cette base. Le tremblement de terre de 2010 a détruit de nombreux documents officiels. C’est la raison pour laquelle les Archives nationales ont recensé plus du triple des demandes de documents certifiés à la réouverture après le séisme, et l’Office d’identification nationale a continué de subir une rareté de ressources et d’être dépassé par les demandes.
Éducation : Malgré les dispositions constitutionnelles qui obligent le gouvernement à assurer une instruction primaire gratuite et obligatoire pour tous les enfants, ni l’éducation primaire ni l’éducation secondaire n’était obligatoire, gratuite et universelle. En octobre, le président Martelly a dévoilé un deuxième programme éducatif gratuit qui assurerait l’éducation primaire pour les enfants de familles pauvres sans tenir compte du niveau de scolarité antérieur des élèves. Cette condition a permis à environ 1,2 million d’enfants, soit quelque 200 000 enfants de plus que l’année scolaire précédente, de fréquenter l’école. Un sondage effectué en 2012 révèle que 84 % des enfants fréquentaient l’école primaire contre 52 % en HAÏTI 34
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2000. L’UNICEF et d’autres organismes internationaux ont versé plusieurs millions de dollars pour subventionner les frais de scolarisation. De nombreuses familles qui ne pouvaient pas faire admettre leurs enfants à l’école publique ont payé les frais de scolarité d’écoles privées qui, en général, n’étaient ni accréditées ni réglementées.
Maltraitance d’enfants : La loi interdit la violence familiale contre les mineurs. Au mois d’octobre, la Brigade de protection des mineurs (BPM) avait constaté 62 incidents de violence familiale contre des mineurs. Le gouvernement a continué de manquer de ressources suffisantes pour soutenir ou faire appliquer convenablement les mécanismes en place pour promouvoir les droits et le bien-être des enfants. Nonobstant cela, le gouvernement a progressé dans la décentralisation de la BPM et de l’Institut du bien-être social et de recherches (IBESR), ses deux principaux organismes de protection et de bien-être pour les enfants. Dès octobre, les deux bureaux étaient dotés de représentants dans chacun des 10 départements et intervenaient aux postes frontières. L’IBESR a commencé à collaborer avec les organisations communautaires locales pour promouvoir les droits de l’enfant à travers le territoire national. Par ailleurs, au mois de juin, le gouvernement a établi un numéro vert national pour les jeunes à risque.
Si l’on reconnait à travers le pays que les statistiques exactes sur les enfants travaillant dans des conditions de servitude à long terme (dénommés « restaveks ») n’existent pas, durant l’année, les autorités ont estimé qu’il y avait entre 250 000 et 500 000 enfants dans cette situation dans le pays, dont une majorité de filles. Les familles d’adoption ont souvent maltraité les restaveks (voir la section 7.c.). En novembre, l’IBESR, en collaboration avec l’UNICEF et de nombreuses ONG à vocation diverse, a lancé une campagne de sensibilisation officielle pour renforcer le dialogue de communauté sur les problèmes et les sévices associés au système des restaveks. La directrice de l’IBESR, Arielle Villedrouin, a constaté qu’avec une telle campagne de long terme, le gouvernement espérait changer l’acceptation culturelle du système des restaveks et atténuer les mauvais traitements infligés aux enfants.
Pour en savoir davantage, veuillez consulter le
rapport du Département d’État sur la traite des personnes à l’adresse suivante : http://www.state.gov/j/tip et le rapport du Département du Travail intitulé Conclusions sur les pires formes de travail des enfants
à l’adresse suivante : http://www.dol.gov/ilab/programs/ocft/tda.htm.
À Port-au-Prince, les milliers d’enfants des rues, dont la majorité était des garçons, comptaient parmi eux non seulement de nombreux enfants congédiés par leurs HAÏTI 35
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employeurs ou les familles qui les maltraitaient, ou encore qui s’étaient enfuis de ces lieux, mais aussi quelques enfants ayant perdu leurs parents ou leurs tuteurs au lendemain du séisme de 2010. Les ONG ont rapporté que les enfants des rues étaient exposés’ aux sévices sexuels ou d’autre nature, recevaient peu d’instruction, voire aucune, et étaient une proie aisée pour les trafiquants qui les recrutaient pour les exploiter.’ Il semble également que les bandes criminelles auraient recruté des mineurs pour leur faire commettre des actes illégaux. Le MAST a fourni quelque assistance, dont de la nourriture et un abri provisoire, aux enfants des rues.
L’IBESR est l’organe officiel responsable de la protection de l’enfance ; il est également chargé du suivi et de l’agrément de plus de 700 homes d’enfants. Durant l’année, en partenariat avec d’autres organismes gouvernementaux et acteurs internationaux oeuvrant par le biais du Groupe de travail pour les enfants vulnérables (constitué après le tremblement de terre de 2010), l’IBESR a déployé des efforts considérables pour élargir les mécanismes de protection des jeunes. L’institut a déployé de nombreux travailleurs et inspecteurs de première ligne pour regrouper les maisons d’enfants sous sa tutelle. Ces établissements ont été répartis par couleur, soit rouge, jaune ou vert, en fonction de leur degré de conformité avec les lois sur le bien-être de l’enfance. Dès octobre, l’Institut avait identifié 724 maisons, inscrit les 16 955 enfants qui s’y trouvaient et évalué 468 résidences.
Mariage des enfants : L’âge légal minimum pour contracter mariage est fixé à 18 ans. Une loi de 1982 a abrogé une disposition du code civil prévoyant que les filles pouvaient se marier à 15 ans. Aucune donnée n’était disponible au sujet des personnes de moins de 18 ans qui étaient mariées, mais cette coutume n’était pas répandue.
Exploitation sexuelle des enfants : L’âge minimum pour avoir des relations sexuelles consensuelles est de 18 ans. La loi interdit la corruption des jeunes de moins de 21 ans y compris par la prostitution, les contrevenants pouvant recevoir des peines allant de six mois à trois ans d’emprisonnement. Les carences constatées dans la dénonciation et l’investigation des allégations de viol ont contribué à des incertitudes sur les peines, le cas échéant, en cas de viol commis sur un mineur. La prostitution des enfants a été signalée dans les camps de déplacés et dans les rues. Le recrutement des enfants à des fins d’exploitation sexuelle, de pornographie et d’activités illicites était illégal mais l’ONU a signalé que des bandes armées de Port-au-Prince recrutaient des enfants âgés de 10 ans ou plus à ces fins. HAÏTI 36
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Enlèvements internationaux d’enfants : Le pays n’est pas partie à la Convention de la Haye de 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants. Pour en savoir plus, veuillez consulter les renseignements par pays à l’adresse suivante : http://travel.state.gov/abduction/country/country_3781.html.
Antisémitisme
La communauté juive s’élève à moins de 50 personnes et aucun acte antisémite n’a été signalé.
Traite des personnes
Voir le rapport du Département d’État sur la traite des personnes à l’adresse suivante : http://www.state.gov/j/tip.
Personnes handicapées
Le tremblement de terre de 2010 a considérablement augmenté le nombre de personnes handicapées et attiré l’attention de la communauté internationale sur la nécessité de renforcer le soutien aux mécanismes consacrés à ce groupe. Toutefois, en mai, le Premier ministre Lamothe a souligné l’inclusion des personnes handicapées parmi l’une des trois priorités de son gouvernement pour le secteur social. Le Bureau du Secrétaire d’État à l’intégration des personnes handicapées (BSEIPH) est l’organisme gouvernemental principalement chargé de prêter assistance aux personnes handicapées et de veiller à leur inclusion sur les plans social, civil et politique. Le gouvernement a pris des mesures significatives pour renforcer le cadre juridique prévu pour les personnes handicapées. En mai, le gouvernement a promulgué la Loi sur l’intégration des personnes handicapées, conçue pour confier au BSEIPH un mandat légal pour que celui-ci favorise l’adoption de politiques d’intégration réelle en faveur des personnes handicapées. La loi interdit toute discrimination dans les pratiques de l’emploi contre les personnes handicapées et exige que le gouvernement intègre ces personnes dans les services publics offerts par l’État. Elle impose par ailleurs un quota de 2 % de personnes handicapées parmi les employés des sociétés du secteur privé.
En raison d’une pauvreté chronique et généralisée, d’un manque de services publics et de débouchés éducatifs limités, les personnes handicapées sont restées défavorisées. De plus, elles ont connu un opprobre social considérable en raison de leur condition. En tant que groupe, les personnes atteintes de maladies mentales ou de troubles du développement ont été constamment marginalisées, négligées et HAÏTI 37
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maltraitées par la société. Malgré la rareté, à l’échelle nationale, des renseignements sur le nombre de personnes handicapées, l’on estimait à 10 % la part de la population vivant avec un handicap.
Le BSEIPH a dispensé de nombreuses séances de formation et organisé des ateliers à l’intention des responsables gouvernementaux souhaitant un rapprochement avec les groupes de personnes handicapées et a lancé des campagnes de sensibilisation du public pour changer les normes de la société qui associaient la faiblesse au handicap physique ou mental. Selon des statistiques du gouvernement, 64 organisations oeuvrant pour l’amélioration des conditions de vie des personnes handicapées ont reçu entre 25 000 et 500 000 HTG (entre 625 et 12 500 dollars des États-Unis) après la création de ce bureau à la fin 2011. Ce dernier a également fourni des subventions de frais de scolarité à 140 étudiants handicapés durant l’année scolaire, mais aucune donnée n’était disponible concernant la présence à l’école des enfants handicapés.
En avril, le BSEIPH, en partenariat avec l’Institut national supérieur de formation et de recherche pour ’l’éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés, a lancé une initiative visant la création d’un modèle éducatif national pour les enfants à besoins spéciaux, aux fins d’intégration dans le système d’éducation primaire du pays.
En septembre, le gouvernement a convoqué à un forum des affaires 40 grandes entreprises pour synchroniser les méthodes employées dans le secteur privé pour recruter des personnes handicapées. En octobre, l’OEA a animé une table ronde interministérielle pour rédiger et signer une déclaration publique exigeant des responsables ministériels qu’ils favorisent l’intégration des personnes handicapées au niveau du recrutement et des débats sur les politiques d’entreprise. Lors du forum du mois d’octobre, la ministre des Affaires sociales et du travail Josepha Gauthier a annoncé un projet de construction d’un centre pour les professionnels handicapés à Ganthier. L’OEA a également aidé le gouvernement à élaborer de nouveaux codes du bâtiment qui permettraient une accessibilité universelle.
Tandis que, durant l’année, le BSEIPH assumait peu à peu un rôle plus important de coordination, les ONG ont continué de fournir la plupart des services directs aux populations handicapées. L’accessibilité des soins médicaux de qualité (physiques et mentaux) pour les personnes handicapées a posé un problème considérable à ces dernières. Par ailleurs, les hôpitaux et les cliniques de Port-au-Prince ne disposaient pas de suffisamment d’espace, de ressources humaines ou de fonds publics pour traiter ces personnes. Lorsqu’effectivement les installations de HAÏTI 38
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traitement et de rééducation étaient en place, les conditions qui y régnaient étaient en deçà des normes internationales.
Abus sociétaux, discrimination et actes de violence basés sur l’orientation et l’identité sexuelles
Aucun rapport confirmé n’a fait état de discrimination officielle contre la communauté des lesbiennes, homosexuels, bisexuels et transgenres (LGBT) mais des ONG locales ont signalé que des personnes y appartenant ont fait l’objet d’une discrimination sociétale répandue, y compris l’opprobre social, les actes de violence physique les ciblant particulièrement, les agressions sexuelles et l’insécurité dans l’emploi. Des ONG ont également signalé que ces personnes n’ont’ pas rapporté de violations de leurs droits fondamentaux par crainte de représailles. Les membres de la communauté LGBT s’exposent à une discrimination ouverte de la part des autorités policières et judiciaires, particulièrement à Port-au-Prince.
Serovie et Kouraj, des groupes de défense des LGBT, ont offert des services de vulgarisation, d’accompagnement psycho-social, de soutien et parfois des services juridiques au nom de cette communauté. Aucune loi ne pénalisait les rapports sexuels consentis entre deux personnes du même sexe mais la direction de Serovie a indiqué que ses membres s’exposaient à un harcèlement quotidien et à un ciblage’ fréquent des autorités policières pour des violations des lois sur l’outrage public. Ce groupe rapporte que les homosexuels se heurtaient à un climat de discrimination et parfois à un rejet violent de la part du reste de la société. Des groupes comme Serovie et Kouraj ont pris des mesures concrètes pour bâtir un réseau d’appui et poursuivre leurs efforts pour atteindre un échantillon plus divers de la communauté LGBT. L’IBESR a soutenu quelque peu la communauté LGBT et particulièrement les lesbiennes.
Les membres de la communauté LGBT dans les provinces rurales ont signalé un comportement beaucoup plus tolérant et accueillant que dans les centres urbains comme Port-au-Prince. Ainsi, on aurait fait montre de tolérance vis-à-vis de la cohabitation de couples homosexuels. De même, la tradition ancienne d’acceptation de styles de vie différents a permis à certains hommes de se vêtir et de vivre ouvertement sous une apparence féminine.
Autres formes de violence ou discrimination sociétale HAÏTI
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Plusieurs rapports ont signalé que les pouvoirs publics et des particuliers ont forcé des communautés de squatters à déloger. En particulier, des groupes de défense des droits de l’homme et des journalistes ont rapporté que les autorités policières ont recouru à une force excessive pour déloger des particuliers qui vivaient dans des quartiers que l’administration Martelly souhaitait exploiter à des fins de restauration écologique (voir la section 1.f.).
Les représailles engagées par des justiciers demeuraient chose commune, surtout dans les régions rurales où l’appui des forces de l’ordre et des autorités judiciaires était sérieusement limité, voire inexistant. Selon des rapports de la MINUSTAH, le lynchage est demeuré une pratique fréquente et ses répercussions étaient rares ou impunies par la loi, surtout dans des zones rurales en dehors de la capitale. La PNH a rapporté 106 cas de lynchages par rapport à 113 en 2011. La population a souvent agi en représailles contre les agents de police, surtout après des incidents durant lesquels des agents avaient utilisé leur arme pour tirer sur des suspects.
Bien qu’atténuée par rapport aux années précédentes, une discrimination sociétale a été enregistrée contre des personnes vivant avec le VIH-sida et qui étaient souvent assimilées à la communauté LGBT. Chaque année au mois de décembre, une parade de sensibilisation au VIH a lieu, que beaucoup associent par erreur à la communauté LGBT.
Section 7. Droits des travailleurs
a. Liberté ’d’association et droit à la négociation collective
La loi autorise certains travailleurs, à l’exception des fonctionnaires du secteur public, de former des syndicats de leur choix, d’y adhérer et de faire grève (sous certaines conditions). Bien que la loi autorise la négociation collective, elle n’exige pas que les employeurs rencontrent les syndicats ou négocient avec eux.
Elle impose plusieurs restrictions aux droits des travailleurs. Ainsi, tout syndicat doit obtenir une autorisation préalable auprès des autorités nationales pour être reconnu. La loi limite les grèves légales à celles correspondant aux quatre catégories ci-après : les travailleurs en grève restant à leur poste, la grève sans abandon de l’établissement ; le débrayage et l’abandon de l’établissement ; la grève déclenchée en solidarité avec une autre grève. Les travailleurs des services d’utilité publique et les employés de sociétés du secteur public ne sont pas autorisés à faire la grève. Par service d’utilité publique, le code du travail entend celui qui est assuré par les travailleurs qui « ne peuvent suspendre leurs activités HAÏTI 40
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sans causer des dommages graves […] à la santé des individus et à la sécurité publique». Un préavis de 48 heures est exigé pour toutes les grèves, dont la durée ne peut dépasser une journée.
La loi interdit aux employeurs de licencier des travailleurs en raison d’activités syndicales, et ces employeurs encourent une amende pour chaque violation individuelle. Toutefois, bien que les travailleurs congédiés illégalement aient le droit de percevoir toute indemnité leur étant due, la loi ne précise pas que les employeurs sont tenus de rétablir à leur poste les travailleurs congédiés illégalement pour activités syndicales. La loi, qui ne concerne pas les travailleurs indépendants ou les travailleurs du secteur de l’économie informelle, ne protège pas dans les faits la grande majorité des travailleurs du pays, dont les ouvriers agricoles, les fonctionnaires, les mineurs et les employés domestiques.
Le gouvernement a consenti des efforts timides pour faire appliquer les lois du travail. Les responsables du gouvernement, les syndicats et les entités affiliées dans les usines ont également développé leur dialogue. Les tribunaux du travail, qui fonctionnent sous la direction du MAST, sont chargés de trancher les affaires de conflit du travail dans le secteur privé. Port-au-Prince ne comptait qu’un tribunal du travail. Dans les provinces, les plaignants avaient l’option légale de recourir aux tribunaux municipaux pour trancher des différends professionnels. Les tribunaux étaient faibles et inefficaces, et le gouvernement n’a pas fait appliquer les jugements rendus. De plus, le MAST a offert des services de médiation aux travailleurs et aux employeurs à Port-au-Prince et à Ouanaminthe, lesquels services sont exigés par la loi avant que toute plainte soit déposée auprès du tribunal de travail. En raison des faibles capacités de l’appareil judiciaire, les services de médiation du MAST étaient souvent la seule voie de recours officiel pour les travailleurs qui se sentaient lésés. Toutefois, à Port-au-Prince, où il existe un tribunal du travail, la médiation du MAST pouvait constituer une étape supplémentaire, qui occasionnait une prolongation inutile du processus de règlement du différend et ce, au détriment de l’employé.
La sanction prévue par la loi pour toute ingérence dans les activités syndicales va de 1 000 à 3 000 HTG (de 25 à 75 dollars des États-Unis). Les amendes énumérées dans le code du travail de 1984 n’étaient pas assez élevées pour dissuader toute infraction et, souvent, les autorités ne les ont pas imposées ou recouvrées.
Dans les faits, les travailleurs se sont heurtés à un certain nombre de difficultés dans l’exercice de la liberté d’association. Ainsi, de nombreux syndicats ’n’étaient pas des organisations indépendantes mais en réalité des antennes de partis HAÏTI 41
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politiques. Durant l’année, le MAST a agréé trois nouveaux syndicats et les usines de textile de Port-au-Prince ont établi cinq nouvelles entités affiliées. Cependant, les taux élevés de chômage et l’anti-syndicalisme de certains ouvriers d’usine et de la plupart des employeurs ont limité le succès des efforts de syndicalisation.
Dans les faits, les travailleurs ont exercé leur droit de grève. En particulier, une grève a été déclarée le lendemain de l’entrée en vigueur de la loi sur le salaire minimal adoptée en octobre, durant laquelle les travailleurs ont protesté contre le salaire qui leur était versé par pièce. Malgré l’interdiction de grève frappant le secteur public, plusieurs manifestations ont été organisées durant l’année, en particulier celles des enseignants.
En général, les employeurs ont fixé les salaires de manière unilatérale et n’ont pas engagé de négociations collectives. La discrimination contre les syndicats était fréquente. Dans l’industrie de la confection, par exemple, les travailleurs ont fait état de suspensions, de licenciements et d’autres représailles provenant des employeurs au motif d’activités syndicales légitimes, d’appartenance à ces organismes, d’action collective et d’autres activités associatives. Ainsi, en fin d’année, une usine de confection n’avait pas proposé de rétablir en fonctions la plupart des 54 travailleurs congédiés en novembre 2011 après qu’ils aient commencé à organiser un groupe pour discuter et régler les modalités et conditions de leur emploi, et qu’ils eurent exprimé également de manière collective leurs préoccupations au sujet de ces modalités et conditions à la direction.
Certains rapports ont également fait état de listes noires et de ciblage, aux fins de licenciement, de certains travailleurs qui étaient les plus actifs en qualité de dirigeants et d’organisateurs d’activités syndicales qui faisaient l’objet de protection. Ainsi, au mois de décembre, une autre usine de confection n’avait rétabli en fonctions aucun des 146 travailleurs qu’elle avait licenciés pour avoir participé à une grève en mai 2011. La direction a placé les travailleurs licenciés sur une « liste noire » et a distribué celle-ci à de nombreuses usines afin d’empêcher ou d’entraver tout engagement ultérieur de ces travailleurs dans d’autres usines. La direction a déclaré qu’elle avait congédié certains travailleurs pour avoir commis des actes de violence et de destruction durant le lock-out mais n’a fourni aucune preuve d’un tel comportement.
Le rapport paru en octobre du programme Better Work de l’Organisation internationale du Travail (OIT) a constaté des rapports d’ingérence par les employeurs dans les activités syndicales du secteur de la confection, qui HAÏTI 42
Rapports 2012 sur les pratiques des pays en matière de droits de l’homme Département d’État des États-Unis – Bureau pour la démocratie, les droits de l’homme et le travail
décrivaient que des membres de la direction avaient assisté à une réunion du syndicat et avait fait subir aux syndiqués des actes de discrimination.
b. Interdiction du travail forcé ou obligatoire
La loi interdit toute forme de travail forcé ou obligatoire mais, dans les faits, le gouvernement n’a pas fait appliquer la loi. Le MAST a affecté des ressources policières au sauvetage de quelques enfants victimes de traite. Le MAST et la commission tripartite HOPE ont consenti des efforts pour résoudre les problèmes d’intimidation et d’abus commis par les employeurs dans le secteur de la confection et travaillé avec les propriétaires d’usines pour assurer que les heures travaillées étaient en conformité avec le code du travail.
Des rapports ont fait état de travail forcé ou obligatoire, notamment les travaux forcés chez les enfants domestiques ou restaveks. Dans le secteur de la confection, des rapports ont signalé plusieurs pratiques qui, collectivement, étaient non conformes aux normes internationales sur le travail forcé, dont les comportements ci-après : exiger des travailleurs des heures supplémentaires dépassant la limite légale ; menacer les travailleurs de licenciement ou de suspension en cas de refus ; empêcher physiquement aux travailleurs de quitter librement le lieu de travail, dont au moyen de gardes postés aux sorties et du verrouillage des barrières pour empêcher aux travailleurs de quitter l’usine sans l’aide des gardes, et refuser fréquemment le laissez-passer nécessaire pour quitter l’usine. En fin d’année, la direction aurait commencé à prendre plusieurs mesures correctrices.
Veuillez consulter également le
rapport du Département d’État sur la traite des personnes à l’adresse suivante
: http://www.state.gov/j/tip.
c. Interdiction du travail des enfants et âge minimum requis pour travailler
L’âge minimum requis pour être employé dans les entreprises industrielles, agricoles ou commerciales est fixé à 15 ans. L’âge minimum d’apprentissage est de 14 ans. La loi interdit aux jeunes et aux enfants d’effectuer des travaux susceptibles d’être dangereux, qui perturbent leur éducation ou nuisent à leur santé et leur développement physique, mental, spirituel, moral ou social ; elle interdit par ailleurs l’utilisation d’enfants pour commettre des activités criminelles. La loi interdit également aux mineurs de travailler dans des conditions dangereuses ou périlleuses comme le travail dans les mines, le secteur du bâtiment ou les services d’assainissement ; elle interdit aux mineurs âgés de moins de 18 ans le travail de nuit dans les entreprises industrielles. HAÏTI 43
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Il n’existe pas d’âge minimum pour travailler comme domestique, ni de sanctions juridiques contre l’emploi d’enfants domestiques, sauf si la nature ou les conditions de l’emploi domestique sont préjudiciables à leur santé, leur sécurité ou leur développement moral. La loi exige que les employeurs paient les travailleurs domestiques de plus de 15 ans, ce qui permet à ces employeurs d’utiliser le principe du « gîte et couvert » pour payer de manière non réglementaire leurs employés âgés de moins de 15 ans. Bien que la loi prévoie l’instruction primaire obligatoire et gratuite pour tous les enfants, ceux-ci ne sont tenus de fréquenter l’école que pendant six ans, ce qui rend les enfants âgés de 12 à 14 ans (qui ne sont pas tenus de fréquenter l’école mais ne sont pas non plus légalement autorisés à travailler) particulièrement vulnérables au travail des enfants, y compris ses pires formes.
Les jeunes âgés de 15 à 18 ans qui cherchent un emploi doivent obtenir une autorisation de travailler auprès du ministère du Travail et des affaires sociales sauf s’ils sont employés comme travailleurs domestiques. Les entreprises qui emploient des mineurs sans autorisation de travailler s’exposent à des amendes pouvant aller de 3 000 à 5 000 HTG (de 75 dollars à 125 dollars des États-Unis).
Par l’intermédiaire de l’IBESR, le MAST est chargé d’appliquer les lois sur le travail des enfants. Le gouvernement a indiqué que l’insuffisance des effectifs et le manque de matériel essentiel ont entravé la capacité de l’IBESR de mener des enquêtes efficaces sur le travail des enfants. Le gouvernement ne publie pas de statistiques sur ses enquêtes concernant des cas de violations des lois sur le travail des enfants ou sur les amendes imposées dans ce contexte. Le gouvernement, et l’IBESR en particulier, ont manqué de programmes de protection sociale suffisants et de lois efficaces pour surveiller la conformité aux lois et éliminer les pires formes de travail des enfants.
Le gouvernement a mis en place une commission interministérielle incluant des acteurs de la société civile, des syndicats et des employeurs pour résoudre le problème de travail des enfants. La commission a organisé des activités pour sensibiliser le public au travail des enfants, dont à l’occasion de la Journée nationale contre le travail des enfants domestiques, ainsi que des tables rondes thématiques sur les questions liées au travail des enfants dans cinq zones géographiques.
La BPM de la PNH est chargée d’enquêter sur les délits contre les enfants. Cet organe a renvoyé les cas d’enfants exploités et victimes de sévices à l’IBESR et HAÏTI 44
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aux ONG partenaires pour la prestation de services sociaux. Bien que la BPM ait l’autorité nécessaire pour enquêter sur les accusations de sévices et appréhender les personnes dénoncées pour exploitation d’enfants domestiques, elle n’a pas donné suite aux enquêtes sur les restaveks en raison de l’absence de sanctions juridiques contre les auteurs de cette forme d’exploitation des enfants.
Des enfants de moins de 15 ans ont régulièrement travaillé dans le secteur informel pour compléter les revenus familiaux. Les activités et secteurs où l’on retrouvait les enfants étaient le service domestique, l’agriculture de subsistance ainsi que le commerce ambulant, où les enfants vendent des produits, lavent les voitures, portent les marchandises achetées au marché et les bagages dans les arrêts de bus, et mendient. Par ailleurs, les enfants travaillaient avec leurs parents dans les petites exploitations agricoles familiales, bien que le taux de chômage élevé parmi les adultes n’ait pas permis à un grand nombre d’enfants de travailler dans les exploitations commerciales.
Les pires formes de travail des enfants, particulièrement les enfants qui travaillent comme domestiques, sont demeurées problématiques et endémiques. Une enquête de l’OIM parue en mai a estimé entre 250 000 et 500 000 le nombre d’enfants employés comme domestiques ou restaveks. L’on a estimé par ailleurs à 225 000 le nombre d’enfants travaillant comme restaveks dans les régions urbaines d’Haïti. La majorité des restaveks était constituée de filles âgées de cinq à 17 ans. L’exploitation des restaveks par les familles d’accueil consistait généralement à forcer les enfants à travailler pendant des journées excessivement longues, à réaliser des tâches physiquement ardues, sans salaire ou alimentation adéquate, à refuser de les scolariser, et à leur faire subir des sévices physiques ou sexuels. En général, les filles étaient placées par leurs propres parents – qui étaient dans l’impossibilité de les entretenir – en servitude domestique dans des résidences privées urbaines, tandis que les garçons étaient le plus souvent exploités comme main d’oeuvre agricole. S’ils ne s’enfuyaient pas avant, les restaveks demeuraient en général dans la famille d’accueil jusqu’à l’âge de 14 ans. De nombreuses familles ont forcé les restaveks à quitter leur maison avant d’atteindre l’âge de 15 ans pour éviter de leur payer un salaire comme le prévoit la loi. D’autres familles ont ignoré la loi, souvent en toute impunité.
Les enfants qui travaillaient dans les rues s’exposaient à une multitude de dangers, dont les intempéries, les accidents de la route et la criminalité. Les milliers de personnes déplacées ou devenues orphelines au lendemain du séisme de 2010 ont augmenté le nombre de restaveks et d’enfants des rues. Les restaveks abandonnés ou qui s’enfuyaient constituaient une part considérable des nombreux enfants HAÏTI 45
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vivant dans la rue, dont beaucoup étaient contraints par les bandes criminelles de se prostituer ou de participer à la délinquance de rue, tandis que d’autres devenaient des vendeurs ambulants ou des mendiants.
Veuillez consulter également le rapport du département du Travail intitulé
Conclusions sur les pires formes de travail des enfants
à l’adresse suivante : http://www.dol.gov/ilab/programs/ocft/tda.htm.
d. Conditions de travail acceptables
En octobre, le salaire minimum journalier dans les industries de réexportation est passé de 150 à 200 HTG (de 3,75 à 5 dollars des États-Unis). Le taux appliqué aux travailleurs payés à la pièce était de 300 HTG (7,50 dollars des États-Unis) pour une journée de travail de huit heures. Pour tous les autres emplois commerciaux et industriels, le salaire minimum journalier a été fixé à 200 HTG (5 dollars des États-Unis) pour huit heures de travail.
La loi a fixé le nombre standard d’heures de travail par jour pour les établissements commerciaux, industriels et agricoles à huit heures et la semaine de travail à 48 heures avec 24 heures de repos et un congé annuel payé. Elle prévoit également le paiement des heures supplémentaires et interdit les heures supplémentaires excessives et obligatoires. Cependant, la loi exonère les établissements de santé, l’hôtellerie, les débits d’aliments et de boissons, ainsi que le milieu du spectacle. Elle exempte également les postes de responsabilité et les établissements familiaux qui n’emploient que les membres de la famille. La Direction du Travail peut aussi accorder des dérogations à d’autres employeurs qui ne sont pas spécifiquement exemptés par la loi. Toutefois, la loi ne prévoit aucunement l’interdiction des heures supplémentaires pour les employés du secteur public et elle est tout aussi vague au sujet des droits des travailleurs domestiques quant aux heures de travail, au salaire, aux congés et aux indemnités de licenciement. Des règles minimums d’hygiène et de sécurité ont également été prévues par la loi.
Bien que la loi charge le MAST de l’application de diverses dispositions sur le travail, les lois sur le salaire minimum, la semaine de travail normale, les primes pour heures supplémentaires, l’interdiction des heures supplémentaires obligatoires excessives et les directives d’hygiène et de sécurité sur le lieu de travail n’ont pas été appliquées effectivement. Les sanctions n’étaient pas suffisantes pour décourager toute violation et n’étaient souvent pas appliquées par les autorités. La sanction pour non-application des dispositions relatives à l’hygiène et à la sécurité sur le lieu de travail, qui figurent au code du travail, est de 200 à 2 000 HTG (de 5 HAÏTI 46
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à 50 dollars des États-Unis) ou une peine d’emprisonnement allant jusqu’à trois mois. La sanction prévue par le code du travail pour le non-respect des dispositions relatives au salaire minimum ou aux heures de travail varie entre 1 000 et 3 000 HTG (de 25 à 75 dollars des États-Unis).
S’agissant du ministère, sa capacité à appliquer les dispositions relatives au travail figurant dans les lois nationales et le droit international s’est trouvée limitée par le manque de ressources humaines et d’autres contraintes. Durant l’année, le MAST a inspecté 26 usines d’assemblage à Port-au-Prince. Les inspections du travail réalisées dans la capitale et ailleurs se sont heurtées à certains obstacles comme le manque de fonds, un professionnalisme douteux et l’appui des forces de l’ordre.
En avril, un décret présidentiel a nommé un nouveau médiateur du travail pour le secteur de la confection et arrêté les attributions et responsabilités de son bureau. Le médiateur a arbitré deux différends entre des travailleurs et la direction dans des usines de confection durant l’année.
Le rapport du programme Better Work de l’OIT a signalé des problèmes considérables à l’égard des heures supplémentaires. Dans 10 usines, les employeurs n’ont pas respecté les limites des heures supplémentaires de travail. Ainsi, les travailleurs concernés ont travaillé des heures supplémentaires dépassant 80 heures durant trois mois, la durée limite établie dans le code du travail. Le rapport a également constaté que 10 usines n’ont pas demandé l’autorisation du MAST pour faire travailler des heures supplémentaires, et six usines n’ont pas demandé l’autorisation nécessaire pour faire travailler les employés un dimanche, comme la loi l’exige.
La plupart des Haïtiens travaillent dans le secteur informel et l’agriculture de subsistance, qui ne sont pas couverts par la législation sur le salaire minimum. Le salaire journalier habituellement pratiqué dans ces secteurs était de 20 à 30 HTG (de 0,50 à 0,75 dollars des États-Unis). De nombreuses femmes ont travaillé comme domestiques, un secteur qui est lui aussi exempté par la loi sur le salaire minimum.
Des rapports ont continué de faire état de non-conformité aux dispositions sur le salaire minimum, les pauses journalières, les soins de santé et les premiers soins, ainsi que la protection des travailleurs dans les secteurs industriel et d’assemblage. L’on a constaté des améliorations dans plusieurs de ces domaines mais, en général, la conformité aux normes est demeurée faible. Des problèmes d’envergure HAÏTI 47
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sectorielle ont été constatés dans les domaines du salaire minimum, des contrats d’emploi, des heures de travail et du harcèlement sexuel.
Aucun groupe n’a recueilli de données officielles mais les syndicats ont affirmé que les blessures sur le lieu de travail étaient fréquentes dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics.
Département du Travail des États-Unis 2012 Haïti Conclusions sur les pires formes de travail des enfants
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Haïti
In 2012, Haïti a fait des progrès modérés sur la voie de l’élimination des pires formes de travail des enfants. Le gouvernement haïtien a créé une Commission nationale pour l’élimination des pires formes de travail des enfants, créé un groupe de travail interministériel sur la traite des personnes et élargi la base de données nationale de protection des enfants afin d’inclure les catégories d’enfants vulnérables, y compris des
restaveks. Le gouvernement a également continué à améliorer l’accès à l’éducation en inscrivant 200 000 nouveaux élèves au cours de l’année scolaire 2012. Malgré ces efforts, il ne dispose toujours pas de législation adéquate pour remédier aux pires formes de travail des enfants. Le Code du travail ne prévoit pas d’âge minimum pour le travail domestique, ce qui rend les enfants vulnérables au travail dans ce secteur. La Loi de 2003 comporte de sérieuses lacunes car elle interdit l’utilisation des enfants aux fins de travail forcé, d’exploitation sexuelle commerciale, d’activités illicites et de travaux dangereux, mais ne prévoit pas de sanctions en cas d’infraction. Un projet de loi sur la traite des personnes, en suspens au Parlement depuis plusieurs années, n’a toujours pas été adopté. Les programmes de protection sociale pour lutter contre l’exploitation des enfants par le travail sont eux aussi insuffisants. Les enfants en Haïti continuent de participer aux pires formes de travail, en particulier dans le travail domestique et les travaux agricoles dangereux.
Au vu de ces conclusions, les mesures suivantes permettraient de progresser sur la voie de l’élimination des pires formes de travail des enfants en Haïti :
Domaine |
Mesures proposées
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Année(s) pour laquelle/lesquelles la/les mesure(s) est/sont recommandée(s)
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Lois et règlements
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Amender la législation pour :
Procurer une protection complète aux enfants contre le travail dans des activités dangereuses, notamment en complétant la liste des emplois dangereux interdits aux enfants et en l’adoptant. Établir un âge minimum pour le travail domestique et fixer des sanctions pour l’emploi comme domestiques d’enfants ne l’ayant pas atteint. |
2009, 2010, 2011, 2012
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Amender la Loi de 2003 relative à l’interdiction et à l’élimination de toutes formes d’abus, de violence, de mauvais traitements ou de traitements inhumains contre les enfants afin qu’elle comprenne des sanctions pénales pour infraction à la Loi.
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2011, 2012
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site de référence: http://french.haiti.usembassy.gov/reports.html
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