Comment libérer l’homme haïtien de toutes les formes de dominations: Créer l’individu haïtien et les individualités haïtiennes


Le philosophe éveillé
expérience de la solitude

Lorsque je suis arrivé au Canada, plus particulièrement au Québec, une province que j’ai déjà presque visitée la totalité des villes, ce qui m’avait le plus frappé et attiré l’attention comme vieux militant et activiste politique, c’était le type d’individu et d’individualité qui existait dans la société.

En effet, je constatais l’individu haïtien était diamétralement différent du type d’individu canadien. En Haïti l’individu était dépendant de son cercle familial alors que l’individu canadien était plutôt libre et par conséquent ce dernier subissait moindrement les influences de la famille sur ses propres choix personnels. Cette liberté de l’individu canadien et par extension de l’individu occidental était réalisée par des politiques gouvernementales en matière sociale.

Ce sont donc des mesures sociales et de protection de droits individuels que l’individu canadien arrivait à se libérer des contraintes sociales et familiales. Dans ce présent texte, c’est ce genre d’individu que je me permets d’aller chercher en Haïti car cet individu libre est porteur d’espoir pour le développement économique et social du pays.

Ceci dit, je veux que le lecteur tient compte de cette réalité et de cette interférence dans l’idée qui anime cette série de textes sur Haïti. Ce sont des textes écris il y a déjà plusieurs années mais qui en somme conservent des liens étroits avec la méthodologie qui est utilisée. Je souhaite donc que ces textes soient lus et compris à l’intérieur d’un projet d’ensemble qui est celui de comprendre les véritables problématiques du sous-développement de notre beau pays, Haïti.

Le rôle et l’importance de l’identité dans la construction du droit à l’égalité:

L’égalité des êtres à l’état de nature, en termes d’organisation sociale et politique sur le plan interne d’un pays exige de la reconnaissance et de la matérialisation de ces droits dans la vie quotidienne de chaque individu. Il faut que tous les citoyens soient propriétaires et détenteurs de ce droit à l’égalité, un droit d’égalité qui se fonde sur la protection et l’égalité de la vie. Car il est clair que tous les pays du monde ont inscrit dans leur charte ou leur constitution des grands principes de droit et du respect de la personne humaine, toutefois, ce qui fait surtout défaut à ces pays ce sont les structures et les moyens pour que ces lois et principes soient respectés par ceux qui ont été choisi pour les faire appliquer. 

Ceci dit, il faut reconsidérer les mécanismes de responsabilisation interne de ces pays à savoir adapter les principes de représentation aux valeurs et aux traditions locales. Le choix des représentants devra se construire sur une structure réseautique qui renforce les liens primitifs de l’autorité vers un axe exécutif de proximité. En fondant l’autorité sur la mixture entre les formes traditionnelles de l’autorité de proximité et sur les formes représentatives qui sont développées en occident, le vieux du village qui a son autorité naturelle rejoint les conseils représentatifs des jeunes qui amènent la rationalité et la nouveauté à l’ensemble de la collectivité. Mais, accepter que le rôle des notables, des anciens soit supplanté par une forme dite moderne des jeunes c’est détruire les valeurs traditionnelles sans fondamentalement les faire affronter les réalités du progrès et des besoins. Avec le temps et compte tenu de la dynamique des idées, d’abord, les vieux vont mourir pour être remplacés par les jeunes et étant donné les vieux de demain seront les jeunes d’aujourd’hui, ce qui fait que les idées véhiculées par ces vieux lorsqu’ils étaient jeunes ont fait en sorte que les sociétés vont avancer vers la mise en place de nouvelles institutions qui n’existaient pas lorsque ces derniers étaient jeunes.

De nouvelles valeurs pénétreront pour donner naissance à des changements de société. Or étant donné que les jeunes qui naîtront auront de nouveaux goûts et de nouveaux besoins et de nouvelles idées qui ne seront pas celles des vieux il y aura de la place pour des remises en question et de nouvelles adaptations qui renforceront le rôle et l’importance des institutions dans la société, ainsi de suite on rentrera dans une nouvelle ère qui permet de suivre ou de concurrencer les autres et tous les autres.

Il faut donc une intégration de toutes les couches de la société dans le grand projet national de changement sociétal. Un projet de changement sociétal qui se construit sur la volonté d’un vivre ensemble pour le bonheur de tous pour que cela soit possible il faut construire un intérêt commun, celui de la réussite de tous par la réussite de chaque individu séparément. Le fardeau de la réussite collective crée trop de passivité et de conformisme, voilà pourquoi qu’il faut s’efforcer de détacher l’individu du corps social pour le rendre autonome, créatif et inventif car, tant qu’il reste soudé aux cellules familiales et villageoises c’est autant qu’il aura de la difficulté à se construire une identité personnelle. Il faut relâcher les liens collectifs pour guider l’individu vers une responsabilité personnelle de son propre progrès et de sa propre réussite sans briser les valeurs de sa responsabilité collective vis-à-vis de ses parents et de sa société.

Les enfants ont besoin de leur parent pour faire les premiers pas mais, il faut les laisser tomber pour qu’ils prennent conscience de l’importance de marcher et ça c’est seulement par leur propre effort personnel qu’ils finiront par marcher et conquérir leur liberté. Ce droit à la liberté des enfants c’est un droit de fournir un effort personnel, un effort personnel qui permet d’aller ça et là comme bon leur semble. Ce droit est intimement lié à la reconnaissance des capacités de chaque être à marcher de part lui-même où l’assistance des parents au début de l’acte de marcher est perçue comme une aide et non une contrainte. Ce même droit de marcher est le même que veut chaque pays pour s’autogouverner, alors une aide qui ne vient pas forcer l’individu mais pour l’aider à développer ses propres talents.

On admettra que si la société ne reconnaissait pas que l’individu pouvait réaliser cet exploit personnel elle ne l’aurait pas aidé dans cette action de marcher. Si on accepte l’idée que chacun peut et doit fournir un effort personnel, il est évident qu’on ne peut continuellement maintenir l’individu sous contrôle du cercle social et du communautaire. Car garder l’individu à l’intérieur du cercle familial c’est ne pas reconnaître que chaque individu peut se réaliser tout seul et qu’il a sa responsabilité de succès. Le milieu communautaire doit céder la place à la créativité car sans cette liberté accomplie il est impossible à ce que l’individu parvienne à construire une image vraie de lui-même, celui d’être un être affranchi de l’autorité familiale et sociale.

C’est vrai que la pauvreté crée et maintien la dépendance mais, c’est aussi les liens de dépendance qui créent et forcent les individus à vivre dans la pauvreté. Pour cela il faut libérer l’individu de sa dépendance de ses parents et du corps social pour qu’il puisse se réaliser et construire sa propre identité qui n’est celle de la société et de la famille. Une identité personnelle qui sera la résultante de celle que l’individu aura reçu de la société, de ses expériences personnelles, de ses rapports avec les autres : famille, amis, étrangers etc. une identité qui permettra à l’individu d’être unique et exceptionnel.

Les sociétés étouffent beaucoup trop les originalités humaines et forcent de ce fait les individus à être des soumis et des dépendants d’elles, la socialisation est par nature contre les libertés mais étant donné que la volonté du vivre ensemble prime sur la liberté individuelle, alors il est évident que durant les premières phases d’existence d’un individu, naissent tout genre de conflit au sein des familles, entre les familles, et dans la société elle avec l’individu. L’origine de ces conflits c’est la liberté naturelle qui a été étouffée avec la socialisation et l’adaptation. Les individus reçoivent un ensemble de valeurs, d’habitudes et de coutumes qui n’ont jamais laissé de place aux individus d’amener leurs propres valeurs. La place qu’occupe ces socialisations et adaptations dans la vie de l’individu est contraignante pour celle qui devait être accordée à la liberté individuelle.

Durant tout son jeune âge et jusqu’à l’adolescence, les enfants apprennent et surtout posent des questions sans que les parents ne se demandent d’où viennent ces questions. En effet, ces questions des enfants viennent de leur propre identité de leur propre liberté et non seulement de leur curiosité personnelle. D’ailleurs on voit que certaines de ces questions vont revenir à l’esprit de ces êtres tout au long de leur existence pour ne pas dire qu’elles vont demeurer la vie durant. Il faut laisser libre choix aux individus de s’épanouir sans une contrainte sociale car plus on garde l’individu dans le cercle social et familial plus on veut qu’il dépende de la société. Et, moins l’individu a de la chance de construire sa propre identité personnelle.

Quand les parents donnent naissance à leurs enfants c’est non seulement parce qu’ils le veulent mais aussi par respect pour la vie. Si les peuples continuent de se multiplier, c’est parce qu’ils savent que s’ils ne se reproduisent pas ils finiront par se détruire et se décimer mais encore c’est parce qu’ils savent, croient et respectent le droit à la vie et à l’existence des êtres. Donc, la reproduction des êtres c’est la reconnaissance du droit de la personne humaine, droit à la naissance et droit à l’existence, alors, il y a ce droit naturel et la responsabilité de maintenir l’espèce humaine. Cette responsabilité naturelle c’est aussi le fondement des droits que les individus doivent avoir durant toute leur existence, elle existe dans toutes les formes de société humaine. Dans les rapports sociaux et politiques à cause de la diversité des opinions et des identités, certains vont essayer d’aller plus loin dans leur recherche de domination et de contrôle des autres pour déboucher sur les excès jusqu’à la tyrannie et la dictature. Cependant, à l’état de nature et compte tenu de la socialisation et l’adaptation on ne devrait pas avoir une forme de dictature.

La volonté hégémonique est certes naturelle puisque chacun voudra toujours s’affirmer et dominer les autres lorsque l’autorité est ressentie et acceptée par les autres mais cela n’oblige pas un chef à être méchant ou criminel. C’est un droit de vouloir dominer toutefois, il est aussi une responsabilité de demander ou d’exploiter la volonté et la faiblesse des autres pour les faire souffrir. Il est fondamental d’introduire les notions de respect, de responsabilité et liberté dans toutes les phases du processus de socialisation et d’intégration sociale des individus afin que ces valeurs fassent corps aux systèmes de représentation des individus.

En même temps que la société évolue les mentalités dans les familles doivent évoluer. Les sociétés sous développées ce sont des sociétés qui ne respectent pas les droits des individus et qui refusent d’appliquer les lois et les principes qu’elles se sont données, d’où le rôle et l’importance des lois pour conserver et garantir la volonté de vivre ensemble. Déjà, dans l’antiquité occidentale, les gens savaient que pour se tenir ensemble il fallait le respect des lois et Jean-Jacques Rousseau disait déjà : « Nous obéissons aux lois que nous nous sommes données »14 , mais étant donné de cette volonté de dominer qui rejoint bien souvent les intérêts autres que ceux de ces nations pauvres, on tombe dans des régimes dictatoriaux qui finissent par renverser toutes les valeurs de ces sociétés.

Un autre aspect de ces violations, c’est parce que ces lois nationales avaient été copiées dans les autres sociétés en avance sans tenir compte des réalités nationales et des valeurs nationales. Il s’agit des importations qui semblent ressembler aux institutions naturelles mais à cause du progrès et des complexions diverses ne sont pas les mêmes qui conviennent à ces sociétés. Ces lois sont à la fois contraignantes pour les populations locales mais aussi contraignantes pour ces chefs et ces gouvernements qui les appliquent ou veulent les appliquer.

On ne peut ramener des institutions des pays développés ou des institutions modifiées en vue d’obtenir les mêmes résultats dans les sociétés dont les institutions sont encore à leur état de nature. Il faut voir qu’il s’agit des institutions issues de deux identités nettement différentes, elles répondent à des besoins spécifiques qui sont nées de la dynamique du progrès et des actions exceptionnelles. Elles sont difficiles d’application tant que la conscience nationale et les connaissances appropriées n’aient pas été découvertes et mises en application dans un souci de vivre ensemble.

Le respect des lois en occident c’est une nécessité, une obligation et une responsabilité qui deviennent morales pour chaque individu. Les lois font partie intégrante de la vie quotidienne de ces sociétés. Elles remplacent toutes les religions pour en devenir une religion en soi. À la fois, ces lois oppriment les gens pour pouvoir le bien protéger d’abord contre eux-mêmes et, ensuite contre la société en la personne de l’état et finalement contre tous les différends qui peuvent résulter des conflits qui naissent dans les rapports qu’ils entretiennent entre eux. Mais, pour parvenir à ce respect de la vie et des lois, les occidentaux ont créé une logique de séparation entre toutes les institutions et une responsabilité fondée sur le principe de rendre des comptes aux citoyens.

Les institutions sont dirigées comme des entreprises personnelles et privées qui garantissent le droit des individus et tout en assurant la liberté de chaque individu. Alors, le service à la nation n’est plus une faveur mais un devoir et une responsabilité individuelle. Les gestionnaires sont protégés par des lois des règles et des principes sans compter un salaire adéquat. Chacun peut vivre selon ses conditions de vie et particulièrement selon un niveau minimum de vie inscrit et conditionné par les progrès et la réussite nationale.

Les secteurs privés peuvent et font même la concurrence avec les entreprises privées pendant que les méthodes de gestion sont copiées pour devenir pareilles. L’importance de ces constats dans les sociétés occidentales est de montrer sur quelles bases sont construites ces sociétés et comment elles parviennent au progrès et à la paix. Ces conditions sont fondamentales pour le respect des intérêts, des libertés et de l’égalité de tous devant la loi. Elles permettent aux idées de se développer mais donnent aussi plus de places et de liberté aux réalisations d’actions exceptionnelles qui seules favorisent l’indépendance des pays et des peuples. Elles créent des climats propices au développement des besoins et de la pluralité des biens pouvant satisfaire les désirs de tout un chacun.

Tout cela se fait bien entendu autour et en fonction de la compréhension de ce qu’est l’identité collective et l’identité individuelle. Cette identité est celle du vivre ensemble, alors que le vaste projet du vivre ensemble se fait selon la logique du respect de la vie et de la protection des droits et des libertés individuelles. Un déplacement du rôle des religions par les valeurs de la loi et du droit. Avec les progrès et la multiplication des biens les goûts changent pour transformer les valeurs et les habitudes donc les institutions aussi.

Les institutions amènent à leur tour de nouveaux rapports entre les citoyens eux-mêmes et entre les citoyens et l’état. De nouvelles spécialisations qui apportent de nouvelles formes de gestion et une grande capacité de regarder et d’aller chercher ailleurs ce qui n’est dans la société ou encore une grande facilité d’intégrer et d’adapter tout ce qui ce fait à l’extérieur. Je reviendrai plus tard sur les formes d’échange qui existent entre les pays développés eux-mêmes qui fait en sorte que les écarts entre pays très développés et développés soient apparemment très faibles.

Hermann Cebert

 


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