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Full text of « Rapport adressé au gouvernement d’Haïti par Mr. Hannibal Price, délégué à la Conférence internationale américaine tenue à Washington, États-Unis, du 2 octobre 1889 au 19 avril 1890«
RAPPORT
SUR LA
DE ^VASHINGTON.
o
/
n
6
Légation d'Haïti
New York, 19 Août 1890.
Monsieur le Secrétaire d' Etat,
J'ai r honneur de vous remettre ci-joint mon
Rapport Général sur les travaux de la Conférence Inter-
nationale Américaine, tenue à Washington pendant les
mois d' Octobre 1889 à Avril 1890.
Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire d' Etat, l'as-
surance de m,a très haute considération.
Le Délégué d'Haïti a la Conférence,
HANNIBAL PRICE.
Monsieur Anténor Firmin,
Secrétaire cfEtat des Relations Extérieures,
Port-au-Prince.
R^PÏ^ORT
SUR LA
DE WASHINGTON.
Par un acte du Congrès en date du 14 mai 1888, le Pré-
sident des Etats-Unis a été autorisé à inviter les Républi-
ques du Mexique, de l'Amérique Centrale, de lAmérique
du Sud, d'Haïti et de Saint-Domingue et l'Empire du Bré-
sil, à nommer des délégués pour se joindre à ceux des
Etats-Unis en une conférence qui devait être tenue à
Washington dans le cours de l'année 1889. La mission de
ces délégués devait être de discuter et de recommander à
l'adoption de leurs gouvernements respectifs un plan d'arbi-
trage pour le règlement des différends et disputes qui pour-
raient surgir à l'avenir entre les nations représentées et
d'examiner les questions relativesau développement des re-
lations commerciales et des moyens directs de communica-
tion entre elles, aussi bien que les moyens d'encourager tels
arrangements réciproques des relations commerciales qui
pourraient être profitables pour tous en assurant de plus
grands débouchés aux produits de chacun de ces Etats.
PKOGEAMME.
Dans la section II de l'acte du 24 mai 1889, le Congrès a
établi un programme en huit articles des questions qui
devaient être soumises à l'examen de la Conférence :
1. Mesures tendant à sauvegarder la paix et à promou-
voir la prospérité des divers Etats américains.
2. Mesures tendant à la formation d'une union doua-
nière américaine sous l'empire de laquelle le commerce
des nations américaines entre elles serait appelé à se déve-
lopper, autant que cela serait possible et profitable.
3. L'établissement de communications fréquentes et ré-
gulières entre les ports des divers Etats américains et
entre les ports respectifs de chaque Etat.
4. L'établissement d'un système uniforme de règlements
des douanes dans chacun des Etats indépendants de l'A-
mérique pour régler le mode d'importation et d'exporta-
tion des marchandises, ainsi que les droits et frais de port;
l'établissement d'une méthode uniforme pour la classifica-
tion et l'évaluation des marchandises dans les ports de
chaque Etat; l'établissement d'un système uniforme de
factures et l'examen de la question de l'état sanitaire des
navires et des quarantaines.
5. L'adoption d'un système uniforme de poids et me-
sures, et celle de lois pour la protection dans chaque Etat
des brevets d'invention, des droits d'auteur et des mar-
ques de fabrique des citoyens des autres nations, et pour
l'extradition des criminels.
6. L'adoption d'une monnaie commune en argent à
émettre par chaque gouvernement et jouissant du carac-
tère de monnaie légale pour toutes les transactions entre
les citoyens de toutes les nations américaines.
7. Leur accord sur un plan défini, à recommander à l'a-
doption de leurs gouvernements respectifs, pour l'arbi-
trage de toutes les questions, de toutes les disputes, de
tous les différends qui peuvent exister actuellement ou sur-
gir par la suite entre leurs nations respectives, afin que
toutes les difûcultés et disputes entre ces nations paissent
être réglées pacifiquement et que toute guerre entre elles
soit ainsi évitée.
8. Et l'examen de toutes autres questions relatives au
bien-être des divers Etats et qui pourront être soumises
à la Conférence par chacune des nations invitées à y par-
ticiper.
AERIVÉE DES DÉLÉGUÉS A WASHINGTON,
En vertu de l'invitation adressée par le Président des
Etats-Unis aux différents gouvernements désignés dans
cet acte du Congrès Fédéral, les délégués des Etats amé-
ricains se sont réunis et ont tenu leur première séance à
Washington le 2 octobre 1889.
A cette première séance, tenue dans le salon de récep-
tion diplomatique du Département d'Etat, treize nations
sur dix-huit étaient représentées.
L'Honorable James Gr. Blaine, secrétaire d'Etat des
Etats-Unis, souhaita la bienvenue aux délégués, puis
ayant constaté la présence de la majorité des Etats qui
avaient accepté l'invitation du Grouvernement Fédéral, il
déclara la Conférence ouverte.
L'honorable secrétaire d'Etat avait conclu son discours
de réception des délégués par les bienveillantes paroles qui
suivent:
" Avant que la Conférence entre formellement dans la
discussion des matières qui doivent lui être soumises, je
suis chargé par le Président d'inviter tous les délégués à
être les hôtes du gouvernement dans le cours d'une visite
à faire dans diverses sections du pays, en vue de montrer
à nos amis de l'étrangei- la situation des Etats-Unis et
d'offrir en même temps à nos populations chez elles-mêmes
le privilège et le plaisir d'offrir la chaleureuse bienvenue
des Américains à des Américains."
Ce serait ici l'occasion de s'étendre sur la grandiose
hospitalité offerte par le gouvernement et le peuple des
Etats-Unis aux délégués de l'Amérique Latine ; de décrire
ces voyages princiers en bateaux à vapeur et en wagon
— io-
de chemin de fer, d'un luxe inouï, féerique, à travers
toutes les grandes villes de l'Union, plus empressées les
unes que les autres de fêter les délégués, de leur montrer
leurs manufactures, leurs monuments, tout ce qui fait leur
richesse et leur gloire.
Il faut malheureusement renoncer à décrire les innom-
brables traits de cette somptueuse hospitalité dont le récit,
même sommaire, exigeraitplus d'un volume. Les Cham-
bres haïtiennes qui doivent apprécier, discuter les diverses
recommandations de la Conférence étant actuellement en
session, le rapporteur soussigné n'a à sa disposition que le
temps à peine suffisant de procéder à un rapide exposé de
ces recommandations.
Qu'il suffise de dire ici que le gxjuvernement et le peuple
des Etats-Unis n'ont rien négligé, rien épargné pour
rendre excessivement agréable aux délégués des autres
nations américaines leur séjour aux Etats-Unis. Ils n'ont
pas été traités seulement avec toute la courtoisie qu'ils
avaient droit d'attendre du gouvernement de l'une des
nations les plus puissantes, les plus riches, les plus haute-
ment civilisées du dix-neuvième siècle, mais ils ont encore
été l'objet de la part du peuple même des Etats-Unis,
partout où ils ont porté leurs pas, d'un accueil bienveil-
lant, enthousiaste à l'extrême, d'ovations telles que l'on ne
saurait douter de la sincère volonté de la grande Répu-
blique du Nord de vivre en paix, en parfaite harmonie,
avec les républiques-sœurs de l'Amérique Centrale, de
l'Amérique du Sud et de la Mer des Antilles.
Sans rien préjuger des rapports plus bienveillants, plus
franchement fraternels qui résulteront sans doute de
ces hautes marques d'amitié internationale entre tous
les peuples, entre toutes les races humaines habitant le
Nouveau-Monde, le soussigné est d'avis que l'hospitalité
exceptionnelle offerte en ce pays aux délégués de l'Amé-
rique Latine doit être reconnue formellement par les gou-
— 11 —
vernements des peuples auxquels ont été adressées ces
hautes marques de bienveillance dans la personne de leurs
représentants.
TKAVAUX DE LA CONFÉRENCE.
La Conférence internationale américaine, ouverte le
2 octobre 1889, a prononcé son ajournement définitif, à
l'issue de sa soixante-dixième séance, le 19 avril 1890,
après avoir examinelst discuté à fond toutes les questions
comprises dans le programme de l'Acte du Congrès fédéral
du 24 mai 1888.
La participation de la République d'Haïti à ces travaux
a été malheureusement restreinte, à cause d'une maladie
grave dont a été saisi notre premier délégué, M. Arthur
Laforestrie, presque dès son arrivée aux Etats-Unis ;
maladie qui l'a obligé de mettre une fin prématurée à sa
mission, après avoir failli être emporté plusieurs fois en
des crises successives.
La Conférence, après sa séance d'ouverture, s'était
ajournée au 18 novembre 1889, à cause des excursions
organisées par le gouvernement des Etats-Unis en l'hon-
neur des délégués.
Dès la deuxième séance, tenue le 18 novembre, la ques-
tion de langue avait été agitée et tranchée à l'occasion de
la sanction du procès-verbal de la séance précédente. Ce
procès-verbal ayant été lu en anglais, MM. Yaras, délégué
du Chili, et Quintana, délégué de la République Argen-
tine, en requirent une seconde lecture en espagnol, ce qui
fut immédiatement admis; puis l'on décida qu'à l'avenir
les procès-verbaux des séances seraient rédigés et impri-
més dans ces deux langues. Le 29 novembre, dans la
septième séance, il fut encore décidé, à la requête de
M. Yaras, délégué du Chili, que toutes les propositions
soumises à la Conférence seraient présentées en anglais et
en espagnol. Si notre représentant avait pu assister à cette
— 12 —
séance, c'eût été pour lui l'occasion de réclamer aussi en
faveur de notre langue; mais, à cette date précisément, il
a été malheureusement empêché de sortir par sa maladie
dont les premiers effets venaient de se manifester.
C'est à ce contre-temps qu'il faut imputer l'exclusion
regrettable, mais non voulue, de la langue française des
actes, sinon des débats de la Conférence. Cette circonstance
est fâcheuse surtout à cause des traductions qu'il faut
faire en notre langue de toutes les décisions de la Confé-
rence pour les soumettre au gouvernement. Ces traductions
exigeant un certain temps, il n'a pas été possible, de tenir
le gouvernement assez régulièrement informé de la marche
des travaux de la Conférence.
Le 13 janvier, M. Laforestrie assista pour la dernière
fois à une séance de la Conférence ; c'était la dix-septième.
Ce même jour il lui fallut, en rentrant chez lui, appeler un
médecin à son chevet, et sa maladie, s'aggravant sans
cesse, il dut forcément renoncer au séjour de Washington,
où il se voyait très sérieusement sur le point de succomber
d'un moment à l'autre. Il quitta ce pays le 8 mars, sur les
pressantes instances de son médecin,- et après avoir coura-
geusement résisté pendant près de trois mois aux plus
affreuses souffrances, poar parvenir, s'il se pouvait, à rem-
plir sa mission à la satisfaction du gouvernement et du
pays.
Dès l'arrivée de notre délégué à Port-au-Prince, le gou-
vernement s'empressa d'envoyer l'ordre, par dépêche télé-
graphique, au soussigné, de le remplacer à la Conférence.
Il était déjà bien tard. Lorsque le soussigné s'y présenta
pour la première fois, le l®'" avril 1890, c'était déjà la cin-
quante-septième séance. Les comités depuis quelque temps
déjà avaient tous successivement présenté leurs rapports ;
toutes les questions soumises à l'attention de la Conférence
avaient déjà été débattues, épuisées ; il ne restait plus qu'un
vote à donner sur celles de ces questions qui, par leur
— 13 —
importance, avaient donné lieu aux plus longs débats, aux
plus ardentes controverses. Le nouveau délégué d'Haïti
n'avait donc plus qu'à expliquer son vote au besoin sur les
rares questions restant à l'ordre du jour de la Conférence
et à examiner ensuite les décisions déjà prises, afin de les
accompagner de son avis en les transmettant au gouverne-
ment.
Ces décisions sont exposées ci-après, dans l'ordre du
programme formulé par le Congrès des Etats-Unis.
CONCLUSIONS RECOMMANDÉES
— A —
L'ADOPTION DES GOUVERNEMENTS
Représentés à la Conférence.
P« SECTION.
Mesures tendant à sauvegarder la paix et à promouvoir
la prospérité des divers États américains.
A. — RELATIONS INTEENATIONALES.
Le comité que la Conférence avait chargé de l'examen
des questions relatives aux lois internationales a présenté
et déposé son rapport dans la trente-quatrième séance.
Le rapport (Voir Annexe No. 1), après un brillant
exposé <le motifs, conclut par deux résolutions, formulées
comme suit:
" Bésolution :
" Il est recommandé à tous les gouvernements repré-
sentés dans cette Conférence, qui n'ont pas encore adhéré
aux traités de droit international privé, de droit civil, de
droit commercial et de procédure adoptés par le Congrès
tenu à Montevideo, le 25 août 1888, de faire étudier lesdits
traités, afin que, dans l'espace d'une année, à comjDter de
la date de la clôture des travaux de la présente Conférence,
ils puissent déclarer s'ils adhérent ou non aux dits traités,
et si leur adhésion est accordée à ces traités d'une manière
— 16 —
absolue ou bien sous la réserve de quelques amendements
ou restrictions.
" Il est recommandé, en outre, aux gouvernements repré-
sentés dans cette Conférence, d'adopter, en matière de
légalisation de documents, le principe qu'un document est
considéré comme dûment légalisé lorsqu'il est légalisé
conformément aux lois du pays dans lequel il a été fait ou
exécuté, et qu'il a été rendu authentique par l'agent diplo-
matique ou consulaire accrédité dans le pays où le docu-
ment a été exécuté par le gouvernement du pays dans
lequel il doit en être fait usage."
Ce rapport a été discuté et ses conclusions votées à
l'unanimité dans la trente-neuvième séance de la Confé-
rence.
Le soussigné ne voit aucun inconvénient, en ce qui con-
cerne la première de ces résolutions, à la recommander à
l'adoption du gouvernement, du moins en principe. Mais
le délai d'une année fixé pour l'examen des traités aux-
quels il s'agit d'adhérer avec ou sans réserve est insuffisant
pour nous, parce que cette adhésion ne peut être donnée
ou refusée constitutionnellement par le gouvernement
sans le con<30urs de l'Assemblée Nationale, dont la session
actuelle est déjà très avancée et dont la prochaine session
ne s'ouvrira qu'au mois d'avril 1891, précisément après
l'expiration de ce délai.
Néanmoins, le gouvernement peut, et cela le soussigné
a l'honneur de le lui recommander, le gouvernement peut
faire procéder à l'examen de ces traités dans l'intervalle
des deux sessions et en saisir l'Assemblée Nationale dès
sa prochaine réunion, de façon à 'pouvoir faire part de ses
vues aux nations intéressées deux ou trois mois au plus
après l'expiration de ce délai d'un an, ce qui ne saurait
avoir aucune grave conséquence.
Quant à la seconde résolution, le soussigné s'y rallie
— 17 —
sans aucune réserve. C'est là un simple principe d'ordre
destiné à prévenir toute friction, toute difficulté entre na-
tions amies en matière de légalisation de documents.
B. — COUKS d'eau SÉPAEANT DEUX NATIONS.
Une proposition tendant à assurer la liberté de la navi-
gation en faveur des nations riveraines sur les rivières qui
bordent deux ou plusieurs Etats, a été introduite par
quelques délégués et transmise à l'examen du comité de
droit international.
Le rapport de ce comité (voir Annexe No. 2) a été pré-
senté le 18 avril 1890, puis discuté et finalement adopté
par une majorité de quatorze nations contre deux votes
négatifs donnés par le Nicaragua et les Etats-Unis.
Voici les conclusions de ce rapport, telles qu'elles ont
été adoptées :
" Résolution :
" Il est recommandé aux gouvernements des nations re-
présentées à la Conférence d'adopter, déclarer et recon-
naître les principes suivants :
"1. Les rivières qui séparent plusieurs Etats ou qui
baignent leurs territoires seront ouvertes à la libre navi-
gation de la marine marchande et des navires de guerre
des nations riveraines.
" 2. Que cette déclaration n'affecte ni la juridiction ni
la souveraineté d'aucune des nations riveraines, soit en
temps de paix, soit en temps de guerre."
Le soussigné, qui assistait à cette séance, a voté avec la
majorité et recommande, par conséquent, au gouverne-
ment l'adoption de ces principes de droit international,
qui lui paraissent absolument conformes aux saines no-
tions de la justice. Notre intérêt ai;i point de vue pratique
est d'ailleurs de très peu d'importance dans cette question,
et sur les faibles cours d'eau qui séparent quelques points
— 18 —
de notre territoire de celui de nos. voisins de l'est, le trafic
possible est si faible que nous avons toujours pu de part
et d'autre, et sans aucun arrangement spécial, nous confor-
mer à ces mêmes principes libéraux, considérés comme de
droit naturel.
C. — ÉTAT CIVIL DES ÉTRANGERS.
On peut réunir sous ce titre une série de propositions
présentées par plusieurs délégués et tendant à prémunir
les Etats encore exposés à des troubles intérieurs contre
les réclamations extravagantes et trop souvent injustes
des résidents étrangers.
Toutes ces propositions ont été renvoyées pour examen
au comité de droit international qui a présenté dans la
trente-quatrième séance de la Conférence, le 21 février
1890, un premier rapport ne touchant point au fond de la
question.
Un second rapport exposant les vues du comité a été
présenté et discuté dans la séance du 18 avril 1890 (An-
nexe No. 3).
Les conclusions de ce rapport ont été formulées en deux
articles comme suit :
"1. Les étrangers jouissent de tous les droits civils dont
jouissent les nationaux; ils ont le droit d'user des dits
droits civils au fond, dans la forme ou procédure et dans
tous les recours auxquels ils peuvent donner lieu absolu-
ment de la même façon que les nationaux.
" 2. La nation n'a ni ne reconnaît, en faveur des étran-
gers, aucune obligation ni responsabilité que celles qui
sont établies dans les mêmes cas, en faveur des nationaux,
par la constitution et les lois."
Le délégué haïtien, soussigné, quoique absolument favo-
rable à la seconde clause de cette résolution, ne pouvait
donner un vote affirmatif sur la première. En déclarant
— 19 —
que " les étrangers seront admis à jouir de tous les droits
■civils, dont jouissent les regnicoles," nous nous serions
engagés à rapporter l'article de notre constitution qui
réserve à nos nationaux exclusivement le droit à la pro-
priété foncière. Le soussigné, même fât-il d'avis que
cette restriction constitutionnelle pût être rapportée sans
danger, ne saurait s'engager, dans une conférence interna-
tionale, à recommander à son gouvernement l'adoption
d'un principe formellement contraire à notre constitution.
Il demanda donc à voter négativement sur la première
clause de la résolution et affirmativement sur la seconde ;
mais la Conférence n'ayant point consenti à scinder le
vote, le soussigné s'abstint purement et simplement d'y
prendre part, se réservant ainsi toute liberté pour for-
muler ses recommandations au gouvernement..
Le refus aux étrangers du droit de propriété foncière en
Haïti ne s'élève point dans l'opinion du soussigné à la hau-
teur d'un principe de droit public irrévocable. C'est plutôt
une haute mesure de protection de soi-même, ''''self pro-
tection,'''' à laquelle a dû recourir la nation haïtienne, dans
l'exercice de sa souveraineté et en vue de certaines cir-
constances particulières. Cette mesure est donc essentiel-
lement transitoire comme les circonstances qui y ont
donné naissance. Elle disparaîtra nécessairement avec ces
circonstances.
La faiblesse de notre population, comparée à la puis-
sance formidable de la plupart des nations qui . entretien-
nent des relations commerciales ou autres avec nous, nous
impose plus impérieusement peut-être qu'à aucun autre
peuple le devoir de suivre avec attention la marche pro-
gressive des idées libérales, fraternelles, qui tendent de
plus en plus à éclairer, à dominer les relations internatio-
nales. Plus que tout autre peuple, nous avons intérêt à
pousser de toute la puissance morale dont nous pouvons
avoir occasion de disposer au triomphe de ces idées.
— 20 —
Mais, il faut bien le reconnaître, lorsqu'il s'agit du
" statut personnel" de l'étranger vivant au milieu de nous
et appartenant aux grandes nations civilisées de notre
époque, nous nous trouvons dans une situation assez diffé-
rente de celle des autres peuples de l'Amérique.
L'étrangei", en Haïti, jouit non seulement de toute la
protection désirable, mais d'une situation véritablement
privilégiée, comparativement à nos propres nationaux.
Ce déplorable état de choses s'est développé au point qu'il
commande aujourd'hui la sérieuse attention du gouverne-
ment et du pays. Ainsi, le gouvernement nous montre
dans son dernier Exposé de la situation que des citoyens
du pays, nés à la cinquième ou sixième génération de
parents haïtiens, recherchent, sans songer le moins du
naonde à quitter le sol natal, un semblant de naturalisation
qui leur confère les privilèges attachés, paraît-il, à la qua-
lité de résidents étrangers, ce qui ne s'est jamais vu nulle
autre part.
Tant que nous n'aurons pas surmonté les difficultés de
cette situation, tant que l'étranger qui s'est définitivement
fixé sur notre sol ne se sera pas identifié au pays, n'y aura
pas confondu ses intérêts avec l'intérêt public, il ne nous
est pas permis de lui accorder le droit de devenir proprié-
taire foncier. Ce serait décupler, même en pleine paix
intérieure, les occasions de réclamations entraînant l'inter-
vention de gouvernements étrangers dans nos affaires
intérieures.
Cette restriction constitutionnelle pourra, devra être
rapportée quand les dangers de ce genre auront complète-
ment disparu; quand l'étranger venant habiter notre pays
sera enfermé dans le cercle de ses occupations légitimes,
et quand ses intérêts seront devenus complètement soli-
daires des intérêts de la nation, du bien-être de la com-
munauté.
Le soussigné est d'avis que nous ne saurions prendre
— 21 —
des mesures trop énergiques pour hâter le moment heu-
reux où il nous sera permis d'effacer de notre constitution
cette disposition restrictive. Le puissant intérêt que nous
avons à suivre, comme il vient d'être dit, le courant des
idées libérales du siècle, nous commande de détruire au
plus tôt tout obstacle à notre fraternisation avec les autres
peuples civilisés, tout ce qui tend à faire à notre nation
une situation exceptionnelle dans le monde.
Un grand pas vient d'être fait dans cette voie par la
dernière Assemblée Nationale Constituante, en étendant
le cercle de la naturalisation à tous les étrangers habitant
notre territoire, sans aucune distinction de race ou d'ori-
gine. Il faudrait aller plus loin et faire que l'homme qui a
définitivement fixé sa résidence et celle de sa famille sur
le sol haïtien, qui est devenu ou qui est né socialement
Haïtien, qui est Haïtien pour et par tous les actes de la vie
civile, qui l'est même par le sang ou par l'exercice à ciel
ouvert d'une carrière politique professionnelle en Haïti,
cesse d'avoir aucun intérêt réel, sérieux, à se réclamer
politiquement d'une autre nationalité que la nôtre et qu'il
ait au contraire le plus grand intérêt à bénéficier des
facilités de la naturalisation.
Le soussigné ne croit pas devoir aller aussi loin que les
républicains du Brésil qui viennent d'interdire constitu-
tionnellement le séjour, à titre permanent sur leur territoire,
des gens qui prétendent rester étrangers à leur nationalité.
Mais d'autres mesures, d'une légitimité moins contestable,
peuvent conduire dans cette voie à des résultats absolu-
ment satisfaisants.
Personne, par exemple, ne saurait nous contester le
droit de choisir et d'encourager l'immigration des individus
de nationalité étrangère, dont l'acquisition nous paraît
pouvoir contribuer au développement de notre prospérité
nationale et de restreindre, de prohiber même l'importation
chez nous des aventuriers ou des gens de toute autre con-
— 22 —
dition sociale, dont l'adjonction à notre société pourrait
nous pai'aître nuisible à un degré quelconque.
Nous avons, sous ce rapport, l'exemple et pouvons nous
appuyer sur l'autorité des Etats-Unis qui interdisent
l'accès de leur territoire :
1. A la race mongolique presque tout entière.
2. Aux individus de toute nationalité européenne ou
autre qui ne sauraient justifier de moyens suffisants d'exis-
tence.
3. A tout ouvrier qui pourrait être engagé par contrat
en Europe ou ailleurs pour venir travailler dans ce pays
en y faisant tomber le taux des salaires.
Le soussigné croit devoir recommander au gouverne-
ment de doter le pays d'une législation complète réglant,
sur des bases très libérales, et sauvegardant en même
temps tous nos intérêts publics, cette grave question du
Statut des étrangers habitant exclusivement notre pays,
vivant sur notre territoire.
La loi devrait prononcer la peine de l'expulsion contre
tout étranger qui se trouverait dans l'un des cas suivants :
1. Incapacité de justifier de moyens suffisants d'exis-
tence.
2. Convaincu de vagabondage.
3. Condamné pour crimes ou délits punis de peines in-
famantes, la condamnation préalablement purgée.
4. Condamné pour délits politiques ou de presse.
5. Quiconque enfin, restant étranger à notre nationalité,
aura, après un premier avertissement de la police, conti-
nué à se mêler des affaires politiques du pays.
En opposition à ces mesures restrictives, la loi pourrait
autoriser le gouvernement à encourager, par des mesures
spéciales, l'adjonction à notre population, sans distinction
d'origine ou de race, d'étrangers appartenant à des classes
plus particulièrement utiles au bien-être d'une commu-
nauté ou au développement de ses ressources, tels, par
exemple, que les miDistres de la religion chrétienne, les
professeurs et les médecins, les ingénieurs, etc.
Les ouvriers proprement dits, venant exercer des pro-
fessions manuelles, devraient trouver à leur arrivée un
bureau d'informations et de placement, leur assurant
aussi promptement que possible un travail lucratif. Ceux
qui viennent avec un petit capital pour s'établir à leur
propre compte pourraient être exemptés de tout impôt
personnel pendant un temps déterminé ; l'artisan haïtien
étant ou devant être exonéré des impositions personnelles
en tout temps, l'ouvrier étranger aurait intérêt, à l'expira-
tion de la période de protection, à se naturaliser pour
n'être pas dans une condition trop inégale dans sa con-
currence avec nos nationaux.
Les fermiers arrivant avec un petit capital pour s'éta-
blir à leur propre compte constituent l'élément le plus
puissant qui ait pu concourir au développement de la
prospérité des nations américaines qui ont su attirer chez
elles une immigration de laboureurs intelligents. Cette
classe devrait être l'objet d'une attention toute spéciale de
la part du gouvernement. Il serait possible, sous certaines
conditions, de mettre à la disposition des fermiers exoti-
ques des terres à prélever sur notre immense domaine
public. La quantité de terre à livrer à chaque fermier se-
rait basée, par exemple, sur le nombre de personnes dont
se compose sa famille, ou sur le capital dont il dispose, ou
sur une combinaison de ces deux éléments. Cette terre se-
rait livrée sous la condition formelle d'être mise entière-
ment-en culture dans un temps déterminé; en récompense
de son labeur, le fermier en aurait la jouissance exclusive
pendant un nombre donné d'années. A l'expiration de ce
temps la ferme serait assujettie aux impôts ordinaires ;
mais le fermier aurait à prendre une détermination en ce
qui concerne la nationalité; en devenant Haïtien, il devien-
drait de plein droit propriétaire des terres composant sa
— 24 —
ferme et dont la concession par l'Etat lui serait définitive-
ment acquise. Au cas, au contraire, où à l'expiration de la
période de jouissance gratuite de la terre le fermier vou-
drait conserver sa nationalité étrangère, il aurait à payer
à titre de fermage, et outre les impôts ordinaires, une re-
devance légère fixée dans le contrat de concession et dont
la quotité aurait été déterminée par la loi. Ce premier bail
aurait également une durée déterminée, à l'expiration de
laquelle le fermier et la ferme entreraient dans le droit
commun.
L'entreprise d'une façon sérieuse et sur la plus grande
échelle possible de la construction et de la réparation des
routes publiques ; l'établissement d'un nombre considérable
et toujours croissant de vraies bonnes écoles publiques dans
nos districts ruraux ; celui de centres nombreux où les po-
pulations rurales puissent trouver à leur portée le prêtre, le
médecin, l'école et le juge sont, dans l'opinion du soussi-
gné, des moyens puissants dont la combinaison, avec un
système libéral d'immigration, doit changer en très peu de
temps l'aspect de nos campagnes et assurer à notre stabi-
lité politique le concours d'un puissant élément de conser-
vation sociale.
Les précautions nécessaires étant prises pour épargner
au pays un afflux d'aventuriers plus ou moins dangereux,
venant chercher fortune au moyen de la contrebande, de la
fausse monnaie, de toute sorte d'industries inavouables, le
soussigné n'hésiterait pas à recommander l'adoption des
mesures les plus libérales, les plus généreuses pour effacer
la ligne entre les intérêts des résidents étrangers et ceux
de notre pays. Il n'y aurait, du moins ainsi le pense le
soussigné, aucun inconvénient réel à placer tous les com-
merçants, haïtiens et étrangers, sur un pied d'égalité abso-
lue devant le fisc; les commerçants étrangers pourraient
aussi, avec plus d'avantages que d'inconvénients, concourir
à l'élection des magistrats consulaires et même devenir
— 25 —
éligibles, après un certain nombre d'années de séjour, à
cette magistrature qui n'intéresse véritablement que le
commerce. Il y aurait aussi plus d'avantages que d'incon-
vénients à admettre au droit de cité des étrangers mariés
à des Haïtiennes ou ayant mené pendant de longues an-
nées une existence honorable parmi nous.
La République Argentine vient de promulguer une loi
sur la naturalisation contenant une disposition que le
soussigné croit devoir recommander, sous quelques modi-
fications, à l'adoption de nos pouvoirs constitués, comme
éminemment propre à effacer la ligne entre nationaux et
étrangers et à hâter la solidarisation des intérêts de tous
les habitants de notre territoire. " Tout étranger, d'après
•cette disposition de loi, qui aura résidé pendant sept an-
nées consécutives dans la République et qui aura épousé
une Argentine, sera réputé citoyen de la République, à
moins d'une déclaration formelle de son refus. Celui qui
aura accepté la naturalisation ainsi acquise pourra rem-
plir toutes les fonctions publiques excepté celles de prési-
dent, vice-président et archevêque. La même faveur est
conférée à l'étranger qui sera devenu propriétaire de
biens-fonciers dans le district électoral de sa résidence."
Le soussigné serait d'avis que, dans l'état actuel de
notre droit constitutionnel, cette disposition pourrait être
modifiée comme suit :
" Tout étranger qui aura résidé pendant sept années
consécutives dans la République aura droit à la délivrance
de lettres de naturalisation comme citoyen d'Haïti en fai-
sant simplement la déclaration sous serment au juge de
paix de sa résidence, de sa volonté de devenir Haïtien et
•qu'il renonce à toute autre patrie qu'Haïti."
La même faveur pourrait être conférée à l'étranger qui
aurait épousé une Haïtienne, en réduisant à une ou deux
années au plus la durée de sa résidence dans le pays.
Enfin, tout en maintenant l'interdiction aux étrangers
— 26 —
du droit de propriété, le gouvernement reconnaîtra qu'il y
a peut-être lieu de faire à cet égard une distinction ; qu'un
étranger ne puisse acquérir individuellement des biens-
fonciers en Haïti, c'est là une disposition restrictive de
notre constitution qu'il y a lieu de maintenir pour les mo-
tifs exposés ci-dessus. Mais, que des capitalistes étrangers
soient appelés à établir et à exploiter chez nous, des
chemins de fer, des docks, de grandes usines à sucre, de
grandes filatures de coton, etc., comment s'y prendront-ils
■pour former les grandes compagnies qui seules peuvent
entreprendre ces vastes exploitations, si ces compagnies
doivent perdre la propriété de leurs capitaux au moment
où elles les auront investis sur notre sol ? C'est là une
question qu'il convient d'examiner avec calme pour être
sûr de parvenir à une sage solution. Le soussigné se con-
tente d'observer qu'une compagnie réelle, honajide, bien
que devant être considérée comme une personne civile, a
néanmoins un caractère impersonnel, anonyme, qui dé-
truit, au moins dans une très grande mesure, les dangers
que la Constitution se propose de conjurer; le danger
n'est pas, en effet, dans la jouissance du droit de propriété
qui fait partout la force des Etats en assurant la stabilité
des familles et, par suite, de la société, mais dans l'abus
que i^o^^n^aient faire de ce droit des aventuriers sans
scrupule.
Quel que soit l'accueil réservé par le gouvernement aux
opinions personnelles que le soussigné vient d'avoir l'hon-
neur d'exprimer, il reste le fait que la majorité de la Con-
férence a proclamé elle-même et recommandé à toutes les
nations qui y ont été représentées, d'adopter comme prin-
cipe de droit public la résolution en deux articles insépa-
rables rapportée ci-dessus, et d'y conformer leur législa-
tion. Cette résolution, qui condamne l'une des dispositions
de notre loi constitutionnelle, devra donc être examinée
par nos pouvoirs publics auxquels l'abstention du délégué
— 27 —
d'Haïti à la Conférence ne retire nullement la faculté d'y
adhérer par une déclaration formelle, s'ils le jugent con-
venable, mais entraînant une modification nécessaire à la
Constitution.
Toutefois, avant de quitter ce sujet, le soussigné croit
devoir insister en résumant comme suit sa pensée : nous
avons le plus puissant intérêt pour notre avancement
dans les arts utiles et le développement de notre fortune
publique : 1^ A attirer chez nous des travailleurs intelli-
gents, instruits, en aussi grand nombre que possible, de
tous les points du monde civilisé ; 2^ à restreindre dans
les limites les plus étroites, comme nombre et co nme qua-
lité, la classe des résidents étrangers. Pour atteindre ce
but, en apparence contradictoire, le maintien du droit ex-
clusif des Haïtiens à la propriété du sol doit produire les
résultats les plus satisfaisants, à la suite de l'application
rigoureuse d'une politique sage, faisant deux parts entre
les étrangers : les vrais travailleurs, cultivateurs, indus-
triels, négociants honnêtes formant tous un élément con-
servateur qui, encouragé, protégé, prospérant à l'ombre
de nos lois, s'attachera au pays et adoptera notre drapeau
pour jouir de la propriété du sol où il s'implante — et les
aventuriers de toute race, de toute nationalité, qui ne doi-
vent être ni accueillis ni tolérés sur notre territoire, classe
dangereuse à tous égards, qui n'a que trop contaminé
notre malheureuse société trop prompte à accueillir les
nouveaux venus ; classé malsaine contre laquelle de sévè-
res lois de répression, d'expulsion, doivent agir sans cesse
avec une énergie toujours croissante.
— 28 —
SECTION II.
Formation d'une Union Douanière entre les Nations
Américaines.
Le comité chargé de l'examen de cette grave question,
quoique d'accord en principe sur l'impraticabilité de ce
projet, se divisa néanmoins sur des questions de forme et
présenta le 28 février 1890, dans la trente-septième séance
de la Conférence, deux rapports, l'un de la majorité et
l'autre de la minorité (voir Annexe No. 4 A et B).
La majorité, composée des délégués du Brésil, du Mexi-
que, de la Colombie, du Nicaragua et du Venezuela avait
conclu par une proposition formulée comme suit :
^^ Résolution :
" Il est recommandé à ceux des gouvernements repré-
sentés dans cette Conférence et qui peuvent avoir intérêt
à conclure des traités de commerce à réciprocité partielle,
de négocier ces traités avec une ou plusieurs nations amé-
ricaines avec lesquelles ils peuvent avoir intérêt à les con-
clure, sur une base qui puisse être acceptée dans chaque
cas, en prenant en considération la situation spéciale, les^
conditions et les intérêts de chaque pays et en vue de pro-
mouvoir leur bien-être commun."
Le délégué des Etats-Unis, membre de ce comité, signa
le rapport de la majorité, mais en se réservant d'y propo-
ser des amendements en séance générale.'
Enfin, les délégations du Chili et de la Eépublique
Argentine formant la minorité du comité, formulèrent
comme suit la conclusion de leur rapport :
" La Conférence Internationale Américaine rejette le
projet d'union douanière."
La controverse avait été ardente entre les membres du
comité et continua non moins animée en conférence gêné-
— 29 —
raie. La discussion des rapports fut ouverte le 15 mars
dans la quarante-quatrième séance, et se prolongea dans
le cours de plusieurs réunions suivantes ; elle n'était pas
encore fermée le 1®'" avril quand le soussigné prit siège à
la Conférence; il eut ainsi occasion de prendre part à cette
discussion dans la séance du 7 avril, la cinquante-neu-
vième de la Conférence (voir Annexe No. 4 C) et se pro-
nonça en faveur du rejet pur et simple de tout projet
d'union douanière américaine.
Le 10 avril (soixante-deuxième séance), par un vote de
douze délégations contre trois (l'Argentine, le Chili et la
Bolivie), la Conférence adopta les conclusions du rapport
de la majorité du comité. Le soussigné était à New York
pour le service de notre légation et ne put point prendre
part à ce vote.
Quoiqu'il en soit, cette recommandation de la majorité
de la Conférence aux nations représentées ne diffère des
conclusions de la minorité, ainsi qu'il a été déjà dit, que
dans les formes, c'est toujours le rejet de la proposition
d'union douanière américaine. Il est aussi à remarquer
que la Conférence, eût-elle voté ce projet en termes expli-
cites, elle n'en resterait pas moins libre de recommander
aux gouvernements représentés de contracter entre eux,
s'ils le veulent, des traités de réciprocité partielle ou
totale, qui sont réellement chose bien différente d'une
union douanière. Le soussigné estime donc qu'il n'y a
aucune action constitutionelle à prendre sur cette recom-
mandation, mais simplement à attendre et à examiner les
propositions qui pourront être faite au gouvernement par
les nations amies pour la conclusion de traités de récipro-
cité.
— 30 —
SECTION m.
Etablissement de Communications Fréquentes et Régu-
lières entre les Ports des différents Etats Américains
et entre les Ports respectifs de chaque Etat.
L'examen des questions relatives à l'extension des
moyens de communication entre les Etats américains et
entre les différents ports d'un même Etat, a été confié à
quatre comités distincts dont les rapports ont été présen-
tés et discutés dans l'ordre suivant :
A. — COMMUNICATIONS PAR CHEMIN DE FEE.
Le comité chargé de l'étude de ces questions présenta,
dans la trente-quatrième séance de la Conférence, le 21
février 1890, un rapport (voir Annexe No. 5) dans lequel
il exposait ses vues pour une action commune de tous les
Etats du continent américain, pouvant être reliés les uns
aux autres par un réseau continu de voies ferrées.
Les seize articles de ce rapport furent votés à l'unani-
mité le 26 février, dans la trente-sixième séance de la
Conférence.
Les dispositions de ce rapport peuvent se résumer
comme suit :
" 1. Un chemin de fer unissant la totalité ou la majorité
des nations représentées dans la Conférence, contribuera
grandement à développer les relations morales et les res-
sources matérielles de ces nations.
" 2. Il sera formé une commission internationale d'ingé-
nieurs pour étudier les routes possibles, déterminer leur
véritable longueur , estimer leurs dépenses respectives et
comparer leurs avantages réciproques.
" 3. Cette commission sera composée de trois ingénieurs
nommés par chaque nation, avec le privilège de se parta-
ger en sous-commissions et de nommer autant d'ingé-
— 31 —
nieurs et d'employés qu'il sera jugé nécessaire pour l'exé-
cution rapide- du travail (des études préliminaires),
" 5. Le chemin de fer, autant que l'intérêt commun le
permettra, devra relier les principales villes situées à proxi-
mité de son parcours (6) là où la direction de la ligne
principale ne saurait être modifiée sans de grands incon-
vénients, des lignes annexes seront étudiées pour relier les
villes avec la voie principale.
" 8. Au cas où le travail de la commission démontre la
possibilité d'établir le chemin de fer, il sera sollicité des
propositions pour l'exécution des travaux, soit pour toute
la ligne, soit par sections."
Il y a lieu d'ajouter que le Président des Etats-Unis a
déjà transmis au Congrès un rapport du Département
d'Etat, daté du 12 mai 1890, et demandant le crédit néces-
saire pour la contribution des Etats-Unis aux dépenses
des études préliminaires de cette gigantesque voie ferrée,
et qu'un rapport du Comité des E. E. de la Chambre des
Représentants a été présenté à cette Chambre et conclut
en faveur du crédit demandé.
La délégation haïtienne n'a pu participer ni à la discus-
sion, ni au vote de ce projet grandiose recommandé aux
divers gouvernements représentés dans la Conférence. Il
est vrai que les nations du continent américain y ont
seules un intérêt direct.
Néanmoins, le soussigné est d'avis que nous pouvons y
trouver une occasion exceptionnellement favorable pour
aborder et résoudre le problème de l'établissement des
voies ferrées dont le besoin se fait sentir si vivement chez
nous.
Faisant, comme nos voisins du continent, un moyen de
paix et de fraternité internationale de ces puissants mo-
teurs de la prospérité des peuples contemporains, le sous-
signé serait d'avis que des relations soient incessamment
— 32 —
ouvertes avec notre république-sœur de l'Est, en vue d'un
accord pour procéder en commun et sur les bases adop-
tées par la Conférence, aux études préliminaires d'un
réseau de chemins de fer couvrant l'île entière.
Au cas ou les études à faire sur le continent aboutis-
sent, comme il est probable, à l'entreprise des travaux, il
serait aisé aux deux républiques haïtiennes de faire ad-
mettre leur système de voies ferrées dans l'ensemble des
travaux du grand chemin de fer transcontinental et d'en
concéder la construction et l'exploitation aux compagnies
riches et responsables qui ne manqueront pas de se for-
mer à cette occasion.
B. — COMMUNICATIONS PAE L' ATLANTIQUE.
Le rapport du comité (Annexe No. 6) chargé de l'exa-
men des moyens d'étendre les communications par l'Océan
Atlantique, entre les différentes nations américaines, a été
déposé le 17 mars 1890 (quarante-cinquième séance).
Ce rapport a été discuté et ses conclusions adoptées
dans la cinquantième séance de la Conférence, le 24 mars
1890. L'honorable délégué de la République Argentine, M.
Roque Saenz Pena, président de ce comité, prit occasion
de la mise en discussion de ce rapport pour prononcer
quelques mots aimables et pleins de bienveillance au sujet
de " M. Laforestrie, délégué d'Haïti et membre du comité,
qui n'avait pu signer ce rapport, quoiqu'il eût beaucoup
travaillé à sa préparation, parce que le mauvais état de sa
santé l'avait obligé de rentrer dans sa patrie." M. Saenz
Pena a ajouté : " qu'il se croyait l'interprète des senti-
ments de la Conférence toute entière en rendant cet hom-
mage au collègue, à l'ami absent." Le soussigné est heu-
reux de rappeler ici cet incident en témoignage de l'estime
dont le délégué d'Haïti a su se rendre digne de la part de
ses collègues à la Conférence.
Les conclusions de ce rapport, adoptées comme il vient
— 33 —
d'être dit, comportent la recommandation par la Confé-
rence aux gouvernements intéressés, de subventionner une
ou plusieurs lignes de bateaux à vapeur entre les ports des
Etats-Unis, du Brésil et du Eio-de-la-Plata.
La République d'Haïti n'étant point directement inté-
ressée dans cette question, il n'y a lieu pour le soussigné
de présenter aucune recommendation particulière à ce sujet,
C. — COMMUNICATIONS PAE LE GOLFE DU MEXIQUE ET LA
MER DES ANTILLES.
Le Comité chargé de l'étude de la question a compris que
sa mission consistait à examiner soigneusement les moyens
de communication existants, et à se rendre compte des
améliorations qu'il pourrait y avoir lieu d'y porter, afin de
faire à cet égard des recommandations aux gouvernements
intéressés. Le comité s'est donc entouré de tous les rensei-
gnements et documents nécessaires à la rédaction de son
rapport (Annexe No. 7), lequel a été discuté et adopté par
la Conférence dans sa séance du 21 mars 1890.
Il est à remarquer que la République d'Haïti n'avait
point de représentant à la Conférence à ce moment ; il en
est résulté que les renseignements et documents soumis à
la Conférence sur ses moyens de communication avec les
autres nations américaines offrent quelques lacunes qui
seront signalées ci-après.
1. — COMMUNICATIONS TÉLÉGEAPHIQUES.
La Conférence estime que le réseau télégraphique unissant
actuellement les principales villes des différentes nations
américaines, pourrait suffire à tous les besoins du service
et être considéré comme satisfaisant. Elle reconnaît néan-
moins, que les compagnies de câbles télégraphiques sous-
marins ont adopté des tarifs sî élevés que le commerce ne
peut se prévaloir de ces lignes, que l'on n'y a recours que
pour les communications les plus pressantes, et que l'on
— 34 —
est obligé de se contenter de la correspondance par les
courriers ordinaires, même dans des cas où l'on aurait
intérêt à user du télégraphe. Pour obvier à cet incon-
vénient, elle recommande que des démarches soient fai-
tes en vue de ramener à des taux modérés les tarifs des
compagnies existantes, et, au cas où l'on ne pourrait pas
en obtenir ces réductions nécessaires, la Conférence est
d'avis que les gouvernements intéressés provoquent la
formation de nouvelles compagnies de câble sous-marin
en accordant des concessions, stipulant que les frais de
transmission par câble ne sauraient excéder un tarif maxi-
mun raisonnable, qui serait annexé aux contrats de conces-
sion.
. Sans insister sur ces recommandations pratiques qui, si
elles sont adoptées par les gouvernements intéressés, sem-
blent devoir, en effet, assurer une réduction raisonnable
dans le taux de la transmission des dépêches télégraphi-
ques, le soussigné croit devoir présenter quelques observa-
tions sur la première partie du rapport relative à la suffi-
sance des moyens de communication télégraphique actuel-
lement disponibles.
Cette vue optimiste de la question n'est malheureuse-
ment pas applicable à la République d'Haïti. Nous avons
bien un point de notre territoire, le Môle Saint-Nicolas,
qui est relié au reste du monde par un câble télégraphique
sous-marin; mais, il faut bien le reconnaître, ce câble n'est
en ce moment d'aucune utilité pratique, ni pour le com-
merce, le public, ni même pour le Gouvernement. Sans
doute l'établissement de ce câble est, au point de vue haï-
tien, un beau, un grand progrès, dont on ne saurait mar-
chander le mérite au Grouvernement qui l'a conçu et fait
exécuter ; mais il nous reste à l'utiliser, à en tirer tout le
parti possible, pour le développement de nos relations
commerciales, pour la consolidation de notre paix inté-
rieure. Le Môle Saint-Nicolas, célèbre par sa grande baie.
— 35 —
son superbe mouillage, que les Haïtiens de tous les partis
surveillent sans cesse d'un œil jaloux, ombrageux, le Môle
Saint-Nicolas, qui est destiné, sans nul doute, à être le port
le plus beau, le plus considérable de notre pays, le jour où,
cessant nos stériles agitations, nous aurons tourné toute
notre énergie vers les arts de la paix, vers ces travaux
grandioses qui caractérisent notre siècle et qu'il est temps
enfin que nous abordions à notre tour, le Môle Saint-Ni-
colas, qui est et restera un port haïtien aussi longtemps
que notre drapeau flottera, fier et beau, sur le sol conquis
par les SpartacQS de Saint-Domingue, le Môle, à l'heure
présente, n'est encore qu'un point isolé dans notre système
général, tellement isolé qu'il a été possible à son comman-
dant militaire de rester dans une sorte de neutralité pen-
dant la guerre de 1868-70.
Le Môle Saint-Nicolas doit sortir de cet isolement dans
le plus bref délai possible. Il conviendrait avant tout de
procéder d'urgence à l'établissement d'un réseau télégra-
phique qui mette ce point en communication instantanée
avec tous les centres commerciaux de la République, afin
que les commerçants de tous nos ports puissent avoir le
bénéfice du câble existant. De tous les grands travaux que
nous devons nous hâter d'entreprendre, le soussigné croit
que l'établissement de notre système télégraphique inté-
rieur est à la fois le moins coûteux, le plus utile, le plus
pressant.* Ces travaux et quelques autres d'une importance
égale ou supérieure au point de vue de nos relations inter-
* Cette nécessité si généralement sentie en Haïti ne pouvait échapper à
l'attention du gouvernement réparateur du Président Hyppolite ; en même
temps que l'autorisation de faire imprimer le présent rapport, la Légation
d'Haïti aux Etats-Unis a reçu le texte officiel de trois contrats dont le gou-
vernement avait pris l'initiative et qui ont été dûment sanctionnés par le
Corps Législatif. Ces contrats pourvoient à l'immersion de deux câbles télé-
graphiques sous-marins, l'un entre le Môle et Port-au-Prince ; l'autre entre
le Cap et le Môle et à la construction rapide d'un réseau de fils aériens met-
tant toutes les villes de la République en communication télégraphique avec
le Port-au-Prince et le Môle Saint-Nicolas. — Note du Rapporteur.
— 36 —
nationales et du développement de notre commerce, peu-
vent être l'objet de la part du gouvernement, de proposi-
tions qui, dans l'opinion du soussigné, seraient d'autant
plus favorablement accueillies par les capitalistes à l'étran-
ger que : l'^ On est partout las de nos guerres civiles ; on
croit à la richesse du pays, à l'abondance de ses ressour-
ces naturelles qui, par le maintien de la paix, offriront au
commerce légitime avec Haïti des bénéfices plus certains
et infiniment plus considérables que ceux qu'on peut
attendre d'un commerce éventuel de poudre à canon et de
plomb à balles; 2^ L'on croit, à l'étranger, à la probité et
à la capacité du gouvernement actuel de notre Eépubli-
que ; on croit que Son Excellence le Président Hyppolite
est sincère dans son désir si souvent manifesté, de ramener
la paix dans le pays en tenant une juste balance entre les
partis, en ne favorisant la prétention d'aucun groupe
politique à une domination exclusive.
Ce sont des circonstances propres à commander la con-
fiance et nous devons en profiter pour tenter de réaliser
nos rêves de prospérité nationale, pour ouvrir des carrières
nombreuses, à la fois honorables et lucratives, à l'activité
de nos populations.
Ce serait l'occasion, pour en revenir au Môle Saint-Nico-
las, de mettre fin à tout malentendu pour le présent et
pour l'avenir, en entreprenant nous-mêmes d'assurer le
bénéfice de cette merveilleuse situation géographique au
commerce du monde par des travaux convenables. Il n'est
ni impossible, ni même difficile, dans l'opinion du sous-
signé, de formpr des compagnies de capitalistes dans ce
pays, en France ou en Angleterre, pour la construction
dans cette vaste baie d'un port moderne, avec bassins de
radoubs, forges et chantiers pour la construction ou la ré-
paration des navires. Ce point étant préalablement relié
à notre capitale par un chemin de fer, assurant la rapidité
et l'ef&cacité du contrôle administratif, le gouvernement
— 37 —
trouverait une source nouvelle et considérable de revenus
en y établissant des magasins publics de provisions de
bouche et de charbon pour le ravitaillement des navires
de commerce de toutes les nations amies. Le soussigné
croit, enfin, que si la République d'Haïti est jamais appe-
lée à défendre sa neutralité, à s'épargner des représailles
en cas de guerre entre deux ou plusieurs grandes puissan-
ces, c'est par le Môle Saint-Nicolas surtout que nous pou-
vons être exposés à de tels ennuis, à de tels dangers ; en
conséquence il recommande instamment au Grouvernement
d'associer à la pensée d'ouvrir ce port au commerce du
monde, celle de le transformer en même temps en un port
militaire formidable, protégé par des ouvrages assez puis-
sants pour nous permettre d'en interdire l'accès, en temps
de guerre, à tout pavillon étranger dont l'admission, avec
ou contre notre gré, pourrait compromettre notre neutra-
lité et nous transformer brusquement, sans préparations,
et peut-être sans moyens suffisants de défense, en puis-
sance belligérante.
2. — COMMUNICATIONS POSTALES.
Les communications postales entre les Etats-Unis et les
pays bordant le Grolfe du Mexique et la mer des Antilles
sont assurées par plusieurs lignes de bateaux à vapeur,
énumérées sur un état fourni par le département des
postes américaines et annexé au rapport du comité.
En ce qui concerné les facilités pour les communications
postales et commerciales avec Haïti, le comité les estime
satisfaisantes, fair, ce qui peut signifier que la Conférence
nous place en dehors des Etats auxquels elle recommande
quelques sacrifices, sous forme de subventions postales pour
s'assurer des communications plus rapides et plus fré-
quentes.
Les documents communiqués par le département des
postes n'ont pu mettre la Conférence en possession que
— 38 —
d'un côté de la question, en ce qui nous concerne, et
Haïti n'étant pas représentée dans les débats, ainsi qu'il a
été déjà dit, n'a malheureusement pas eu, comme les autres
nations, occasion d'exposer à la Conférence l'autre face de
la question.
Dans le tableau fourni par le service des postes, il n'est fait
mention que de deux lignes de bateaux à vapeur assurant
nos relations commerciales et postales avec les Etats-Unis :
A. — La ligne Clyde, entre New York et le Cap-Haïtien.
B. — La ligne Atlas, entre New York et Port-au-Prince
d'une part, et de l'autre entre New York et nos ports du
Sud, via Kingston, Jamaïque.
Nous pouvons ajouter à ces deux lignes, les bateaux de
la ligne hollandaise qui assurent un service très régulier
entre Port-au-Prince et New York, tant pour le fret que
pour la malle ; et la ligne haïtienne du service accéléré dont
les bateaux assurent ou doivent assurer le transport sur
tous les points de nos côtes, des passagers et du fret arri-
vant par les bateaux américains ou à destination des ports
américains.
Mais toutes ces lignes de bateaux à vapeur fonctionnent-
elles d'une manière régulière et vraiment satisfaisante ?
Les bateaux de la ligne Atlas, voyageant sous pavillon
anglais, font, en effet, d'une manière assez régulière le ser-
vice des départs de New York pour les ports d'Haïti ; mais
leur retour se faisant par les ports de la Jamaïque ou de
la côte ferme, ils nous rendent peu ou point de service di-
rect pour le transport aux Etats-Unis de nos denrées, de
nos voyageurs ou de notre correspondance. La poste haï-
tienne ne peut guère utiliser ces vapeurs que par la voie
indirecte de la Havane; quant aux voyageurs, ils sont obli-
gés d'aller les rencontrer à la Jamaïque en prenant à Jac-
mel et Aux Cayes les bateaux de la British Royal Mail, et
à Jérémie ceux de la West India & Pacific Steam Ship
Co., ce qui rend les voyages à la fois très longs et exces-
sivement coûteux. '
— 39 —
A Port-au-Prince et dans les ports environnants, les
passagers pour les Etats-Unis n'ont à leur disposition que
la ligne hollandaise, dont les bateaux, trop petits pour re-
cevoir tous les voyageurs qui se présentent dans la saison,
ont encore l'inconvénient de n'offrir qu'un seul départ
toutes les trois semaines.
Nos ports du Nord, Cap, G-onaïves et Port-de-Paix, sont
servis exclusivement par la ligne Clyde, dont les départs,
tant à l'aller qu'au retour, sont trop irréguliers, pour assu-
rer un service postal satisfaisant. Ces bateaux faisant leur
retour par les ports d'Haïti rendent d'incontestables servi-
ces à notre commerce d'exportation, mais à cause même
de ce fait leurs départs sont d'une irrégularité qui les rend
excessivement mal commodes pour les voyageurs et pour
la correspondance. En outre, le nombre de leurs voyages
est absolument insuffisant, non pas seulement pour le
développement des relations commerciales, mais même
pour les besoins du trafic actuel; on sait, en effet, que ces
bateaux, qui desservent aussi les ports de la République
Dominicaine, ont toujours un plein chargement et sont
très souvent obligés de refuser une portion du fret abon-
dant offert à chacun de leurs départs de New York.
Il est donc évident que la Conférence a été insuffisam-
ment informée en ce qui concerne Haïti, et que les moyens
de transport des marchandises, des voyageurs et de la cor-
respondance entre les ports de notre pays et ceux des
Etats-Unis sont encore loin d'être sur un pied absolument
satisfaisant. Il y a place sur ce terrain pour de très impor-
tantes améliorations. Oti faut-il les chercher ? A qui faut-
il les demander ?
C'est ce qu'il convient de déterminer.
La ligne Atlas n'a pas toujours suivi son itinéraire ac-
tuel ; elle y est parvenue graduellement, après avoir essayé
au début de faire ses retours par les ports d'Haïti. Elle ne
— 40 —
semble pas y avoir renoncé d'une manière complète, abso-
lue, mais elle ne prend du fret dans nos ports que dans
certaines conditions spéciales qui font de ces départs une
chose d'occasion et non point un service régulier. Si cette
compagnie s'est attachée à son itinéraire actuel, c'est
qu'elle trouve sur cette ligne un trafic plus assuré ou plus
rémunérateur que les retours réguliers par nos ports.
Peut-on l'amener à modifier ses arrangements dans un
sens plus favorable à nos relations commerciales avec les
Etats-Unis 1 Peut-être bien arriverait-on à s'accorder sur
le taux d'une subvention qui dédommagerait cette compa-
gnie de la portion de son trafic actuel qu'il lui faudrait
abandonner. Mais qui paierait cette subvention ? Certaine-
ment pas les Etats-Unis, qui ne consentiraient jamais à
encourager le développement d'un commerce qui s'effectue
sous un autre pavillon que le leur ; pas l'Angleterre non
plus, qui, même sous son propre pavillon, ne saurait avoir
intérêt au développement des relations commerciales en-
tre Haïti et les Etats-Unis. C'est donc Haïti qui devrait
porter seule le poids de cette subvention, en vue de résul-
tats auxquels nous ne sommes pas seuls intéressés. Ce se-
rait un faux calcul et le soussigné estime que nous ne som-
mes pas assez riches pour en faire.
On pourrait aussi demander à la compagnie hollandaise
de placer sur cette ligne de plus grands bateaux que ceux
qui y sont actuellement employés et d'augmenter sa flotte
de façon à pouvoir doubler au moins le nombre de ses dé-
parts tant à l'aller qu'au retour. Si cette compagnie n'a
pas pris elle-même l'initiative d'introduire ces améliora-
tions dans son service, c'est qu'elle redoute, comme c'est
toujours le cas, d'engager de nouveaux capitaux, d'aug-
menter sensiblement ses frais d'exploitation, sans une as-
surance sufîisante d'une augmentation proportionnelle de
ses recettes. A elle aussi, il faudrait une subvention, au
moins au début et pendant un certain temps. Cette sub-
— 41 —
vention rencontrerait, à cause du pavillon, les mêmes ob-
jections que pour la ligne " Atlas."
Il reste donc la ligne américaine de Clyde & Co., et la
compagnie haïtienne du service accéléré qui sollicite, pa-
raît-il, l'appui du gouvernement pour placer, elle aussi,
des bateaux entre nos ports et ceux de l'Union.
A quelque compagnie que doive être servie une subven-
tion postale pour assurer la régularité et le développement
des relations entre Haïti et les Etats-Unis, nous ne devons
point être seuls à porter le poids de cette subvention, parce
que nous ne sommes point seuls intéressés.
Nos communications avec les ports de l'Europe sont loin
d'offrir les lacunes et les inconvénients qui viennent d'être
relevés dans le service actuellement existant entre nos
ports et ceux des Etats-Unis. Voyageurs et correspon-
dance arrivent et partent à date fixe, presque à heure fixe
par les bateaux anglais de la Royal Pacific Mail Co., ou
par les bateaux français de la Compagnie Générale Trans-
atlantique, et il ne nous en coûte rien. Nous avons en
cela le bénéfice des larges subventions payées par la France
et par l'Angleterre pour assurer la régularité de leur ser-
vice postal.
Mais les Etats-Unis n'ont-ils aucun intérêt de ce genre
dans le Grolfe du Mexique et dans la mer des Antilles 1 En
ce qui concerne la République d'Haïti en particulier,
serait-il injuste ou même extravagant de notre part de
leur demander de concourir avec nous aux sacrifices né-
cessaires pour remédier à l'insuffisance et aux inconvé-
nients de l'état de choses existant ? Le soussigné ne sau-
rait admettre un seul instant une telle pensée.
Les Etats-Unis font avec Haïti un commerce énorme et
dont le développement, pour peu qu'il reçoive quelque
encouragement, peut et doit atteindre, avec le maintien de
la paix en Haïti, des proportions gigantesques. Ce com-
merce ne dépasse pas seulement celui que nous faisons
' — 42 —
avec l'Angleterre, la France ou l'Allemagne en particulier,
mais bien l'ensemble de notre commerce avec toutes les
autres nations du monde. Par la seule force des choses ce
commerce se développe, s'étend à mesure que se développe
le commerce général de notre pays et à mesure que s'élève
la somme de notre production nationale.
Dans les " Statements Nos. 61 à 87, of the Quarterly
Report, No. 4, séries 1888-89," publiés dans le Com-
merce of the United States par le " Treasury Depart-
ment," en 1889, on trouve, pages 19 et 20, des tables qui
démontrent que les importations de produits américains
en Haïti, qui s'élevaient à $2,487,210 en 1872, ont subi des
fluctuations diverses, qu'expliquent l'abondance ou la pau-
vreté de nos récoltes à des époques différentes, la variation
du prix de nos principales productions sur les marchés
étrangers, etc., sans néanmoins que la valeur totale de ces
importations soit jamais descendue au chiffre de 1872, jus-
qu'à l'année 1888, où elles ont atteint la somme de
$4,322,653, c'est-à-dire qu'elles ont doublé dans le cours de
ces seize années.
Nos exportations aux Etats-Unis ont presque triplé dans
la même période, passant de $1,078,611 en 1872 à
$2,918,820 en 1888.
A la page 15 de la même publication, le montant total
de nos importations en 1887 est établi à $5,544,934. En
rapprochant de ce chiffre celui de $3,059,318 donné à la
page 19 pour le montant des produits américains exportés
à Haïti dans cette année, on arrive aux proportions sui-
vantes :.
Importations des Etats-Unis $3,059,118, 55 Ve p. c.
Importations de tous les autres pays . 2,485,616, 44V6 P- c.
Total $5,544,934, 100 p. c.
Les Etats-Unis fournissent donc plus de la moitié des
— 43 ^
produits étrangers qui se consomment^ en Haïti; il serait
facile de démontrer que les produits manufacturés pour
lesquels ils entrent en concurrence sur nos marchés avec
ceux de l'industrie européenne figurent parmi nos impor-
tations dans une proportion toujours croissante.
Ainsi, en 1872, nous leur avons acheté des tissus de
coton pour (page 20) une valeur totale de $118,429
En 1888, ils nous en ont fourni pour 868,949
Soit une augmentation de 634 pour cent dans ces seize
années.
En 1887, le montant total de nos importations des mar-
chés européens s'est élevé :
Pour la France à $710,790
Pour l'Allemagne (page 78) à 750,918
Pour l'Angleterre 675,535
Voilà certes des chiffres qui parlent très haut et disent
assez combien les Etats-Unis ont infiniment plus intérêt
que la France, l'Angleterre et l'Allemagne réunies à
encourager l'établissement de communications rapides et
fréquentes avec notre pays.
Ces arguments basés sur notre commerce d'importation
ne sont nullement affaiblis par la statistique de nos expor-
tations. On sait qu'Haïti seule fournit à la consommation
américaine plus de bois de teinture que tous les autres
pays du monde ensemble. Notre café, il est vrai, n'entre
pas encore pour une part bien considérable dans la con-
sommation de ce pays ; l'Europe nous offre encore des dé-
bouchés beaucoup plus avantageux pour cette denrée. Cela
tient à des causes diverses. Les uns croient que l'arôme trop
délicat de ce café s'évapore trop facilement au contact de
corps étrangers et se prête mal à la falsification que prati-
quent sur la plus vaste échelle les épiciers de ce pays ;
d'autres croient, avec beaucoup plus de vraisemblance, que
le café d'Haïti est livré au commerce mélangé à un trop
— 44 —
grand nombre de^petites pierres et de graines noires sans
valeur ; en cet état ce café doit subir un triage à la main
qui serait ruineux pour le détaillant américain à cause de
l'excessive cherté de la main-d'œuvre dans ce pays.
Si cette dernière supposition rencontre la vérité, comme
le croit le soussigné, l'obstacle sera bientôt levé. Les prix
élevés obtenus sur les marchés européens par les cafés
purs de toute mélange de cailloux, livrés par les usines
Simmonds, du Petit-Groâve, et celles des frères Demeran, à
Pétionville, ont éclairé nos producteurs sur leurs vérita-
bles intérêts et déjà le nettoyage scrupuleux de nos cafés
par les cultivateurs xend à se généraliser. On ne saurait
douter, qu'avec quelques années de paix et de bonne ad-
ministration, Haïti n'embarque tout son café dans un état
de perfection qui ne le cède à celui d'aucun autre lieu de
production.
En attendant, l'expérience nous a démontré que la pro-
duction entière de cette^ fève, qui s'élève aujourd'hui à 84
millions de livres annuellement, passera aux Etats-Unis,
sinon pour la consommation, du moins en transit pour
l'Europe, le jour où nous aurons des vapeurs assez grands,
assez nombreux, assez rapides surtout pour enlever nos ré-
coltes à date fixe et les transporter à New York en trois
ou quatre jours, comme il est possible de le faire aujour-
d'hui. Même avec les moyens défectueux, insuffisants dont
nous disposons à cette heure, le café haïtien arrivant aux
Etats-Unis a subi une progression» remarquable ; la quan-
tité en a augmenté, en effet, de 3,874,781 livres en 1872, à
14,896,487 livres en 1888, après s'est élevée jusqu'à
31,908,074 livres en 1881.
De toute façon donc, les Etats-Unis ont le plus grand
intérêt à encourager, à développer la navigation entre
leurs ports et les nôtres. Les valeurs dépensées pour cet
objet ne seront pas moins productives pour eux que pour
nous.
45 —
Avant de formuler une conclusion, il convient d'exami-
ner la position des deux compagnies qui s'offrent à assurer
ces communications fréquentes, régulières et rapides qui
manquent encore entre les deux pays.
La compagnie haïtienne du service accéléré n'a aucun
bateau sur cette ligne; elle n'en possède actuellement
aucun qu'elle puisse y mettre. C'est donc un service qu'elle
aurait à créer de toute pièce. Si elle en a les moyens, c'est
elle qui doit prendre les risques de ses premiers essais.
Elle devrait se procurer un premier bateau ou deux ap-
propriés à ce nouveau service, les placer sur cette ligne et
entrer en concurrence avec les compagnies exploitant ac-
tuellement ce trafic, qui est encore livré à la libre concur-
rence de tous. Cette compagnie, si elle le croit profitable à
ses intérêts, n'a absolument rien qui l'empêche d'établir
un tel service et de le conduire au mieux de ses intérêts.
En cas d'insuccès elle aurait du moins l'avantage de reti-
rer ses bateaux et de les placer sur la ligne subventionnée,
lucrative par conséquent, du cabotage sur nos côtes ; en
cas de succès, elle pourrait poursuivre indéfiniment son
exploitation libre en concurrence avec les lignes Atlas,
Clyde et Deutsch Lloyd, ou traiter avec le gouvernement
en due connaissance de cause, d'une compensation pour
les obligations, les restrictions qui lui seraient imposées
pour l'accomplissement des vues du gouvernement. Dans
l'état actuel des choses, on ne pourrait apporter de part et
d'autre dans la discussion du taux de la subvention que
des théories. Dans la pratique, il pourrait bien arriver une
reproduction pure et simple de ce qui a eu lieu avec le
" Service accéléré " lui-même ; des bateaux mal installés,
mal entretenus, impropres à la fois au transport des mar-
chandises, des voyageurs ou des malles, partant ad libitum
pour suivre des itinéraires variables à l'infini, ne vivant
que des réquisitions du gouvernement et d'une subven-
vention indéfiniment croissante. Une ligne établie dans
— 46 —
ces conditions, ou dans les meilleures qu'il soit permis
d'attendre de l'administration du " Service accéléré,"
serait radicalement incapable de fournir une solution
satisfaisante du problème tel qu'il est posé ci-dessus; nous
aurions un ou deux bateaux en plus, allant, venant de
temps en temps, à l'intervalle tantôt d'une semaine, tantôt
d'un trimestre, tantôt d'une année, avec une subvention
décidément improductive et dont l'augmentation serait
demandée, discutée plus ou moins passionnément à cha-
que session du parlement. Enfin, même au cas où les
appréciations qui précèdent seraient jugées pessimistes, il
ne serait pas sage de tenter l'aventure et de donner suite
à une combinaison dont il nous faudrait prendre toute la
charge en renonçant d'avance à tout appui du dehors.
La ligne Clyde a sur cette combinaison l'avantage d'une
existence réelle et non hypothétique ; elle fait depuis de
nombreuses années et avec un plein succès le service des
transports entre plusieurs de nos ports et celui de New
York. Elle a placé et entretient sur cette ligne, depuis plus
de quinze ans, sans aucune subvention de notre gouverne-
ment, trois bateaux qui ont donné satisfaction, sinon
d'une manière complète, du moins dans une très large
mesure, aux intérêts du commerce des ports desservis par
ces bateaux ; elle possède, en outre, et emploie sur sa
ligne de cabotage sur les côtes des Etats-Unis, un grand
nombre d'autres bateaux qu'elle peut placer, au besoin, en
attendant de nouveaux achats ou de nouvelles construc-
tions, sur la ligne d'Haïti pour assurer l'exécution immé-
diate de tous engagements qu'elle pourrait contracter
envers notre gouvernement ; enfin, les bateaux de cette
ligne ont l'avantage sur ceux de la ligne hollandaise et de
la ligne Atlas, de porter le pavillon d'une grande et riche
nation non moins intéressée que la nôtre aux résultats
que nous nous proposons d'obtenir.
De toutes les lignes existantes, c'est donc celle à laquelle
— 47 —
il serait le plus sage d'accorder notre appui, si nous étions
seuls à résoudre le problème, en échange d'engagements
positifs devant assurer à notre commerce des communica-
tions plus fréquentes et plus rapides avec les Etats-Unis.
Mais nous ne sommes pas seuls, nous ne devons pas
être seuls à agir dans une question où une nation riche et
puissante comme les Etats-Unis, a un intérêt au moins
égal au nôtre. Nous devons concerter notre action avec
celle des Etats-Unis et nous abstenir purement et simple-
ment en attendant une occasion plus favorable, si le gou-
vernement américain décide de s'abstenir.
En conséquence, le soussigné demande la permission de
recommander respectueusement à l'adoption du gouverne-
ment la résolution suivante :
" Le ministre d'Haïti à Washington est invité : 1^ à ap-
peler l'attention du gouvernement des Etats-Unis sur le
manque de régularité et 1'insufB.sance des moyens actuels
de communications entre les deux pays; 2^^ à faire con-
naître à ce gouvernement qu'au cas où les Etats-Unis se
décideraient à étendre à leur commerce avec Haïti les
recommandations de la Conférence Internationale Améri-
caine, en encourageant par des subsides temporaires l'éta-
blissement de services plus réguliers, plus fréquents et
plus rapides entre les ports des deux pays, la Eépublique
d'Haïti est disposée à contribuer à ces subsides dans une
proportion à débattre entre les deux gouvernements et
qui ne pourrait être ni inférieure au quart, ni supérieure
à la moitié de la somme annuelle qu'ils auront fixée d'un
commun accord; 3'^ qu'il serait agréable au gouverne-
ment haïtien, si le gouvernement américain n'y voit aucun
inconvénient, qu'une préférence à conditions égales soit
accordée à la ligne Clyde dont les bateaux assurent depuis
de nombreuses années et d'une manière aussi satisfaisante
que l'on peut l'attendre des circonstances actuelles, les
communications postales et commerciales entre les ports
— 48 —
américains et ceux d'une grande section du territoire
haïtien."
D. — COMMUNICATIONS PAE LE " PACIFIQUE."
Le comité chargé de l'examen de l'état actuel de ces
moyens de communication déposa son rapport (Pièce
Annexe No. 8) dans la séance du 17 mars.
Ce rapport a été discuté et unanimement adopté dans la
séance du 24 mai.
Bien que la République d'Haïti ne soit point directe-
ment intéressée dans la question du développement des
moyens de communication entre les ports des nations
américaines bordant le Pacifique, le soussigné croit devoir
appeler l'attention du gouvernement sur certains prin-
cipes d'un caractère général affirmés à cette occasion par
un vote unanime de la Conférence.
1. En recommandant aux nations intéressées de subven-
tionner k frais communs de puissantes lignes de bateaux à
vapeur pour assurer des facilités suffisantes aux services
de transport des marchandises, des voyageurs et de la cor-
respondance, la Conférence a unanimement admis que les
nations participant à ce commerce, y sont intéressées en
proportion de leur population respective et doivent concou-
rir dans cette proportion aux dépenses reconnues néces-
saires pour l'encouragement de nouvelles lignes. En appli-
quant ce principe au partage des dépenses de cette nature
entre Haïti et les Etats-Unis, on trouve que nous n'au-
rions à y contribuer que pour une part insignifiante en
comparaison de celle de nos riches et puissants voisins,
soit 1 contre 65 ou IJ : 98^^ pour cent. Ainsi, en offrant
aux Etats-Unis, selon la recommandation formulée ci-
dessus, de contribuer pour une part de 25 à 50 pour cent
aux subsides sur lesquels les deux nations pourraient s'ac-
corder en vue de développer les relations directes et
exclusives entre leurs ports respectifs, nous restons lar-
— 49 —
gement en deçà des exigences que nous pourrions légiti-
mement formuler en nous appuyant sur le principe affirmé
unanimement par la Conférence.
Il est encore à remarquer que la proportion ci-dessus
de 1 à 65 est fondée sur l'hypothèse d'une population de
un million d'habitants en Haïti (chiffre que le soussigné
croit assez rapproché de la réalité pour être adopté sans
inconvénient), tandis que les derniers états officiels pu-
bliés par le gouvernement américain portent notre popu-
lation à 524,000 âmes, ce qui établirait la proportion de 1
à 130, soit 0.76 à 99.24 pour cent entre la population res-
pective des deux pays.
2. Relativement aux communications postales, la Con-
férence, sur le rapport de son comité, recommande unani-
mement aux nations intéressées et qui toutes font partie
de l'Union Postale Universelle, d'adhérer aux conventions
adoptées à Paris le 4 juin 1878 et le 3 novembre 1880,
relatives aux traites postales et aux mandats-de-poste, ou
de conclure entre elles des conventions visant au même
but.
Ayant déjà eu occasion, comme représentant de la
République à Washington, de recommander l'adoption
d'une convention ayant pour objet l'établissement d'un
service de mandats-poste entre les Etats-Unis et Haïti,
et considérant que nos relations commerciales avec les
principales nations européennes rendent également dé-
sirable l'existence d'un service de ce genre entre nos di-
vers ports et les places commerciales de Paris, Londres,
Hambourg et Anvers, le soussigné croit devoir recom-
mander l'adoption d'une solution générale de la question
par l'adhésion de la République aux Conventions de Paris
dont il vient d'être question.
— 50 —
SECTION IV.
Établissement d'une Système Uniforme de Règlements de
Douanes.
Le comité chargé de l'examen des questions relatives au
service des douanes dans les ports des différentes nations
américaines, a divisé son important travail en plusieurs
points qui ont fait l'objet d'autant de rapports différents,
sur lesquels la Conférence s'est prononcée dans l'ordre
suivant:
A. — UNIFOEMITÉ DES NOMENCLATUEES DE MARCHANDISES.
Sur la proposition de l'Honorable M. Eomero, délégué
du Mexique, le comité a eu à examiner la convenance
d'adopter une nomenclature uniforme pour la désignation
des marchlndises étrangères, dans les états de douane, les
manifestes, les factures, les connaissements, etc., en anglais,
en espagnol et en portugais, qui serait mise en usage entre
toutes les nations américaines, pour faciliter les relations du
commerce avec les douanes, et sans affecter dans aucune
mesure, le droit de chaque Etat de prélever les droits d'im-
portation conformément à ses tarifs actuels ou à ceux qu'il
jugera convenable d'établir à l'avenir.
Le comité présenta, le 10 février, un rapport favorable à
la proposition Romero et concluant à en recommander
l'adoption par les nations représentées à la Conférence.
La résolution proposée par le comité a été discutée et
adoptée par la Conférence, avec deux légers amendements
(Annexe No. 9) dans sa séance du 19 février.
Cette résolution donne lieu à deux observations :
1. — L'omission de la langue française, qui ne doit point
être considérée dans cette circonstance, ni dans aucune
autre, comme chose délibérée, voulue, par la Conférence ;
on n'y a pas songé, et Haïti, le seul Etat indépendant de
langue française dans le Nouveau Monde, n'avait pas à ce
— 51 —
moment un représentant à la Conférence pour signaler
cette erreur et en demander la rectification. Cette omission
sera assurément réparée sur notre demande.
2. — La Conférence n'a pas cru devoir élaborer elle-même,
pour être recommandé à l'adoption des gouvernements in-
téressés, le projet de cette nomenclature unifornae de mar-
chandises. Elle en a laissé le soin au " Bureau Interna-
tional d'Information " dont il est question ci-après.
B. — KÈGLEMENTS DE DOUANES.
Le comité déposa dans la séance du 10 mars 1890, un
rapport très circonstancié (Annexe No. 10) dont les conclu-
sions ont été discutées dans plusieurs séances et finale-
ment adoptées par la Conférence le 29 mars.
Le soussigné demande la permission de faire ici un exa-
men rapide de cet important travail.
1. — DIVISION DES QUESTIONS A EXAMINEE.
La Conférence a divisé en trois catégories distinctes les
questions sur lesquelles elle avait à se prononcer en vue
de formuler des recommandations propres à assurer l'uni-
formité, si désirable pour le commerce, des règlements de
douanes à adopter par les différentes nations commercia-
les; ce sont:
a. — Formalités à observer à l'importation et à l'exporta-
tion.
h. — Classification, vérification des marchandises et esti-
mation de leur valeur.
c. — Mode à suivre pour l'imposition des amendes et au-
tres pénalités pour violation des règlements de douane ou
de port.
En abordant l'examen de ces questions, la Conférence
a dû formuler comme base fondamentale de ses apprécia-
tions quelques principes qui sont sommairement repro-
duits ci-après :
— 52 —
1. — N'entrer dans aucune considération sur les diffé-
rents taux des droits prélevés par les diverses nations ; ne
proposer aucune modification à ces différents taux ; ne
rien recommander, en un mot, qui ne puisse être appliqué
par chaque nation avec ses tarifs actuels de droits de
douane oy. tous autres qu'il lui conviendra d'adopter à
l'avenir.
2. — Dans chacun des pays représentés à la Conférence,
les droits de douane constituant la branche principale des
revenus publics, la productivité et la stabilité de ces
impôts ne doivent pas être mises en péril, sous prétexte
d'améliorer ou de simplifier les règlements dont l'objet est
précisément d'en assurer la perception.
3. — Il est reconnu que chaque gouvernement doit régler
et administrer eon système douanier en tenant compte des
conditions particulières résultant des différences de races,
de mœurs, de circonstances qui existent entre les différen-
tes nations et qu'il ne doit être fait aucune recommanda-
tion incompatible avec ces importantes considérations.
4. — Il est reconnu et admis qu'un commerce internatio-
nal actif et lucratif ne peut être que le fruit de l'énergie et
de l'habilité de l'entreprise privée. Les vraies bases de la
prospérité de ce commerce se trouvent dans le parallélisme
des intérêts, dans les profits réciproques résultant de
l'échange des produits, et que cette prospérité commerciale
ne dépend à aucun degré des sentiments de bienveillance
ou de bonne amitié.
8. — Le commerce, aujourd'hui, se fait principalement à
l'aide des bateaux à vapeur, des chemins de fer et du télé-
graphe. Ces agents ont créé des conditions et des nécessi-
tés nouvelles incompatibles très souvent avec des prati-
ques administratives qui ne sont guère conservées que
par respect de la tradition, bien que n'étant pas en har-
monie avec les méthodes modernes.
— 53 —
9. — Un formalisme excessif dans l'administration des
douanes est toujours un mal sérieux, entraînant pour le
com.nerce des dépenses, des risques et une telle incerti-
tude enfin dans les transactions commerciales qu'il empê-
che le développement de l'esprit d'entreprise.
Appuyée . sur ces principes et d'autres d'un caractère
moins absolu, reproduits d'ailleurs dans les conclusions ci-
après, la Conférence recommande à l'adoption des gouver-
nements qui y ont participé dix-sept résolutions dont les
caractères les plus saillants peuvent se résumer comme
suit;
1. Manifestes. Obligation de remettre à la douane
qui expédie un navire le manifeste de sa cargaison de sor-
tie. Faculté pour les agents des lignes régulières, dont les
paquebots doivent partir à date fixe, de présenter à la
douane des manifestes supplémentaires, s'il y a lieu, dans
un délai maximun de vingt-quatre heures après le départ
de chaque paquebot. Pas de visa consulaire sur ces mani-
festes, ni d'évaluation des marchandises ; mais simplement
la description du nombre, des marques et du contenu
supposé des colis formant la cargaison. Présentation par
chaque chargeur en particulier, à la douane du port d'ex-
pédition et pour l'établissement des statistiques de l'expor-
tation, d'un manifeste spécial indiquant les quantités, la
nature et la valeur des marchandises par lui expédiées.
Faculté pour tout capitaine de navire, jusqu'à l'expiration
de quarante-huit heures après son entrée en douane et
avant d'avoir débarqué aucune partie de sa cargaison, de
changer sa destination et de continuer son voyage. Obli-
gation pour tout capitaine, entrant dans un port, de re-
mettre à la douane un manifeste d'entrée reproduisant
tous les faits consignés dans le manifeste de sortie, et con-
tenant en outre la liste des passagers et de l'équipage et
celle des provisions de toute sorte restant à son bord pour
— 54 —
l'usage de l'équipage et des passagers. Ce manifeste devra
être certifié par une déclaration faite en personne et sous
sa responsabilité par le capitaine au chef de ]a douane. Ce
manifeste ne saurait tenir lieu de facture et doit être
exempt du visa consulaire,
2. FacUires. Les factures doivent être établies dans la lan-
gue et dans la monnaie, soit du pays d'expédition, soit de ce-
lui de destination des marchandises. Elles doivent déclarer
le contenu et la valeur de chaque colis. Les quantités et va-
leurs de marchandises seront indiquées en chiffres et non
en lettres, et les sommes ainsi exprimées avec telles addi-
tions que l'importateur aura indiquées dans sa déclaration
d'entrée serviront de base préliminaire à l'estimation
des droits. Dans les pays ou le visa consulaire est exigé sur
les manifestes, ce visa sera remplacé par celui des factures.
Les droits consulaires pour légalisation et certification se-
ront fixés au taux uniforme de $2.50 pour chaque facture.
Il ne sera payé aucun droit consulaire pour le visa des
duplicatas d'une facture originale, ni pour le visa d'une fac-
ture originale dont la valeur ne dépasse pas $100, pourvu
que la facture n'ait pas été subdivisée en vue de réduire sa
valeur totale. Lorsque, par suite de retard du courrier ou
pour tout autre motif raisonnable, le réclamateur ne peut
produire en temps utile une facture certifiée, l'entrée de la
marchandise en douane sera admise sur une déclaration en
forme de facture, et lorsque la valeur dépassera $100, il
sera requis un cautionnement pour la production subsé-
quente de la facture dûment certifiée. Au cas où une par-
tie des colis facturés ne seront pas arrivés, parce qu'on les
aura omis à l'embarquement, ils seront admis ultérieure-
ment à l'entrée en douane, sur la production d'un extrait
dûment légalisé de la facture originale.
3. Déclaration. La Conférence recommande que l'en-
trée en douane se fasse au moyen d'une déclaration ou pé-
tition signée par le réclamateur et désignant le nom du
— 55 —
navire, le port d'où il a été expédié et la date de sou arri-
vée, la désignation détaillée des colis et de leur contenu
comprenant l'indication du poids ou de la quantité des
marchandises, qu'elle soient assujetties ou non à un droit
d'importation ; la valeur de ces marchandises doit aussi
être déclarée, dans la monnaie courante de la facture ainsi
que dans celle du pays d'importation. Cette déclaration
doit s'accorder sur tous les points essentials avec la facture
et le connaissement. La signature de l'importateur au bas
de cette déclaration équivaudra à un serment dans toute
procédure relative à l'importation et à l'entrée en douane
des marchandises étrangères. Toute déclaration ainsi si-
gnée entraînera, si elle est reconnue fausse, l'application
de pénalités diverses qui pourront être prescrites par les
lois respectives de chaque Etat.
4. Transit. La Conférence recommande que toute
facilité soit partout accordée au libre transit des marchan-
dises arrivant de l'étranger à destination d'un pays voisin.
Là où le transport au lieu de destination peut être effectué
par voie ferrée ou* par canaux de navigation, à travers le
territoire du pays où la marchandise a été importée en
transit, on peut exiger un cautionnement pour la garantie
que cette marchandise sera délivrée intégralement dans la
juridiction du pays adjacent. Mais en aucun cas la mar-
chandise contenue dans les colis déclarés en transit ne doit
être assujettie ni au paiement d'un droit quelconque, ni à
la vérification par les autorités de la douane, tant que dure
le transit, ni à des exigences onéreuses, ou à des exactions.
.Toutefois elle doit être assujettie aux mesures de précau-
tion à prendre pour empêcher l'introduction illégale de
cette marchandise dans le pays où s'en opère le transit.
9. Entrepôts. Dans les principaux ports des pays repré-
sentés à la Conférence, il sera adopté, aussi promptement
que possible, un système au moyen duquel un importateur
qui désire placer temporairement la marchandise importée
— 56 —
sous la garde du gouvernement, avant d'en avoir acquitté
les droits, puisse l'emmagasiner à ses frais et risques, sous
la surveillance des autorités de la douane. A cet effet il
sera établi des magasins (entrepôts) dans lesquels les mar-
chandises pourront être emmagasinées pendant une année
ou plus, et d'oii l'importateur pourra les retirer en tout
temps et en toute quantité non inférieure à un colis entier
ou à un tonneau pesant si la marchandise est en grenier,
moyennant l'acquittement des droits et des frais sur la
quantité retirée pour la consommation, ou moyennant
l'acquittement des frais de magasinage et de manutention
sur la quantité retirée pour l'exportation.
10. Jugements des Controverses. Lorsqu'un importa-
teur aura été frappé d'une amende et qu'il' lui aura été
imposé des droits qu'il juge excessifs, il aura le droit d'en
appeler par devant un tribunal qui devra tenir compte de
la bonne foi ou de la mauvaise foi de l'importateur, selon
ce qu'il résultera des preuves soumises de part et d'autre
à son jugement. Le verdict du dit tribunal sera sans appel
et devra être prononcé sans retard. Toutes les fois que la
bonne foi de l'importateur aura été établie à la satisfac-
tion du tribunal, il ne pourra lui être appliqué aucune
pénalité.
Les fonctionnaires des douanes ne peuvent avoir aucune
part personnelle sur les droits perçus et dont le montant,
de même que celui des amendes ou des cautionnements
tombés en forclusion, doit être versé intégralement au
trésor des gouvernements respectifs.
Les autres recommandations de la Conférence se rap-
portent à des points d'une importance moindre, savoir :
59 Les défauts de forme relevés dans un document qui
a été dûment légalisé par le consul d'un pays, ne sauraient
justifier l'imposition d'une amende ou de toute autre peine
dans ce pays. Les erreurs évidentes de plume pourront
être rectifiées après l'entrée en douane sans aucun préju-
— 57 —
dice pour le con signataire ou le propriétaire. 69 II doit
être accordé toute facilité pour l'entrée ou l'expédition des
navires, pour le déchargement et le chargement des car-
gaisons ; et les jours fériés la douane doit rester ouverte
pendant un certain nombre d'heures pour assurer la
prompte exécution de l'entrée ou de l'expédition des navi-
res. 79 Les tarifs de douane doivent être arrangés de
façon à éviter la nécessité d'établir des impôts ou droits
additionnels. 89 En cas de désaccord sur le taux ou le
montant des droits, l'importateur aura le droit d'enlever
sa marchandise en faisant, sous toutes les réserves de
droit, le dépôt du maximum» des droits exigés par la
douane ; en pareil cas, le jugement devra être rendu en
toute célérité, et l'excédant des droits, s'il en est reconnu,
remboursé à l'importateur. 109 Les vérifications en douane
ne doivent être faites que pour contrôler les factures et
déclarations et doivent être poursuivies avec la plus
grande célérité et en causant à l'importateur aussi peu de
frais que possible. 119 Les échantillons de marchandise de
nulle valeur commerciale, envoyés par des commerçants
étrangers ou apportés de bonne foi par des voyageurs de
commerce, simplement pour montrer et faire connaître
un article ; les effets personnels, les outils ou instruments
de travail apportés par des passagers pour leur propre
usage et non pour être mis en vente, doivent être admis
francs de droit sous les réserves ou limites imposées.
129 Les gouvernements représentés dans la Conférence
doivent prendre des arrangements en vue de donner
promptement avis les uns aux autres, de l'existence sur
leur territoire respectif de maladies contagieuses affectant
le bétail ou tous animaux vivants, et de prendre les me-
sures nécessaires de précaution sur les points menacés
d'être envahis par l'épidémie. 139 La déclaration pour
l'entrée en douane des marchandises sauvées d'un navire
naufragé ou échoué peut être faite sans la présentation
— 58 —
d'aucune facture, soit par les sauveteurs soit par les
importateurs, afin que la valeur en soit estimée par les
autorités compétentes et les droits prélevés conformément
à ces estimations. Les importateurs auront aussi le pri-
vilège de s'affranchir de toute obligation relative aux droits
de douane en abandonnant au Gouvernement toute mar-
chandise avariée comprise dans une facture, moyennant
que la portion ainsi abandonnée s'élève en quantité ou en
valeur à dix pour cent au moins du montant total de la
facture. Quand les marchandises sauvées d'un navire
navire naufragé ou échoué sont abandonnées à des com-
pagnies d'assurances, elles» seront considérées comme les
propriétaires légaux et responsables des marchandises en
tout ce qui concerne la douane. 149 Quand les importa-
teurs ont payé à la frontière le montant intégral des droits
d'importation affectant leurs marchandises, elles ne pour-
ront plus être assujetties à aucun autre droit ou impôt
dans le pays où s'en est faite l'importation. 159 Là où la
quotité des droits est établie sur le poids, la liquidation
du montant des droits à payer se fera en général sur le
poids brut; dans les cas ou le poids net aura été adopté,
la déduQtion de la tare devra se faire conformément à
des tarifs publiés officiellement.
179 Les gouvernements représentés à la Conférence
s'uniront pour établir un "Bureau International Américain"
pour recueillir, classer et publier en anglais, en espagnol, et
•^n portugais (en français aussi, sans nul doute, au cas où
Haïti y participe) des informations relatives à la production,
au commerce, aux lois et règlements de douane de leurs
pays respectifs. Ce bureau fondé et entretenu à frais
communs et pour le bénéfice commun des nations contrac-
tantes, aura son siège dans l'un de ces pays, et fournira à
tous les autres les statistiques commerciales et tous autres
renseignements utiles qui pourront lui être transmis par
l'une quelconque des Républiques américaines.
— 59 —
Telles sout les améliorations que la Conférence Inter-
nationale Américaine recommande à toutes les nations qui
y ont participé, d'introduire dans leur législation douanière,
là oti elles n'existent pas encore, en vue de concilier les
intérêts du commerce et ceux du nsc, en assurant à tous,
dans la plus grande mesure possible, les avantages de
l'uniformité dans les principes adoptés pour le régime des
douanes et des règlements à prescrire pour l'application de
ces principes.
Le soussigné croit devoir appuyer ces recommandations,
non toutefois sans quelques observations, quelques réser-
ves, qu'il demande la permission d'exposer ici.
Ainsi que la Conférence l'a bien reconnu dans sa
deuxième considération, l'objet même de tous règlements
de douanes est d'assurer la perception intégrale de cet
impôt, qui est d'une importance d'autant plus grande dans
les pays où, comme en Haïti, les droits de douane consti-
tuent la principale et presque l'unique source des revenus
publics.
Néanmoins, elle n'est entrée dans aucune considération
sur le régime pénal des divers Etats en matière de violation
des lois et règlements de douane. En Haïti cette question
commande une attention particulière.
Les dispositions pénales deivent être proportionnées en
principe, et en cette matière comme en toutes autres:
19 à la gravité du mal que peut causer à la communauté la
perpétration du crime ou du délit ; 29 la fréquence plus
ou moins grande de ce crime ou de ce délit dans la
communauté ; en d'autres termes à la tendance plus ou
moins marquée des habitants à s'abandonner aux disposi-
tions vicieuses ainsi révélées et dont il convient de les
détourner, pour le bien-être de tous.
Ainsi, à un moment donné, un délit qui serait suffisam-
ment puni en des temps ordinaires par un emprisonnment
de quelques mois, devient un crime capital, exigeant
— 60 —
l'exécution sommaire du coupable, à cause des consé-
quences gi'aves qui en résulteraient si l'on ne frappait les
esprits par une répression immédiate et d'une sévérité
extraordinaire, de même qu'une tendance vicieuse, l'habi-
tude de l'ivrognerie, par exemple, peut être assez peu
accentuée dans un pays pour ne donner lieu à aucune
législation répressive, tandis qu'ailleurs, elle se développe
à un degré tel qu'elle met en péril les intérêts les plus
vitaux de la société.
I Or, dans notre pays, aucun crime n'a eu des consé-
quences aussi désastreuses que le détournement des
revenus de nos Douanes ; aucun ne commande plus im-
périeusement de recourir à des moyens de répression d'une
énergie exceptionnelle, à des pénalités de la plus haute
sévérité.
Ce mal s'est étendu à un tel point que, malgré les
exemples sans nombre de nos fonctionnaires et employés de
douane mourant chaque jour sur la paille, après de nom-
breuses années de service, on peut dire que l'Haïtien le
plus honorable, à quelques rares exceptions près, est perdu
de réputation dès le jour où il accepte un emploi dans
cette branche de service.
Pourquoi en est-il ainsi? Simplement parce qu'on n'a
jamais séparé l'ivraie du bon grain. S'il est vrai que l'évi-
dente et excessive probité dont quelques-uns de nos
douaniers ont eu occasion de faire preuve, leur à valu des
témoignages exceptionnels de considération et de respect,
il n'en est pas moins certain que la grande majorité de ces
fonctionnaires portent bien injustement dans leur réputa-
tion la peine d'une sorte de péché originel, simplement
parce que les vrais coupables ne sont jamais punis. Us sont
honorés au contraire, admirés pour leur prétendue hahileté.
Que sont ces grands coupables? Quelques directeurs,
contrôleurs ou employés de douane, peut-on être tenté de
répondre ? Erreur.
— 61 —
Les vrais, les grands coupables, ceux qu'il convient de
flétrir, de forcer à la droiture, à l'honnêteté, par des lois
répressives de la plus grande sévérité, ce sont les négociants
étrangers . et nationaux qui corrompent ces fonctionnaires.
L'impunité dont jouit cette classe de criminels en Haïti a
eu pour conséquence que des hommes d'une probité in-
contestables d'ailleurs dans leurs relations commerciales,
se vantent ingénument des beaux coups qu'ils ont joués à
l'Etat et des grands bénéfices qu'ils en ont retirés.
Cette classe de criminels trouve encore un puissant
encouragement dans le fait que notre législation, qui
punit des peines de double droit, de triple droit et même
de confiscation de la marchandise, la tentative de frauder
l'Etat par de fausses déclarations, des coli^ à doubles fonds,
etc., semble frappée d'impuissance contre le fait accompli.
En pratique, l'action pubhque s'arrête à la porte de sortie
de la douane. En coupant court à cet abus, que n'admet
aucune autre nation civilisée, on aura frappé au cœur ce
vice odieux.
L'action publique pour le recouvrement des deniers du
Trésor ainsi détournés, et l'application, s'il y a lieu, des
pénalités encourues, ne devrait être prescrite par aucune
considération de temps, de circonstances ou de lieux. La jus-
tice doit avoir le droit en tout temps de commander l'apport ,
des livres, écritures et correspondance, ou d'opérer des des-
centes de lieu à sa discrétion et sans avis préalable, à fin
de vérification des livres, écritures et correspondance de
toute maison de commerce qui aura mis en vente des mar-
chandises ne figurant pas sur les livres d'entrée de la
douane, ou pour le compte de laquelle un navire aura
débarqué au port de destination des quantités de denrées
plus considérables que celles qui auront régulièrement
passé par la douane du port d'embarquement, ou qui aura
été dénoncée par écrit et sous serment par une ou plu-
sieurs personnes responsables, comme ayant soustrait au
— 62 —
fisc par de fausses déclarations sur la qualité, la quantité
ou le poids des marchandises importées ou exportées, une
portion quelconque des droits dus à l'Etat.
Observations. — Le soussigné se permet de faire remar-
quer ici que les propositions qui précèdent ne constituent
point une innovation; elles sont conformes à l'esprit de
nos lois sur l'Administration des douanes ; sans doute des
mesures de haute sévérité ne sauraient être favorablement
accueillies par les intéressés ; on ne manquera pas de les
dénoncer comme excessives, vexatoires, etc.; mais les pou-
voirs publies prendront en considération que des maisons
de commerce vraiment respectables n'ont nullement à s'in-
quiéter de la sévérité de mesures quelconques prises en
vue d'enrayer le,, développement de pratiques vicieuses,
réprouvées dans tous les pays civilisés et qui tendent,
partout où elles sont tolérées, à introduire le relâchement
des principes, une démoralisation générale dans les rela-
tions commerciales. Comment, par exemple, peut-on atten-
dre de nos tribunaux une sévérité quelconque contre un
négociant qui manque à ses engagements, qui tombe en
faillite, lorsque la conscience publique admet, sent que la
faillite est le lot inévitable de l'honnête homme luttant
contre des concurrents déloyaux, ayant à leur actif la
contrebande, l'introduction de la fausse-monnaie, etc. Des
pratiques immorales peuvent bien être pour quelques-uns
la source de très grandes fortunes, mais elles n'apportent
que la misère au grand nombre. Le commerce d'un, pays
ne peut se développer au profit, au grand avantage de la
communauté entière, qu'à la condition d'avoir pour bases
la probité et l'honneur. Dans un pays comme le nôtre sur-
tout, où ce qu'on appelle " le haut commerce " est placé tout
au sommet de la pyramide sociale, aucune mesure ne peiit
être trop rigoureuse pour le forcer à la pratique de la pro-
bité, à la religion de l'honneur. C'est de là, en effet, que le
vice ou la vertu s'infiltre le plus sûrement dans le corps
social.
— 63 —
En ce qui concerne notre Administration elle-même, on
sait même au dehors la lutte que soutient le Grouvernement
actuel de la République pour y ramener l'ordre et la droi-
ture. A d'autres époques, des citoyens vraiment patriotes
ont, à diverses reprises, engagé la même lutte, soit dans le
Grouvernement, soit dans les Chambres. Le succès n'a pas
toujours couronné leurs efforts, parce que l'on a fait le
plus souvent fausse route; parce que l'on a voulu frapper
le complice en laissant impuni, en ne recherchant même
pas ce que la loi criminelle appelle l'auteur principal, le
vrai coapable. Pour détruire les tentations mauvaises, il
faut supprimer le tentateur.
La nation haïtienne est trop petite pour compter sur la
force brutale comme moyen de se faire respecter au
dehors; elle est tenue de s'appuyer exclusivement sur la
probité internationale, sur le respect des principes de
la part des grandes puissances ; elle doit donc s'efforcer
d'être elle-même un vrai modèle de probité, de respect des
principes dans ses relations sociales à l'intérieur. Et quand
on songe que le commerce est l'occupation à peu près
exclusive de toutes nos populations urbaines, on ne peut
se refuser à admettre que c'est là, là surtout et avant tout,
qu'il faut introduire de gré ou de force le respect des lois,
le culte de la probité, de l'honneur.
Moyennant l'adoption de sévères mesures de prévention
et de répression contre la fraude, le soussigné n'a aucune
objection à l'acquiescement de notre Gouvernement à une
politique douanière large, libérale, conforme aux recom-
mandations de la Conférence; une politique qui suppose,
jusqu'à preuve du contraire, des intentions plutôt droites
que perverses comme mobiles de nos actions, une politique
en vertu de laquelle toute déclaration faite en douane doit
être tenue pour sincère et véritable jusqu'à inscription en
faux.
A ce point de vue, et pour assurer à tous cette admi-
— 64 —
nistration impartiale, plutôt bienveillante qu'ombrageuse,
de la justice qui doit caractériser tout peuple vraiment
civilisé, le soussigné non seulement appuie la création,
recommandée par la Conférence, d'un tribunal spécial pour
connaître des contestations qui peuvent surgir entre la
douane et le commerce, mais il voudrait qu'un commer-
çant étranger, élu par le commerce entier de chaque
ressort, entt'ât obligatoirement dans la composition de ce
tribunal, et que celui-ci eût à connaître du point de fait
dans toutes les accusations de crimes ou délits en matière
de douane entraînant l'application d'une peine af&ictive ou
infamante.
BUREAU.
En quittant ce sujet, le rapporteur soussigné doit appeler
l'attention du Grouvernement sur la création proposée d'un
" Bureau International Américain," et à l'égard de laquelle
nous sommes appelés à donner, ou à refuser notre adhé-
sion. (Voir Annexe N9 10.)
La dépense pour l'établissement de ce précieux centre
de renseignements utiles, devant être proportionnée à la
population des Etats intéressés, s'élèverait annuellement
pour notre part à une somme trop insignifiante pour être
prise en considération. Dans le rapport spécial du comité,
traitant de l'organisation de ce bureau, la dépense totale
annuelle est fixée approximativement à la somme de
$36,000 sur laquelle notre part de contribution s'élèverait
à $187.50.
C. — RÈGLEMENTS SANITAIRES.
Le rapport du comité chargé de l'examen de la question
des règlements sanitaires a été présenté, lu et distribué
aux délégués le 17 février. Ce rapport (Annexe N9 11) a
été discuté et adopté par la Conférence le 28 février. En
voici les conclusions :
" Il est recommandé aux nations représentées dans cette
— 65 —
Conférence d'adopter les dispositions de la convention
sanitaire internationale de Eio-Janeiro de 1887 ou le projet
de convention sanitaire du congrès de Lima de 1889."
Pour l'intelligence de cette recommandation, il y est
joint: 19 Copie de la convention de Eio-Janeiro (Voir
Annexe N9 11 a), signée le 25 novembre 1887, par les plé-
nipotentiaires du Brésil, de l'Uruguay et de la République
Argentine; 29 Copie (Annexe N9 11 &, à la suite) du projet
de convention adopté par le congrès international de
Lima le 12 mars 1888, et signé paroles délégués de la
Bolivie, du Chili, de l'Equateur et du Pérou.
D. — DEOITS DE POET.
Le rapport du Comité sur les droits de port (Annexe
No. 12) a été déposé et distribué dans la séance du 15
mars. Les conclusions en ont été discutées les 18, 19 et 20
mars. Eeprises le 10 avril, ces conclusions ont été adop-
tées par la Conférence dans les termes suivants :
" La Conférence Internationale Américaine recommande
aux gouvernements qui y sont représentés :
" 1. Que tous les droits de port (tonnage, ancrage, pilo-
tage, phare, etc., etc.) soient fondus en un droit unique
qui sera désigné sous le nom de ' droits de tonnage.'
" 2. Que ce droit unique soit assis sur le tonnage brut,
en d'autres termes, sur la capacité totale de transport du
navke.
" 3. Que chaque gouvernement fixe comme il l'entendra
la somme à prélever pour droit de tonnage, en tenant
compte de la politique de la Conférence sur cette matière,
laquelle est de faciliter et de favoriser la navigation.
"4. Qu'il soit fait exception à l'article 1*^"^ des droits pré-
levés ou à prélever en vertu de contrats non encore expi-
rés avec des compagnies particulières.
" 5. Que les navires ci-après désignés soient exempts du
droit de tonnage :
— 66 —
" 19 Les navires de transport et de guerre.
" 29 Les bâtiments de moins de vingt-cinq tonneaux.
" 39 Les navires qui, par suite de circonstances de force
majeure, auront été forcés d'entrer dans un port en
déviant de leur route.
" 49 Les yachts et autres bâtiments de plaisance."
Enfin, dans la séance suivante, la Conférence, à la re-
quête d'un de ses membres, a modifié, pour le rendre plus
clair, mais sans en changer le sens, le texte de la clause 3
de l'article 5.
E. — DROITS CONSULAIEES.
Le Comité, dans son rapport (Annexe No. 13) présenté
le 20 mars, a reconnu l'impossibilité d'établir des droits
consulaires uniformes, excepté à l'égard des actes qui se
rapportent spécialement au commerce et à la navigation,
parce que les droits ou indemnités alloués aux Consuls
dépendent de la nature des services qu'ils rendent, et qu'il
n'y a pas uniformité à cet égard dans le service consu-
laire des différentes nations représentées à la Conférence.
Le comité a donc conclu en proposant la résolution sui-
vante que la Conférence a adoptée dans sa séance du 25
mars :
" Il est recommandé aux gouvernements représentés à
la Conférence de préparer une classification uniforme des
actes requéiant l'intervention des agents consulaires et de
fixer le taux maximum des droits qui pourront être légiti-
mement prélevés sur chacun de ces actes, particulièrement
sur ceux qui se rapportent au commerce et à la navi-
gation."
— 67 —
SECTION y.
Adoption d'un Système Uniforme de Poids et Mesures et
celle de Lois pour la Protection dans chaque Etat
des Brevets d'Invention, des Droits d'Auteur et
des Marques de Fabrique appartenant aux
Citoyens des autres Etats et pour
l'Extradition des Criminels.
A. — UNIFOEMITÉ DES POIDS ET MESUEES.
Dans un rapport, résumant l'historique de la question
des poids et mesures, le comité de la Conférence Inter-
nationale Américaine a fait ressortir les avantages im-
menses du système décimal français, adopté aujourd'hui
par la presque universalité du monde civilisé.
Cette proposition a été amendée et finalement votée le
24 janvier par la Conférence dans les termes suivants :
" La Conférence Internationale Américaine recommande
l'adoption du système métrico-décimal aux nations qui y
sont représentées et qui n'ont pas encore accepté ce sys-
tème." (Annexe No. 14.)
Le résolution primitivement proposée par le comité
supposait le système métrico-décimal déjà accepté en prin-
cipe par toutes les nations représentées à la Conférence,
mais non encore mis en pratique. Cela était vrai notam-
ment pour les Etats-Unis, et le Gouvernement de ce pays,
en soumettant au Congrès les recommandations de la Con-
férence (Message Présidentiel du 12 juillet 1890) n'a eu à
recommander à cet égard que l'usage obligatoire du sys-
tème.
Le Grouvernement d'Haïti, pour satisfaire au vœu de la
Conférence Internationale Américaine, jugera peut-être
convenable d'adhérer simplement à la Convention de
Paris du 20 mai 1875.
— G8 —
B. — PROTECTION DES BREVETS D'INVENTION, DES DROITS
d'auteur ET DÈS MARQUES DE FABRIQUE.
Trois traités ont été conclus à Montevideo, en janvier
1889, entre diverses nations sud-américaines, pour la
protection internationale des droits d'auteur, des marques
de fabrique et des brevets d'invention. Ces traités sont
reproduits in extenso à la suite d'jin rapport (Annexe No.
15) présenté à la Conférence le 19 février et dont elle a
admis le 3 mars les conclusions ainsi formulées :
"La Conférence Internationale Américaine recommande
tant aux Grouvernements de l'Amérique qui avaient ac-
cepté la proposition de tenir le Congrès (de Montevideo)
et qui n'ont pas pu participer à ses délibérations, qu'à
ceux qui n'y avaient pas été invités, mais qui sont repré-
sentés dans la présente Conférence de donner leur adhésion
à ces traités."
C. — EXTRADITION DES CRIMINELS.
Cette question a été l'objet d'un rapport (Annexe No.
16) présenté dans la session du 14 avril et dont les conclu-
sions, rapportées ci-après, ont été votées le lendemain par
la Conférence :
''''Résolution:
" 1. Il est recommandé aux nations latino-américaines
d'étudier le traité de Droit Pénal International élaboré à
Montevideo par le Congrès Sud- Américain de 1888, afin
qu'elles soient en mesure de déclarer, dans le délai d'une
année à compter de la date de la clôture de cette Confé-
rence, si elles adhèrent au dit traité, et au cas où leur
adhésion ne soit pas complète, sous la réserve de quelles
modifications ou restrictions acceptent-elles ce traité.
" 2. Il est recommandé à ceux des Grouvernements de
l'Amérique Latine gui n'ont pas de traités spéciaux
d'extradition avec les Etats-Unis, d'en conclure.
— 69 —
Les recommandations particulières de la Conférence sur
ce sujet proviennent de l'observation faite par son
Comité que, tout en reconnaissant le Traité de Droit Pénal
International de Montevideo comme le meilleur modèle à
suivre par les nations de l'Amérique Latine dans la rédac-
tion des traités d'extradition à passer entre elles, il y a lieu
néanmoins pour elles de conclure des traités spéciaux avec
les Etats-Unis pour l'extradition des criminels, fondés sur
d'autres principes plus conformes aux circonstances parti-
culières et au mode de législation de ce dernier pays et
plus en harmonie avec les autres traités qui existent déjà
entre les Etats-Unis et beaucoup d'autres nations tant de
l'Europe que de l'Amérique.
La seconde partie de ces recommandations de la Confé-
rence n'intéresse pas la Eépublique d'Haïti, qui a un traité
d'extradition conclu en 1864 avec les Etats-Unis et encore
en pleine vigueur.
Quant à la première partie de ces recommandations,
rien ne s'oppose à ce que le Grouvernement livre dès
maintenant le traité de Droit Pénal International dont il
s'agit à l'appréciation de la presse, de façon que l'Assem-
blée Nationale, à sa session de 1891, puisse examiner, en
due connaissance de cause, les propositions du Grouverne-
ment, sur notre adhésion entière ou partielle à ce traité.
— 70 —
SECTION VI.
Adoption d'une Monnaie d'Argent commune à toutes les
Nations Américaines.
Le Comité chargé de l'examen de cette question d'unité
monétaire présenta un rapport qui fut discuté dans plu-
sieurs séances de la Conférence.
Les conclusions de ce rapport, amendées en plusieurs
reprises, ont été finalement adoptées le 2 avril dans les
termes suivants :
" La Conférence Internationale Américaine est d'opinion
qu'il sera très avantageux pour le commerce entre les na-
tions de ce continent d'user d'une monnaie ou de monnaies
ayant cours à une valeur uniforme dans tous les pays
représentés dans cette Conférence, et recommande en
conséquence :
"1. Qu'une union monétaire internationale américaine
soit établie.
"2. Que, comme base de cette union, il sera émis une
monnaie ou des monnaies internationales qui seront
uniformes de poids et de finesse et qui auront cours dans
tous les pays représentés à la Conférence.
" 3. Que, pour faire ressortir son plein effet à cette re-
commandation, il sera réuni à Washington une commission
composée d'un ou de plusieurs délégués de chacune des
nations représentées à la présente Conférence, pour déter-
miner la quantité qui devra être frappée de la monnaie
ou des monnaies internationales, la nature de cette
monnaie ou de ces monnaies selon la circulation qu'elles
doivent avoir; la valeur et la proportion de la monnaie ou
des monnaies d'argent et leur relation à l'or.
"4. Que le Grouvernement des Etats-Unis invitera la
commission à se réunir à Washington avant l'exiDiration
d'une année à dater de l'ajournement définitif de la
Conférence.
— 71 —
SECTION VII.
Arbitrage des controverses internationales.
A. — PLAN D'AEBITEAGE.
Le rapport du Comité chargé de l'examen de cette im-
portante question a été mis en discussion le 14 avril, dans
la soixante-cinquième séance de la Conférence. Cette dis-
cussion s'est prolongée les jours suivants, et le dernier vote
adoptant le plan d'arbitrage proposé par le Comité a
été donné le 17 avril.
Ce plan d'arbitrage international fAnnexe No. 17) a été
littéralement adopté dans la rédaction du Traité signé ul-
térieurement à "Washington par le soussigné et transmis
au Grouvernement avec un rapport spécial.
Le dernier délégué d'Haïti, on se le rappelle, a été
nommé par dépêche télégraphique, presque à l'issue des
travaux de la Conférence; il n'y a pris son siège que le l®''
avril, dans le cours de la cinquante-septième séance. Peu
après, il était obligé de s'absenter de Washington pour le
service du Grouvernement et ne put reparaître à la Con-
férence que le 15 avril, dans le cours de la soixante-sixième
séance. La discussion sur le plan d'arbitrage, commencée
depuis la veille, avait déjà été reprise et se poursuivait.
Le délégué haïtien, appartenant à une nation dont la
population est estimée par les plus optimistes à un million
d'âmes au plus, devrait être partisan de l'arbitrage par
intérêt national, alors même qu'il n'aurait pas l'esprit assez
élevé pour répudier la guerre entre les hommes, pour sou-
haiter que la Justice domine les relations internationales
aussi bien que les relations sociales. Mais, en principe, il
était acquis d'avance à cette grande cause de la paix
universelle ; l'intérêt bien entendu de son pays s'accordait
donc en cela avec ses convictions morales.
Néanmoins, il s'agissait de s'entendre sur le mode d'ap-
plication de ce grand principe humanitaire dans la
— 72 —
pratique des nations. Bien qu'élaboré par des hommes du
plus grand talent, de la plus incontestable compétence, le
plan d'arbitrage soumis à la Conférence pouvait heurter
quelque intérêt légitime de la nation représentée par le
soussigné, et qu'il avait pour devoir de défendre, de
sauvegarder. Son rôle se borna donc à suivre silencieuse-
ment les débats, à se rendre compte de la valeur des argu-
ments pour ou contre, présentés par les honorables délé-
gués qui, depuis des mois, avaient profondément étudié la
question sous tous ses aspects. Comme il s'agissait là de
simples recommandations à faire aux Grouvernements
représentés à la Conférence, il n'y avait pas une responsa-
bilité morale excessive à engager, par des votes donnés
conformément à l'appréciation faite des arguments déve-
loppés par des hommes de la plus haute distinction intel-
lectuelle et morale, choisis par l'Amérique entière pour la
représenter dans cette Conférence.
Mais lorsque, dans la séance suivante, après le vote des
Articles, un Délégué fit la proposition formelle de trans-
former, séance tenante, le plan d'arbitrage et un traité ad
référendum à conclure par les Délégués des différentes
nations américaines, le Délégué d'Haïti fut le premier à
combattre cette proposition. Il s'appuya sur l'insuffisance
de ses pouvoirs (il n'avait encore à ce moment qu'un té-
légramme) et il lui fallait surtout avant d'engager son Grou-
vernement par un traité, procéder à un examen plus atten-
tif, et du plan proposé par la Conférence et des objections
qui ont été formulées contre ce plan par quelques Délégués.
Ce n'est, en effet, que quelques semaines plus tard, et en
due connaissance de cause, que le soussigné a signé, non
comme Délégué à la Conférence, mais comme Ministre Plé-
nipotentiaire d'Haïti, un traité d'arbitrage conforme au
plan recommandé par la Conférence.
Pour bien éclairer le Grouvernement et le pays sur la va-
leur des objections qui ont été soumises à la Conférence
— 73 —
■contre ce plan d'arbitrage, il convient d'en faire ici une
■courte analyse.
Les seuls Délégués du Chili, quoique partisans décidés du
principe de l'arbitrage, se sont abstenus de prendre part au
vote, et la délégation du Mexique, en votant le principe du
plan d'arbitrage, a fait des réserves à l'égard de certains
articles dont elle n'approuvait pas la teneur, et dont elle n'a
pu obtenir la modification par la majorité de la Conférence.
Ces objections, telles du moins qu'elles ont été exposées
à la Conférence, n'ont pas été jugées assez fortes par le
soussigné pour le décider ni à voter avec la minorité comme
Délégué à la Conférence, ni à priver son pays, comme Plé-
nipotentiaire, de l'honneur de figurer parmi les nations
chrétiennes qui auront, les premières, répudié la guerre,
par un acte solennel, comme moyen de régler les difficultés
internationales ; qui auront, les premières, témoigné, en se
liant par tm traité, de la sincérité de leur foi en la priorité
du droit sur la force.
La délégation chilienne a exposé les motifs de son abs-
tention dans un mémoire qui a été lu à la Conférence leaires, de toutes les autres puissances signataires
du traité.
Or, il convient de le répéter, aucun article du plan d'ar-
bitrage ne prescrit, n'autorise une intervention armée
— 80 —
d'aucune des nations contractantes dans une querelle où
elle n'aurait aucun intérêt et simplement pour la sanction
du traité.
M. Quintana, délégué de la République Argentine et l'un
des membres du comité de rédaction de ce plan d'arbitrage^
a prononcé à ce sujet un éloquent discours dans lequel l'es-
prit du traité est fixé d'une façon qui ne laisse place à au-
cun doute :
" Aux yeux de la loi internationale américaine," a pro-
clamé l'éminent orateur, " il n'y a sur ce continent ni gran-
des ni petites nations : toutes sont également souveraines
et indépendantes ; toutes, également dignes de considéra-
tion et de respect.
" L'arbitrage proposé n'est point, par conséquent, un
pacte d'abdication, de vasselage ou de soumission. Après
comme avant sa conclusion, chacune des nations de l'Amé-
rique conservera seule la direction de ses destinées politi-
ques, à l'exclusion absolue de toute intervention des autres.
" Le projet ne crée point un conseil d'amphictyons ; il
n'est pas davantage un pacte de confédération américaine,
en vertu duquel la majorité des nations contractantes
puisse s'assembler en un aéropage continental et imposer
ses jugements à des nations contendantes, ni même les
contraindre moralement et bien moins encore par l'emploi
de la force, à se conformer aux obligations contractées.
" Ce qu'est en réalité ce contrat, c'est la consécration de
l'amitié, de la confiance et de la fraternité des nations amé-
ricaines sincèrement décidées à résoudre, au moyen de
l'arbitrage, toutes les questions qui n'affectent point leur
indépendance propre, parce que l'indépendance d'une na-
tion ne saurait être soumise au jugement d'une autre et doit
toujours rester sous la sauvegarde du patriotisme national.
" Comme œuvre de paix, de justice et de concorde, ce
contrat ne repose donc point sur la force du nombre ni
sur la force des armes. Il repose uniquement sur la foi
— 81 —
publique des nations qui l'acceptent, sur le sentiment de
la dignité de chacune d'elles et sur la responsabilité
morale de celle qui commettrait un attentat contre cette
grande œuvre de la civilisation et du droit, de l'esprit et
•du cœur de l'Amérique — foi, sentiment et responsabilité
plus respectables, plus nobles, plus efficaces, que la force
matérielle d'une nation quelconque, si grande et si puis-
sante qu'elle soit.
" Ainsi a été formulé un arbitrage généralement obliga-
i:pire, mais qui ne saurait jamais être imposé au moyen de
voies de fait par aucune des nations qui ne seraient point
-directement et exclusivement intéressées dans l'occur-
rence.
" Si, contrairement à toutes les prévisions, à tous les dé-
sirs, à toutes les espérances, l'arbitrage venait à être refusé
dans une controverse et que la guerre survînt entre les
nations dissidentes, les autres nations, les grandes comme
les petites, toutes égales devant le Droit, n'auraient que la
triste mission de déplorer l'anéantissement des plus nobles
:aspirations humaines ; mais aucune nation ne pourrait, en
vertu du projet en discussion, invoquer la faculté de
s'immiscer dans la querelle, excepté dans les cas et dans
les limites où le droit des gens autorise la médiation et les
bons offices de tout Etat entretenant de bonnes relations
:avec les parties contendantes."
Telle est. Messieurs, la lettre claire du traité proposé
•et tel est aussi l'esprit indisputable de toutes ses clauses.
Telle a été, en outre, l'idée dominante du Comité, qui a
•constamment écarté toutes les suggestions qui pourraient
tendre à attribuer à ses stipulations un caractère de con-
trainte même purement moral de la part des autres na-
tions signataires du traité, mais étrangères à la question
soulevée. Tel est, par-dessus tout, le sens naturel et indé-
niable avec lequel la Délégation Argentine a eu l'honneur de
le signer et se fait le devoir de le soutenir par mon organe.
— 82 —
Il est donc clair, indisputable que les nations signataires-
du plan du traité d'arbitrage, sont obligées, s^ohligent
plutôt, de soumettre leurs différends à l'arbritage, sans
pouvoir jamais y être contraintes.
Cette proposition incontestable a soulevé une nouvelle .
objection que le soussigné croit plus spécieuse que solide :
"Une obligation dont l'exécution dépend uniquement
de la volonté de celui qui la contracte, une obligation qui
n'a d'autre sanction qu'une sanction morale, à quoi sera-t-
elle réduite dans les fréquents changements de régimes et
de personnes que subit le Grouvernement des peuples,
changements qui n'impliquent pas seulement des modifi-
cations d'opinion, mais encore et plus fréquemment l'oubli
des engagements antérieurs?"
Sans entrer dans l'examen détaillé des affirmations in-
cidentes que renferme cette objection, le soussigné estime
que la proposition principale elle-même, c'est-à-dire
l'inutilité d'un engagement dénué de sanction matérielle^
d'une obligation qu'aucune des parties contractantes ne
peut être contrainte de remplir par une autre force, que sa
propre volonté, est un argument de faible portée, puisqu'il
peut-être opposé à tous les traités internationaux sans
aucune exception.
Une nation qui trouve onéreuses des obligations interna-
tionales solennellement contractées peut toujours tenter de
s'y soustraire à ses risques et périls, — que ces obligations
lui aient été imposées par un ennemi victorieux ou qu'elle
les ait librement et volontairement consenties. La répudia-
tion d'un traité quelconque, celui d'arbitrage ou tout autre,
ne serait point chose nouvelle dans l'histoire. On n'en sau-
rait conclure néanmoins à l'inefficacité, à l'inutilité de toute
espèce de traité international. Pourquoi ? Parce que la vio-
lation, la répudiation d'un traité est en soi une chose mal-
faisante, détestable, à laquelle une nation ne recourt que-
— 83 —
dans des cii'eonstances extraordinaires et pour s'affranchir
quand le moment lui semble favorable, d'obligations qui
lui ont été plutôt imposées à la suite d'une guerre malheu-
reuse ou qu'elle aurait consenties sous la pression d'un
adversaire disposant d'une force écrasante, et pour éviter*
une guerre qui entraînerait de plus grands sacrifices. Quant
à la répudiation d'un traité volontairement accepté, réelle-
ment conclu en toute liberté par les nations intéressées,
c'est chose excessivement rare dans l'histoire, parce que
cette répudiation compromet à la fois l'honneur et la dignité
de la nation qui manque à la foi des traités. Or, jamais
accord international ne s'est fait avec une plus complète
liberté de volonté et d'action que celui dont il s'agit, et, à
ce point de vue, aucun témoignage historique ne saurait
être invoqué à l'appui de l'assertion qu'un traité quelcon-
que ait été conclu sous des auspices plus favorables que le
traité d'arbitrage international.
Il a été encore dit " que la préservation de la paix et de
la tranquillité entre les nations américaines, cet objet de la
légitime préoccupation de la Conférence, doit être recher-
chée, moins dans les pactes écrits, dans des obligations pu-
rement morales que peuvent contracter ces nations entre
elles que dans le caractère sérieux de leurs Grouvernements,
dans leur assujettissement aux principes de justice et d'é-
quité." Le soussigné partage entièrement cet avis et il croit,
en outre, que le caractère sérieux des Grouvernements que
se donnent les peuples et leur attachement aux principes de
justice et d'équité, loin d'affaiblir chez eux le sens de la
dignité et de l'honneur national, fortifient encore ces sen-
timents élevés qui sont les fondements de la foi publique,
du respect scrupuleux des obligations contractées, surtout
lorsque ces obligations n'ont d'autre sanction que le carac-
tère sérieux, l'attachement aux principes de justice et d'é-
quité, la dignité, l'honneur, le respect de la foi jurée, de la
part de celui qui les contracte.
— 84 —
Cette sanction morale, attachée au traité d'arbitrage
comme à toute convention internationale, loin d'être insuf-
fisante, loin de rendre vaines les espérances de paix fon-
dées sur cet acte, repose au contraire sur les considérations
les plus puissantes qui aient jamais servi de fondements
aux sociétés humaines, sur des principes et des sentiments
qui sont et resteront sacrés parmi les hommes aussi long-
temps que le matérialisme n'aura pas tout submergé, aussi
longtemps que Pêtre moral gardera une place dans nos spé-
culations philosophiques, politiques ou sociales.
Le soussigné, il doit le dire franchement, a été doulou-
reusement surpris de la violente hostilité avec laquelle le
traité d'arbitrage a été accueilli par une section de la
presse haïtienne et des efforts injustifiables tentés assez in-
considérément pour faire naître des préventions contre ce
traité, et en obtenir le rejet par les pouvoirs constitués de
la République.
Le soussigné tient à honneur à ce que le Gouverne-
ment et tous ceux de ses compatriotes qui auront occasion
de lire ce rapport, à quelque parti d'ailleurs qu'ils appar-
tiennent, soient bien pénétrés qu'en apposant sa signature
à cet acte, comme Plénipotentiaire de la République, il n'a
subi et ne pouvait subir aucun entraînement ; qu'il n'a ni
négligé ni méconnu les arguments qui ont été opposés à
son opinion ; qu'il a pris le temps nécessaire pour exami-
ner le contre aussi bien que le pour, et que, s'il n'a pas été
avec la minorité, c'est que les arguments de celle-ci ne
l'ont pas convaincu que la raison fût de son côté.
Avant de quitter ce sujet, il y a encore un ai-gument de
la minorité sur lequel il convient, pour les motifs qui
viennent d'être énoncés, de rapporter ici l'opinion du délé-
gué d'Haïti.
Dans son discours du 14 avril, l'honorable M. Romero,
délégué du Mexique, après avoir exposé un certain nom-
bre d'objections, déclarées par lui-même secondaires ou
de pune forme, s'est ainsi exprimé :
— 85 —
" Néanmoins, en dépit de tout cela, comme le gouverne-
ment du Mexique désire accepter le traité d'arbitrage
qu'approuverait cette Conférence, il renoncera à toutes ses
objections contre cet article (le cinquième) moyennant
l'acceptation de l'exception que je viens d'indiquer, c'est-
à-dire la mention parmi les questions sur lesquelles l'arbi-
trage ne sera pas obligatoire, de celles qui affectent direc-
tement l'honneur et la dignité de l'une des nations con-
tractantes."
La délégation du Chili s'est appesantie aussi avec beau-
coup de force sur l'impossibilité pour une nation " ayant
sa raison d'être " de soumettre à l'arbitrage des questions
qui affecteraient son honneur et sa dignité.
Le soussigné ose croire qu'après les immenses sacrifices
personnels qu'il a publiquement faits, à ce qu'il a considéré
comme lui étant imposé par le devoir, par le sentiment de
l'honneur et de la dignité, aucun de ses compatriotes ne
saurait le juger capable de faire bon marché de ce qui
pourrait affecter l'honneur ou la dignité de son pays.
Il n'a donc pas pu laisser échapper à son attention un
argument basé sur des considérations morales d'une telle
importance. Il a soigneusement examiné, pesé cet argu-
ment et il a dû passer outre, ne reconnaissant point en
quoi le traité d'arbitrage tel qu'il a été conclu pouvait
mettre en péril la dignité ou l'honneur de l'une des nations
contractantes.
La guerre et les motifs de guerre entre les nations ne
sauraient être assimilés au duel et aux causes de duel
entre les individus ; bien moins encore est-il permis de
confondre Vlionneur national avec le point dhonneur du
duelliste. Les sentiments qu'expriment ces mots honneur
et dignité, appliqués surtout à une nation, se rap-
portent beaucoup plus aux principes qui gouvernent nos
propres actions, qu'aux actions des autres d^ns leurs rela-
tions avec nous.
— 86 —
Lorsqu'un voyageur abandonne sa bourse à un bandit
pour sauver sa vie, il n'a perdu que son argent, c'est le
détrousseur de grand chemin qui a perdu l'honneur. Il
n'en saurait être autrement entre les nations : le déshon-
neur serait pour celle qui abuserait de sa puissance pour
dépouiller un voisin faible, et non pour la victime de cet
abus de la force, laquelle aurait probablement de nos
jours la sympathie, sinon l'appui, de tout le monde civi-
lisé. Que s'il faut entendre par honneur national à préser-
ver de toute atteinte ces prérogatives du droit souverain
qui ont soulevé tant de querelles entre les anciennes mo-
narchies de l'Europe, le soussigné est d'opinion que ces
prérogatives de la souveraineté, du moins en ce qu'elles
peuvent avoir de légitime, sont des attributs inséparables
de ^indépendance nationale. Ce qui se nomme insidte entre
les nations ne peut guère s'entendre, à son avis, que d'un
acte par lequel il est porté atteinte au droit souverain de
la nation, d'un manquement au respect dû à son indépen-
dance souveraine, en d'autres termes, un acte qui viole,
dans la personne morale de l'Etat, le principe de l'égalité
entre les nations indépendantes. Ainsi entendus, l'honneur
et la dignité de la nation sont inséparables, dans l'esprit
du soussigné, de l'idée générale qu'embrasse le mot indé-
pendance, et la Conférence, à son avis, a sagement agi en
rendant l'arbitrage facultatif seulement dans le cas où
l'une des nations contendantes jugerait son indépendance
engagée dans la question, puisque l'indépendance, qui
n'est pas autre chose, selon le soussigné, que la souverai-
neté nationale avec tous ses attributs et toutes ses préro-
gatives, embrasse nécessairement la dignité et l'honneur
de la nation en ce qu'ils ont de légitime. La Conférence a
encore sagement agi en refusant l'insertion demandée par
la Délégation du Mexique, de ces deux mots : honneur et
dignité dans 1* clause facultative, parce que, comme l'a fort
bien expliqué le rapporteur du plan d'arbitrage, l'hono-
— 87 —
rable M. Cmz, Délégué du Ouatemala, il n'y a pas de dif-
férend international que l'on ne puisse présenter coname
engageant la dignité ou l'honneur des nations surtout en
faisant la confusion de. ces choses respectables, avec le
mint d%omîeur des duellistes.
En résumé, les disputes internationales ne peuvent pro-
venir que d'une opposition fortuite d'intérêts ou des cal-
culs de l'ambition. Contre ces derniers, il n'existe de
remède que dans ces combinaisons d'alliances qui forment
la longue histoire de Véquilïbre européen et de cette paix
armée qui écrase encore les finances des grandes nations
contemporaines. La tendance générale de la civihsation
inoderne, tendance née de la haute culture mtel ectuel e
de notre âge, est la condamnation de plus en plus formelle
de cette ambition funeste pour l'humanité, de cette soif
de domination qui avait produit, dans des siècles moms
éclairés, le prétendu droit de conquête.
Du ieu de cette ambition, de cette soif de domination
sont sorties en Europe des traditions guerrières, des riva-
lités internationales qui retardent encore dans ce berceau
de notre civilisation la mise en pratique d'une pohtique
internationale plus conforme à la haute pensée de contra-
ternité universelle que les progrès de toute sorte accorn-
plis dans ce siècle ont développée au pomt, qua cette
heure, elle domine et gouverne les relations sociales dans
toute cette partie du monde.
Personne ne croit plus, de nos jours, à la légitimité du
droit de conquête; l'indépendance des nations participe
de plus en plus, au moins à l'égard des peuples civilises,
du caractère sacré qui s'attache au droit de propriété. Les
nations américaines, filles de la civilisation européenne,
mais affranchies des liens de ces rivalités traditionnelles
qui retiennent la vieille mère-patrie attachée aux ruineu-
ses armées permanentes, aux savantes combmaisons d al-
liance et d'équilibre, ne sauraient, lorsque la plus puissante
d'entre elles prend la noble initiative de les y convier, ne
pas renoncer pour jamais à toute ambition de conquête
pour planter sur la riche terre du Nouveau Monde cet
arbre de la paix dont les rameaux, il est permis de l'espé-
rer, couvriront bientôt de leur ombre bienfaisante la
vieille terre de l'Europe elle-même. Quand des nations ont
franchement répudié le droit de conquête, quand elles ad-
mettent le caractère sacré et inviolable des limites qui
séparent leurs territoires respectifs, quand elles font du
respect de leur indépendance respective la base fonda-
mentale de leurs relations, il est dif&cile d'admettre
qu'elles puissent jamais se diviser sur des questions tou-
chant à leur honneur, à leur dignité ; les questions qui
peuvent surgir entre elles ne peuvent plus être que des
questions d'intérêts ayant une portée trop limitée pour
mériter de les entraîner dans une guerre, et si chacune
porte dans ses prétentions la bonne foi, la loyauté que
commande à tous la haute civilisation de ce grand siècle,
elles ne sauraient avoir d'objections sérieuses à s'en rap-
porter au jugement d'une nation soeur ou de tout autre
arbitre librement, volontairement choisi par elles-mêmes.
B. — DU DEOIT DE CONQUÊTE.
L'adoption du principe de l'arbitrage obligatoire comme
moyen pacifique de régler les difficultés internationales, en
sauvegardant l'intérêt supérieur du droit, impliquait la ré-
pudiation du droit de conquête, de cette soif de préémi-
nence, de domination, qui n'a que trop souvent attiré les
fléaux de la guerre sur des populations paisibles, étrangères
aux querelles des grands. La Conférence Internationale
Américaine n'a pas cru devoir s'en tenir à ce désaveu impli-
cite. Dans sa séance du 18 avril 1890, et sur la proposition
du Comité qui avait élaboré le plan d'arbitrage, elle a voté
à l'unanimité, moins la Délégation du Chili qui s'est abste-
nue, la résolution suivante qu'elle recommande aux nations
— 89 —
représentées dans cette grande assemblée d'adopter comme
conséquence nécessaire, comme partie intégrante du plan
d'arbitrage :
" Résolution :
"La Conférence Internationale Américaine recommande
instamment aux Grouvernements qui y sont représentés^
l'adoption des déclarations suivantes :
"1. Le principe de conquête ne sera point reconnu
comme admissible dans le droit public américain pendant
la durée du Traité d'arbitrage.
" 2. Toute cession de territoire faite pendant la durée du
traité d'arbitrage sera nulle, si elle a été accomplie sous des
menaces de guerre ou sous la pression d'une force armée.
" 3. Toute nation à laquelle une telle cession aura été
imposée, pourra demander que la validité de la cession
ainsi faite soit soumise à l'arbitrage.
" 4. Toute renonciation au droit d'arbitrage faite dans
les conditions indiquées dans l'article deuxième, sera nulle
et de nulle valeur. "
Le soussigné estime que les Grrands Pouvoirs de son pays
tiendront à honneur de manifester, par une déclaration so-
lennelle, leur adhésion à ces grands principes du droit
public, nobles fruits de la haute civilisation de ce grand
siècle.
c. — univeesalité du peincipe humanitaire de
l'aebiteage.
La Conférence Internationale, quoique composée exclu-
sivement de représentants des nations du Nouveau Monde,
n'a pas voulu qu'il pût être attaché même l'ombre d'une
pensée étroite, égoïste, dans ses solennelles recommanda-
tions en faveur de la paix.
Considérant que ce grand principe de l'arbitrage est
avant tout une suggestion des plus grands, des plus nobles,
penseurs de l'Ancien Monde, et qu'il est, par conséquent,.
— 90 —
^susceptible d'une application universelle dans le monde ci-
vilisé, elle a tenu à accentuer son désir de voir, dans un
avenir aussi prochain que possible, l'adoption universelle
de ce pacte de paix, de fraternité.
A cet ei^et, elle n'a pas cru devoir se borner à l'introduc-
tion dans le plan d'arbitrage d'un article qui en rend l'a-
•doption facultative à toutes les nations du monde ; elle a
voulu formuler sa noble et généreuse pensée par une re-
commandation formelle et spéciale, en votant unanime-
ment, sauf la Délégation du Chili qui s'est abstenue, la ré-
.solution suivante :
'''' JRésolution :
" La Conférence Internationale Américaine ayant recom-
mandé l'arbitrage pour le règlement de toutes les disputes
entre les Républiques de l'Amérique, exprime le vœu que
"toutes les controverses entre ces Républiques et les nations
•de l'Europe soient aussi réglées par ce moyen amical.
" La Conférence recommande, en outre, à chacune des
nations qui y sont représentées, de communiquer ce vœu
•à toutes les puissances amies. "
Le procès- verbal de la séance, dans laquelle cette résolu-
tion a été discutée et votée, rapporte les noms, mais pas les
paroles des Délégués qui ont pris part à la discussion. Cette
■circonstance pourrait laisser quelque doute sur l'accord des
différentes Délégations, malgré le vote unanime qui s'en
-est suivi. Il n'est peut-être pas inutile, pour éviter cette
hausse interprétation de la part surtout des critiques d'une
section de la presse haïtienne qui semblent croire le Délé-
.gué haïtien mal disposé envers telle ou telle puissance eu-
ropéenne, de dire quel a été l'objet de la discussion et dans
■quel sens le Délégué d'Haïti y a pris part.
Après l'honorable M. Romero, Délégué du Mexique, qui
.avait fait une objection contre la forme, mais non contre
l'esprit du second paragraphe de la résolution, l'honorable
— 91 —
HVI. G-uzman, Délégué de Nicaragua, prit la parole pour aÊ&r-
Tuer la conformité de ses propres vœux avec celui qu'expri-
mait la résolution, tout en croyant celle-ci inutile parce que,
pour divers motifs exposés dans son discours, il était con-
vaincu que les grandes puissances européennes n'adhére-
raient point au Traité d'arbitrage. M. Price, Délégué d'Haïti,
prit ensuite la parole pour appuyer la résolution, en expo-
sant les motifs qui l'empêchaient de croire à l'inutilité de
cet acte de déférence courtoise, d'amitié, de fraternité en-
vers les grandes puissances européennes, même si l'on ne
devait pas en attendre un succès immédiat. L'honorable M.
Bolet Peraza, Délégué du Venezuela, auteur de la proposi-
tion, et l'honorable M. Carnegie, Délégué des Etats-Unis,
parlèrent ensuite dans le même sens et eurent l'un et l'au-
tre la bienveillance d'offrir quelques félicitations au Délé-
.:gué d'Haïti, sur son attitude.
Enfin, pour mettre hors de doute, l'unanimité de senti-
ments de la Conférence à cet égard, l'honorable M. Alfonso,
Délégué du Chili, a expliqué que " la proposition en discus-
sion, étant fondée sur le plan d'arbitrage déjà approuvé, la
Délégation du Chili ne pouvait prendre part ni à la discus-
:sion, ni au vote, mais qu'elle se réservait le droit de sou-
mettre ses idées sur ce sujet à son Grouvernement, non pour
.repousser la proposition, mais pour la lui recommander sous
une forme qui soit compatible avec la position qu'elle a
prise sur la question générale de l'arbitrage. "
Le soussigné croit, en ce qui concerne la République
d'Haïti, (^u'il ne suffirait pas seulement de communiquer le
vœu de la Conférence Internationale Américaine aux na-
tions européennes avec lesquelles nous entretenons des
relations de bonne amitié.
H est possible, pour des motifs qu'il n'y a pas lieu de re-
produire ici et auxquels il a été déjà fait allusion dans ce
Tapport, il est jDossible que certaines nations européennes,
peu soucieuses de se lier entre elles-mêmes par un traité
— 92 —
d'arbitrage î'ef usent d'adhérer à une convention d'un carac-
tère universel. Mais des objections fondées exclusivement
sur des considérations de politique européenne, n'affectent-
pas des traités partiels, fermes, liant exclusivement deux
nations amies.
Si la France, par exemple, cette noble nation, à laquelle-
nous tenons par tant et de si puissantes attaches, si la
France pouvait avoir quelque répugnance à accepter l'ar-
bitrage pour le règlement de ses différends avec toutes les
nations du monde, il y a du moins telles nations, avec cha-
cune desquelles elle cgn sentirait sans doute à signer une
convention exclusive. Au premier rang de ces nations par-
ticulièrement amies de la grande République européenne,,
l'on doit placer la petite République noire à qui est dévolu
l'honneur de conserver, parmi les peuples indépendants du
Nouveau Monde, la tradition des mœurs et de la langue
françaises.
Pour conclure, le soussigné demande la permission de
recommander que des instructions soient transmises par
le Grouvernement aux Ministres d'Haïti à Paris, à Londres,
à Berlin et à Madrid, les invitant à communiquer le vœu
de la Conférence Internationale Américaine aux Gouver-
nements près lesquels ils sont respectivement accrédités, et
à ouvrir en même temps des négociations pour arriver, s'il
se peut, à la conclusion d'un traité d'arbitrage avec chacuni
de ces Grouvernements.
SECTION VIII.
Questions diverses touchant au bien-être et à la prospérité-
des Nations.
A. — BANQUE INTERNATIONALE AMÉRICAINE.
Par suite d'une résolution adoptée dans sa séance du 7
décembre 1889, la Conférence nomma un Comité spécial
qu'elle chargea de considérer et de lui soumettre des moyens-
— 93 —
d'améliorer et d'étendre les systèmes de banque et de cré-
dit entre les divers pays représentés à la Conférence.
Le rapport de ce Comité a été adopté par la Conférence
■dans sa séance du 14 avril. En voici les conclusions, telles
qu'elles ont été unanimement votées :
" Résolution :
" La Conférence recommande aux Gouvernements qui y
sont représentés d'accorder des concessions libérales pour
faciliter le développement des opérations de banques inter-
américaines et plus particulièrement celles qui peuvent
être nécessaires pour assurer l'établissement d'une Banque
Internationale Américaine, avec des succursales ou agences
■dans les divers pays représentés dans cette Conférence."
Cette résolution, transmise au Congrès par le Président
•des Etats-Unis, a déjà été l'objet d'un rapport favorable
présenté le 26 juin, à la Chambre des Représentants, par
son Comité des opérations de banque et de circulation.
Pouii déterminer l'accueil que doit faire le Grouvernement
de la République d'Haïti à ces recommandations de la
Conférence, il convient d'examiner d'une part les considé-
rations qui ont conduit la Conférence à conclure, en pro-
<3lamant la nécessité de créer une Banque Internationale
Américaine, les lacunes que cette banque est appelée à com-
bler, les avantages qu'il peut être permis d'en attendre, et
de l'autre part, la situation particulière, favorable ou désa-
vantageuse, faite au commerce haïtien par notre système
actuel de banque et de circulation.
" Aucun champ d'investigation, lit-on dans le rapport du
Comité de la Conférence, compris dans les limites assi-
gnées aux travaux de cette Conférence, n'est plus fonda-
mentalement important que celui des opérations de ban-
ques inter-américaines ; en fait, l'avenir des relations
commerciales entre l'Amérique du Nord, du Centre et du
Sud dépendra autant du développement complet et rapide
— 94 —
des facilités internationales de banque que de toute autre-
condition particulière.
" La question du mécanisme de l'échange ne le cède, en
importance, qu'à la seule question du mécanisme des trans-
ports. Même après l'établissement de meilleurs moyens de
transport que ceux qui existent actuellement, il sera im-
possible au commerce entre les nations américaines de
prendre un très grand développement, à moins qu'il ne soit
mis à la disposition des négociants des moyens de con-
duire leurs opérations de banque, qui les affranchissent
dans une certaine mesure du monopole pratique du crédit
exercé en ce moment par les banquiers de Londres et da
continent eui'opéen.
" Le Comité est d'opinion que le commerce entre les na-
tions américaines pourrait prendre une très grande exten-
sion, si l'on adoptait des moyens convenables pour faciliter
l'échange direct entre les marchés monétaires des divers
pays représentés dans cette Conférence, même s'il n'était:
fait aucune amélioration au mécanisme des transports.
" Le premier effet en serait d'assurer une plus directe-
balance ou liquidation de compte {clearance in account)
entre les marchandises exportées et les marchandises im-
portées.
" Non seulement on produirait ainsi une forte diminu-
tion du montant énorme des commissions payées en ce
moment aux banquiers de l'Europe, mais encore ces com-
missions étant perçues par des banquiers et des négociants
de l'Amérique, une part des profits qui s'en vont mainte-
nant presque exclusivement aux marchés monétaires de
l'Europe pourrait être retenue dans les centres financiers
de notre continent.
" Il n'existe aujourd'hui entre les pays représentés dans
cette Conférence aucun système organisé de change ou de
crédits de banque. Par exemple, dans quelques marchés.
— 95 —
de l'Amérique du Sud, il est impossible d'obtenir des traiter
sur les Etats-Unis, tandis que dans d'autres, elles ne pour-
raient se vendre qu'à des prix fort inférieurs à leur équi-
valent en argent sterling. De même, des traites sur l'Amé-
rique du Sud ou l'Amérique Centrale sont pratiquement
inconnues sur les marchés financiers de New York, de
Philadelphie, de Baltimore, de la Nouvelle-Orléans, de
Chicago et de Boston.
" Il est admis que pour étendre le commerce entre les^
Etats, il doit être accordé de longs crédits. Comment est-il
possible à des manufacturiers et à des négociants placés
sur des points très éloignés de former des relations d'un,
tel caractère qu'elles leur permettent d'accorder de longs
crédits f En ce moment ces relations sont formées princi-
palement par l'intervention des banques et des banquiers
européens qui n'ont qu'un intérêt secondaire au dévelop-
pement du commerce entre les différents pays représentés
dans cette Conférence. L'extension du commerce entre
l'Europe et les Amériques est l'objet principal qu'ils se
proposent et non celle du commerce entre les Amériques^
elles-mêmes.
" En ce moment, par conséquent, la situation est telle
que les négociants de ce continent se trouvent virtuelle-
ment sous la dépendance des banquiers européens en tout
ce qui concerne les échanges financiers, nonobstant l'exis-
tence d'amples capitaux dans les pays ici représentés. . .
Ceci (les améliorations désirées) est toute-
fois impossible à réaliser, par le fait que les maisons de
banques des Etats-Unis, faisant le commerce extérieur,.
sont, en général, des succursales dirigées par des maisons
de Londres — et à moins d'une modification dans la Légis-
lation des Etats-Unis permettant une suffisante aggloméra-
tion de capitaux dans les mains dhme corporation jouissant
d'une existence légale, et affranchie des restrictions oppres-
— 96 —
«ives et des taxes qui sont imposées à cette heure aux-
corporations financières, de façon à rendre possible la
concurrence, à conditions égales, avec les banquiers euro-
péens.
" Le Comité a examiné et écarté un certain nombre de
propositions relatives à des établissements de banque,
auxquels les Gouvernements des nations intéressées au-
raient à fournir eux-mêmes des moyens financiers pour
les transactions de banque inter-américaines. Le Comité
estime que de tels services n'entrent pas dans la sphère
des attributions légitimes des Gouvernements. Néanmoins
aucune raison ne s'oppose à ce que les Gouvernements
représentés dans cette Conférence octroient des lettres
d'incorporation à des sociétés de banque pour se livrer à
des opérations de la nature de celles que font générale-
ment les grandes banques de Londres, c'est-à-dire tout
commerce de banque autre que l'émission des billets de
circulation, achat et vente de lettres de change, de mon-
naies et de métaux précieux en lingots, avances sur les
marchandises de toute sorte, et émission de lettres de cré-
dit pour faciliter les négociants dans leurs transactions
commerciales.
• "Aux Etats-Unis particulièrement, où il existe des
capitaux abondants, tout prêts à entrer dans des opéra-
rations de ce genre et à faciliter, par conséquent, le com-
merce international, les lois n^encouragent point V aggloméra-
tion des capitaux dans ce but.
" Le Comité croit que le plus sûr moyen de faciliter le
développement des opérations de banque et en général
des relations financières entre les marchés de toute l'Amé-
rique, aussi bien que d'améliorer le mécanisme de l'échange,
sans demander à aucun Gouvernement d'excéder ses pro-
pres fonctions, ce serait l'adoption par les Etats-Unis
d'une loi spéciale autorisant la création d'une Banque In-
.ternationale Américaine, disposant d'un capital suffisant
— 97 —
et pouvant être augmenté selon les exigences de ses
affaires, avec le privilège en faveur des citoyens de cha-
cun des pays représentés à la Conférence de prendre des
actions de cette banque au prorata de leur commerce
extérieur; laquelle banque n'aura point le pouvoir d'émet-
tre des billets de circulation, mais jouira de tous les autres
privilèges dont jouissent les banques nationales des Etats-
Unis comme banques de dépôts ou comptoirs d'escompte ;
aussi bien que des facultés dont jouissent les maisons par-
ticulières de banque en ce qui concerne l'émission des let-
tres de crédit et les prêts sur toutes sortes de marchan-
dises, l'achat et la vente des lettres de change, des mon-
naies, des métaux précieux en barres ; plus la faculté d'en-
dosser et àô garantir, en se couvrant par des gages suffisants
en général de faire tout ce que font aujourd'hui les gran-
des maisons de banque, conduisant leurs affaires sans
l'aide d'aucune lettre d'incorporation, * et conformément
aux lois qui régissent les sociétés commerciales ordinaires.
Le Comité croit, d'après des renseignements bien fondés,
que le capital nécessaire à cette banque sera très prompte-
ment souscrit.
" Le Grouvernement des Etats-Unis pourrait et devrait
même être investi des plus amples pouvoirs d'inspection.
Les opérations d'une banque ainsi établie peuvent être con-
duites avec une entière sécurité et de grands profits tant
pour ses actionnaires que pour notre commerce interna-
tional
" L'un des avantages directs qu'obtiendront de l'établis-
sement d'une banque ainsi conçue, tous les Grouvernements
* Lettre d'incorporation (Corporate Charter). Il faut entendre, par cette
expression, la loi qui reconnaît V existence légale d'une Compagnie anonyme et lui
assure la qualité de personne civile indépendante des actionnaires ou associés;
qui forment cette Compagnie et qui n'ont aucune responsabilité au delà du
montant de leurs actions, tandis que dans les Sociétés commerciales proprement
dites, il y a toujours un ou plusieurs associés actifs dont les noms doivent être
connus et dont tous les biens répondent des engagements de la Socie'té,
— 98 —
représentés dans la Conférence Internationale Américaine,
serait qne les capitalistes, dans les différents pays, trouve-
raient de plus grandes facilités pour placer leur argent dans
les fonds publics des nations de l'Amérique qu'ils n'en
trouvent actuellement pour opérer ces placements. Par
exemple, une nation de l'Amérique du Sud ou de l'Améri-
que Centrale désirant lancer un emprunt d'Etat se senti-
rait, moins qu'elle ne l'est aujourd'hui, sous la dépendance
d'une seule combinaison ou syndicat de banquiers euro-
péens. Il serait ouvert à cette nation deux marchés pour le
placement de son emprunt, tandis que dans l'état actuel des
choses, elle est virtuellement à la merci d'un marché uni-
que. "
Les considérations rapportées ci-dessus sont d'un poids
trop sensible pour laisser aucun doute sur l'utilité, et par
conséquent sur la nécessité, de la Banque Internationale
Américaine dont la Conférence recommande l'établisse-
ment.
Le soussigné se permet en conséquence de recomman-
der au Grouvernement d'appuyer de toute son autorité
morale une combinaison tendant à assurer la participation
du commerce haïtien à cette création dans la mesure du
nombre maximum des actions auxquelles nous aurons
droit.
Il y a en Haïti des problèmes d'ordre économique qui
exigent une solution d'autant plus pressante que notre paix
sociale et par suite notre existence nationale elle-même,
n'en dépendent pas moins que le développement de la for-
tune publique. Il semble que nous n'ayons jamais mieux
senti qu'à cette heure le besoin, l'impérieuse nécessité d'é-
tablir, de consolider notre paix intérieure. Même ceux de
nos concitoyens en qui les passions déplorables du passé
ne se sont pas encore complètement éteintes, n'osent point
heurter de front le sentiment unanime de nos populations
en faveur de cette paix intérieure dont nous avons été trop
— 99 —
longtemps privés et que toutes les classes de notre société
désirent avec une ardeur égale, une égale sincérité. Mais
comment l'obtiendrons-nous cette paix 1 Où devons-nous
la chercher ?
Il y a et il y aura toujours parmi les hommes des esprits
étroits, des coeurs mesquins, travaillés par des passions
honteuses, la paresse, l'ignorance prétentieuse, l'envie hai-
neuse de toute supériorité, la soif inextinguible de toutes
les jouissances, des ambitions injustifiables, des rêves in-
sensés. Dans des pays convenablement organisés, fortement
constitués, les gens de cette sorte alimentent le gibet, peu-
plent les galères. Là où l'organisation sociale est faible ou
défectueuse, ils forment la grande et monstrueuse réserve
où la démagogie va puiser ses forces dissolvantes. Il serait
chimérique de demander à de telles gens un sentiment
élevé : Patrie, honneur, vertu, autant de mots, autant de
choses inconnues pour ces cœurs endurcis où la haine seule
peut croître et produire ses fruits amers. Il importe à la
communauté que de tels hommes soient mis dans l'impos-
sibilité de nuire, de compromettre l'ordre, de détruire la
paix sociale, de pousser le pays à des luttes sanglantes, où
la haine de toute supériorité conduit à une véritable déca-
pitation de la nation. Pour atteindre ce 'but, le soussigné
doit avouer que, dans son jugement, les mesures violentes
de répression et surtout de prévention ne sont d'aucune
efficacité. Répondre à la haine par la haine n'est pas d'une
nation chrétienne, d'un peuple civilisé, c'est d'ailleurs aller
à rencontre du but proposé : toute persécution même appa-
rente, toute rigueur inutile engendre la résistance, la ré-
volte. Pour asseoir la paix sociale dans notre pays, pour y
planter les germes de la prospérité publique, il nous faut
simplement, mais il le faut de toute nécessité, opposer aux
démagogues la coalition des intérêts légitimes.
Au premier rang de ces intérêts, il faut placer ceux de
notre agriculture. Il est de vérité absolue en économie poli-
— 100 —
tique que les produits ne s'' achètent q'o'avec des produits. Dans
l'état actuel du pays, c'est exclusivement avec les produits
de notre agriculture que nous achetons tous les produits
que fournit l'industrie étrangère à notre consommation.
S'il est vrai que les facilités d'échange, assurées par
des banques bien conçues, fortement organisées, intelli-
gemment conduites, tendent, de même que les facilités de
transport, au développement du commerce tant intérieur
qu'extérieur, il est non moins certain que ce qu'il faut en-
tendre par ce développement du commerce, n'est pas autre
chose qjLie l'accroissement graduel de la quantité des pro-
duits soumis à l'échange. Etant donné le rôle prépondé-
rant de l'agriculture dans notre système économique actuel,
il ne nous est permis de négliger aucun moyen direct d'aug-
menter notre production agricole. Cette production, dans
l'opinion du soussigné, n'est point, à l'heure présente, ce
qu'elle pourrait être, ce qu'elle devrait être, avec la popula-
tion actuelle du pays, avec la somme d'intelligence répan-
due dans toute notre communauté, avec les capitaux for-
més au sein de cette communauté et ceux, si faibles qu'on
les suppose, que nous pourrions nous procurer au dehors
par le crédit.
Le 23remier bienfait qu'un Grouvernement puisse et doive
tenter d'assurer à notre industrie agricole, c'est, de l'avis
du soussigné, V établissement de la sécurité dans nos campa-
gnes, sécurité de la personne et des biens du cultivateur.
Cette sécurité doit s'entendre dans le sens le plus large.
Ce sera la gloire du Grouvernement du Grénéral Hyppo-
lite, qui a déjà donné au pays tant de gages de son
attachement aux principes d'ordre et de liberté, d'affran-
chir nos cultivateurs, le plus promptement possible, des
criants abus dont ils souffrent depuis tant et de si longues
années, abus dont deux seulement suffisent à détruire
toute sécurité de la personne et des biens du cultivateur, à
paralyser tout effort que l'on pourrait tenter sur d'autres
— 101 —
points pour relever notre agriculture : l'abus de la presta-
tion en nature et celui du service militaire. Ce sont des
choses qui doivent être réglées par de sages lois, rigoureu-
sement observées. La corvée, cette institution antique
presque universellement répudiée de nos jours dans le
monde civilisé, doit être réglée, là où elle est encore im-
posée aux citoyens, de telle sorte que le cultivateur, sa-
chant d'avance les journées qu'il doit à l'Etat, puisse com-
biner sa tâche annuelle pour n'avoir à en souffrir que le
moindre préjudice possible dans ses intérêts. Cette pres-
tation ne doit jamais être exigée que pour un service
public et il conviendrait de réprimer les abus d'auto-
rité à cet égard avec la plus grande sévérité; enfin un
vrai travailleur, un homme libre, doit toujours avoir la
faculté de s'en affranchir en rachetant par un paiement en
numéraire, et à un taux fixé par la loi, chaque journée de
travail due à l'Etat.
Quant au service militaire, chacun sait la choquante
injustice de la situation faite à cet égard à nos cultiva-
teurs. Cette classe tout entière a constitué jusqu'à nos
jours une sorte de réserve permanente dans laquelle on
puise à discrétion, sans ordre ni méthode, sans tenir
aucun compte ni de l'âge, ni des responsabilités du tra-
vailleur que l'on enrôle, ni des services déjà rendus et qui
se chiffrent souvent par de nombreuses années passées
sous les drapeaux.
Là aussi, il convient. que la loi intervienne pour proté-
ger dans la personne des travailleurs les plus intéressants
du pays, les intérêts les plus considérables, les plus sacrés
de la nation. Ce n'est ici ni le lieu, ni l'occasion de s'éten-
dre sur les avantages immenses qu'aurait le Grouverne-
ment, au point de vue surtout du maintien de l'ordre
public, à substituer une petite armée régulière, solide, effi-
cace enfin, aux bandes indisciplinées qui constituent à
cette heure notre seule force publique ; c'est là une œuvre
— 102 —
complexe qui exige du temps, mais elle peut du moins-
être inaugurée dès maintenant par une loi sage et sérieuse,
fixant le mode de recrutement de l'armée, de façon que le
paysan sache où, quand, comment et pendant quel temps
il doit l'impôt du sang au pays ; quand et comment il en
est libéré ; de façon qu'il puisse rentrer dans le droit et
poursuivre au besoin le redressement des abus d'autorité
dont il aura pu être victime à ce sujet.
Ces deux réformes accomplies, il en est une autre qu'il
serait désirable, dans l'opinion du soussigné, de commen-
cer sans retard pour asseoir la sécurité de nos campagnes
sur des bases sérieuses, c'est la réorganisation de la police,
d'une police qui protège les citoyens et ne les assujettisse
point à de cruelles exactions, d'une police qui assure au
travailleur la jouissance de ses biens, des fruits de son
travail.
En créant, à bref délai, cette sécurité du travailleur
agricole, on devra s'attendre à voir s'élever notre produc-
tion nationale, en très peu d'années, dans une proportion
énorme — car deux autres éléments de prospérité qui
manquent à cette heure dans nos campagnes y seraient
immédiatement entraînés par cette sécurité même : l'intel-
ligence et le capital. L'agriculture est la seule branche de
travail, dans la situation économique actuelle du pays, qui
puisse offrir une issue à l'esprit d'entreprise. Si les hom-
mes intelligents de toute classe, de toute nuance, qui vé-
gètent en si ^rand nombre dans nos villes; ne dirigent
point leur activité vers cette industrie, ce n'est ni par
haine du travail, ni par dédain de la vie des champs.
Toutes les fois que notre horizon politique a paru s'éclair-
cir et présager une période de paix et de tran quillité, nous
avons constamment vu nombre de pères de famille aller
tenter dans nos plaines de relever, en même temps que
leur fortune propre, celle de la communauté. Ces efforts
ont été presque toujours stériles, parce que la sécurité
— 103 —
attendue n'est pas venue. Comment, en effet, le capitaliste
haïtien ou d'outre-mer consentira-t-il jamais à investir
lui-même ses fonds ou à les prêter à un autre pour être
investis dans une entreprise agricole là où la sécurité est
insuffisante ou nulle, là oii les fonds employés à un défri-
chement peuvent être perdus par l'éloignement des tra-
vailleurs avant l'ensemencement, là où, les travaux termi-
nés, l'on n'a aucune assurance de recueillir la récolte
attendue 1
Après ce grave problème, parmi les questions lés plus
pressantes qui sollicitent l'attention des pouvoirs publics
en vue da développement de notre production agricole, il
faut placer, au premier rang, la nécessité d'instruire nos
cultivateurs, d'en faire des travailleurs intelligents, moraux,
afin qu'ils deviennent ou restent de bons citoyens, des pè-
res de famille ; puis la nécessité de développer, de perfec-
tionner nos moyens de transport et de communication. Ces
questions ont été traitées dans d'autres parties du présent
rapport. Il convient d'y ajouter celle du Crédit Agricole
dont la nécessité déjà reconnue se fera de plus en plus sen-
tir, à mesure que s'accentuera le retour ou l'établissement
de la sécurité de nos campagnes.
. Ecoles rurales, routes, chemins de fer, télégraphes, ban-
que agricole, toutes ces créations exigent des capitaux et
l'on est ainsi ramené par ces considérations diverses à une
juste appréciation, en ce qui nous concerne, de la sagesse
des recommandations de la Conférence au sujet de la créa-
tion d'une Banque Internationale Américaine ; banque dont
la création ouvrira aux nations du Nouveau Monde deux
marchés financiers au lieu d'un seul, quand elles auront à
faire appel au crédit.
— 104 —
B. — COMMÉMOKATION DE LA CONFÉEENCE INTEKNATIONALE
AMÉRICAINE.
Dans sa séance du 18 avril 1890, la Conférence vota à
l'unanimité, sur la proposition de l'honorable Délégué du
Brésil, M. Mendonça, la résolution suivante :
" Que toutes les délégations présentes, y compris celle
des Etats-Unis concourent, après l'obtention de la permis-
sion nécessaire, à placer dans la salle du Département
d'Etat où s'est tenue la séance d'ouverture de la Confé-
rence, une tablette de bronze sur laquelle sera faite, dans
les quatre langues de la Conférence, l'inscription ci-après,
suivie des noms de tous les Délégués :
^^ Les Nations du Nord, du Sud et du Centre de V Amérique,
décident de commémorer que, dans cette cliamhre, le 2 octobre
1889, sous la présidence de James G. Blaine, Secrétaire
d'Etat des Etats-Unis, a été ouverte la Coitférence Interna-
tionale Américaine, qui, entre autres mesures destinées à pro-
mouvoir Vunion et le bien-être des peuples de ce continent, leur
a recommandé, comme une garantie de paix, le principe de
Parhitrage obligatoire. "
C. — BIBLIOTHÈQUE INTERNATIONALE AMÉRICAINE.
Dans la même séance la Conférence vota, également à
l'unanimité, la résolution suivante présentée par l'honora-
ble Délégué de la Colombie, M. Martinez-Silva :
^''Résolution :
" Il sera fondé dans la ville de Washington, pour commémo-
rer la réunion de la Conférence Internationale Américaine,
une Bibliothèque Latino- Américaine, dans un local spécial,
qui sera désigné à cet effet par le Gouvernement des
Etats-Unis. Cette bibliothèque sera formée par les con-
tributions de tous les Gouvernements représentés dans
cette Conférence ; il y sera réuni toutes les œuvres historiques,
— 105 —
géographiques et littéraires, les cartes, manuscrits, et docu-
ments officiels relatifs à Vhistoire et à la civilisation de V Amé-
rique. Cette bibliothèque devra être inaugurée solennellement
le jour que sera célébré aux Etats- Unis, le quatrième cente-
naire de la découverte de V Amérique. "
Le soussigné croirait manquer à toute convenance en se
permettant d'insister auprès du Grouvernement ou du pays,
sur notre obligation morale de représenter dignement notre
jeune nation, si modeste que doive être son offrande, à ce
rendez-vous intellectuel de l'Amérique. Assurément qui-
conque, parmi les hommes vivants de notre pays, a tenu
une plume et fait imprimer sous sa signature, livre ou bro-
chure, s'empressera d'apporter ses oeuvres au Grouverne-
ment et de réclamer ainsi sa place à la Bibliothèque Inter-
nationale Américaine.
Nous 'savons tous, néanmoins, combien facilement se
perdent, disparaissent les livres, surtout dans notre capi-
tale si souvent exposée aux ravages de l'incendie. Le sous-
:signé est donc d'avis qu'il y aura lieu de faire un appel au
patriotisme des citoyens qui peuvent être détenteurs d'ou-
vrages devenus rares, et d'ouvrir un crédit au ministère
compétent pour en faire l'acquisition des détenteurs qui ne
pourraient ou ne voudraient s'en dessaisir à titre gracieux.
Enfin, le Gouvernement saisira, sans nul doute, cette
occasion si favorable, pour entreprendre la création dans
notre capitale d'une Bibliothèque nationale, à l'épreuve du
leu et pouvant ainsi échapper au sort de ses devan-
cières.
CLÔTURE DE LA CONFÉRENCE.
A l'issue de la soixante-neuvième séance de la Confé-
rence, diverses résolutions ont été votées par acclamation,
portant les félicitations et les remerciements des Délégués
^u Grouvernement et au peuple des Etats-Unis.
La première de ces résolutions a été proposée dans les
— lOG —
termes suivants par le Délégué du Mexique, l'honorable M.
Eomero :
" Résolution :
" La Conférence Internationale Américaine, au moment
de clore ses travaux, se rappelant qu'elle est redevable en
grande partie à l'honorable James Gr. Blaine, Secrétaire
d'Etat des Etats-Unis d'Amérique et président distingué
de cette Assemblée, de la réunion de cette Conférence et
des heureux résultats que nous en attendons, nous avons
le plaisir de lui offrir nos sincères remerciements pour l'ha-
bileté, l'impartialité et la courtoisie avec lesquelles il a
rempli les fonctions de la Présidence. "
Le même honorable Délégué présenta ensuite une se-
conde résolution ainsi conçue :
" Les délégués de l'Amérique latine à la Confé/ence In-
ternationale Américaine réunis à Washington, le dernier
jour de leurs travaux, ont résolu que :
" Au nom de nos Grouvernements respectifs, nous offrons
ici au Grouvernement des Etats-Unis d'Amérique l'expres-
sion de 'notre gratitude pour son invitation à nos Grouver-
nements respectifs de se faire représenter dans cette capi-
tale pour l'accomplissement d'une mission pacifique, loua-
ble et profitable, aussi bien que pour la courtoisie avec la-
quelle nous avons été reçus et traités pendant notre séjour
dans ce pays."
Après le vote de cette dernière résolution, l'un des Délé-
gués des Etats-Unis, l'honorable M. Henderson, y répondit
dans les termes suivants :
" Ce que nous avons fait ici pour l'accomplissement de
nos devoirs vivra à jamais, espérons-le. Pour parvenir aux
conclusions auxquelles nous sommes arrivés, il fallait de
toute nécessité une complète liberté des débats. C'est le plus
beau privilège, la plus haute aspiration d'un peuple libre.
— 107 —
Si dans cette liberté de discussion, une parole acrimonieuse
s'est fait entendre, qu'elle soit considérée maintenant
comme radiée des procès-verbaux de nos débats, qu'elle
soit pour jamais oubliée. Si le peuple des Etats-Unis ou ses
Délégués ont pu faire quelque chose d'agréable à nos hôtes
distingués, nous en sommes profondément heureux, et s'il
nous était possible de faire quelque chose de plus pour leur
satisfaction, la nôtre n'en serait que plus grande. "
Après ces échanges de courtoisie, la Conférence s'ajourna
au lendemain pour la sanction du procès-verbal de cette
séance et la clôture formelle de ses travaux.
Dans cette dernière séance (voirie procès- verbal No. 70),
la Conférence vota par acclamation deux propositions pré-
sentées, l'une par l'honorable M. Alfonso, Délégué du Chili,
ainsi conçue :
" Comme un hommage à la mémoire de l'immortel Colomb
et en reconnaissance des immenses services qu'il a rendus
à la civilisation et à l'humanité, la Conférence s'associe aux
manifestations qui vont se faire en son honneur à l'occasion
du quatrième centenaire de la découverte de l'Amérique. "
L'honorable M. Bolet Peraza, Délégué de Venezuela, pré-
senta la seconde proposition dans les termes suivants :
" Avant de s'ajourner définitivement, la Conférence fait
ses remerciements au Grouvernement des Etats-Unis pour
la splendeur de l'hospitalité reçue par toutes les Déléga-
tions et des vœux pour la prospérité perpétuelle des Etats-
Unis. "
Puis, l'honorable James Gr. Blaine, président de la Con-
férence, prononça d'une voix très émue le discours de clô-
ture, dont le soussigné se fait un plaisir, autant qu'un de-
voir, de rapporter ci-après les principaux passages :
"Messieurs, je retiens pour un moment le mot d'ajour-
nement définitif, pour vous exprimer la profonde satisf ac -
— 108 —
tion qu'éprouve le Grouvernement des Etats-Unis de l'œu-
vre accomplie par la Conférence Internationale Améri-
caine. L'importance des sujets qui ont réclamé votre atten-
tion, la vive intelligence et le patriotisme vigilant que
vous avez portés dans leur discussion commandent la con-
fiance et l'admiration des Grouvernements et des peuples
que vous représentez, en même temps qne ce patriotisme
plus vaste qui constitue la fraternité des nations a reçu
de vous une impulsion dont le monde n'avait pas encore
été témoin.
"L'étendue et la valeur de tout ce qui a été si digne-
ment accompli par votre Conférence ne se peuvent mesu-
rer à l'heure présente. Nous en sommes encore trop rap-
prochés. Le temps viendra définir votre oeuvre et l'élever
à sa juste valeur. L'expérience confirmera notre foi ac-
tuelle ; le résultat final en sera votre justification et votre
triomphe.
" Si, à cette heure de clôture, la Conférence n'avait
qu'un acte unique à célébrer, nous oserions appeler l'at-
tention du monde sur la consécration réfléchie, confiante,
solennelle, de deux grands continents, à la paix et à la
prospérité qui a ses fondements dans la paix. Nous main-
tenons que cette nouvelle Magna Charta qui abolit la
guerre et lui substitue l'arbitrage entre les Républiques
américaines est le premier et le grand fruit de la Confé-
rence Internationale Américaine. Le plus noble des Amé-
ricains, le vieux poète et philanthrope Whittier, nous en-
voie le premier ses salutations et ses bénédictions, en dé-
clarant que : " Si, dans un esprit de paix, la Conférence
Américaine s'accorde sur un règlement d'arbil^rage qui
rende la guerre à peu près impossible dans cet hémi-
sphère, ses séances constitueront l'un des événements les
plus importants dans l'histoire du monde."
" Invoquant la bénédiction du Dieu Tout-Puissant sur
l'œuvre patriotique et fraternelle qui a été commencée ici
— 109 —
pour le bien de l'humanité, je déclare la Conférence Inter-
nationale Américaine définitivement close."
A l'issue de la séance, les Délégués se rendirent en
corps à la Maison Blanche et prirent formellement congé
de S. E. le Président des Etats-Unis.
Eespectueusement soumis au Grouvernement par le Dé-
légué de la République à la Conférence Internationale
Américaine,
HANNIBAL PRICE.
New York, le S^Août 1890.
ANNEXE IN'o. 1.
EAPPOET DE LA COMMISSION DES LOIS INTERNATIONALES.
La Commission des Lois Internationales, chargée de présenter un en-
semble de règles uniformes sur le droit international privé en matière
civile et commerciale et pour la légalisation des dctcuments, a l'honneur
aujourd'hui de soumettre à l'examen éclairé des honorables Délégués le
résultat de ses travaux et de ses délibérations.
Quoiqu'il n'ait pas été indiqué d'une manière spéciale et précise dans
l'acte du Congrès qui a réuni cette Conférence qu'elle eût à s'occuper de
l'uniformité des règlements en matière de droit international privé, il
n'est pas douteux que ce sujet ne rentre, par sa nature et son objet,
dans le but qu'elle se propose d'atteindre, puisque c'est un des meilleurs
moyens de développer et d'assurer les relations mutuelles entre les
divers Etats de l'Amérique.
Si les difQoultés de communications, les divergences qui existent dans
l'organisation et le fonctionnement des douanes respectives de chaque
Etat, et même la différence des poids et mesures sont, à juste titre,
<5onsidérées comme des obstacles au but désiré : c'est-à-dire la réalisation
de l'union et de l'harmonie la plus complète dans les rapports entre les
peuples de ces Etats, il est certain que les conflits soulevés par l'appU-
■cation journalière des lois sur ces matières peuvent être regardés comuie
un obstacle non moins sérieux. En faisant disparaître ce dernier obstacle,
on faciUtera puissamment le mouvement d'Union qui tend à s'établir
entre les Etats.
Le droit international privé est cette partie du droit public qui régit
directement, immédiatement et intimement l'individu, la famille, la
propriété ou, en d'autres termes, les trois éléments caractéristiques de
l'homme considéré dans ses rapports avec la société. C'est en vain qu'on
offrira au citoyen les avantages de communications rapides, faciles,
économiques; les conditions les plus favorables pour les droits de port,
les douanes, la frappe de la monnaie, si des points beaucoup plus impor-
tants à ses yeux, comme ses droits personnels, son autorité comme chef
de famille, son autorité et ses privilèges comme propriétaire restent
incertains. L'uniformité des règles en ce qui touche aux droits personnels
permettra de faire disparaître cette incertitude, dont les conséquences
sont d'autant plus graves que l'union tend chaque jour à devenir plus
intime et plus "complète entre les peuples, grâce au développement d'un
commerce plus actif et plus réaiunérateur.
L'idéal, sans doute, serait une uniformité entière, absolue, de législa-
tion, an moins sur les points sujets à diificultés. Mais, comme il ne peut
en être ainsi, pour le moment, du moins, on doit se borner à assurer,
— 112 —
dans les limites du possible, l'acceptation de règles, élaborées avec soin^
sages et bien établies, et d'après lesquelles on pourra régler les diffi-
cultés qui viendraient à surgir. Comme chaque nation, grande ou petite,
est parfaitement libre d'adopter telles lois et institutions qui lui sem-
blent les mieux appropriées à ses besoins et aux exigences des circon-
stances dans lesiiuelles elle se trouve, il en résulte des divergeùces
quelquefois frappantes dans leurs dispositions législatives.
Eu vertu de l'indubitable souveraineté que possède chaque Etat, il a
le droit indéniable, et il l'aura toujours, de promulguer des lois dans les
limites de son territoire et d'y assujettir ses citoyens. Mais lorsqu'il
s'agit d'un étrangei- se trouvant sur le territoire de cet Etat, ou d'un
citoyen de cet Etat résidant en pays étranger, le conflit i^eut s'élever
entre la loi du pays où se trouve l'étranger et celle de la nation à
laquelle il appartient. Et si, comme il arrive souvent, ce conflit naît de
la diversité des lois, règlements et arrêtés, édictés par chaque Etat
souverain, on comprend la nécessité urgente, impérieuse, de s'accorder
sur quelque principe eu vertu duquel ce conflit puisse être écarté. S'il
n'y avait, en eflét, ni commerce, ni navigation, ou rapport entre les
Etats, ou si les lois civiles et commerciales étaient partout les mêmes,
alors il n'y aurait pas crainte de conflit. Mais, ainsi qu'on l'a dit, eu fait,
les lois des divers Etats sont actuellement et seront longtemps encore
différentes; eu fait également, les nations ne vivent pas, ne doivent pas
et ne désirent pas vivre dans l'isolement : au contraire, les Etats indé-
pendants de l'Amérique se sont réunis ici pour discuter, par l'organe de
leurs délégués, les mesures qui leur semblent les plus propres à promou-
voir entre eux la plus intime union compatible avec le respect de leur
indépendance et de leurs propres intérêts.
Si, par exemple, la loi de l'Amérique du Nord fixe l'âge de la majorité
légale à 21 ans, et que la loi dans certaines républiques hispano-améri-
caines fixe l'âge de cette même majorité à 25 ans, il est nécessaire
d'avoir un principe, une règle qui permette de décider si le citoyen
hispano-américain résidant ici sera majeur à 21 ans, et si l'Américain
du Nord se trouvant dans ces républiques hispano-américaines devra
attendre jusqu'à 25 ans pour être majeur. Ainsi, quand la célébration du
mariage réclame dans un pays certaines formalités, et dans un autre
des formalités différentes, il est nécessaire de décider si les parties
contractantes, mariées sur un territoire étranger selon les lois de leur
patrie, ont ou non le droit d'être considérées partout comme valable-
ment mariées ; de même, il est nécessaire de décider si un étranger, en
ce pays, ou un Américain du Nord, hors des Etats-Unis, doit, pour la
célébration du mariage, observer les formalités prescrites par la loi de
son pays natal, ou les formalités prescrites par la loi de la contrée où il
se trouve au moment de cette célébration. De même encore, dans le cas
où les époux ont contracté mariage dans un Etat admettant le divorce,
et où ils viennent à vivre dans un pays dont les lois proclament l'indis-
solubilité du mariage, il est nécessaire de décider si, dans ce dernier
pays, le divorce en question pourra être prononcé.
Ainsi encore, qua'nd selon la loi du lieu où le mariage a été célébré, la
femme a la pleine disposition et la libre administration de ses biens, et
que, selon la loi du pays où les parties contractantes viennent se fixer,
la femme n'a plus ces mêmes droits et que l'administration légale revient
à l'époux, il est nécessaire de déterminer quelle règle sera appliquée en
— 118 —
cas de difficulté. De même si l'ordre de succession est différent, que là
l'héritage est fixé par la loi, tandis qu'ailleurs on peut disposer libre-
ment de ses biens par testament; si les effets des contrats, des statuts
de sociétés commerciales, des associations ne sont pas partout les
mêmes ; si les formes et les conséquences des lettres de change et de
tout papier de commerce sont différentes, il est absolument indispen-
sable d'avoir une règle pour résoudre la question.
Ces simples exemples, que l'on pourrait multiplier à l'infini, pour
chaque sujet relatif aux lois civiles et commerciales, et aussi en ce qui
touche, — point délicat et compliqué, — aux principes de la propriété,
lorsque le propriétaire est étranger, démontre claireuient la nécessité de
certaines règles destinées à régler toutes les controverses de cette sorte.
Ces différends proviennent, comme nous l'avons dit précédemment,
du droit souverain des différents Etats se manifestant dans la diversité
de leurs dispositions législatives, ils peuvent donc disparaître par un
acte de cette souveraineté même de chacun de ces Etats s'accordant
pour réaliser le louable projet d'éviter tout sujet de trouble et de discus-
sion entre eux.
Jusqu'à ce moment, tous ces conflits ont été résolus selon les doctrines
professées par les écrivains qui ont traité du droit international privé en
se basant sur l'étude philosophique de la nature et de la portée des
lois réglant les rapports mutuels des nations. Mais, quoiqu'il ait été
réalisé, dans cette partie du droit, des progrès importants, quoique les
écrits de Félix, Fiore, Calvo, Eiquelms, Wheaton, Story, Wharton, dans
son ouvrage sur le conflit des lois, de Dudley Field, dans son essai de
code des lois internationales, et de tant d'autres auteurs, dont il serait
trop long de citer les noms, aient apporté sur tous ces points une grande
lumière, cependant leurs opinions, souvent discordantes, n'ont point
cette force irrésistible, cette autorité imposante que seule peut donner
une adhésion volontaire, expresse, réfléchie, formulée dans un traité.
Obtenir cette adhésion serait un grand pas pour réaliser l'union entre
les Etats, et la Commission a pensé qu'il est de son devoir d'indiquer
pour quelles raisons, malgré son désir ardent d'arriver à une solution,
elle s'est abstenue de rechercher dès maintenant une solution définitive
de cette importante question.
Comme tout ce qui a trait au droit international privé est intimement
et nécessairement lié aux lois municipales et aux principes de la juris-
prudence, et comme la présente Conférence n'a pas été destinée à être
un congrès de jurisconsultes, la Commission a craint que quelques-uns
des honorables membres de cette réunion ne se sentiraient pas autorisés
ou disposés à discuter des lois, et à étudier les nombreux articles que
comprendrait forcément un code complet de droit international privé,
en matière civile et commerciale. La Commission ne pourrait pas non
plus se contenter, surtout après les travaux remarquables et les conclu-
sions bien approfondies qui ont été rédigés dans d'autres pays, à Lima
et à Montevideo, par exemple, de soumettre simplement à l'adoption de
la Conférence cinq ou six principes généraux plus ou moins indéfinis,
comme ceux sur lesquels se basent ordinairement les doctrines et les
conclusions des publicistes, parce que ceci n'aurait aucun effet, aucune
conséquence pratique, et laisserait la question dans le même vague et
la même indécision que par le passé. Ces raisons ont déterminé la Com-
mission à recourir à un plan qui non seulement évite ce danger, mais
— 114 —
paraît offrir toutes les garanties de certitude et le plus de probabilité
d'arriver à un résultat sérieux et vraiment pratique.
La rédaction d'un code des lois internationales relatives aux intérêts
privés, en matière civile et commerciale, exigerait plus de temps et
d'attention qu'il n'est possible à la Conférence d'y donner en ce moment,
d'autant plus que ce n'est pas le seul sujet qu'elle ait à considérer, et
que d'autres matières très importantes réclament son attention. En
outre, la discussion de ce code absorberait plusieurs mois, et encore ne
serait-on pas certain d'arriver au but désiré. La nature complexe des
questions à examiner, leurs nombreuses et étroites relations avec la
législation intérieure de chaque état rendraient très difficile, en effet,
la tâche de s'accorder sur une notion exacte de ce que réclame l'intérêt
commun des Etats.
Heureusement, la Commission a trouvé sur cette matière un exposé
tout prêt et aussi complet qu'elle pouvait le désirer. Cet exposé se
trouve daus les traités de droit civil et commercial adoptés par le Con-
grès Sud- Américain de Droit International Privé, tenu à Montevideo du
25 août 1888 au 18 février 1889. L'ampleur des discussions qui ont eu
lieu dans le Congrès ; l'étude minutieuse et attentive de chacun des
points à examiner ; la consultation intelligente et l'étude approfondie
que les rapports et les procès- verbaux des séances démontrent avoir été
faites des ouvrages des meilleurs auteurs tant de l'Europe que de l'Amé-
rique sur cette question ; la juste appréciation de l'oeuvre de ce Congrès,
et surtout ce fait, d'un poids considérable, que cette œuvre a déjà
obtenu l'adhésion de sept Etats américains, ont décidé la Commission à
se servir de ce travail comme base des propositions à recommander à
l'acceptation de la Conférence.
N'eussent été les raisons rapportées précédemment en vue du large
champ de discussion de ces traités, que les honorables membres de la
Conférence connaissent déjà et qui comprennent, comme on le sait,
toutes les matières des lois civiles et commerciales ; n'eussent été d'ail-
leurs certains motifs qui pourraient empêcher la délégation des Etats-
Unis de se ranger à cette opinion, la Commission aurait purement et
simplement proposé aux Gouvernements ici représentés d'adopter les
traités en question, Mais (la Commission le repète), par ces motifs et
dans la pensée que quelques honorables Délégués peuvent désirer, avant
d'accepter cette proposition, faire une étude personnelle de ces traités,
et peut-être réclamer un examen et une discussion de chacun des arti-
cles, ce qui prendrait plusieurs mois à la Conférence, il a été décidé de
ne pas vous recommander cette solution.
En conséquence, la proposition que nous suggérons est que la Confé-
rence recommande et invite les Gouvernements ici représentés et qui
n'ont pas encore adopté les traités et règlements des lois civiles et com-
merciales rédigés par le Congrès de droit international privé de Monte-
video, d'examiner ces traités de la manière qui leur paraîtra le plus
convenable, et que dans l'année qui suivra la fin des travaux de cette
Conférence, ils fassent connaître s'ils adoptent ou non ces traités, et en
cas d'adoption s'ils le font sans réserves ou moyennant certaines modi-
fications.
En faisant cette proposition, la Commission pense qu'on évitera
ainsi une précipitation fâcheuse dans la décision d'un point si délicat
et si important. Par ce mode de procéder, chaque Gouvernement aura
— 115 —
le temps convenable pour examiner, à loisir, les traités et formuler ses
résolutions, et trouvera un travail tout préparé, offrant un terrain solide
à la discussion, et qui, aux autres mérites qu'il possède, a encore l'avan-
tage d'être reconnu comme loi par un grand nombre des nations améri-
caines.
Il est possible, disons mieux, il est probable, presque certain même —
qu'un examen détaillé de quelques-unes des prescriptions de ces traités
permettra d'apporter à la rédaction des amendements qui, dans la forme
et dans le fond, seront de précieuses améliorations au texte actuel.
Cependant ce travail doit être considéré dans son ensemble et sans
qu'on perde de vue ce fait, qu'en pareille matière ce n'est pas la perfec-
tion dans tous les détails qu'il faut rechercher, mais bien plutôt un
texte sur lequel la majorité puisse s'accorder, et qui ne présente aucun
inconvénient sérieux pour chacune des parties contractantes.
Il y a encore une autre raison pour laisser aux Gouvernements le
temps d'examiner ces traités, dans leur ensemble, c'est qu'ainsi ils
auront plus de liberté pour étudier tel ou tel point dont la discussion ici
pourrait causer chez quelques membres de sérieux scrupules. D'ailleurs
ces gouvernements peuvent seuls, après un examen attentif et appro-
fondi, apprécier l'importance, l'étendue et les conséquences des modifica-
tions qu'ils auraient à apporter à leur législation intérieure, ainsi que le
plus ou moins de facilité que rencontrerait l'application de ces modi-
fications.
La Commission pense donc que la résolution qu'elle soumet, tout en
permettant d'espérer d'heureux résultats, a l'avantage de ne pas com-
promettre la responsabilité des honorables Délégués. Une autre considé-
ration milite encore en sa faveur, à savoir qu'au cas, fort improbable
assurément, où un gouvernement, voire même plusieurs de ceux ici
représentés, n'adopteraient pas les traités en question, cela n'empêche-
rait pas l'adhésion des autres puissances, de sorte que si ces traités ne
constituent pas le droit international privé de toute l'Amérique, ils le
seront du moins pour un grand nombre des nations américaines. Enfin
cette résolution a l'avantage, en outre, de ne pas exiger la réunion
d'une nouvelle Conférence, puisqu'elle donne le moyen à chaque Gouver-
nement, dans les termes sus-indiqués, et indépendamment des autres
puissances, de faire connaître son adhésion aux dits traités.
La Commission pense aussi qu'elle n'outrepasse pas son mandat en re-
commandant l'examen du traité relatif à la procédure judiciaire, qui est
le complément nécessaire des autres dispositions législatives, et l'expres-
sion solennelle de la forme dans laquelle doivent être intentées les actions
légales au profit de chaque individu en matière civile et commerciale.
Quant à la légalisation des documents, la Commission estime que le
principe le plus simple et le plus rationnel est celui qui a été adopté par
le même Congrès : laisser fixer les formalités par la loi du pays d'où
émanent les documents et requérir seulement la légalisation par l'agent
diplomatique ou consulaire accrédité dans ce pays par le Gouvernement
de celui où ces papiers doivent servir.
En vue de quoi la Commission propose à la Conférence les résolutions
suivantes :
" Bésolu:
'^ Que les Gouvernements représentés à cette Conférence qui n'ont pas
— 116 —
encore adhéré aux traités de droit international privé de droit civil, de
droit commercial et de procédure, adoptés par le Congi'ès tenu à Mon-
tevideo le 25 août 1888 soient, comme ils le sont par les-présentes, invi-
tés à examiner les dits traités, pour décider, en connaissance de cause,
dans l'année, à compter du jour de la fin des travaux de cette Confé-
rence, s'ils adhèrent ou non aux dits traités, et déclarer en même temps,
si leur adhésion est entière, ou avec réserves et amendements.
" Besoin en outre :
" Que les Gouvernements représentés à cette Conférence soient, comme
ils le sont par les présentes, invités à adopter, en matière de légalisation de
documents, le principe que le document doit être considéré comme dû-
ment légalisé, lorsque la légalisation est faite conformément aux lois du
pays dans lequel il a été rédigé; et qu'il soit certifié authentique par
l'agent diplomatique ou consulaire, accrédité près de la uaticm ou de la
localité où il doit recevoir son exécution, par le Gouvernement de la
nation dans laquelle on doit en faire usage."
Fernando Crtjz.
Manuel Quintana.
J. M. P. Caamano.
Wm. Henet Tbescot.
Washington D. C, 20 février 1890.
Sous réserve du traité des lois civiles,
J. Aleonso.
^:N"N."EXE No. 2.
rapport de la commission des lois internationales.
NAVIGATION DES EIVIÈRES.
Quelques-uns des honorables Délégués ont demandé que la Conférenc
recommande, aux divers Etats ici représentés, d'adopter le principe de la
liberté de navigation des rivières, pour toutes les naticms dont les terri-
toires sont baignés par ces rivières, et que les Etats souverains bordant
ces mêmes rivières aient par là un passage libre jusqu'à la mer.
La première question que s'est posée la Commission, en examinant la
proposition qui lui était soumise, était de savoirs! la Conft^rence avait le
droit de traiter de sujets qui, comme celui dont il est question, appar-
tiennent au droit public international. La Commission n'a aucun doute
sur ce point : elle estime que, bien qu'il puisse être inopportun d'exami-
ner, sans distinctions, tous les sujets visés parle droit public des nations,
la Conférence a le droit indéniable de les étudier, de les discuter et de
décider des recommandations qu'elle croira devoir faire à cet égard. En
effet, sans forcer les termes de l'acte du Congrès des Etats-Unis qui a
autorisé la réunion de cette Couférence, il est pleinement démontré que
117 —
les suiets, semblables à celui qui lui est soumis, rentrent dans sa compé-
tence. La seconde section de cet acte, à laquelle se réfère la Commission
décide que le Président des Etats-Unis, en adressant les mvitations aux
divers Gouvernements américains, a indiqué que la Conférence était
appelée à examiner : i • j zi-
" Premièrement. Les mesures qui tendraient à assurer la paix des ai-
vers Etats Américains et à développer leur prospérité "
Et
'< Huitièmement, à étudier toutes les autres questions intéressant le
bien-être des divers Etats représentés qui seraient soumises par les dits
Etats invités à faire partie de la Conférence. _ ^ i r.
Ainsi, tout sujet que chaque délégué soumet à la décision de la con-
férence, s'il a trait au bien-être des nations ici représentées, rentre entiè-
rement dans le programme des délibérations de cette réunion. Et si nous
considérons maintenant les pouvoirs dont la majorité des Délègues de
cette Conférence sont investis, il n'y a pas l'ombre d'un doute qu'ils aient
le droit d'examiner et de discuter les sujets de cette nature. ^
Après cette explication, il incombe à la Commission de déclarer qu à
son avis, il n'y a aucune difficulté à faire la recommandation sollicitée
par les signataires de la proposition sus-rapportée.
La liberté de la navigation semble être un droit naturel ; elle_ est re-
connue par les auteurs les plus en renom qui ont traité du droit interna-
tional en Europe, aussi bien qu'aux Etats-Unis et dans l'Amérique espa-
gnole • et ce droit est en harmonie avec les décisions de quelques célèbres
Congrès Européens, et les articles de plusieurs traités relatifs a la navi-
o-ation de rivières Importantes. C'est le principe, du reste, que les Etats-
Unis ont écergiquement et victorieusement soutenu en maintes occasions.
Enfin il est distiné à maintenir les fraternelles relations entre les diverses
nations américaines qui ne refuseront pas à leurs voisins ce qui peut
leur être avantageux et même indispensable sans leur causer a elles-
mêmes aucun préjudice. ..-,.. j i„ v^^,.f /lo
Pour ces motifs qui ont été complètement indiques dans le lappoit de
run des Délégués qui ont présenté cette résolution, motifs sur lesquels la
Commission n'insiste pas, parce qu'ils sont bien connus de tous, elle vous
propose la conclusion suivante : ^ ^ -^ ■ 4. „+;„„„i a-,-,
Attendu qu'il est admis comme principe de droit international, au
nom de la justice, de l'équité et de l'intérêt général que la navigation des
rivières doit être libre pour toutes les nations qui les bordent et pour
celles qui n'ont pas d'antres moyens d'accès à la haute mer, la Conférence
américaine internationale :
Décide de recommander aux divers Gouvernements des nations ici re-
présentées d'adopter, déclarer et reconnaître les principes suivants :
1 Que les rivières qui séparent les divers Etats ou qui baignent
leur territoire seront ouvertes à la libre navigation de la manne mar-
chande et des navires de guerre des nations riveraines. _
2. Que cette déclaration ne peut affecter les droits de juridiction et de
souveraineté d'aucune des nations riveraines en temps de paix ou de
§'"®^''®' Fernando Cruz.
Manuel Quintana.
Washington, 12 avril 1890. José Alfonso.
— 118 —
RAPPORT DE LA COMMISSION DES LOIS INTERNATIONALES.
L'un des honorables délégués de la République de Venezuela a pré-
senté deux résolutions comportant diverses déclarations relatives à cer-
tains cas dans lesquels des réclamations de résidents étrangers, contre le
Grouvernement du pays qu'ils habitent, doivent être considérées comme
inadmissibles.
Si les dites déclarations devaient être examinées dans la forme sous la-
quelle elles ont été présentées, la Commission, chargée du présent rap-
port, aurait d'abord à soumettre à leur auteur et à la Conférence quelques
additions et amendements que, à son avis, il serait nécessaire d'y insérer.
Mais elle ne le fait pas, parce qu'elle estime qu'au lieu d'entrer dans le
détail des cas particuliers, elle doit chercher à découvrir et à déterminer
le vrai principe qui doit régir légalement la matière, et en recommander
l'application comme le seul moyen de trouver une complète et parfaite
solution des questions qui peuvent se produire à ce sujet.
La Commission comprend que, dans ces temps où l'on considérait l'é-
tranger comme un ennemi, contre lequel s'exerçait (conformément au
droit public de Rome) une continuelle pression autoritaire, certaines
règles devaient être établies pour le protéger contre les conséquences
de cette manifeste hostilité. On comprend bien que lorsque l'exercice
des droits civils était limité aux nationaux, il était nécessaire d'intro-
duire des principes et des procédés permettant à l'étranger de se défen-
dre dans la situation précaire que les idées reçues lui créaient; on
comprend enfin que lorsque les relations entre les diverses nations
étaient moins fréquentes, lorsque la civilisation en Amérique était
moins avancée, et que dominait l'esprit d'isolement, créé par la dé-
fiance et les sentiments d'égoïsme, — c'est-à-dire tout ce qui est
contraire à une égale répartition des garanties et des bénéfices de la
loi, — l'étranger était bien forcé de rester les yeux fixés sur son Gou-
vernement national pour neutraliser les effets de l'aversion et de la répu-
gnance qu'on lui témoignait. Mais on ne peut, à aucun point de vue,
comprendre (les théories, les sentiments, les circonstances et les princi-
pes de la législation relatifs aux droits des étrangers étant complètement
changés) quelle force auraient aujourd'hui des principes propres à créer
la défiance, à fomenter l'isolement, à prévenir l'assimilation et à proté-
ger les desseins de gens souvent indignes qui ne réclament le plus souvent
que dans le but de s'enrichir illicitement cette protection qui maintient
les (gouvernements dans un état constant de surexcitation d'oii peuvent
résulter des incidents pénibles et même des conséquences plus graves.
La Commission reconnaît avec satisfaction que le vrai principe chré-
tien, libéral et humain, est que l'étranger ne doit pas être dans un état
■ inférieur à celui des nationaux, en ce qui concerne l'exercice et la jouis-
sance de tous et de chacun des droits civils, mais elle ne comprendrait
pas que l'étranger jouisse de considérations, de prérogatives ou de privi-
lèges qui seraient refusés à l'indigène. Elle repousse énergiquement toute
restriction qui tendrait à faire à l'étranger une situation inférieure à celle
que la loi accorde à l'indigène ; mais elle condamne également la préten-
— no-
tion que l'étranger soit plus favorisé que l'indigène ; qu'il soit une perpé-
tuelle menace pour le pays dont il réclame la protection, et des avanta-
ges duquel il profite, et qu'il ait recours à une puissance souveraine
étrangère, qui se fasse sentir dans un pays indépendant, comme un
moyen d'améliorer sa situation pécuniaire, au cas où ses injustes récla-
mations ne sont pas accueillies.
Aujourd'hui que nos populations respectives reçoivent l'étranger à bras
ouverts; aujourd'hui qu'on ne lui refuse aucun droit, et qu'on reconnaît
qu'une intelligente, laborieuse immigration, composée d'éléments hono-
rables, est un des plus puissants facteurs de civilisation, et une source de
prospérité et de progrès ; aujourd'hui que nous sommes si loin de ces
temps barbares, où l'étranger était regardé comme un ennemi, mais
qu'on le considère comme un frère, auquel on ouvre à deux battants les
portes d'une généreuse hospitalité, ces doctrines fondées sur des bases
absolument inadmissibles sont un véritable et honteux anachronisme.
Aucun des progrès de la civilisation moderne n'est inconnu dans les
Républiques de l'Amérique. En accordant à l'étranger les mêmes droits,
ni plus ni moins qu'à l'indigène, elles font tout ce qu'elles peuvent et
doivent faire. Et si ces droits ne sont pas suffisants, s'ils ne fournissent
pas des garanties jugées telles contre les abus, s'il y a des accidents ré-
sultant de tremblements de terre, d'inondations, d'épidémies, de révolu-
tions ou d'autres infortunes, l'étranger doit réfléchir sur toutes les éven-
tualités avant de venir se fixer dans une contrée où il est soumis à de
tels risques. Et d'un autre côté, en supposant même qu'il vienne à se
commettre quelque abus, cet abus ne saurait être exempt de toute péna-
lité, de tout châtiment, pas plus que celui qui se commettrait contre les
regnicoles. En outre, il serait attaché à cet abus d'autres pénalités d'une
plus grande efficacité : la réprobation morale, l'opinion que s'en forment
les autres nations, l'éloignement de tous ceux qui, dans d'autres condi-
tions, viendraient concourir au développement des éléments de produc-
tion de la nation et, comme conséquence, son isolement, sa pauvreté et
sa condamnation universelle.
Une nation ne peut impunément dévier de la voie droite indiquée par
la morale, les lois et la civilisation, mais entre les maux qui, à l'occasion,
peuvent résulter de sa déviation, et ceux plus grands et bien plus nom-
breux qui résultent de l'autre procédé, la Commission n'hésite pas à
faire son choix. S'il est mal de commettre une fois, par hasard, un abus
soit contre l'indigène, soit contre l'étranger, mille fois plus mal est
l'exemple de réclamations scandaleuses combinées et présentées par la
méchanceté et l'ingratitude d'un homme pervers, de façon que leur solu-
tion dépende du jugement ou de la volonté du plus fort. Car, en défini-
tive, le résultat n'est autre que cette intempestive intervention du plus
fort, qui se constitue le défenseur passionné de ses concitoyens, impose
ses idées et sa volonté comme des lois, et force le plus faible à obéir à
ses commandements. Et cet injustifiable attentat contre la souveraineté
des autres, et cette excitation d'un juste sentiment d'aversion nationale,
produisent des conséquences bien plus lamentables encore.
L'étranger, possédant les mêmes droits que l'indigène, pas moins, mais
pas plus, voilà le principe qui, selon les idées de la Commission, doit
être la base de toute théorie sur la matière, le point de départ de toute
conclusion pratique. Si le Glouvernement est responsable envers ses na-
tionaux pour infractions à la Constitution et aux lois, commises par les
— 120 —
agents de l'autorité dans l'accomplissemeut de leurs devoirs, il est éga-
lement responsable envers l'étranger et vice versa. Si le Gouvernement
n'est pas responsable envers ses citoyens pour dommages causés par des
Insurgés ou rebelles, il n'est pas responsable non plus envers l'étranger,
et vice versa. Si les nationaux ont des recours contre les décisions des
tribunaux, les mêmes droits appartiennent à l'étranger. En un mot, dans
tout ce qui regarde l'exercice des droits civils, les nationaux et les étran-
gers doivent être sur un pied de parfaite égalité ; égalité de droits, éga-
lité d'obligations, égalité d'aborder les autorités, même procédure, mêmes
droits d'appel ; mais en aucun cas l'étranger ne doit être supérieur aux
nationaux, condition irritante qui établit une dualité injustifiable de
pouvoirs et de souveraineté. L'étranger ne doit pas être comme un pau-
vre enfant gâté, constamment entouré par les bras du Gouvernement de
sa nationalité pour l'empêcher de tomber et de se faire du mal. Il doit
décider lui-même où il serait le plus avantageux pour lui d'aller et
s'efforcer de vivre paisiblement sous l'égide des lois de la contrée qu'il
a choisie librement pour sa résidence, et sous la protection de la civili-
sation et des lois morales. Avoir les mêmes privilèges et les mêmes avan-
tages que les nationaux, être traité comme eux, voilà tout ce que peut
demander l'étranger ; et ceci lui est accordé de grand cœur.
Conformément à ces considérations, la Commission propose les résolu-
tions suivantes, à savoir :
La Conférence Internationale Américaine recommande aux Gouverne-
ments ici représentés l'adoption, comme principes des lois internationa-
les américaines, de ce qui suit :
1. Les étrangers doivent jouir de tous les droits civils accordés aux
nationaux : ils auront tous les avantages des dits droits en tout ce qui
est essentiel, aussi bien que dans la forme ou procédure, et les facilités
de recours légaux, absolument de la même manière que les nationaux.
2. Une nation n'a ni ne reconnaît eu faveur de l'étranger d'autres
obligations ou responsabilités que celles qui sont établies en pareil cas
par la Constitution et les lois en faveur des nationaux.
Ferîtando Cruz.
Manuel Quint ana.
J. M. P. Caamano.
José Alfonso.
Washington, 12 avril 1890.
ANNEXE IS"o. 4
a.
CONFÉRENCE INTERNATIONALE AMÉRICAINE
RAPPORT DE LA MAJORITÉ DE LA COMMISSION DE L'UNION DOUANIÈRE.
La Commission de l'Union douanière a fait une étude attentive des
questions soumises à son examen par la Conférence Internationale Amé-
ricaine, relativement à la formation d'une Union douanière entre les di-
verses nations de ce continent.
— 121 —
On désigne généralement par Union douanière la création, entre
divers Etats, d'une seule douane pour tout leur territoire ; c'est-à-dire
que les nations faisant partie de l'Union doivent percevoir les droits
d'entrée sur les marchandises étrangères d'après un même tarif, par-
tager les recettes dans une proportion déterminée, et recevoir mutuelle-
ment, en franchise, leurs produits naturels ou manufacturés.
L'acceptation de cette proposition exigerait, comme première condi-
tion, une modification dans les lois fondamentales des contrées qui vou-
draient faire partie de l'Union. Au cas même où ces contrées seraient
disposées à faire ces modifications, il se présenterait un grand nombre
d'autres diflîcultés presque insurmontables; comme, par exemple, la
fixation de la représentation de chaque nation à l'assemblée interna-
tionale chargée de rédiger le tarif commun et de l'amender dans l'ave-
nir. Les Républiques américaines diffèrent tellement entre elles par
l'étendue du territoire, la population et la richesse nationales que, si ces
conditions servaient de base à leur représentation dans la dite Assem-
blée, les intérêts des petits Etats ne se trouveraient pas suffisamment
protégés ; tandis que, si toutes les nations étaient admises comme Etats
souverains, c'est-à-dire sur le pied de l'égalité, les Grands Etats seraient
à leur tour insuffisamment protégés. Il serait nécessaire, pour obvier à
cet inconvénient, de créer deux corps, représentant l'un la population,
et l'autre les Etats— solution apportée dans la Constitution des Etats-
Unis d'Amérique à la même difficulté. Mais ce mode de procéder, selon
l'avis de la Commission, exigerait non seulement un sacrifice partiel de
la souveraineté propre de chacune des nations Américaines, mais des
modifications plus radicales dans leurs Constitutions respectives qu'elles
ne seraient disposées à admettre.
Si par Union douanière on entend l'établissement entre les nations
américaines du libre-échange de leurs produits naturels et manufacturés,
ce qui est à vrai dire une réciprocité illimitée, la Commission estime
qu'en principe ce but serait acceptable, parce que toutes les mesures ten-
dant à la liberté du commerce doivent nécessaireoient augmenter les
transactions et développer les ressources matérielles des pays accep-
tant ce système, et il est de toute probabilité que cela produirait des
résultats aussi favorables que ceux obtenus par la pratique du libre-
échange entre les différents Etats de cette Union.
Mais la Commission est d'avis qu'une telle Union, appliquée à tout le
continent, serait actuellement impraticable pour plusieurs raisons;
d'abord parce que les droits prélevés sur l'importation des marchandises
étrangères constituent la principale source de revenus de toutes les
nations américaines, et que celles qui n'ont pas d'industries manufactu-
rières perdraient ainsi plus ou moins de ces revenus, qui leur servent
en grande partie pour subvenir à leurs charges nationales ; tandis que
les nations manufacturières— comme les Etats-Unis d'Amérique— de-
vraient abandonner, au moins en partie, le système protecteur qu'elles
ont adopté et qu'elles ne paraissent pas disposées à modifier.
De plus, un traité de réciprocité également avantageux pour deux
Etats contigus pourrait devenir onéreux s'il s'étendait à tous ceux d'un
continent, surtout lorsque les produits sont de même nature, comme
dans beaucoup de Républiques américaines. Aussi, tandis que ces
obstacles subsistent, il semble prématuré de proposer le libre-échange
entre les nations de cet hémisphère.
— 122 —
Mais si dans la pensée de la Commission il n'est pas facile d'arriver
d'un seul coup à une réciprocité illimitée, .ce but peut être atteint gra-
duellement et partiellement. Le premier pas dans cette voie, et le plus
sûr, c'est la négociation de traités de réciprocité partielle entre les na-
tions américaines, au moyen desquels chacune d'elles peut s'entendre
pour supprimer ou diminuer ses droits d'entrée sur quelques-uns des
produits naturels ou manufacturés d'une ou de plusieurs des autres
nations en échange d'avantages identiques et équivalents, car si les
concessions mutuelles n'étaient pas égales, les traités deviendraient
bientôt odieux, ne pourraient durer qu'un temps limité, et discrédite-
raient le système. Si, après avoir été essayé pendant un temps raison-
nable, ce système produit de bons résultats, comme il est permis de l'es-
pérer, le nombre des articles à inscrire dans le tableau des marchan-
dises exemptes de droit serait accru graduellement jusqu'à ce que l'Etat
ait obtenu, grâce au développement de ses éléments naturels de
richesse, d'autres sources de revenus, ou une augmentation dans ceux
existants, ce qui perrcetrrait de pratiquer la réciprocité illimitée ou le
libre échange entre les nations contractantes.
En conséquence, la Com-uission propose :
De recommander à tous les Gouvernements représentés dans la Con-
férence et qui peuvent être intéressés à la pratique de la réciprocité
partielle, au moyen de traités de commerce, de négocier ces traités avec
une ou plusieurs des contrées d'Amérique, selon qu'il sera de leur inté-
rêt de le faire, d'après les bases qui leur paraîtront acceptables en cha-
que cas, et eu tenant compte de la situation particulière des conditions
et des intérêts de chaque pays, en vue de développer leur commune
prospérité.
J. G. Do Amiral Valente.
M. ROMEEO.
Caelos Maetinez Silva.
H. GUZMAN.
N. Bolet Peeaza.
J. B. Hendeeson.
Washington, D. C, 28 février 1890.
(M. J. B. Henderson signe en se réservant le droit de présenter ultérieurement quelques
amendements soumis par lui à la Commission.)
— 123 —
^IS'IN'EXE No. 4b.
CONFÉRENCE INTERNATIONALE AMÉRICAINE.
COMITÉ DE l'union DOUANIÈRE.
(Eapport de la minorité.]
Washington, 26 février 1890.
A Monsieur le Président de la Conférence Internationale Américaine.
Monsieur,
La Commission chargée d'examiner la question de l'Union doua-
nière entre les nations de l'Amérique a été unanime à proposer à
l'honorable Conférence le rejet de cette proposition ; mais des diver-
gences d'opinion, quant à la forme du rapport" et aussi à la recomman-
dation subsidiaire que la majorité de la Commission a cru devoir faire,
obligent les soussignés à formuler séparément leurs vues sur cette ques-
tion. Par ces motifs, ils ont l'honneur de soumettre, avec cette lettre,
le texte de la résolution qu'ils demandent à l'honorable Conférence
d'accepter, et ils auront l'honneur de présenter oralement les observa-
tions nécessaires pour l'appuyer, en temps convenable.
En vous adressant l'expression de leurs sentiments de haute considé-
ration, les soussignés se disent vos très respectueux
José Aleonso.
Roque Saenz Pena.
La Conférence Internationale décide :
De rejeter le projet d'une union douanière entre les nations de
l'Amérique.
Aleonso.
Saenz Pena.
Washington, 26 février 1890.
A.I^NEX:E No. 4:C.
DISCOURS DE M. H. PRICE.
Monsieur le Président, Messieurs,
J'ai été témoin, dans notre dernière séance, de l'impatience manifes-
tée par quelques membres de la Conférence, particulièrement par l'ho-
norable M. Estee, délégué des Etats-Unis, de clore les débats sur cette
question d'Union douanière. Je ne me propose donc point, par consé-
quent, de vous infliger sur ce sujet uu long discours qui, probablement,
ne modifierait point vos opinions, chacun ici me paraissant avoir pris
à cet égard un parti irrévocable.
Mais, n'ayant pas eu l'honneur de prendre part à vos délibérations
— 124 —
antérieures sur cette intéressante et grave question, je vous prie de me
permettre de vous exposer, en aussi peu de mots qu'il me sera possible,
les raisons du vote que je vais donner, sur le rapport soumis à notre
considération.
En réalité, nous nous trouvons en présence de deux rapports ; l'un de
la majorité du Comité chargé d'examiner la question, lequel nous pro-
pose de recommander à nos Gouvernements respectifs de conclure des
Traités do réciprocité partielle avec un ou plusieurs Etats américains
s'ils y ont quelque intérêt, tandis que l'autre rapport, celui de la mino-
rité, conclut au rejet pur, simple et non déguisé de la proposition d'Union
douanière.
Ecartant les détails d'organisation qui peuvent être' plus ou moins
compliqués, selon la situation relative des nations qui se forment en
union douanière, nous admettons, avec la majorité du Comité, que les
deux signes caractéristiques d'une telle organisation sont : l'uniformité
des tarifs de douane, avec association pour la répartition des produits,
et la liberté absolue des échanges dans l'intérieur du territoire de
l'Union. Le rapport conclut, après cet exposé, qu'il n'y a pas lieu de
former, entre les nations représentées dans cette Conférence, une véri-
table Union douanière avec partage proportionnel du montant des droits
perçus.
Une telle Union, dit-il, nécessiterait non seulement un sacrifice partiel
de leur souveraineté par les nations américaines, mais encore des modi-
fications plus radicales dans leurs constitutions respectives qu'elles ne
seraient prêtes à admettre.
J'adhère à cette opinion; mais je crois que sa conséquence naturelle
doit être le rejet pur et simple de tout projet d'union douanière entre
les nations de l'Amérique, comme le propose le rapport de la minorité.
Cependant la majorité croit qu'à défaut d'une véritable union doua-
nière, "le libre-échange entre les nations américaines de tous leurs
produits naturels ou manufacturés, c'est-à-dire la réciprocité absolue,
est acceptable en principe, parce que toute mesure qui favorise la liberté
du commerce doit nécessairement augmenter le trafic et le dévelop-
pement des ressources matérielles des pays qui acceptent ce système ;
et une union douanière en ce sens donnerait probablement des résultats
aussi satisfaisants que ceux obtenus par le libre-échange entre les Etats
de cette Union."
On reste surpris, après avoir lu cette déclaration, de voir le rapport
conclure au rejet d'une union douanière ainsi entendue. Si le résultat du
libre-échange doit être nécessairement de développer les ressources
matérielles des pays qui acceptent ce système de réciprocité illimitée,
pourquoi hésiterions-nous à adopter un système si bienfaisant ?
S'il était vrai que l'obstacle se trouvât simplement dans l'intérêt fiscal
attaché aux douanes de nos nations respectives, cet obstacle serait aisé-
ment tourné par l'établissement dans chaque Etat d'un droit ad valorem
proportionné à ses nécessités financières, mais dont le taux resterait
fixe et invariable pour tous les produits naturels ou manufacturés des
pays compris dans l'union ; car, véritablement, là où il n'y a point de
tarif différentiel, il n'existe point de régime protecteur.
Je ne crois pas non plus que l'obstacle se trouve dans la répugnance
que pourraient éprouver les Etats-Unis à abandonner partiellement leur
politique de protection industrielle.
— 125 —
Ainsi que nous l'a franchement exposé l'honorable M. Henderson,
Délégué des Etats-Unis, ce vaste et beau pays a atteint, au point de vue
de la prospérité agricole et manufacturière, à une hauteur d'où il lui est
permis de défler toute concurrence ; il est parvenu aujourd'hui à la
troisième période du développement de sa fortune publique. Il vise
maintenant à l'extension de son commerce extérieur. Il aspire à prendre
sur le grand marché du monde la haute situation que lui assure sa for-
midable puissance manufacturière. Nous savons que les douanes améri-
caines fournissent un revenu, qui excède de soixante-dix millions de
dollars les besoins du Trésor fédéral. On nous a montré d'une autre part
que cette somme est plus forte que le montant total des droits pi'élevés
à l'entrée de tous les produits Importés des autres nations du Nouveau
Monde. Il serait par conséquent facile pour les Etats-Unis, je le crois,
du moins, de consentir un sacrifice, léger pour eux, et qui serait reconnu
nécessaire pour assurer la formation d'une union douanière américaine,
si une telle union était vraiment désirable.
Non, l'obstacle n'est pas là. Il est tout entier dans l'inégalité de la
situation économique des différentes nations représentées dans cette
conférence.
Dans ce développement de la richesse publique qui comprend trois
phases successives, comme l'a si bien exposé l'honorable Délégué
Henderson : l'Agriculture, l'Industrie et le Commerce, nous n'avons pas
tous marché du même pas; nous ne sommes pas tous parvenus au même
niveau de prospérité nationale. Parmi les nations représentées autour de
cette table, il n'y en a qu'une seule qui ait complètement franchi les
deux premières étapes, une seule dont l'industrie manufacturière n'ait
rien à redouter d'un système de libre-échange international avec les
autres. Les autres, pour la plupart et malgré de rapides progrès accom-
plis dans les quinze à vingt années qui viennent de s'écouler, commen-
cent à peine, à cette heure, à confronter leur problème manufacturier ;
quelques-unes, parmi lesquelles compte, à mon sincère et profond regret,
le pays que j'ai l'honneur de représenter, quelques-unes n'ont même pas
encore complètement résolu leur problème agricole ; la portion encore
inculte de leur territoire est infiniment plus étendue que celle qu'il leur
a été possible d'approprier à la culture.
Nous ne sommes, par conséquent, ni dans la situation respective des
Etats qui ont fondé le Zollverein, ni dans celle dés Etats formant l'Union
américaine.
L'Union douanière allemande a eu pour objet de mettre fin à des
difficultés matérielles qui n'existent point entre les nations américaines.
La Prusse, qui a pris l'initiative de cette Union, éprouvait de très
sérieux embarras commerciaux par suite de la configuration irrégulière
de son territoire. Ses provinces -du Nord étaient complètement séparées
de celles de l'Ouest par les territoires du Hanovre, des deux Hesses, de
Francfort- sur-le-Mein ; d'autres étaient complètement enclavées dans le
territoire des Etats voisins. Son propre territoire renfermait des posses-
sions étrangères : Oldenbourg, les duchés d'Anhalt, etc. Les mêmes diffi-
cultés existaient au même degré pour tous les Etats qui ont successive-
ment adhéré au Zollverein. En constituant cette union douanière, ils se
sont affranchis, par conséquent, de difficultés économiques d'une telle
importance qu'ils ne sauraient payer trop cher un tel avantage, même
au prix de quelque sacrifice à consentir sur le terrain de la protection
industrielle.
— 126 —
Aucune difficulté de ce genre n'existe entre les nations américaines.
Chacune d'elles dispose sur Pun ou l'autre Océan, pour assurer le déve-
loppement de ses relations commerciales, de ports immenses qui, même
dans cent ans, dépasseront probablement encore leurs besoins.
Cependant, et ceci est un point essentiel sur lequel je voudrais fixer
votre attention, les membres du Zollverein ont-ils consenti quelque sacri-
fice réel en abolissant ces douanes intérieures dont était hérissé le terri-
toire de l'Allemagne'? Eemarquez, Messieurs, que les Etats dont il s'agit
ici étaient peuplés par des hommes de la même race, parlant la même
langue, élevés dans les mêmes Universités, formés à l'industrie manu-
facturière et commerciale, dans la même école de la Ligue Hanséatique,
arrivés au même degré de culture intellectuelle, d'habileté mécanique,
d'activité commerciale ; des hommes appartenant, en réalité, à une seule
et même nation, l'Allemagne, dont cette union douanière ne faisait que
préparer l'unité politique que nous avons vu s'accomphr moins d'un
demi-siècle après la création du Zollverein. Aucun intérêt sérieux d'ordre
économique ne divisait ces peuples dont les ouvriers pouvaient passer,
passaient, en effet, la frontière, dès qu'ils y étaient sollicités par la
moindre variation dans le taux des salaires.
C'est précisément ce qui se passe actuellement entre les Etats de
l'Union Américaine. L'indépendance relative dont jouit chacun de ces
Etats dans l'administration de ses intérêts locaux n'exerce aucun effet
restrictif sur le fait de l'unité nationale.
La liberté des échanges entre les différents Etats ou Provinces d'une
seule et même nation est le corollaire naturel de la libre circulation des
capitaux et de l'habileté industrielle sous la protection d'un seul et
même pavillon. Ici, les citoyens des Etats de l'Est qui désirent s'adonner
à des travaux agricoles et ne trouvent point autour d'eux des terres
labourables en quantité suffisante, transportent dans l'Ouest leur éner-
gie, leurs talents et leurs capitaux. Le filateur du Nord évite la concur-
rence, épargne les frais de transport de la matière première de son
industrie en allant établir ses métiers au milieu des plantations de coton
du Sud. L'homme de Maryland ne quitte pas son pays en allant planter
sa tente en Californie ; celui du Maine est encore dans sa patrie, en lais-
sant ses forêts de pins pour aller exploiter celles de l'Orégon ou de
l'Alabama. En dehors des obstacles matériels, vaincus de plus eu plus
de nos jours par la puissante intervention de la vapeur et de l'électri-
cité, les citoyens d'une même nation se meuvent constamment ainsi,
guidés par la tendance naturelle du manufacturier à se rapprocher de
l'agriculteur qui lui fournit la matière première de son industrie, du
consommateur à se mettre en contact direct avec le producteur. C'est
ce mouvement, cette activité qui est la source du commerce intérieur.
C'est la vie même d'un peuple. C'est à ce mouvement, à cette rapide
diffusion des capitaux et du talent que se mesure la prospérité d'un
peuple. Je dirais presque, son degré de civilisation.
Faire disparaître de son pays tous les obstacles qui s'opposent à cette
circulation ; y verser à flots l'instruction générale et, par-dessus tout,
l'iustruction professionnelle ; y assurer à tous, nationaux ou étrangers,
la plus grande sécurité possible ; rendre accessibles, par la construction
de chemins de fer et de canaux de navigation, toutes ces terres riches
et vierges qui abondent dans l'Amérique latine et n'attendent que la
main de l'homme pour produire des richesses immenses, incalculables;
— 121 —
rapprocher de plus en plus de l'agriculteur le manufacturier qui utilisera
les produits bruts extraits du sol ; diminuer les frais de transport qui
sont l'obstacle le plus puissant au progrès des sociétés humaines ; les
diminuer en mettant le consommateur et le producteur en contact direct
par la création du plus grand nombre possible de centres de population
dans l'intérieur de chaque Etat ; les diminuer encore en donnant, autant
que possible, la dernière façon industrielle à la matière brute extraite
du sol, en réduisant ainsi le poids et le volume de la matière a transpor-
ter, à livrer au commerce du monde. Telle est. Messieurs, j'ose le dire,
la formule du problème économique qui doit s'imposer, qui s'impose
aujourd'hui à l'attention de l'homme d'Etat dans presque toute 1 Amé-
rique latine. -n^. ^- r»
Jetons un coup d'œil sur la situation économique de ces Etats, ^ue
voyons-nous? Ici l'on exporte une grande quantité de laine brute, tandis
que l'on importe tout le drap que l'on consomme. Là, le cuir brut est
embarqué aux frais du producteur pour aller recevoir, à des centaines
de lieues au delà des mers, la façon industrielle du corroyeur et du cor-
donnier pour revenir sous forme de chaussures. En d'autres pays, coinme
dans le mien, c'est le coton brut qui s'en va pour revenir transformé en
madapolam.
L'honorable délégué, M. Henderson, nous a dit qu'aucun tant protec-
teur ne saurait empêcher les Américains riches de faire fabriquer leurs
habits à Londres ou à Paris. Cela est absolument vrai. Mais, lorsque
dans un pays le pauvre aussi porte des vêtements fabriqués à l'étranger,
non par goût, mais par nécessité, l'homme d'Etat doit s'émouvoir, car
c'est là un signe certain qu'il existe dans ce pays des canaux encore fer-
més et qui doivent être ouverts à l'activité industrieuse de la commu-
nauté. , , , • 4-
Pouvez-vous croire que cette liberté intérieure des échanges qui porte
le fllateur de coton du Nord à se transporter dans le Sud des Etats-Unis,
suffirait, entre nations différentes, à l'attirer au delà des frontières de son
pays et jusque dans les plaines d'Haïti ? Le libre échange aurait-il par
lui-même la vertu de décider le manufacturier américain à aller étabUr
ses usines au Chili ou dans l'Argentine f Les ouvriers intelligents ne se
déplacent, ne s'expatrient surcoût que dans les conditions où nous les
voyons arriver d'Europe aux Etats-Unis et depuis quelque temps dans
les grandes républiques latines : attirés par l'appât de plus gros bénéfi-
ces, d'une fortune plus rapide qu'ils n'en pourraient réaliser dans leur
propre pays.
Acheter au meilleur marché possible est une théorie attrayante, mais
décevante. Je n'en veux pour preuve que la prospérité merveilleuse,
inouïe, réalisée par les Etats-Unis au moyen des tarifs les plus haute-
ment protecteurs que l'on connaisse.
L'élément le plus puissant de la prospérité des peuples est la division
du travail ; c'est aussi la base la plus solide de toute paix sociale. Lors-
que dans un pays, il ne se trouve pas un nombre suffisant de canaux
ouverts à l'activité industrieuse des citoyens, non seulement ce pays n'a
aucun avantage à offrir aux travailleurs intelligents qui voudraient y
venir de l'étranger et se prive ainsi du moyen à la fois le plus simple et
le plus efficace de s'initier aux progrès des sciences, des arts et de l'in-
dustrie ; mais encore cette activité qui ne trouve pas assez d'issues reflue
à la tête, au cœur même du corps social. Faute de mieux, chacun y
— 128 —
aspire à gouverner l'Etat, et l'on assiste ainsi au triste spectacle d'une
population de quelques centaines de mille âmes s'épuisant dans des luttes
périodiques et sans but apparent, sur un territoire où des millions d'êtres
iiumains devraient pouvoir vivre à l'aise.
Non, je ne crois pas désirable un système dont le résultat pourrait bien
être d'empêcher, tout au moins de retarder, le contact direct du cousom-
mateur et du producteur, de faire que la laine et le coton se produisent
indéfiniment d'un côté de l'équateur, le drap et le blue deninis de l'autre
côté. La réciprocité parfaite ne saurait exister là oii n'existe point une
ét^alité parfaite dans les conditions de la production.
Je ne suis point un protectionniste systématique, mais je crois que tout
pays qui a l'ambition de s'élever à la hauteur de la civilisation de notre
siècle, est tenu de faire son éducation industrielle, de se mettre en me-
sure de donner aux produits naturels de son sol et de son climat toutes
les façons industrielles qui doivent en précéder la consommation. Je crois
aussi que cette éducation industrielle doit se poursuivre sans défaillance
et que chaque nation, celle surtout qui ne saurait se flatter d'être parve-
nue au niveau le plus élevé de l'habileté mécanique de son temps, doit
se réserver une parfaite liberté d'action et rester la maîtresse absolue de
sa législation douanière.
Je ne propose point à mon pays, par exemple, d'importer du minerai
de fer de l'Angleterre et de la houille de la Pennsylvanie, pour se donner
le luxe de voir fumer des hauts fourneaux dans ses campagnes. Mais je
lui dis : Achetez au meilleur marché possible le fer dont vous avez besoin ;
ne le frappez à l'entrée que d'un droit purement fiscal et apprenez à fa-
çonner ce fer à votre usage ; mais, par dessus tout, n'engagez pas l'avenir
ne vous mettez pas dans l'impossibilité de tenter demain ce que vous n'a-
vez pu accomplir hier ou aujourd'hui.
Je me flatte. Messieurs, que cette réunion amicale de représentants de
toutes les nations de notre hémisphère, que ces échanges courtois de
vues et d'idées qui nous permettent de mieux nous connaître, de nous
apprécier, de nous estimer mutuellement, nous et les nations que nous
représentons ; je me flatte que tout cela ne sera pas perdu pour la grande
cause de la paix, pour le développement graduel et rapide de nos relations
commerciales. Loin de là, chacun de nous, j'en suis silr, recommandera
à sou pays la législation douanière la plus libérale qui soit compatible
avec ses intérêts fiscaux et avec l'impérieuse nécessité de développer la
puissance industrielle indiquée ijar son climat, par la nature particulière
de son sol et par son génie.
En ce qui concerne la République d'Haïti, je suis d'opinion, et je ferai
des recommandations en ce sens à mou Gouvernement, que nos droits
d'importation soient réduits, par nos propres lois et non par un traité in-
ternational, à un taux uniforme et purement fiscal, pour tous les produits
naturels et manufactuics de nos voisins, dont nous n'avons aucun intérêt
à restreindre l'importation pour la protection de produits similaires de
notre industrie nationale ; que uos portes soient largement ouvertes, que
notre législation offre les garanties les plus sérieuses, les plus réelles à
tous les citoyens des Républiques sœurs qui, du nord, du centre ou du
sud de l'Amérique, voudront nous apporter l'exemple, le bénéfice de leur
intelligence, de leur habileté mécanique ou le concours de leurs capitaux-
En un mot, libre-échange dans la mesure du possible ; libre-échange
en faveur de tous les produits dont l'introduction ne saurait compromet-
— 129 —
tre ou retarder notre évolution industrielle ; libre-échange de par notre
propre législation, se modifiant, s'élargissant graduellement mais libre-
ment, à mesure que se formera notre puissance industrielle, à mesure,
pour me servir de l'expression de l'honorable Délégué, M. Henderson,
que nous aurons surmonté les difficultés de la seconde phase du dévelop-
pement de notre fortune publique : à mesure enfin que l'inégalité sera
devenue moins sensible et la '' réciprocité illimitée" moins illusoire.
En conséquence, je repousse entièrement les conclusions du rapport de
la majorité du comité et me rallie, sans réserve, à la proposition formulée
par la minorité en ces termes :
" L'union douanière américaine est considérée comme impraticable. '*
CONFÉRENCE INTERNATIONALE AMÉRICAINE
EAPPORT DE LA COMMISSION DES CHEMINS DE FEE.
La Conférence Internationale Américaine est d'avis :
Premièrement. Qu'un chemin de fer reliant toutes les nations repré-
sentées ici ou la majorité d'entre elles, contribuerait puissamment au dé-
veloppement des relations morales et des intérêts matériels de ces na-
tions.
Deuxièmement. Que le meilleur moyen pour commencer et mener à
bonne fin le chemin de fer serait la création d'une commission interna-
tionale d'ingénieurs chargés d'étudier les divers tracés possibles de la
ligne, de déterminer la longueur de leur parcours, d'en estimer la dé-
pense respective, et d'établir leurs avantages réciproques.
Troisièmement. Que la dite Commission devra être composée de trois
ingénieurs nommés par chaque nation, avec faculté de se subdiviser en
sous-commissions, et de s'adjoindre d'autres ingénieurs et employés en
nombre suffisant pour que le travail soit exécuté rapidement.
Quatrièmement. Que chaque Gouvernement adhérant à cette proposi-
tion ait la faculté de nommer à ses frais des commissaires ou des ingé-
nieurs comme auxiliaires des sous-commissions chargées de l'arpentage
des sections de la ligne.
Cinquièmement. Que la ligne, autant que l'intérêt général le permettra,
devra relier les principales villes situées à proximité du tracé.
Sixièmement. Que si la direction de la ligne principale ne peut être
déviée, sans graves inconvénients, pour réaliser le but indiqué dans l'ar-
ticle précédent, des lignes annexes seraient établies pour mettre ces villes
en communication avec la ligne principale.
Septièmement. Que, pour diminuer les frais d'exécution, on devrait se
servir des chemins de fer déjà existants, dans la mesure du possible, et
autant que ce sera compatible avec le tracé et les conditions d'exécution
de la ligne continentale.
Huitièmement. Que dans le cas où le travail de la Commission démon-
— 130 —
tre qu'il est possible et avantageux de construire cette voie ferrée, des
propositions seraient sollicitées pour la construction de la ligne, soit en
entier, soit par sections.
Neuvièmement. Que la construction, l'administration et l'exploitation
de la ligne seront aux frais des concessionnaires, ou des personnes aux-
quelles ils auraient concédé les travaux, ou cédé leurs droits, conformé-
ment aux formalités requises, et à la condition d'obtenir d'abord le con-
sentement des Grouvernenients respectifs.
Bixièmement. Que tous les matériaux et objets nécessaires à la cons-
truction et à l'exploitation du chemin de fer seraient exempts de droits
de douane, sauf les mesures à prendre pour prévenir les abus de ce pri-
vilège.
Onzièmement. Que les propriétés foncières et mobilières du dit chemin
de fer sont exemptes de toutes taxes, nationales, provinciales (ou d'Etats)
et municipales.
Douzièmement. Que l'exécution d'un travail de cette importance mé-
rite d'être encouragé par des subventions, des concessions de terrains,
ou des garanties d'un minimum d'intérêt.
Treizièmement. Que les indemnités à allouer aux membres de la Com-
mission, et toutes autres dépenses à faire pour les études préliminaires
et définitives de la ligne, devraient être payées par toutes les nations
adhérentes, au prorata de leur population respective, d'après le dernier
recensement, et à défaut de recensement, d'après une estimation arrêtée
entre les divers Gouvernements.
Quatorzièmement. Que le chemin de fer devrait être déclaré neutre,
pour toujours, dans le but d'assurer la liberté du trafic.
Quinzièmement. Que l'approbation des études du tracé, les conditions
des soumissionnaires, la protection des concessionnaires, la surveillance
des travaux, les règlements de l'exploitation de la ligne, la neutralité de
la voie et le libre transit des marchandises devraient être (au cas prévu
en l'article huit) l'objet de dispositions spéciales arrêtées d'un commun
accord entre les nations intéressées.
Seizièmement. Que, dès que le Gouvernement des Etats-Unis aura
reçu avis que les autres Gouvernements acceptent ces propositions, il les
invitera à nommer la commission d'ingénieurs, comme il est dit à l'arti-
cle deuxième, afin que cette Commission puisse se réunir le plus promp-
tement possible dans cette ville.
Juan Feanco. Velaede. José Andkade.
H. G. Davis. J. M. P. Caamano.
E, A. Mexia. F. C. C. Zegarra.
Fernando Cruz, E. C. Varas,
Jerônimo Zelata, Manl. Quintana.
Jacinto Castellanos. J. c. do Amaral Valente.
Andrew Carnegie, José S. Découd.
Carlos Martinez Silva. H. Guzman.
^_ IBI —
Annexe No. e.
RAPPORT DE LA COMMISSION DES COMMUNICATIONS
PAR L'ATLANTIQUE.
Au Président de la Conférence Internationale Américaine.
Monsieur le Président,
La Commission des Moyens de Communication par l'Océan Atlantique
a, l'honneur de s'adresser au Président pour le prier de bien vouloir don-
ner connaissance à l'honorable Conférence des résolutions arrêtées par
les Délégations respectives en ce qui concerne les encouragements à
donner à la navigation sur l'Atlantique.
La Commission espère que l'honorable Conférence accueillera avec
satisfaction le résultat heureux de ses travaux et adoptera la résolution
suivante :
"La Conférence Internationale Américaine, etc., verra avec satisfac-
tion les Gouvernements intéressés au développement des moyens de
communication par l'Atlantique, donner leur assentiment au plan indi-
qué par leurs représentants."
La Commission salue le Président en l'assurant de sa haute considé-
ration.
Roque Saenz Pena.
pour T. Jeefersok Coolidge,
Roque Saenz Peka.
pour Salvador de Mendonça,
Roque Saenz Pena.
José S. Découd.
Washington, mars 1890.
RAPPORT.
Premièrement. La Commission des Communications par l'Atlantique
décide de recommander aux Gouvernements respectifs de subventionner
une ou plusieurs lignes de navires à vapeur entre les ports des Etats-
Unis et ceux du Brésil et du Rio-de-la-Plata.
Secondement. Les compagnies subventionnées par les Gouvernements
devront établir un service bi- mensuel à grande vitesse de bateaux à
vapeur entre les ports des Etats-Unis, Rio-Janeiro, Montevideo et Bue-
nos-Ayres ; ces paquebots devront être aménagés et d'un tonnage suffi-
sant pour le transport des marchandises, des voyageurs et des malles
postales.
Troisièmement. Ces paquebots ne toucheront qu'à un seul port de
chacun des pays intermédiaires, tant à l'aller qu'au retour, mais, en cas
de quarantaine, ils ne pourront que débarquer les dépêches et les pas-
sagers, et ne pourront embarquer aucune marchandise sujette à propa-
• ger l'épidémie. Dans les pays où seront leurs têtes de ligne, ils pourront
toucher à deux ports.
Quatrièmement. La vitesse des paquebots rapides devra être de seize
nœuds au moins par heure, et leur tonnage ne pourra être inférieur à
— 132 —
cinq millee tonneaux ; un indicateur des heures de départ et d'arrivée
dans les ports devra être établi conformément à la vitesse requise.
Cinquièmement. Votre Commission recommande aussi l'établissement
d'une ligne auxiliaire de navires à vapeur pour le transport des mar-
chandises avec départs également bi-mensuels, et d'une vitesse de
douze nœuds au moins à l'heure ; cette ligne devra toucher aux ports
des Etats-Unis et du Brésil, Les Etats-Unis d'Amérique et la Républi-
que du Brésil devront acquitter par moitié les subventions accordées à
ces paquebots, conformément aux contrats consentis par le dernier
Gouvernement aux lignes existantes.
Sixièmement. L'adjudication des concessions pour ces lignes aura lieu
à New York, les avis de mise en adjudication seront publiés dans cinq
au moins des journaux quotidiens de chacun des pays intéressés ayant
la plus grande circulation. Les annonces indiqueront la date à laquelle
les soumissions devront être faites, au moins quatre-vingt-dix jours à
l'avance. L'ouverture des soumissions aura lieu en présence des repré-
sentants désignés à cet effet par les G-ouvernements intéressés.
Septièmement. Les soumissionnaires devront indiquer le tonnage de
leurs paquebots, en conformité de l'article quatre, le montant de la sub-
vention gouvernementale qu'ils demandent, en indiquant le taux de cette
subvention pour chaque tonne sur un parcours de mille milles, ainsi que
la somme à payer pour chaque voyage aller et retour.
Huitièmement. Les Gouvernements se réservent le droit de rejeter
toutes les soumissions, s'ils estiment que les prix demandés sont trop
élevés.
Neuvièmement. Les Etats auront le droit de mettre leur pavillon et
d'imposer leur certificat de nationalité sur un nombre de ces bateaux,
proportionnés au montant de la subvention payée par chacun. Dans ce
cas il est entendu que la part de chaque nation devra être payée directe-
ment au paquebot ou aux paquebots portant son pavillon. En cas de
guerre, chaque Etat pourra, moyennant indemnité, employer comme
transports et armer comme croiseurs les paquebots portant son pavillon.
Dixièmement. Les paquebots recevant une subvention gouvernemen-
tale sous quelque pavillon qu'ils naviguent, jouiront dans les ports des
Etats contractants de tous les droits et privilèges accordés aux vaisseaux
de ces Etats, mais seulement pour le commerce international, et à l'ex-
clusion de ceux concédés au cabotage.
Onzièmement. Les Gouvernements adhérents devront contribuer aux
subventions des lignes à service rapide dans les proportions suivantes :
Les Etats-Unis 60 pour cent.
La République Argentine 17i "
Le Brésil 17i "
La République de l'Uruguay 5 "
Douzièmement. Les Etats contractants accepteront seulement les na-
vires construits aux Etats-Unis, en considération de la subven-tion plus
élevée payée par ce Gouvernement.
Treizièmement. La durée du contrat sera de dix années.
Quatorzièmement. La Commission recommande aux Gouvernemental,
intéressés de subventionner des lignes télégraphiques sous-marines pour
relier directement les pays représentés dans la dite Commission, en ré-
clamant un service régulier et un tarif raisonnable.
— 133 —
Quinzièmement. La Eépublique de la Bolivie, et celle du Paraguay
souscrivent aussi au plan de la Commission, et contribuent au paiement
des subventions à la condition que les Compagnies consentent à établir
■des lignes auxiliaires de navigation fluviale desservant leurs ports.
EoQUE Saenz Pena,
pour T. Jeffeeson CooLinaE,
EOQUE Saenz Pena.
pour Salv ADORE Mendonça,
EoQUE Saenz Pdna.
José S. Découd.
^I^ISTEXE ISJ"o. 7.
CONFÉEENCE INTEENATIONALE AMÉEICAINE
EAPPOET DE LA COMMISSION DES VOIES DE COMMUNICATION PAE LE
GOLFE DU MEXIQUE ET LA MER DES ANTILLES.
Au Président de la Conférence Américaine :
La Commission chargée de l'étude des moyens d'étendre et d'améliorer
les facilités des communications commerciales, postales et télégraphiques
entre les diverses contrées représentées dans cette Conférence et qui
laordent le Golfe du Mexique et la mer des Antilles (ou mer Caraïbe), a
l'honneur de soumettre à la Conférence le rapport suivant :
COMMUNICATIONS TÉLÉGRAPHIQUES.
Les communications télégraphiques sont établies entre les différents
pays par des lignes qui réunissent entre elles les principales lignes de ces
Etats. Il semble que ce service répond à toutes les demandes et fonc-
tionne d'une manière satisfaisante.
Les communications par télégraphe sous-marin se font par deux lignes
entre les Etats-Unis et les Eépubliques du Sud. L'une d'elles unit Gai-
veston, dans le Texas, avec Mexico, le Guatemala, San Salvador, Nica-
ragua, Costa-Eica, et les pays de la côte ouest de l'Amérique du Sud.
L'autre ligue va de Tampa, dans la Floride, à la Havane, contourne la
côte sud de Cuba pour gagner Kingston, dans la Jamaïque, et de là
Ponce de Léon (Porto-Eico); puis par les îles du Vent atteint la Trinité
et la côte du Venezuela. Les tarifs élevés de ces deux compagnies ne
permettent qu'un usage très limité de leurs câbles, et à l'exception des
dépêches les plus urgentes, toute la correspondance se fait par la poste.
Nous recommandous que des mesures soient prises pour obtenir des
tarifs plus modérés sur ces lignes, et dans le cas où l'on ne pourrait arri-
ver à ce but, nous croyons devoir conseiller la concession de nouveaux
services à une ou plusieurs Compagnies indépendantes créées sous le pa-
tronage des Gouvernements représentant les pays intéressés. Ces conces-
— 134 —
sions ne seraient accordées qu'à, la condition que le prix des dépêches ne
pourrait eu aucun cas excéder un taux maximum raisonnable à fixer
dans Pacte de concession. Nous recommandons aussi d'étendre le par-
cours des lignes autant qu'il sera possible. Les sections trop rapprochées
entre deux points isolés ne peuvent être rémunératrices. Il est presque
aussi coûteux d'entretenir un petit qu'un long circuit, et avec un système
de plusieurs câbles la seule dépense à ajouter est celle qu'exige le salaire
du personnel des stations.
COMMUNICATIOJrS POSTALES.
Les communications postales entre les Etats-Unis et les contrées bor-
dant le Golfe du Mexique et la mer des Antilles sont réglées par le service
de l'Union postale universelle, et assurées par plusieurs lignes de paque-
bots, partant plus ou moins fréquemment et transportant les dépêches
sous la direction des autorités chargées de ce service dans chacun des
Etats.
Une notice du Département des Postes, jointe à ce rapport, montrera
le nombre et les désignations de ces lignes, le chiffre des dépêches trans-
portées et les indemnités payées par le Gouvernement des Etats-Unis
pendant l'année fiscale close au 30 juin 1889.
COMMUNICATIONS AVEC HAÏTI.
Les moyens de communication pour le commerce et pour le service
postal entre les Etats-Unis et Haïti sont satisfaisants, étant assurés par
la Compagnie '' the Clyde Steamship," dont les paquebots naviguent
sous le pavillon des Etats-Unis.
VENEZUELA.
Avec le Venezuela, les communications sont également assurées grâce
à la bonne administration de la Compagnie des Paquebots " Eed D " qui
circulent entre New-York et les ports de ce pays. Depuis quelques mois
cette Compagnie a ajouté à sa flotte trois magnifiques steamers neufs,
parfaitement aménagés : le Venezuela, de 2,800 tonneaux, le Caracas, de
2,600 tonneaux, et le Maracaïbo, de 1,260 tonneaux.
Cette ligne a été établie par MM. Boutton, Bliss et Dallet, de New-
York, pour transporter les marchandises de leur maison de commerce.
Pendant de nombreuses années, ils n'employaient que des navires à voi-
les, mais en 1879, ils décidèrent de substituer la vapeur à la voile, et en
attendant que leurs navires fussent construits, ils uolisèrent trois paque-
bots allemands. Tous ces bateaux sont aménagés pour transporter des
passagers et offrent toutes les améliorations modernes au point de vue
de la sécurité, de la bonne installation et du confort. La principale ligne
va de New- York à l'île de Curaçao, et de là à Puerto-Cabello, puis à la
Guayra, dans le Venezuela, avec une ligne auxiliaire à destination de
Maracaïbo. Ces paquebots partent de New York tous les dix jours, mais
il est à désirer que les départs puissent être portés à quatre par mois.
L'effet de l'établissement de cette ligne de paquebots sur le commerce
des Etats-Unis avec le Venezuela a été considérable. Il y a peu d'années
le commerce avec cette République ne s'élevait qu'à $3,300,000 ; main-
tenant il atteint près de $14,000,000, et comprend presque la moitié du
commerce étranger de ce pays. L'importance du trafic développé par
— 135 —
cette ligne de paquebots est prouvée par ce fait que 10,000 balles de co-
ton ont été chargées des Etats-Unis pour le Venezuela eu 1888, tandis
qu'en 1880, le chargement ne s'élevait qu'à 1,200 balles.
Il existe encore une ligne de paquebots partant une fois par mois de
New York à destination de Ciudad Bolivar, sur la rivière Orénoque.
COLOMBIE.
Les communications commerciales et postales entre les Etats-Unis et
la Eépublique de Colombie sont effectuées par la Compagnie Pacific
Mail Steamship qui a trois départs par mois de New- York pour Colon
(Aspinwall), la durée du voyage étant de huit à neuf jours. Les
paquebots de cette Compagnie transportent les dépêches non seulement
pour la Colombie, mais aussi pour la côte occidentale de l'Amérique
Centrale et de l'Amérique du Sud, faisant jonction à Panama avec les
diverses hgnes qui desservent cette côte. Les paquebots de la Pacific
Mail naviguent sous le pavillon des Etats-Unis. Les dépêches pour
Savanilla et Carthagène sont transportées par les paquebots de l'Atlas
Line portant le pavillon anglais, ayant un service bi-mensuel, et effec-
tuant le voyage en treize jours. Ces deux lignes rendraient plus de
services si elles pouvaient augmenter le nombre de leurs départs, et en
faire un chaque semaine.
Il y a encore une autre ligne, sous le pavillon espagnol, qui navigue
entre New York, Cuba, le Venezuela et les Etats-Unis de Colombie et
qui reçoit, assure-t-on, du Gouvernement espagnol une subvention de
$243,687.60.
Ces trois lignes fournissent six départs par mois, entre New York et
les ports de la Colombie.
AMÉRIQUE CENTRALE.
Les dépêches pour l'Amérique Centrale sont transportées soit par les
paquebots de la "Pacific Mail," et ceux de '4' Atlas Line," soit par les
petites lignes partant de la Nouvelle-Orléans, et bien que ces lignes ren-
dent d'aussi bons services que le permettent les conditions actuelles, il
n'en est pas moins à désirer qu'il y soit fait des améliorations pour assu-
rer un service plus satisfaisant.
MEXIQUE.
Les communications maritimes entre les ports des Etats-Unis et ceux
du Mexique situés sur le G-olfe du Mexique sont assurées par la seule
Compagnie ''Morgan Liné," entre la Nouvelle-Orléans et Vera-Cruz;
durée du trajet, trois jours et demi ; départs, deux fois par mois. Comme
entre les deux Éépubliques il y a un service de chemin de fer, elles ne
dépendent pas des lignes de paquebots pour le transport de leurs dépê-
ches, de leurs voyageurs et de leurs marchandises. L'augmentation
rapide de leur commerce, due à l'établissement des voies ferrées, prouve
les avantages que peuvent retirer les autres contrées par la création de
ces moyens de communication.
Ou remarquera, en étudiant le rapport ci-joint du Département des
Postes des Etats-Unis, que les bénéfices de ces lignes de paquebots pro-
viennent presque exclusivement du commerce que ces contrées fout avec
les Etats-Unis. En dehors de ce trafic avec les Etats-Unis, il n'y a près-
— 136 —
que pas de commerce entre les diverses nations qui bordent le Golfe du
Mexique et la mer des Antilles. Ceci est dû en grande partie, sinon en-
tièrement, à ce que ces nations n'ont pas d'industrie manufacturière.
Elles produisent toutes des matières premières similaires, et leurs impor-
tations ne comprennent que des articles identiques. Les cotonnades, les
machines et les provisions composent l'ensemble de leurs importations
des Etats-Unis ; en échange elles y exportent les mêmes matières brutes
et les fruits des tropiques. En conséquence il n'y a pas de raison à un
commerce actif entre les divers Etats de l'Amérique Centrale, et aucune
ligne directe de paquebots entre ces Etats ne pourrait se maintenir si elle
ne s'étendait pas jusqu'aux Etats-Unis. Ces Etats sont maintenant reliés
par des lignes de steamers côtiers, créées par presque tous ces Etats.
Nous considéions donc que, dans les conditions actuelles, on doit accep-
ter le service existant comme le seul vraiment praticable pour le mo-
ment.
Les lignes de paquebots qui desservent maintenant les ports des
Etats-Unis et ceux des Etats bordant le Golfe du Mexique et la mer des
Antilles fournissent un service tolérable, cependant la longueur du
temps employé à faire leurs voyages laisse à désirer, et comme il y
aurait de grands avantages à établir des lignes plus rapides de paque-
bots, ou à remplacer les bateaux à marche lente — sur les lignes exis-
tantes — par des navires à grande vitesse ; nous recommandons que le
nombre des départs soit augmenté et que la vitesse des paquebots soit
accrue de telle sorte que le voyage aller et retour, ou au moins celui de
retour aux ports des Etats-Unis, s'effectue le plus rapidement possible,
afin que les marchandises périssables arrivent en bon état.
Actuellement une lettre mise à la poste à Saint-Louis le 1er ^q niois
ne parvient pas à Colon avant le 15. Il faut deux jours pour qu'elle
gagne Nevs^ York, et, si le paquebot part immédiatement, le temps est
réduit à douze jours ; mais, comme les départs n'ont lieu que trois fois
par mois, il arrive plus souvent qu'il lui faudra vingt jours pour parve-
nir à destination ; quand aux marchandises, elles demandent plus long-
temps encore; dans certains cas trente à trente-cinq jours. L'établisse-
ment de lignes de paquebots plus rapides et plus directes économiserait
dans la durée du parcours au moins un tiers et diminuerait dans une
proportion correspondante les frais de transport des marchandises.
Mais le commerce ne se fait pas seulement par correspondance.
Xj'acheteur et le vendeur ont besoin de se voir. La connaissance inspire
la confiance, et la confiance est la base du commerce. Partout où des
marchands étrangers ont obtenu la suprématie sur des marchés de
l'Amérique Latine, ils ont dû ce résultat à l'envoi d'agents chargés
d'étudier les goûts et les besoins des acheteurs et de leur présenter les
'échantillons des articles qu'ils avaient à vendre, autant qu'à l'établisse-
ment de moyens de livraison rapides et à bon marché. Les commis-
voyageurs des Etats-Unis sont rarement, sinon jamais, vus sur les mar-
chés des Etats du Sud, et les acheteurs de ces marchés visitent non
moins rarement les magasins des fabricants des Etats-Unis. On doit
.attribuer, en grande partie, cette situation à l'absence de moyens con-
venables de communication. Le négociant, dans tous ces pays, peut
prendre sa cabine sur un excellent paquebot et, après un voyage où 11
trouve à la fois corn fort et repos, passer un mois à visiter les manufac-
tures et les expositions des contrées européennes. Il peut se mettre en
— 137 —
Telation avec les vendeurs qui recherchent sa pratique, établir son cré-
dit et acheter ce qui convient le mieux à ses clients.
Il s'écoulera, sans doute, quelques années avant que les lignes_ de
paquebots rapides puissent faire leurs frais, et pour décider les capita-
listes à apporter leurs fonds dans de telles entreprises, il faut qu'elles
soient assurées de quelque assistance pécuniaire pendant un certain
temps.
Il est impossible d'estimer l'augmentation immédiate du trafic que
ces facilités de communication et de transport apporteraient aux répu-
bliques américaines. Il ne faut pas considérer seulement le commerce
de l'Amérique Centrale et de la côte ferme, mais aussi celui de la côte
ouest de l'Amérique du Sud dont le trafic est de plus de $100,000,000
par an. La distance des ports du Chili à ceux d'Europe, par le détroit de
Magellan, est d'environ 9,000 milles et demande plus de trente jours de
traversée ; pour le Pérou et l'Equateur la distance est encore plus
grande. Une ligue de steamers rapides des Etats-Unis à Colon, en con-
nexion avec une autre ligne également rapide, descendant le long de la
côte ouest de l'Amérique du Sud, mettrait Valparaiso à dix-huit ou
Yingt jours de Chicago et de Saint-Louis. De Valparaiso on pourrait,
par la Nouvelle- Orléans ou New York, gagner Londres en beaucoup
moins de temps que par le service direct passant par le détroit de Ma-
gellan, ce qui ferait préférer cette voie pour le transport des marchan-
dises, tandis que les passagers seraient attirés par les agréements beau-
coup plus grands du voyage.
Il résulte des documents ofiSciels, fournis à la Commission, que les
pays bordant le Golfe du Mexique et la mer des Antilles apprécient la
nécessité de communications directes et rapides avec les ports étran-
gers, dans l'intérêt tant de leur producteurs que de leurs consomma-
teurs; ces documents indiquent encore la conviction générale que l'ap-
pui des Gouvernements, qu'il soit donné sou3 forme de subventions
postales ou autrement, est nécessaire pour la création des services récla-
més par l'intérêt public. Le Mexique paye à la Compagnie Pacific
Mail Steamship. pour desservir sa côte occidentale, $30,000 par an ;
le Guatemala, $24,000 ; Salvador, $24,000 ; Nicaragua, $6,000 ; Hondu-
ras, $5,000 ; et Costa Eica, $12,000, sous forme d'indemnité postale.
Des capitalistes, dans ce pays, ont discuté des projets pour l'établis-
sement d'une ligne de paquebots rapides et directs entre Tampa, dans
la Floride, et Mobile, dans l'Alabama, d'une part, et les ports de Colon,
Port Limon (Costa Eica) et Greytown (Nicaragua). La ville de Tampa
est située sur la côte occidentale de la Floride, à 666 milles de la
Havane et à 1,200 milles de Colon, selon les relevés du Département
Maritime des Etats-Unis. Elle possède un port sûr et commode, assez
profond pour recevoir les plus grands navires et dont l'accès est des
plus faciles. Les avantages naturels de ce port ont été encore augmen-
tés par la construction de quais, de docks, d'hôtels, de voies carrossables
qui permettent de transporter les marchandises des wagons du chemin
de fer aux navires en peu de temps et à peu de frais.
Le Gouvernement des Etats-Unis a déjà établi des trains-postes à
grande vitesse, de la Nouvelle Angleterre, de New York et de la Penn-
sylvanie à Tampa, pour correspondre avec les bateaux de la Havane,
franchissant la distance de la ville de New York en trente-six heures, et
passant par les principales cités de la côte de l'océan Atlantique, où ils
— 138 —
prennent chaque jour les dépêches provenant de l'Ouest. La distance de
Chicago, Saint-Louis, Cincinnati, et des autres grandes cités de l'Ouest
à Tampa est à peu près la même que celle de New York à Tampa, et les
correspondances entre les divers trains sont telles qu'une lettre expédiée
de Chicago, via Tampa, aux ports de la mer des Antilles arrive aussi
vite à destination qu'une lettre adressée de New York; les marchandises
expédiées des villes de l'Ouest pour ces mêmes ports seraient donc trans-
portées aussi rapidement et aussi économiquement à Tampa qu'à New
York.
La distance de Tampa à Colon, en prenant ce port comme exemple,
tant pour la durée du trajet que pour le parcours, est bien moindre que
celle de New York à Colon, le voyage pouvant s'effectuer en cinq jours
et demi, tandis que les paquebots faisant les voyages entre New York et
Colon y mettent de huit à neuf jours. Les exportateurs de New York ne
sauraient être disposés à profiter de cette réduction de temps pour le
transport des marchandises lourdes et encombrantes, car ils n'y trouve-
raient pas avantage à raison des prix beaucoup plus élevés que leur coû-
terait le transport par chemin de fer, mais cette voie serait très avanta-
geuse pour les dépêches et les voyageurs. Quant aux commerçants et
manufacturiers de Cleveland, Cincinnati, Chicago, Saint-Louis, et des
autres cités de l'Ouest, qui produisent presque tous les articles importés
dans l'Amérique du Sud, non seulement ils pourront rendre leurs mar-
chandises aux docks de Tampa aussi promptement, et au même prix
qti'ils le font à New York, mais avec plus de facilité encore et avec beau-
coup moins de frais en ce qui concerne le wharfage et les frais de manu-
tention dans les deux points teraiinis.
Il en est de même pour les marchandises importées des Républiques
du Sud dans les Etats-Unis, à destination des Etats du Sud et de
l'Ouest. Les commerçants de Chicago, il y a quelques mois, adressaient
au Président de cette Conférence, en vue d'établir une ligne de paque-
bots à Tampa, un mémoire qui confirme tous les faits que nous venons
de relater. Les négociants et les manufacturiers des Etats du Sud de la
République des Etats-Unis auraient grand avantage à l'établissement
de la ligne projetée, et le prompt développement de l'industrie dans ces
Etats commande une attention particulière. En même temps, et en sus
des avantages déjà signalés plus haut, tous ceux qui font le commerce
entre les Etats- Dnis et les pays bordant le golfe du Mexique et la mer
des Antilles bénéficieraient grandement de la concurrence résultant de
la création de cette nouvelle ligne.
Disposant de navires aménagés ad Jwc, la ligne projetée rendrait d'in-
calculables services à tous ceux qui font des chargements de fruits et
d'autres articles périssables, supportant mal les longues traversées et les
mauvais temps en mer. Une grande partie des fruits expédiés des Etats
de l'Amérique Centrale et de l'Amérqiue du Sud aux Etats-Unis est
consommée dans les villes du Sud et de l'Ouest de ce dernier pays; il en
est de même du café, des peaux et des autres marchandises, tandis que
les principaux articles exportés des Etats-Unis proviennent principale-
ment de ces mêmes villes : la farine de Richmnnd et de Minneapolis, les
viandes de Chicago, le pétrole épuré de Cleveland, les meubles de Grand
Rapid, et enfin les articles de coton de la Géorgie, des Carolines et des
autres Etats du Sud.
Mais le plus grand avantage qu'offrirait cette ligne, ce serait l'amélio-
— 139 —
ration apportée au transport des dépêches et des voyageurs entre les
Etats-Unis et les ports situés à l'Est, à l'Ouest et au Sud de Colon ; la
durée du trajet de New York à Colon serait ainsi réduite à cinq jours et
demi, ou six jours dans le cas où, comme on l'a proposé, les paquebots
feraient une petite déviation de la ligne directe de Tampa à Port Limon
et Greytown. La traversée de Tampa à Colon, 1,200 milles, serait effec-
tuée en moins de cinq jours, et par les trains rapides on pourrait, de ce
dernier port, gagner New York ou Chicago en six jours et demi. Une
telle amélioration des conditions actuelles de communication mérite
d'attirer l'attention des Délégués de cette Conférence et des Gouverne-
ments qu'ils représentent.
Dans le projet de l'établissement d'une ligne de paquebots de Tampa
à Colon, on propose que ces paquebots accostent régulièrement à Mobile
pour y débarquer et recevoir les marchandises après avoir remis leurs
dépêches, leurs passagers et leurs cargaisons à Tampa.
Il y a aussi de nombreuses considérations à faire valoir en faveur de la
Nouvelle-Orléans comme port d'embarquement. La position géographi-
que de la Nouvelle-Orléans à l'embouchure du Mississipi en fait le
débouché naturel des produits de la grande vallée que traverse ce
fleuve, produits qui comprennent la plus grosse part des objets exportés
des Etats-Unis, non seulement pour l'Amérique Centrale et l'Amérique
du Sud, mais aussi pour les autres ports du monde entier. Les produits
agricoles, les provisions, les instruments aratoires, les meubles, le
pétrole ont leurs centres de production à distance convenable pour le
transport par cette voie fluviale. En beaucoup de cas, la construction de
lignes rivales de chemins de fer a détourné le commerce de sa voie
naturelle en faveur de voies artificielles; mais la différence de distance
de Chicago et Saint-Louis aux ports du golfe du Mexique et de la mer
des Antilles par la Nouvelle-Orléans est si grande que cette voie oflri-
rait, sur celle de New York, des avantages que l'on ne manquerait pas
d'apprécier si l'on dotait ces ports de moyens de communication par
paquebots rapides.
Il y a déjà plusieurs lignes de bateaux à vapeur d'un tonnage relati-
vement insignifiant entre la Nouvelle-Orléans et les pnrts de l'Amérique
Centrale. Ces lignes représentent l'idée naissante que doivent encourager
et développer les divers Gouvernements intéressés à la voir réussir. Ces
navires ont déjà contribué à augmenter le chiffre des exportations et
des importations de la Nouvelle-Orléans, quoiqu'ils n'aient été établis
que par l'initiative privée, et que l'appui que leur a donné le Gouverne-
ment des Etats-Unis a été si faible, qu'il n'y a pas lieu même de le com-
parer à celui que ces lignes reçoivent de quelques Etats de l'Amérique
espagnole.
On a encore signalé à la Commission que la partie des Etats-Unis la
plus intéressée au développement d'un trafic direct entre la Nouvelle-
Orléans et les ports du Golfe du Mexique et de la mer des Antilles,
celle qui souffre le plus de l'excès de la production, est pourtant celle
qui a pris, jusqu'ici, le moins d'intérêt à l'expansion du commerce avec
l'étranger.
La Nouvelle-Orléans est le terminus de six lignes de chemins de fer
et d'une rivière navigable sur 20,000 milles. C'est le plus grand port
d'entrée du Sud. Ses importations se sont élevées, dans la dernière année
fiscale, à $15,400,000 ; dans cette somme, $10,400,000 comprenant seule-
— 140 —
ment cinq articles qui proviennent tous de l'Amérique Centrale et de
l'Amérique du Sud : le café, le sucre, les fruits, le chanvre et le caout-
chouc.
Comme on l'a déjà dit, les contrées de l'Amérique Centrale font de
grands sacrifices pécuniaires pour maintenir les moyens actuels de
transport sur la côte occidentale de ce continent.
Le Mexique, le Guatemala, le Honduras, le Nicaragua, Costa-Rica,
les Républiques de la Colombie et du Venezuela qui bordent le Grolfe du
Mexique et la mer des Antilles peuvent être desservis par des steamers
de vitesse modérée de Tampa, de Pensacola, de Mobile, de la Nouvelle-
Orléans ou de Galveston dans un délai de trois à cinq jours. Ces pays
possèdent une population de 20,000,000 d'habitants; celle des Etats-
Unis approche de soixante-cinq millions. Il serait difficile d'exagérer les
avantages qu'assurerait à ces Etats un service prompt, régulier, éco-
nomique, destiné à assurer le transport de leurs dépêches, de leurs
voyageurs et de leurs marchandises.
Quand on considère ces faits, la proximité de ces Etats et la faible
somme nécessaire pour obtenir ces facilités de communication, on ne
peut s'expliquer comment les Gouvernements intéressés ont tant tardé
à les établir. Il n'y a peut-être nulle part sur le globe une telle occasion
de réaliser des résultats commerciaux aussi avantageux pour 85,000,000
d'individus que ceux qui peuvent être obtenus par l'établissement à peu
■de frais de communications de premier ordre entre les ports de ces
Etats ; aussi espérons-nous que les Gouvernements des pays désignés,
lorsque leur attention sera directement appelée sur ce sujet et qu'ils
auront constaté la faible dépense de laquelle peut résulter un si grand
bien, n'hésiteront pas à adopter les mesures nécessaires pour assurer
des moyens de communication.
Au point de vue des transports l'expérience démontre :
Premièrement. Qu'ils doivent être fréquents, rapides, réguliers et éco-
miques.
Secondement. Qu'ils doivent être sous le contrôle des intérêts qu'ils sont
supposés desservir, ou favorables à ces intérêts.
Et, comme il a été déjà indiqué, la conduite de quelques-unes des na-
tions intéressées montre que l'appui du Gouvernement pour les nouvelles
lignes projetées est regardé comme absolument nécessaire à raison de ce
fait qu'il faudra plusieurs années pour que les lignes à grande vitesse
puissent se sufiSre à elles-mêmes.
A raison de la proximité de tous les ports du Golfe du Mexique et de
la mer des Antilles : des avantages qui résulteraient du développement
des relations sociales, commerciales et internationales, et que des moyens
plus rapides de communication peuvent seuls assurer ; à raison de l'im-
possibilité d'atteindre ce résultat par des enti*eprises privées, non sub-
ventionnées, à raison du devoir imposé à chaque Gouvernement de dé-
velopper la richesse publique, à raison encore des faibles dépenses
requises pour réaliser le facile transport des dépêches, des voyageurs et
des marchandises, à raison enfin de la nécessité du contrôle de ces faci-
lités par les pays intéressés, la Conférence Internationale Américaine
recommande à tous les Etats bordant ces mers d'accorder des sub-
ventions nationales destinées à créer un service de paquebots de
première classe entre leurs divers ports, sous telles conditions qu'ils
pourront arrêter entre eux, en déterminant [a) le service exigé, (h) le
— 141 —
montant de la subvention nécessaire, (c) les avantages qu'ils pourront
en retirer, {d) la base de leur contribution respective, (e) la somme à
payer par chacun, (/) le mode d'adhésion entre les divers Gouverne-
ments et la nature des contrats à passer avec les Compagnies de paque-
bots pour assurer l'exécution d'un plan général pour ce service.
Manuel Aeagon.
Climaco Calderôn.
H. GusmXn.
J. F. Hanson.
543 A. — 2.
^N'^STEXE No. 8.
EAPPOET DE LA COMMISSION DES COMMUNICATIONS SUR l'OCÉAN
PACIFIQUE.
COMPAGNIES DE TRANSPORTS.
La Commission des communications par le Pacifique a l'honneur de
proposer que l'on recommande les résolutions suivantes aux Gouverne-
ments représentés à cette Conférence, et dont les territoires bordent
cet océan, en ce qui concerne les Compagnies de transports, à savoir,
Premièrement. Que les nations de la côte occidentale du continent
américain, représentées à cette Conférence, s'entendent pour subven-
tionner une ou plusieurs lignes de steamers de première classe, qui
devront faire un service régulier entre le port de San Francisco, dans
l'Etat de Californie (Etats-Unis d'Amérique), et celui de Valparaiso,
dans la République du Chili et les ports intermédiaires. Les dits navires
devront faire au moins deux fois par mois un voyage entier, aller et
retoiir, à chaque port; ils seront au moins d'un tonnage de 4,000 tonneaux,
avec machine à triple expansion, d'une force nominale d'au moins 3,500
chevaux-vapeur, pouvant fournir un minimum de vitesse de quinze
nœuds à l'heure; ces navires seront construits et aménagés pour le
transport des passagers et des marchandises, dans les meilleures condi-
tions sous tous les rapports, et pourvus de toutes les améliorations
modernes.
Secondement. Que les 'Compagnies ou individus propriétaires de ces
navires devront transporter passagers et marchandises dans tous les
ports de la côte où l'on peut atterrir en toute sécurité, et ne pourront,
directement ou indirectement, former aucun syndicat ni prendre aucun
arrangement avec d'autres Compagnies ou d'autres particuliers pour
augmenter le prix des passages ou du fret, par mer ou par terre, et
qu'aucune autre faveur spéciale ne sera accordée à aucun navire au
détriment des autres.
Troisièmlment. Que les nations déjà nommées devront payer chaque
année, directement à la Compagnie ou aux Compagnies, ou aux particu-
— 142 —
liers, propriétaires des dites lignes, à titre d'indemnité pour les services
rendus, dans les termes et sous les conditions établis, une subvention
dont le montant ne pourra dépasser trente cents par tonneau brut enre-
gistré des dits navires et par parcours de 1,000 milles parcourus, aller et
retour.
Quatrièmement. Que la charge de la subvention prévue dans l'article
précédent sera répartie entre les nations contractantes au prorata de
leur population, déterminé par le dernier recensement, et, à défaut de
recencement, par les documents officiels les plus dignes de foi. A titre
approximatif, la proportion serait basée sur les chiffres suivants :
Etats-Unis 65,000,000 habitants.
LeMexique •...- 12,000,000 "
Guatemala 1,300,000 "
Salvador 750,000 "
Honduras 500,000 "
Costa-Rica 250,000 "
Nicaragua 500,000 "
La Colombie 4,000.000 ''
L'Equateur 1,000.000 ''
Le Pérou 3,000,000 ''
La Bolivie 2,500,000 ''
Le Chili 3,000,000 "
Cinquièmement. Que les soumissions doivent être adressées à Wash-
ington, au Gouvernement fédéral des Etats-Unis; que le cahier des
charges devra être publié dans au moins trois des journaux quotidiens
de ce pays ayant la plus grande circulation, et aussi dans les contrées
contribuant à fournir la subvention. Les annonces devront indiquer le
service exigé, le nombre des voyages à effectuer, les dimensions, la vi-
tesse et l'aménagement des dits paquebots et tous autres détails que les
nations contractantes croiront devoir insérer. Un délai de cent vingt
jours sera accordé pour la remise des soumissions; elles seront décachetées
en présence des représentants des dites nations, autorisés à cet effet ; les
soumissionnaires devront accepter les règles indiquées par les dits repré-
sentants, lesquels auront le droit d'accepter ou de rejeter les offres faites.
Sixièmement. Que les navires de la ligne ou des lignes subventionnées
devront être inscrits sur les rôles de la marine marchande des pays aux-
quels s'adressent ces recommandations, toutes les fois que le Gouver-
nement intéressé le requerra, et en proportion de sa quote-part dans la
subvention.
Septièmement. Qu'en cas de guerre entre une ou plusieurs des nations
contractantes d'une part, et une autre nation représentée à cette Confé-
rence, les navires de la dite ligne, inscrits sur les rôles de la marine
marchande de ces Etats, devront être inscrits sur les rôles des nations
restées en dehors des conflits et jusqu'à ce que la paix soit rétablie.
Huitièmement. Que quel que soit le pavillon sous lequel navigueront les
navires subventionnés, ils bénéficieront, dans les ports des Gouverne-
ments adhérents, pour tout ce qui est compris dans le commerce interna-
tional, des droits et privilèges des navires nationaux y compris le com-
merce du cabotage dans les contrées où ce commerce est ou serait
ultérieurement déclaré libre.
— 143 —
Neuvièmement Que cette convention aura une durée de dix ans, à
l'expiration de laquelle elle sera considérée comme prorogée de dix
autres années, au cas où douze mois avant l'échéance de la première
période, elle n'aurait pas été formellement dénoncée. La resolution de
Jette convention pourra être partielle : dans ce cas la nation ou les na-
tions qui se seraient retirées seront exemptes de payer leur quote-part
de la subvention indiquée. ^ ^ ^ Caamako.
E. C. Varas.
Morris M. Estee.
Jagikto Castellakos.
E. A. Mesia.
Washington, D. C, 24 mars 1890.
COMMUNICATIONS TÉLÉGRAPHIQUES.
La Commission des communications par le Pacifique a l'honneur de
recommander aux Gouvernements représentés h cette Conférence et
dont les contrées bordent l'Océan Pacifique les résolutions suivantes, en
ce qui concerne les communications télégraphiques, à savoir :
Premièrement. Que les Gouvernements subventionnent une Compa-
miie pour relier, par un câble télégraphique sous-marm. les principaux
ports des nations bordant l'Océan Pacifique; les pomts terminus de
cette ligne devant être, pour le moment, le port de San Francisco dans
les Etats-Unis, et celui de Valparaiso, dans le Chili ; comme base devant
servir cà fixer le montant de la subvention, on observera que le coût pour
la transmission de chaque mot devra être inférieur au minimum du prix
actuellement réclamé par les Compagnies existantes, a quelque distance
que puisse être située la ville ou le lieu de destination du cablegramme.
Secondement. Que le montant total de la subvention accordée sera
payé par les Gouvernements intéressés, dans la proportion établie pour
le réellement de celle consentie aux Compagnies maritimes de transport,
les t^ormalités, pour la présentation et l'acceptation des soumissions,
indiquées dans l'article 5 du rapport de la Commission sur les commum-
• cations du Pacifique, devant être observées.
J. M. P. Caamano.
E. C. Varas.
Morris M. Estee.
Jacinto Castellanos.
E. S. Mexia.
communications postales.
La Commission des communications par le Pacifique a l'honneur de
recommander aux Gouvernements représentés à cette Conférence, et
dont les contrées bordent l'Océan Pacifique en ce qui concerne les com-
munications postales : ^ - i ^
Que les Gouvernements intéressés, et qui ont tous accepte les termes
de la convention, conclue à Paris le 1er janvier 1878, pour une " Union
postale universelle," adoptent les règles concernant les traites postales
•et l'échange des mandats de poste, adoptées respectivement, dans
— 144 —
la dite ville de Paris, le 4 juin 1878 et le 3 novembre 1880; ou qu'ils
adoptent des conventions particulières tendant aux mêmes fins.
J. M. Caamano.
E. C. Varas.
Morris M. Estee.
Jacinto Castellanos.
E. S. Mesia.
Washington, D. C, 14 mars 1890.
^isriN'EXE :n"o. 9.
KAPPOKT DE LA COMMISSION DES RÈGLEMENTS DE DOUANE.
La Commission des règlements de douane a examiné la proposition
de M. Romero, Délégué du Mexique, demandant que les nations repré-
sentées t< cette Conférence adoptent une nomenclature commune en
anglais, espagnol et portugais des marchandises soumises aux droits
d'entrée, devant servir à la rédaction des manifestes, des factures con-
sulaires, des demandes d'entrée et de sortie, et de tous autres docu-
ments requis par les douanes, sans cependant porter atteinte au droit
de chaque nation de maintenir les tarifs existants et d'y faire tous amen-
dements pouvant convenir à leurs intérêts respectifs.
La Commission appuie cette proposition, dans la pensée que l'un des
objets pour lesquels a été réunie la Conférence est l'établissement de
lois et règlements douaniers uniformes par les diverses Nations améri-
caines afin de faciliter, par cette simplification, les opérations commer-
ciales entre elles et de favoriser le développement de leur trafic
réciproque. La Commission rédigera la nomenclature réclamée par la
proposition de M. Eomero, si les occupations de ses membres le lui
permettent et s'ils peuvent, comme elle l'espère, obtenir les données
nécessaires ; dans le cas où elle ne les aurait pas, elle signalera à la
Conférence le mode de procéder qui lui paraît le meilleur pour effectuer
ce travail.
La Commission s'occupe des sujets importants et complexes dont la
Conférence lui a confié l'examen, et aussitôt que ses travaux seront ter-
minés, elle en soumettra le rapport à la décision éclairée de la Confé-
rence.
En attendant, la Commission soumet à la Conférence la résolution
suivante :
Bésolu :
Que la Conférence Internationale Américaine recommande aux Grou-
vernements représentés ici l'adoption d'une nomenclature commune, par
ordre alphabétique, en anglais, portuguais et espagnol, des marchan-
dises soumises aux droits d'entrée, pour être employée par toutes les
Nations américaines dans la détermination des droits de douane, et
— 145 —
aussi -pour servir à la rédaction des manifestes, des factures consulaires,
des demandes d'entrée et de sortie, et de tous documents requis par le
service des douanes, sans restreindre en aucune manière le droit qu'a
chaque nation d'appliquer les tarifs actuellement en vigueur, ou ceux
qui pourraient être établis ultérieurement.
J, Alfonso.
Charles R. Flint.
M. ROMEEO.
H. G. Davis.
Salvador de Mendonça.
Climaco Caldeeon.
Washington, 10 février 1890.
^NISTEXE No. 10.
CONFERENCE INTERNATIONALE AMERICAINE.
RAPPORTS DE LA COMMISSION DE LÉGISLATION DOUANIÈRE.
(Adoptés par la Conférence.)
1. — CLASSIFICATION ET ÉVALUATION DES MARCHANDISES.
La Commission de " Législation Douanière," désignée par une résolu-
tion prise dans la douzième séance, a l'honneur de vous soumettre le
présent rapport. Les points soumis à l'examen de la Commission, comme
il résulte des procès -verbaux imprimés de la Conférence, sont les sui-
vants :
A. — Les formalités à observer pour l'importation et l'exportation des
marchandises.
B. — La classification, l'examen, et l'évaluation de ces marchandises.
C. — Le système d'amendes et de pénalités pour violation des règle-
ments des douanes et des ports.
La Commission a déjà, dans un rapport préliminaire fait à la Confé-
rence, recommandé l'adoption d'un projet destiné à venir en aide aux
importateurs et aux exportateurs au moyen d'une nomenclature officielle
et uniforme, et d'une classification des marchandises, pai- ordre alpha-
bétique, en anglais, espagnol et portugais.
Dans ce même ordre d'idées, la Commission présente maintenant les
propositions qui suivent :
A. — IMPORTATION ET EXPORTATION DES MARCHANDISES.
1. La Commission ne s'est pas crue autorisée à entrer dans aucune
considération sur les droits prélevés sur les exportations et les importa-
tions par les diverses nations représentées à cette Conférence, aussi les
règles recommandées dans ce rapport peuvent-elles être appliquées, non
seulement avec les tarifs actuels, mais avec tous autres qui pourront être,
adoptés à l'avenir.
— 146 —
2. La Commission a tenu compte de ce fait que, pour les nations ici
représentées, les droits de douane constituaient la principale source
des revenus publics, et que sous prétexte de simplifier et d'améliorer les
règlements, destinés à en assurer la perception, il ne fallait pas s'exposer
à en diminuer les produits et à en menacer la sécurité.
3. Il est reconnu que chaque pays doit réglementer et administrer
son système douanier, vu qu'il y a entre les nations faisant partie de
cette Ccmférence de nombreuses différences de race, d'habitudes, de
conditions et de milieux. En conséquence, la Commission n'a rien pro-
posé qui fût contraire à ces importantes considérations.
4. La Commission estime qu'un commerce international, actif et dési-
rable, ne peut être obtenu que par l'habileté et l'énergie de l'initiative
privée, et que ce commerce ne peut être ni créé, ni maintenu par le
développement des sentiments réciproques d'amitié et de bon vouloir.
Les véritables bases d'un semblable trafic sont dans le parallélisme
des intérêts et dans la réalisation de bénéfices satisfaisants résultant de
l'échange des produits.
5. Profondément convaincue que le développement du commerce entre
les Képubliques américaines apporterait de précieux avantages récipro-
ques aux citoyens de ces Eépubliques, la Commission a examiné les
règlements des douanes dans ces diverses contrées,* dans le but de
rechercher les moyens de réduire à la fois le travail, le temps, la dépense
et les risques.
6. La Commission a été heureuse de constater que, en général, les
lois fiscales et les règlements de douane de ces diverses Républiques
sont raisonnables et modérés dans leurs prescriptions; que leur admi-
nistration est, en somme, soucieuse des droits et des intérêts des
citoyens, et qu'en général ceux qui participent à la navigation et au
commerce international du continent américain sont droits et honnêtes
dans leurs rapports avec les lois fiscales.
7. Néanmoins, il n'est pas douteux que ces lois et ces règlements,
ainsi que l'administration chargée de les appliquer, sont susceptibles, à
quelques égards, d'importantes améliorations, et c'est pour arriver à ce
résultat qu'il a semblé utile d'établir certaines règles et pratiques uni-
formes, sans entrer dans les détails de peu d'importance.
8. Le commerce, de nos jours, est principalement développé, grâce
aux services des bateaux à vapeur, des chemins de fer et du télégraphe.
L'emploi de ces moyens a créé des exigences et des conditions qui se
trouvent souvent en conflit avec les dispositions administratives, conser-
vées seulement par esprit de tradition, quoiqu'elles s"accordent mal avec
les procédés modernes.
9. L'abus de la réglementation dans les administrations est un mal
sérieux entraînant des frais, des risques et une telle incertitude dans les
transactions commerciales que l'esi)rit d'entreprise se décourage. Ce
formalisme multiplie le nombre des employés dans tous les services
d'importation, d'exportation et de transport, et par là même réduit les
produits légitimes et les espérances raisonnables des négociants et des
agents'de transport, tout en augmentant les dépenses du Grouvernement.
10. Le manifeste de bord est un document universellement réclamé
des navires arrivant de ports étrangers, afin de déterminer la nature de
leur cargaison, et, en cas de guerre, afin de prouver qu'ils ne portent
pas de contrebande. Aucun navire ne doit être autorisé à sortir d'un
— 147 —
port avant que le capitaine ait remis au bureau de la douane un mani-
feste de sa cargaison , il n'est pas nécessaire que ce manifeste soit certifié
par le consul. Les navires appartenant à des lignes régulières de paque-
bots partant à heure fixe sont forcés de recevoir leurs marchandises
jusqu'au dernier moment : aussi est-il presque impossible pour eux de
remettre cet état de sortie à la douane avant leur départ. Les agents
de ces navires qui restent à terre doivent fournir à la douane, dans les
vingt-quatre heures qui suivent le départ du navire, le manifeste sup-
plémentaire qui peut être nécessaire pour donner le compte total de la
cargaison.
Avant d'entrer dans un port étranger, le capitaine de chaque navire
doit préparer, pour les autorités de la douane, un manifeste d'entrée con-
tenant toutes les indications du manifeste de sortie, avec la liste des pas-
sagers, le rôle de l'équipage, et le relevé de ce qui reste à bord du navire
en magasin. Ce manifeste doit être remis à la douane avec le certificat de
nationalité et les autres documents et papiers exigés par les règlements
locaux; il devra être certifié par la déclaration en personne du capi-
taine devant l'agent compétent de l'administration des douanes. Le ma-
nifeste d'entrée peut servir à la vérification de la cargaison, mais ne peut
être accepté à la place des factures. La Commission soumettra à l'exa-
men de la Conférence un modèle de manifeste principal et de manifeste
complémentaire, destiné à servir à toutes les nations. Pour les marchan-
dises exportées, chaque expéditeur est obligé, sous peine d'encourir les
pénalités pour cause de manquement, de remettre à la douane un état
spécial des articles qu'il fait sortir du pays ; cet état contiendra le détail
de la nature, de la qualité, de la valeur, et l'indication de la destination
des marchandises, de telle sorte que le G-ouvernement ait des renseigne-
ments authentiques pour établir des rapports et tableaux statistiques.
11. Les factures pour la douane seront rédigées dans la langue de l'un
ou l'autre pays, l'importateur ou l'exportateur, et devront indiquer la
valeur marchande des articles à la date de l'exportation selon les prix-
courants du marché d'où ils sont importés, et les prix et les quantités
seront exprimés en chifi'res seulement. La valeur ainsi déclarée devra être
acceptée prima f acte, comme base de l'estimation pour les droits ad va-
lorem. La Commission recommande que le droit à payer pour le certi-
ficat du consul dans les Républiques américaines soit fixé uniformément
à $2.50 pour chaque facture et qu'il ne soit réclamé aucun droit pour le
duplicata d'une facture originale ni pour une facture dont la valeur
n'excéderait pas $100. (Rec. 2.)
12. La déclaration d'entrée des marchandises importées devra être ré-
digée dans la langue du pays d'importation et contenir les noms du na-
vire et de l'importateur ; cette déclaration devra être d'accord avec les
connaissements et les factures consulaires dans tous leurs détails ; les
connaissements et factures devront être remis aux agents de la douane
au moment de l'arrivée. Au cas où des colis portés dans les factures ne
pourraient être représentés parce qu'il aura été impossible de les trans-
porter par suite de défaut de place, ces colis ne pourraient entrer ensuite
qu'accompagnés d'une copie ou d'un extrait certifié conforme de la facture
originale. La prestation de serments, partout où elle est réclamée parles
prescriptions des règlements de douane, devra être supprimée, parce que
c'est une rigueur inutile et la cause d'une perte de temps pour l'impor-
tateur en exigeant sa présence aux bureaux de la douane. La signature
— 148 —
de l'importateur au bas de la déclaration d'entrée emportera toutes les
responsabilités et conséquences pénales actuellement attachées au ser-
ment.
13. Des facilités particulières, franches de tous frais inutiles, devront
être accordées aux marchandises transportées en transit par chemin de
fer ou par voie fluviale à travers une contrée à destination d'une autre,
pourvu que ces marchandises soient placées sous scellés pendant le tran-
sit, et que ce transit soit effectué sous la surveillance des agents des-
douanes, mais sans aucune vérification du contenu des colis. (Rec. 4.]
14. Les règlements pour le chargement et le déchargement des navires
devront être, quant au temps, aussi larges que le permettront les exi-
gences du lieu, et on devra rechercher les moyens d'assurer l'entrée et le
départ des navires, avant et après les heures règlenîentaires du service
de la douane, et les jours où les bureaux sont fermés. (Rec. 6.)
15. Il est à désirer qu'on supprime tous les frais et faux frais dans le
service des douanes, et il ne doit en être réclamé aucun en dehors de
ceux fixés par des actes publics de l'autorité légale; partout où ils exis-
tent, ces frais devront être strictement limités au coût des services ren-
dus, et ne pas être regardés comme devant augmenter les sources du
revenu public. (Rec. 7.)
16. Dans le cas où le taux et le montant des droits à percevoir pré-
sentent quelque doute et donnent matière à discussion, l'importateur
sera autorisé à déposer, sous réserve, le montant des droits réclamés par
les agents de la douane, et à prendre livraison de ses marchandises. Les
droits devront être liquidés aussi promptement que possible et confor-
mément à la décision prise sur la réclamation, et l'excédant reconnu de
la somme déposée devra être remboursé au déposant sans aucune rete-
nue. (Rec. 8).
17. La Commission recommande expressément l'adoption dans les
principaux ports des nations ici représentées d'un système d'entrepôts
semblable à ceux que l'expérience a prouvé être les plus avantageux
pour les importateurs et aussi pour le service des recettes nationales.
Grâce à ces entrepôts, l'importateur peut différer le paiement de droits
de douane, jusqu'au moment où il a vendu ses marchandises, et, s'il
préfère les exporter, il peut le faire sans avoir de droits à acquitter.
Pour jouir de ces avantages, il doit déposer les marchandises importées,,
à ses frais et à ses risques, dans les entrepôts désignés où ses marchan-
dises sont gardées sous la surveillance des agents des douanes, et il doit
fournir des garanties suffisantes pour le paiement des droits ou l'expor-
tation des marchandises dans un délai déterminé. L'importateur, dans
ce cas, peut retirer ses marchandises par lots de un ou plusieurs colis^
et, si ces marchandises sont en grenier, par quantités déterminées, selon
les besoins de son commerce, en acquittant les droits d'entrée et les
frais de manutention et d'emmagasinage concernant la portion enlevée
pour la consommation.
Le Gouvernement est ainsi assuré contre toute crainte de perte, et, de
son côté, l'importateur n'est pas obligé de jeter ses marchandises sur un
marché qui ne lui offre pas des prix satisfaisants. (Rec. 9.)
18. Les importateurs, dans quelques pays, éprouvent de nombreuses
difficultés par suite de la revision des factures par l'autorité supérieure
à la capitale. En cas de doute ou de discussion, et lorsqu'un dépôt du
montant maximum des droits a été réclamé et versé sous protêt, cette
— 149 —
revision par l'autorité supérieure est absolument nécessaire pour satis-
faire à la justice, mais dans tous les autres cas, excepté, bien entendu,
s'il y a présomption de fraude ou de coupable négligence, le commer-
çant qui a payé les droits, selon le tarif de la douane, doit recevoir ses
marchandises sans être exposé à des réclamations ultérieures qui pour-
raient absorber ses bénéfices apparents. (Rec. 15.)
19. Les taxes intérieures sur les marchandises qui ont acquitté les
droits de douane à la frontière sont des charges intolérables qui empê-
chent le développement du commerce international. Aussitôt après le
paiement des droits fixés par la loi douanière, les marchandises impor-
tées doivent être considérées et traitées comme faisant partie du stock
général des produits nationaux. Une surélévation des droits à acquitter
à la frontière est bien préférable au système vexatoire des taxes inté-
rieures. Il ne doit y avoir aucun contrôle ni aucune surveillance des mar-
chandises importées ayant satisfait aux droits de douane. La livraison
par la douane de ces marchandises devrait les faire bénéficier de tous
les avantages et privilèges accordés aux produits nationaux. (Rec. 15.)
20. Dans l'intérêt général des Nations américaines, il est nécessaire
que les Gouvernements fassent promptement connaître l'apparition ou
l'aggravation des maladies contagieuses du bétail et de tout autre stock-
vivant, afin d'en soumettre l'importation à une quarantaine convenable.
B. — DE LA CLASSIFICATION DE L'EXAMEN ET DE L'ÉVALUATION DES
MARCHANDISES.
21. La vérification des marchandises doit être faite dans le plus court
délai, au moins de frais et de dommages possibles, et être limitée à un
examen raisonnable des déclarations d'entrée et des factures. Cette
■observation s'applique aussi bien aux vérifications faites pour constater
la valeur imposable des marchandises soumises aux droits ad valorem,
qu'à celles du poids et des quantités pour les marchandises soumises à
des droits spécifiques. La Commission a interprété ces mots : ''évaluation
de marchandises" comme se rapportant à la valeur facturée, et quand il
s'agit d'articles soumis aux droits spécifiques, cette évaluation doit être
acceptée sans observations et n'a pas besoin d'être vérifiée, à moins qu'il
n'y ait présomption de fraude. (Rec. 10).
22. Les marchandises renfermées dans les bagages des touristes et des
immigrants, ne dépassant pas une valeur limitée, doivent être admises
à l'entrée, et acquitter les droits, sans connaissement ni factures, et les
outils et objets professionnels, et autres articles que les voyageurs appor-
tent en quantité raisonnable, pour leur usage personnel, et non pour ven-
dre, doivent être exempts de tous droits de douane,
23. Les échantillons de marchandises en quantité raisonnable, et des-
tinés seulement à l'examen des acheteurs, ou renfermés hona fide ^axis,
les bagages des voyageurs de commerce et qui peuvent leur servir pour
leurs affaires, doivent être, dans l'intérêt du négoce, admis en franchise,
sous telles conditions et réserves qu'il semblera convenable d'établir.
(Rec. 11).
24. Le système d'évaluation pour les droits ad valorem est si compli-
qué, plein de si nombreux détails, et en outre paraît si peu appelé à
être adopté in extenso par plusieurs des nations ici représentées, que la
Commission a décidé de ne pas en recommander l'examen.
25. L'assiette du droit sur le poids brut des marchandises imposables
— 150 —
paraît onéreuse, mais il faut reconnaître que là où les tarifs sont calculés
en égard à la valeur insignifiante des matières employées à l'emballage
des marchandises de toute sorte, le droit sur " le poids brut " aie grand
avantage de la certitude et de l'a simplicité, et celui d'écarter toute dis-
cussion sur la tare et le poids. Du reste, les importateurs peuvent dimi-
nuer la taxe en surveillant les emballages, et en se servant, dans ce but,
d'enveloppes légères et solides. Partout où le " poids net " est exigé
pour le calcul des droits, la tare légale doit être indiquée, autant que
possible, par des tableaux ofiBciels imprimés et publiés. (Rec. 16.)
26. Les marchandises provenant d'un navire qui a fait naufrage, ou
s'est échoué, pourront être admises à entrer sans factures en douane, et
les droits seront payés par les sauveteurs ou les importateurs sur l'éva-
luation de ces marchandises, dressée par les autorités compétentes. Les
importateurs doivent avoir la faculté d'abandonner au Gouvernement
les marchandises désignées dans les factures, et sérieusement endomma-
gées par le transport sur mer, libres de tout droit, pourvu que ces mar-
chandises représentent dix pour cent de la valeur totale de la facture»
Quand les marchandises sont abandonnées aux Compagnies d'assurances,
ces dernières doivent être reconnues comme les propriétaires réguliers de
ces articles vis-à-vis de la douane. (Rec. 13.)
C. — DU SYSTÈME DES AMENDES ET AUTEES PÉNALITÉS.
27. Le droit d'imposer des amendes, ou des droits excessifs, doit avoir
pour corrolaire le droit d'appel de l'importateur à un tribunal quelcon-
que qui devra promptement examiner les faits, en tenant compte de la
bonne ou mauvaise foi de l'appelant, selon les circonstances de la cause.
L'importateur doit paraître personnellement devant ce tribunal ou se
faire représenter par mandataire, et la décision devra être rendue sans
délai. Des erreurs de plume, des négligences de peu d'importance, des
irrégularités dans les déclarations, factures ou tous autres documents des
douanes qui n'affectent pas le montant du droit imposable, ne peuvent
en elles-mêmes constituer un délit passible d'amendes et de pénalités.
(Rec. 17.)
28. La Commission est profondément convaincue qu'il y a un grand
danger, au point de vue de l'équité et de la bonne marche de l'adminis-
tration, à ce que les agents de douanes aient un intérêt quelconque dans
les condamnations et les confiscations. S'ils ont une part dans le produit
des amendes et autres pénalités, l'intérêt pécuniaire faussera leur juge-
ment et les exposera à des exactions dans leur propre intérêt. La Commis-
sion, en conséquence, recommande à toutes les nations ici représentées,,
l'adoption de lois (s'il n'en existe déjà) prescrivant le versement intégral
au Trésor, de toutes les sommes reçues par les agents des douanes et la
substitution d'un système de récompenses pour services signalés..
(Rec. 17.)
D. — PROPOSITIONS ADDITIONNELLES.
29. La Commission est convaincue des avantages qu'offrent la publica-
tion périodique et la distribution des statistiques officielles concernant
la navigation et le commerce étranger des contrées représentées à cette
Conférence. Ces statistiques servent souvent de bases indispensables aux
dispositions législatives relatives aux intérêts internationaux. (Rec. 18.)
30. Outre l'adoption de formules uniformes de statistique, la Commis-
— 151 —
sion recommande la création d'un bureau international chargé de réunir
systématiquement, et de distribuer les informations les plus utiles con-
cernant la navigation et le commerce extérieur des puissances ici réu-
nies, ainsi que les changements survenus dans les règles et les dispositions
de la législation douanière de chaque Etat.
La création de ce bureau n'entraînerait pas des frais considérables et
offrirait des avantages inappréciables. On peut citer comme exemple au
point de vue pratique et économique l'établissement du Bureau de l'Union
Postale Universelle dont le Gouvernement Suisse a la direction. On peut,
du reste, avoir une connaissance plus approfondie de la question en con-
sultant le projet de l'Union internationale pour la publication des tarifs
de douane préparés par la Conférence tenue à Brnxelles en mai 1888,
Conférence à laquelle assistaient les délégués de presque toutes les na-
tions commerçantes du globe ; et nous croyons devoir insister sur la né-
cessité d'établir une union entre les Républiques représentées à cette
Conférence pour assurer une prompte et exacte publication, à frais com-
muns, des informations commerciales les plus importantes. Pour attein-
dre le but désiré, le bureau international dont il s'agit, pourrait, avec
avantage, être placé sous la surveillance d'une des nations ici représen-
tées, qui se chargerait de traduire en anglais, en espagnol et en portu-
guais les documents utiles, et publier et distribuer tous les tarifs amé-
ricains, avec les modifications qui y seraient introduites ultérieurement.
Les pays qui ont des délégués à cette Conférence devraient s'engager à
envoyer immédiatement à ce burea,u des exemplaires de :
1. Leurs dispositions législatives concernant les douanes, avec les tarifs
à leur dernière date.
2. Leurs appréciations des effets des modifications apportées aux lois
primitives.
3. Toutes les circulaires et instructions adressées à leurs agents res-
pectifs des douanes, relatives au paiement des droits et à la classification
des marchandises d'après leurs tarifs.
4. Tous les traités de commerce, et ceux concernant les colis postaux
en vigueur ou qui seraient adoptés ultérieurement.
5. Toutes les statistiques relatives au commerce intérieur et aux pro-
duits nationaux.
Les dépenses annuelles de ce bureau seraient supportées par les puis-
sances intéressées dans la proportion du montant de leur commerce in-
térieur.
Un modèle uniforme de questionnaire, pour répondre aux renseigne-
ments demandés, sera, si la Conférence le désire, préparé pour être sou-
mis ultérieurement. (Rec. 18.)
MESURES KECOMMANDÉES.
Conformément aux conclusions ci-dessus, soigneusement étudiées,
votre Commission demande à la Conférence de bien vouloir recomman-
der à toutes les puissances ici représentées ^'adoption des mesures sui-
vantes :
1. Que des formules soient adoptées pour les manifestes de navires, à
remettre à la douane par les <;apitaines de ces navires au moment de leur
départ, et pour les manifestes complémentaires des paquebots apparte-
nant à des lignes établies, et qui devront être rédigés par les agents
résidant à terre, et déposés à la douane dans les vingt-quatre heures
— 152 —
après le départ de ces paquebots, pour servir seulement à la constatation
de la cargaison, etc., et pour lesquels, enfin, le certificat du consul ne
sera pas réclamé.
Que chaque manifeste devra indiquer le nom du navire et de son capi-
taine, les ports de départ et de destination, la description de son charge-
ment avec les marques, le nombre et le contenu supposé des colis, les
noms des consignataires et des chargeurs, mais sans indication de la
valeur.
Pour les marchandises exportées, chaque expéditeur devra 'faire et
remettre à la douane, afin de servir à l'établissement des statistiques,
un état spécial, relatant les quantités, la nature et la valeur des articles
qu'il exporte : et s'il ne satisfait pas à cette prescription, il pourra être
soumis à une pénalité.
Le capitaine du navire peut, dans les quarante-huit heures après son
entrée à la douane, modifier sa destination et continuer son voyage, à la
condition toutefois qu'aucune partie de son chargement n'ait été débar-
qué. En arrivant dans un port étranger, le capitaine du navire apparte-
nant à l'une des puissances ici représentées devra remettre aux agents
de la douane un manifeste d'entrée, contenant tous les renseignements
inscrits dans le manifeste de sortie, y compris la liste des passagers, le
rôle de l'équipage et le compte des articles en magasin restant sur le
navire. Ce manifeste sera certifié véritable par le capitaine du navire en
personne à la douane. Il ne tiendra pas lieu de factures, et le certificat
du consul ne pourra être requis. Les formules de ces états de sortie,
d'entrée et de la déclaration de l'expéditeur seront plus tard soumises
à la Conférence.
Dans le but de fournir aux G-ouvernements des renseignements ofii-
ciels concernant leur trafic d'exportation par chemin de fer avec les na-
tions voisines, toute personne délivrant des marchandises à un chemin
de fer ou à une autre compagnie de transport, pour être exportées à une
nation voisine, devra fournir un manifeste relatant la nature, la quan-
tité et la valeur de ces marchandises, et ce manifeste devra être remis
aux agents des douanes de la nation exportante, à la station la plus près
de la frontière.
2. Pour l'entrée des marchandises importées, les factures ou lettres
d'envoi devront être rédigées dans la langue et les prix indiqués dans la
monnaie de l'une ou l'autre des contrées importatrices ou exportatrices,
ou en toute monnaie actuellement admise pour les payements. On devra
déclarer le contenu et la valeur de chaque colis, dresser l'état des quan-
tités et de la valeur des marchandises, non en lettres, mais en chififres,
et cet état, ainsi rédigé, avec toutes les additions que l'importateur peut
faire à l'entrée, sera admis à la douane comme base des premières esti-
mations des droits.
Dans les pays où autrefois le certificat du consul était exigé pour les
manifestes, le certificat des factures seulement suffira et en tiendra lieu.
Les honoraires du consul pour légalisation et certificats seront fixés au
chifire uniforme de $2.50 pour chaque facture et il ne pourra être réclamé
aucun autre salaire pour les duplicata de l'original d'une facture ni
pour aucune facture n'excédant pas $100, pourvu toutefois que les fac-.
tures n'aient pas été divisées, afin d'arriver à une réduction dans la va-
leur totale.
Si, par suite de retard à la poste ou pour toute autre cause jugée
— 153 —
SiisiiiliiifHS
*rQaelerdS' déforme dont serait entaché un document c^^^^^^^
ferS: on 'pniie les laisser ouverts, pendant un certain temps, pour
'?^ e'«St dlfd;rsl'it%^^uTir.œtipri.er les
SiSSrs-ci'ë-r«,»ra^^^^^^^^
despoîts, et qu'enfin ces frais et charges ne représentent, autant que
T>ossible que le coût des services rendus. (Parag. 15.
^Touè dans tous les cas où il s'élèvera une discussion sur le taux ou
'—rto»^^^^^^^^^^^^^
iiTfu^Testri^eS-r^^^^^
— 154 —
et qu'après la décision définitive, la somme versée en trop, s'il y en a,,
soit remise à l'importateur. (Parag. 16.)
9. Que dans les principaux ports des puissances ici représentées, IL
soit adopté, aussitôt que possible, un système au moyen duquel l'impor-
tateur désirant placer ses marchandises sous la garde du gouvernement,
avant le payemeut des droits, puisse être autorisé à les emmagasiner, ai-
ses frais et à ses risques, sous la surveillance des agents de la douane.
Que, dans ce but, il soit établi des entrepôts dans lesquels les marchan-
dises puissent être emmagasinées sous scellés pendant une ou plusieurs
années, avec faculté pour l'importateur de les en retirer en tout temps
par colis entiers ou, si la marchandise est en grenier, par quantités par-
tielles de non moins d'un tonneau pesant, moyennant l'acquittement des
droits et frais afférents à la portion de ses marchandises ainsi retirées
pour la consommation ou, s'il s'agit de les exporter, sous condition d'ac-
quitter les frais de magasinage et de manutention. (Parag. 17.)
10. Que la vérification des marchandises par les agents de la douane
n'aura pour unique objet que le contrôle de la sincérité des déclarations
d'entrée et des factures, et que cette vérification devra se faire dans le
plus court délai et aux moindres frais possibles pour l'importateur. Que
là où il ne s'agira que d'appliquer des droits spécifiques,' la valeur rela-
tée dans la facture sera acceptée sans examen pour servir aux documents
de la statistique.
11. Que les échantillons sans valeur commerciale, envoyés par les-
négociants étrangers, ou apportés de bonne foi par les commis- voya-
geurs, dans le but de les faire voir, et des effets personnels, outils et
instruments professionnels apportés également par les voyageurs, pour
leur propre usage et non pour être vendus, seront admis en franchise,,
sous telles réserves que l'on jugera convenables. (Parag. 22.)
12. Que les puissances ici représentées s'entendent pour répandre dans
le plus bref délai, l'avis de l'existence sur leur territoire respectif, des
maladies contagieuses dont sera atteint leur bétail, et qu'elles pren-
nent les précautions pour empêcher la propagation par importation de
telles maladies.
13. Que toute marchandise provenant d'un navire naufragé ou échoué,
puisse être admise à l'entrée sans facture et présentée à la douane par
les sauveteurs ou les importateurs pour que les autorités compétentes ea
fassent l'évaluation, et que les droits soient payés à raison de cette éva-
luation. Que les importateurs aient la faculté d'abandonner au Gouver-
nement, sans payement de droit, toute marchandise avariée, figurant sur
une facture, pourvu que la portion abandonnée s'élève en valeur ou en
quantité à dix pour cent de la facture entière, et toutes les fois que des
marchandises sauvées d'un naufrage auront été abandonnées à une
conapagnie d'assurances, cette dernière devra être reconnue par la douane
comme le véritable propriétaire de ces marchandises. (Parag. 26.)
14. Que les marchandises pour lesquelles les importateurs auront ac-
quitté tous les droits d'entrée à leur arrivée doivent être exemptes de-
toutes autres taxes dans le pays de l'importateur. (Parag. 18, 19.)
15. Que, là oia le taux ou le montant des droits est assis sur le poids,
le poids brut soit généralement admis; et que si l'on requiert le poids-
net, la tare à déduire doit être fixée conformément à des tableaux offi-
ciels portés à la connaissance du public. (Parag. 25.)
16. Que les importateurs auxquels seraient imposés des amendes ou
— 155 —
des droits excessifs auront le droit d'appel devant une juridiction qui
devra tenir compte de leur bonne ou de leur mauvaise foi, selon les cir-
constances ; et que la décision de la dite juridiction sur le point de fait,
sera définitive, et devra être rendue aussi promptement que possible, et
que dans tous les cas où la bonne foi de l'importateur aura été reconnue,
aucune pénalité ne sera prononcée. Les agents des douanes ne devront
avoir aucune remise sur les recettes effectuées par leur administration,
toutes les sommes perçues devant être versées, y compris le montant des
amendes ou des confiscations, au Trésor public. (Parag. 27, 28.)
17, Que les puissances ici représentées s'entendent pour établir un bu-
reau international américain chargé de réunir, mettre en tableau, et
publier en anglais, en espagnol et en portugais, toutes les informations
relatives à la production et au commerce, ainsi qu'aux lois et règlements
du régime douanier de chaque Etat respectif ; que ce bureau sera établi
dans l'un de ces pays désigné à cet effet, mais dans l'intérêt commun, et
à frais communs, et qu'il fournira à chacune des puissances ici représen-
tées toutes les statistiques commerciales et tous les renseignements utiles
qui pourront lui être communiqués par les diverses républiques améri-
caiDes.
Que la présente Commission des douanes soit autorisée et invitée à
donner à la Conférence un projet d'organisation de ce bureau, et un plan
du travail qu'il sera appelé à fournir. (Parag. 29, 30.)
18. L'adoption des recommandations qui précèdent n'exigera aucun
changement dans la législation actuelle des Républiques américaines, au
cas même où cette législation renfermerait des dispositions plus larges
que celles proposées dans le présent rapport, le but de la Conférence
étant non seulement d'adopter des règles uniformes, mais aussi d'établir
des règlements plus libéraux que ceux qui sont actuellement en vigueur.
J. Alfonso.
M. EOMERO.
Climaco Calderôn.
Chas. R. Flint.
Salvatoe de Mendonça.
Manuel Aragon.
N. BoTET Peraza.
H. G. Davis.
II. — bureau d'informations.
A la réunion de la Conférence du 29 mars 1890, la résolution suivante
a été adoptée :
" Que les Gouvernements ici représentés devront s'entendre pour éta-
blir un bureau international américain, chargé de réunir, mettre en ta-
bleau, et publier en anglais, en espagnol et en portugais, toutes les infor-
mations relatives à la production et au commerce ainsi qu'aux lois et
règlements du régime douanier de chaque Etat respectif; que ce bureau
sera établi dans l'un de ces pays désigné à cet effet, mais dans l'intérêt
commun et à frais communs, et qu'il fournira à chacune des puissances
ici représentées toutes les statistiques commerciales et tous les rensei-
gnements utiles qui pourront lui être communiqués par les Républiques
américaines. Que la Commission des douanes soit autorisée et invitée à
— 156 —
soumettre à la Conférence un projet d'organisation de ce bureau, et un
plan du travail qu'il sera appelé à fournir. "
Conformément à cette résolution, la Commission a l'honneur de vous
soumettre les recommandations suivantes : •'
1. Il sera établi, par les puissances représentées à cette Conférence, une
association sous le titre de " l'Union Internationale des Républiques
Américaines pour la réunion et la distribution rapide des renseignements
commerciaux. "
2. L'Union Internationale sera représentée par un bureau établi dans
la cité de Washington, D. C, sous le contrôle du Secrétaire d'Etat des
Etats-Unis, et sera chargée de tous les travaux, de toutes les publications
et de toute la correspondance concernant l'Union Internationale.
3. Ce bureau sera désigné sous le nom de : " Bureau Commercial des
Républiques Américaines", et son organe de publicité portera le titre de
"Bulletin du Bureau Commercial des Républiques Américaines. "
4. Ce bulletin sera imprimé en langues anglaise, espagnole et portu-
gaise.
5. Ce bulletin contiendra :
(a) Les tarifs actuels de douanes des diverses nations appartenant à
l'Union, et tous les changements qui pourraient y être faits au fur et à
mesure, avec toutes les explications qui sembleraient nécessaires.
(b) Tous les règlements officiels ayant trait à l'entrée ou à la sortie
des navires, à l'importation ou à l'exportation des marchandises dans les
ports des nations représentées; également les circulaires et instructions
adressées aux agents des douanes, relativement aux opérations de cette
administration, ou à la classiflcation des marchandises.
(c) Des extraits copieux des traités de commerce ou des conventions
relatives au transport des colis postaux intervenus entre les Républiques
américaines.
(d) Les statistiques importantes du commerce extérieur et de la pro-
duction nationale, et toutes autres informations intéressant spécialement
les négociants et les armateurs des contrées ici représentées.
6. Afin de permettre au Bureau Commercial d'apporter la plus grande
exactitude dans la publication du " Bulletin", chacune des puissances
appartenant à cette Union devra adresser directement au bureau, et
sans délai, deux copies de tous les documents oflûciels qui peuvent avoir
trait aux matières dont s'occupera l'Union, tels que tarifs de douanes,
circulaires officielles, traités ou conventions internationales, règlements
locaux, et, autant que possible, statistiques complètes du commerce, des
produits nationaux et des ressources du pays.
7. Ce bureau devra toujours être un centre de renseignements et de
correspondance pour toutes les personnes désirant avoir des informations
sur les points concernant les tarifs et règlements douaniers, ainsi que. sur
le commerce et la navigation des Républiques américaines.
8. La forme et le style de ce " Bulletin" seront arrêtés par le Bureau
Commercial, et chaque numéro devra être tiré au moins à raille exem-
plaires. Et afin que les agents diplomatiques et consulaires, les chambres
de commerce et autres personnes marquantes puissent recevoir prompte-
ment ce "Bulletin, " chaque membre de l'Union pourra donner au bureau
les adresses des personnes auxquelles il devra être envoyé aux frais de
ce Bureau.
— 157 —
9. Chaque pays appartenant à l'Union Internationale recevra un cer-
tain nombre d'exemplaires de chaque numéro du " Bulletin," et ce nom-
bre sera proportionné au chiffre de sa population.
Des exemplaires de ce " Bulletin " pourront être vendus, s'il y en a
de disponibles, au prix fixé par le bureau.
10. Tout en demandant que le plus grand soin soit apporté pour
obtenir une exactitude absolue dans les informations publiées par le
bureau, l'Union Internationale n'assumera aucune responsabilité pécu-
niaire à raison des erreurs ou des négligences qui pourraient se glisser
dans la rédaction du " Bulletin." A cet effet, un avis sera inséré, lisible-
ment, à la première page de chaque numéro du " Bulletin."
11. Le maximum des dépenses qui pourront être faites pour établir
et maintenir ce bureau ne devra pas dépasser 36,000 dollars par année^
et le tableau suivant indique le détail des frais de cette organisation,
sujette à subir telles modifications qui paraîtront désirables :
Un directeur chargé du bureau (indemnité) $5,000
Un secrétaire 3,000
Un comptable 2,200
Un commis expéditionnaire 1,800
Un autre commis, écrivant à la machine .1 ,600
Un traducteur (espagdol et anglais) 2,500
Un " " _''_ 2,000
Un " (portugais et anglais),.. , 2,500
Un courrier 800
Un portier 600
Total $22,000
DÉPENSES DU BUREAU.
Loyer des appartements devant comprendre une salle pour
le directeur, une salle pour le secrétaire, une autre pour
les traducteurs, une autre pour les commis, etc., et enfin
une pièce pour la librairie et les archives $3,000
Eclairage, chauffage, nettoyage, etci 500
Total $3,500
PUBLICATION DU BULLETIN.
Impression, papier et autres dépenses $10,000
Frais de poste, de compagnies express et autres
dépenses 500
Total $10,500
12. Le Gouvernement des Etats-Unis, par l'intermédiaire du Secré-
taire d'Etat, avancera à l'Union Internationale la somme de 36,000 dol-
lars, ou telle partie de cette somme qui sera requise pour subvenir aux
frais du bureau commercial pendant sa première année, et pareille
somme chaque année successive tant que subsistera cette Union.
13. Au 1er juillet 1891, et au 1er juillet de chacune des années suivantes
— 158 —
pendant l'existence de l'Union, le directeur du bureau transmettra à cha-
cun des Gouvernements faisant partie de l'Union, un état détaillé des dé-
penses faites pour réaliser les intentions de l'Union, jusqu'à concurrence,
mais non au delà de 36,000 dollars, et fixera la quote-part incombant à
chaque Gouvernement dans la dépense totale, d'après la proportion de
la population de ce Gouvernement comparée au chiffre total des habi-
tants des nations faisant partie de l'Union, et chaque Gouvernement
devra faire tenir promptement au Secrétaire d'Etat des Etats-Unis, en
argent ou en équivalent, le montant de la somme fixée pour sa quote-
part par le directeur du bureau. Pour évaluer la population de chacune
des nations appartenant à cette Union, le directeur du Bureau sera auto-
risé à se servir des dernières statistiques officielles en sa possession. La
première répartition sera faite conformément au tableau suivant :
Contrées. Population. Taxe».
Haïti 500,000 $187 50
Nicaragua 200,000 75 00
Pérou 2,600,000 975 00
Guatemala 1,400,000 525 00
Uruguay 600,000 225 00
Colombie 3.900,000 1,462 50
République Argentine 3,TO,000 1,462 50
Costa-Rica 200,000 75 00
Le Paraguay 250,000 93 75
Le Brésil 14,000,000 5,250 00
Honduras 350,000 13125
Le Mexique. 10,400,000 3,900 00
La Bolivie 1,200,000 450 00
Les Etats-Unis 50,150,000 18,806 25
Le Venezuela 2,200,000 825 00
Le Chili 2,500,000 937 50
San-Salvador 650,000 243 75
L'Equateur 1,000,000 375 00
Totaux 96,000,000 $36,000 00
14. Pour éviter tout retard dans l'organisation de l'Union ci-dessus in-
diquée, les Délégués réunis en cette Conférence communiqueront immé-
diatement à leurs Gouvernements respectifs le projet d'établissement et
le mode de procéder adopté par la Conférence, et demanderont à leurs
Gouvernements respectifs de notifier au Secrétaire d'Etat des Etats-
Unis, par l'entremise de leurs représentants accrédités à la capitale de
ce pays, ou autrement, leur adhésion ou leur non adhésion, selon le cas,
aux propositions sus- énoncées.
15. Le Secrétaire d'Etat des Etats-Unis est requis d'organiser et d'é-
tablir le Bureau Commercial aussitôt que possible après que la majorité
des puissances ici repiésentées lui aura signifié officiellement qu'elles
adhèrent à l'Union Internationale.
16. Des amendements et modifications au plan de l'Union pourront
être apportés en tout temps, pendant son existence, par un vote, offi-
ciellement communiqué au Secrétaire d'Etat des Etats-Unis, de la ma-
jorité des membres de l'Union.
17. La durée de l'Union sera de dix années à partir du jour de son
— 159 —
organisation, et aucune nation entrant dans l'Union ne pourra cesser d'en
faire partie avant l'expiration de cette période de dix ans. A moins que
douze mois avant l'expiration delà dite période, la majorité des membres
de l'Union ne notifie officiellement au Secrétaire d'Etat des Etats-Unis
son intention de faire cesser l'Union à la fin de la première période,
l'Union sera maintenue pour une seconde période de dix ans, et ainsi de
suite, sous la même condition, par périodes successives de dix ans.
José Alfonso.
M. ROMERO.
N. Bolet Pekaza.
Salvadoe de Mendonça.
H. G. Davis.
Chas. R. Flinï.
A-ND^EXE No. 11.
CONFÉRENCE INTERNATIONALE AMÉRICAINE
RAPPORT SUR LES RÈGLEMENTS SANITAIRES
A Vhonorable Conférence Internationale Américaine :
La Commission désignée pour " examiner les meilleurs moyens d'éta-
blir et de faire exécuter les règlements sanitaires dans le commerce entre
les diverses nations représentées à qette Conférence" a rempli sa tâche,
et, en conséquence, elle a l'honneur de soumettre à votre appréciation
éclairée et à votre adoption la résolution suivante, à laquelle elle a joint
comme pièces annexes, le texte complet des procès-verbaux de la Con-
vention Sanitaire Internationale de Rio-Janeiro de 1887 et le projet de
Convention admis par le Congrès Sanitaire de Lima en 1889.
L'un des plus importants sujets soumis à l'honorable Conférence, est
sans aucun doute, de trouver le moyen de prévenir les conflits qui peu-
vent naître, lors de l'invasion d'une épidémie, entre les divers règlements
sanitaires que les nations américaines ont adoptés pour se défendre con-
tre cette invasion.
Si le but des règlements de police sanitaire a été de concilier les exi-
gences de la santé publique avec le principe de la libre communication
entre les peuples, il est évident que les Conventions Sanitaires Interna-
tionales sont appelées à favoriser et à mettre en pratique cet accord au
moyen de règles uniformes et impartiales, qui devront tenir compte des
intérêts généraux des nations dans leurs relations commerciales.
La Commission a examiné avec soin les travaux des Conférences et
Congrès spéciaux qui se sont réunis à diverses reprises sur plusieurs
points du globe. Elle croit avoir rempli sa mission en faisant un choix
entre les travaux qui sont le résultat des études les plus approfondies
faites par les sommités de la science médicale en Europe aussi bien que
dans l'Amérique.
— 160 —
S'isoler complètement, ce qui paraît en théorie devoir être le remède pro-
phylactique le plus efficace contre les maladies épidémiques, ne donne pas
en pratique des résultats satisfaisants, comme mesure sanitaire. D'un au-
tre côté ce système cause un préjudice considérable aux intérêts commer-
ciaux des peuples. L'éminent professeur, Dr. Francisco Rosas, président
du Congrès Sanitaire de Lima, s'exprime en ces termes sur ce point:
" Il est scientifiquement démontré par des exemples innombrables que
la clôture des ports et des frontières ne peut arrêter la marche des épi-
démies ; qu'elles pénètrent et se développent avec la plus grande vio-
lence dans les pays qui prétendent s'isoler eux-mêmes, parce que, se
croyant à l'abri du danger, ils négligent l'emploi des moyens propres à,
enrayer le développement de ces épidémies, et surtout à en atténuer les
ravages. "
Mais si l'isolement absolu, comme remède prophylactique, n'est qu'une
illusion, il n'en est pas de même des méthodes sanitaires que la science
moderne nous offre pour la désinfection des localités affectées, aussi bien
que pour prévenir l'envahissement et le développement de la contagion.
La Commission ne veut point s'appesantir sur ce côté du sujet, parce
que la Convention signée à Rio- Janeiro, ainsi que le projet du Congrès de
Lima dont les dispositions sont recommandées à votre adoption, part de
ce principe fondamental, que la fermeture absolue des ports et frontières,
doit être abandonnée, par la raison que l'adoption de ce procédé suppri-
merait la nécessité des Conventions Sanitaires Internationales.
Les travaux de la Convention de Rio-Janeiro et du Congrès de
Lima ont épuisé, pour ainsi dire, le sujet soumis à notre attention, et au
point de vue de l'exactitude, de la clarté et du soin avec lesquels ils ont
été rédigés, ils peuvent servir de modèle, comme forme et comme idées
générales, pour la rédaction de Conventions Sanitaires. En conséquence,
la Commission croit devoir se borner à recommander que ces actes soient
pris en considération par l'honorable Conférence Internationale Améri-
caine.
KECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAK LA CONFÉRENCE.
La Conférence Internationale Américaine,
Considérant :
Que dans l'état actuel des relations existant entre les nations de l'Amé-
rique, il est à la fois sage et utile, dans l'intérêt du développement de-
ces rapports, d'établir un accord complet dans les règlements sanitâ.ires.
Que pour la plupart, les ports de l'Amérique du Sud sur la côte de
l'Atlantique ont adopté et appliquent les décisions de la Convention Sa-
nitaire Internationale de Rio-Janeiro de 1887.
Que, quoique les plans proposés par le Congrès de Lima ne semblent,
pas encore appartenir à la catégorie des traités internationaux, il y a lieu
d'espérer qu'ils seront bientôt acceptés par les Gouvernements qui ont
pris part à ce Congrès, parce que ces propositions ont été discutées et.
approuvées par des médecins compétents et de grand mérite.
Que la Convention Sanitaire de Rio-Janeiro de 1877, et le projet
émanant du Congrès de Lima de 1888 sont d'accord, dans leurs clauses
essentielles, à un tel point qu'on peut dire qu'elles ne forment qu'un seul
corps de principes et de règlements.
Que si ces règlements étaient strictement observés dans toute l'Amé-
rique, on pourrait écarter, en toutes circonstances, le conflit qui s'éleva
— 161 —
habituellement entre l'obligation de garantir la santé publique et le
principe de libre communication entre les nations.
Que les puissances de l'Amérique du Nord et de l'Amérique Centrale
notaient pas représentées à la Convention Sanitaire de Eio- Janeiro, ni
au Congrès de Lioaa ; mais qu'elles peuvent aisément accepter et faire
appliquer à leurs ports respectifs sur les deux Océans les règlements sa-
nitaires ci-dessus mentionnés.
Eecommande aux nations représentées à cette Conférence l'adoption
des mesures prescrites par la Convention Sanitaire Internationale de
Eio- Janeiro en 1887 et le projet de Convention Sanitaire du Congrès de
Lima de 1888.
APPENDICE.
CONVENTION DE EIO-JANEIKO.
Nous, Maxime Tajes, lieutenant-général, président de la République
Orientale de l'Uruguay, à tous ceux qui ces présentes verront, savoir fai-
sons :
Que les 25^6 et 26me jours de novembre de l'année mil-huit-cent-quatre-
vingt-sept, il a été conclu et signé entre notre plénipotentiaire et ceux
de la République Argentine et de l'empire du Brésil, revêtus de pleins
pouvoirs à cet effet, une Convention Sanitaire Internationale, et une
ordonnance correspondante, dont suit la teneur littérale :
Son Excellence le Président de la République Orientale de l'Uruguay,
Son Altesse la Princesse impériale Régente, au nom de Sa Majesté l'Em-
pereur du Brésil, et Son Excellence le Président de la République Argen-
tine, ayant résolu de se lier par une Convention Sanitaire, ont nommé à
cet effet pour leurs plénipotentiaires, savoir :
Son Excellence le Président de la République Orientale de l'Uruguay,
(le nommé) Don Carlos Maria Ramirez, envoyé extraordinaire et minis-
tre plénipotentiaire en mission près de Sa Majesté l'Empereur du Brésil;
Son Altesse la Princesse Impériale Régente (le nommé) le baron de
Cotegipe, membre du Conseil de Sa Majesté l'Empereur du Brésil, séna-
teur et grand de l'Empire, membre de l'Ordre impérial du Croizier, com-
mandeur de l'Ordre de la Rose, grand- croix des Ordres de Notre-Dame de
la Conception, de Villa- Viciosa, d'Isabelle la Catholique, de Léopold de
Belgique, et de la Couronne d'Italie, président du Conseil des Ministres,
et ministre-secrétaire d'Etat des affaires étrangères et de l'intérieur;
Son Excellence le Président de la République Argentine, (le nommé)
Don Enrique B. Moreno, envoyé extraordinaire et ministre plénipoten-
tiaire près de Sa Majesté l'Empereur du Brésil;
Lesquels, après s'être réciproquement communiqué leurs pleins pou-
voirs et les avoir reconnus en bonne et due forme, ont adopté les articles
suivants :
Article premier.
Les trois hautes parties contractantes sont d'accord pour adopter les
définitions suivantes :
Maladies contagieuses exotiques. — La fièvre jaune, le choléra morbus^
la peste asiatique.
Port infecté. — Celui où l'une des maladies mentionnées existe sous la
forme épidémique.
— 162 —
Port suspect. — 1" Celui dans lequel il s'est produit quelques cas isolés
de maladies contagieuses ; 2° celui qui est eu communication aisée et
fréquente avec les places infectées ; 3? celui qui ne prend pas pour sa
sauvegarde contre les ports infectés, des précautions suffisantes d'apràs
les principes de cette convention.
La déclaration qu'un port est infecté ou suspect sera faite par chaque
Gouvernement, le cas échéant, sur le rapport du chef du service sanitaire
de la marine, et officiellement publiée.
Navire infecté. — Celui où s'est produit un cas de maladie contagieuse.
Navire suspect. — 1° Celui qui vient d'un port infecté ou suspect, n'eût-
il eu à son bord, pendant le voyage aucun cas de maladie contagieuse ;
2° celui qui, parti d'un port sain, a touché à un port infecté ou suspect,
sauf le cas prévu au paragraphe 10 de l'article 8 ; 3° celui qui, durant le
voyage ou à son arrivéecommunique avec unautre navire venant d'un port
dont l'état sanitaire est inconnu ou d'un port infecté ou suspect ; 4° celui
à bord duquel sont survenus des décès provenant de causes inconnues, ou
à bord duquel ont éclaté plusieurs cas d'une même maladie ; 5" celui qui
n'apporte pas une patente nette du port de départ, ou des ports inter-
médiaires, dûment visée dans ces ports par les consuls des pays de des-
tination ; 6° celui qui, ayant été mis en quarantaine ou soumis à un
régime sanitaire spécial dans une des stations de quarantaine des trois
nations contractantes, arrive dans un autre port sans être muni de certi-
ficats internationaux de son admission à la libre pratique.
Objets suspects ou objets capables de retenir et propager les germes de la
contagion. — Ce sont les bardes et vêtements, chiflbns, matelas, et tous
objets à l'usage et au service de la personne, aussi bien que les valises,
les malles ou les caisses où ces objets sont enfermés, et aussi les peaux
non tannées. Les autres articles, non spécifiés ci-dessus, notamment les
animaux vivants, ne doivent pas être regardés comme suspects.
Article 2.
Les Gouvernements des trois nations contractantes établiront leur
service sanitaire respectif en conformité complète avec la stipulation de
la présente Convention.
Les chefs des dits services sanitaires devront correspondre entre eux
chaque fois que cela sera nécessaire, et chacun d'eux aura la faculté de
faire aux autres telles suggestions qui lui sembleront utiles dans l'intérêt
du service.
Pour l'administration des services sanitaires, il sera fait un règlement
international assurant l'uniformité des règles tant générales que spéciales
à observer par les trois Etats.
Article 3.
Les hautes parties contractantes sont convenues : 1° d'établir les sta-
tions de quarantaine nécessaires en observant qu'il ^ist préférable que
les bâtiments des lazarets soient construits sur des îles ; 2° d'organiser
et de maintenir pendant la durée des épidémies, au moins une station
flottante de quarantaine ; 3° d'établir encore, à côté des quarantaines
sur terre ferme, des hôpitaux flottants pour le traitement des personnes
atteintes d'épidémies exotiques, soit sur les navires arrivants, soit sur
ceux déjà à l'ancre, soit enfin dans les stations de quarantaine ; 4° de
considérer comme_obligatoires et conformes au but que se propose cette
— 163 —
■convention les quarantaines et les mesures sanitaires imposées dans les
stations de quarantaine des trois Etats contractants, pourvu que ces me-
sures soient autorisées officiellement et par actes en due forme de l'au-
torité compétente ; 5° de s'abstenir de fermer leurs ports respectifs, et
d'en refuser l'entrée à aucun navire, quel que puisse être l'état sanitaire
régnant à bord.
Article 4.
Aucun navire venant de ports étrangers ne devra être admis à la libre
pratique dans les ports du Brésil, de la République Argentine et de
l'Uruguay sans avoir été d'abord soumis à une visite sanitaire qui sera
effectuée par les autorités compétentes, excepté dans le cas prévu au
paragraphe 10 de l'article 8. Dans cette visite, les dites autorités devront
faire toutes les investigations nécessaires pour s'assurer des véritables
conditions sanitaires du bord, et déterminer le traitement que l'on devra
appliquer au navire, et dont avis sera donné au capitaine par écrit.
Article 5.
Pour l'exécution des prescriptions de l'article qui précède, les hautes
parties contractantes sont d'accord pour distinguer trois classes de na-
vires : 1° les paquebots transportant moins de cent passagers d'entre-
pont; 2° les paquebots pour le transport des émigrants, c'est-à-dire les
steamers, qu'ils portent ou non les dépêches, pouvant recevoir plus de
cent passagers d'entrepont ; 3° et les navires à voiles.
Les navires de la première et de la seconde classe devront avoir un
médecin à bord et être pourvus de :
Une étuve à vapeur pour désinfecter;
Un approvisionnement suffisant de désinfectants et d'instruments de
•désinfection, conformément aux règlements sanitaires internationaux;
Un livre de pharmacie sur lequel seront inscrites les quantités et la
nature des médicaments existant à bord, au départ du navire de son
premier port d'expédition, ainsi que les approvisionnements supplémen-
taires qu'il aura reçus dans les ports intermédiaires;
Un livre d'enregistrement des prescriptions médicales;
Un livre de clinique dans lequel seront notés, avec les plus grands
détails, tous les cas de maladie survenus à bord et le traitement appli-
qué à chaque cas respectivement;
Une liste indiquant le nombre, l'âge, le sexe, la nationalité, la pro-
fession et la résidence de chaque passager;
Le rôle des officiers et de l'équipage;
Le manifeste de la cargaison.
Les livres mentionnés dans le paragraphe précédent devront être tou-
jours ouverts, visés et paraphés sur chaque feuillet par le consul de
l'une des parties contractantes au port de départ ; les feuilles se réfé-
rant à chaque voyage devront être closes par les autorités sanitaires du
port de destination.
Les capitaines de navires n'auront aucun droit à payer pour la légali-
sation officielle des dits registres.
Tous les papiers des navires seront remis à l'autorité consulaire pour
être examinés au port de départ, ainsi qu'aux autorités sanitaires au
port de destination; il appartient à la première de ces autorités d'indi-
quer sur la patente de santé, en y apposant son visa, la présence ou l'ab-
— 164 —
sence totale ou partielle des registres et des listes énumérées dans le
premier paragraphe de cet article.
Article 6.
Tous les navires à destination des ports de l'une des trois parties con-
tractantes devront être munis d'une patente de santé, délivrée par l'au-
torité sanitaire du port de départ, visée dans le port ou dans les ports
intermédiaires par les consuls des pays de destination. La dite patente
devra être présentée aux autorités sanitaires dans cliaque port intermé-
diaire des trois Etats pour être visée ; elle sera remise aux autorités
sanitaires du dernier port où le navire touchera.
1. Le certificat sanitaire, autrefois délivré par les consuls, ne sera
plus nécessaire ; il est remplacé par le visa de la patente de santé, lequel
visa sera soumis à un droit consulaire.
2. Le visa du consul sera écrit sur le verso de la patente et légalisé
par l'apposition du sceau consulaire.
3. Lorsque, d'après les informations recueillies et l'examen attentif de
l'exactitude des faits, le consul n'aura aucune observation à faire sur
les déclarations de la patente de santé, elle sera simplement visée; autre-
ment, le consul devra, de sa main, insérer à la suite de son visa les
observations qu'il jugera nécessaires en rectification des assertions de
la patente de santé.
Les patentes de santé qui auront subi des rectifications à la suite du
visa consulaire dans le premier port de l'une des trois puissances con-
tractantes où le navire aura touché devront être accompagnées d'un
certificat signé par les autorités du dit port, attestant les mesures
sanitaires auxquelles le navire aura été soumis. La remise de ce certi-
ficat sera mentionnée au-dessous du visa.
4. Les consuls, dans les ports de départ, devront s'enquérir, par tous
les moyens possibles, de l'état sanitaire du district ou tout au moins
du port, et devront se mettre immédiatement en rapport, en cas de cor-
rection de la patente de santé, avec les autorités sanitaires de leur pro-
pre pays, qui aviseront celles des autres nations contractantes des mo-
tifs et des raisons de cette correction.
5. Les navires, touchant aux ports des trois nations contractantes,
devront se munir, dans chacun de ces ports, d'une patente de santé.
Ces patentes devront être remises par le capitaine du navire aux auto-
rités sanitaires du dernier port où le navire se rendra.
6. Les hautes parties contractantes distinguent deux espèces de
patentes de santé : la patente nette et la patente chargée. La patente
nette est celle qui ne relève aucun cas de maladie contagieuse exotique
dans le port de départ ou dans les ports intermédiaires, et la patente
chargée est celle qui indique des cas épidémiques ou isolés d'une mala-
die de cette catégorie.
7. Les navires de guerre des nations amies recevront gratuitement
leurs patentes de santé.
Article 7.
Chacune des hautes parties contractantes établira, sur son territoire
et en due forme constitutionnelle, un corps d'inspecteurs sanitaires de
navires, composé de médecins spécialement chargés de veiller, à bord
des vaisseaux sur lesquels ils auront été embarqués, à l'observance des
règlements arrêtés dans l'intérêt de la santé des passagers et de l'équi-
— 165 —
page ; et de relever toutes les circonstances du voyage afin d'en faire
rapport anx autorités sanitaires du port de destination.
1. Les inspecteurs sanitaires de navires seront des fonctionnaires des
districts sanitaires maritimes des pays auxquels ils appartiennent.
2. Les inspecteurs sanitaires de navires seront nommés au concours
parleurs Gouvernements; la désignation des inspecteurs qui devront
s'embarquer appartiendra aux chefs du service sanitaire correspondant.
3. Le règlement sanitaire international indiquera le programme et
les conditions du concours, ainsi que les obligations et les pouvoirs des
inspecteurs sanitaires des navires.
Article 8.
Dans les ports de chacun des Etats contractants, il sera établi deux
sortes de quarantaines : la quarantaine d'observation et la stricte qua-
rantaine.
1. La quarantaine d'observation consistera dans la détention du navire
pendant le temps nécessaire pour faire une visite sanitaire et les investi-
gations prescrites.
2. La stricte quarantaine aura deux buts : 1° Constater si, parmi les
passagers venant d'un port infecté ou suspect, il ne s'en trouve aucun
qui soit atteint d'une maladie contagieuse en voie d'incubation; 2? de
faire désinfecter tous les objets susceptibles de conserver et de trans-
mettre les germes de la contagion.
3. La stricte quarantaine doit être appliquée : aux navires infectés et
aux navires à bord desquels il serait survenu des cas d'une maladie non
déterminée, ou qui ne pourrait être suffisamment examimée lors de la vi-
site des autorités sanitaires.
4. La durée de la stricte quarantaine dépendra du maximum de temps
d'incubation de la maladie contagieuse qu'il s'agit de prévenir, c'est-à-
dire dix jours pour la fièvre jaune, huit jours pour le choléra, et vingt
jours pour la peste asiatique. Ce temps d'incubation peut être compté de
deux manières : 1° de la date du dernier cas de maladie survenu pen-
dant le voyage, et 2° de la date du débarquement des passagers à la
station de quarantaine.
5. La stricte quarantaine commencera à partir de la date du dernier
cas de maladie survenu pendant le voyage, dans les trois circonstances
suivantes : 1° si le navire s'est conformé aux prescriptions des paragra-
phes 1, 2 et 3 de l'article 5 ; 2° si il y a à bord un inspecteur sanitaire
qui aura certifié la date exacte de la fltn du dernier cas, l'observation de
toutes les mesures de désinfection indiquées dans les instructions que
l'inspecteur aura reçues du chef du service sanitaire, conformément au
règlement international, et le parfait état actuel de la santé à bord;
3° si les autorités sanitaires locales confirment l'exactitude du rapport.
6. Si sous les conditions spécifiées dans le paragraphe précédent, le
temps écoulé entre le dernier cas et l'arrivée du navire est égal au
maximum de la période d'incubation de la maladie contagieuse, ou plus
long que cette période, les passagers seront admis à la libre pratique,
aussi bien que le navire, pourvu que ce dernier ne contienne pas d'objets
suspects.
Si le navire contient des objets suspects qui, ayant besoin d'être désin-
fectés, n'ont pas subi cette formalité, l'admission à la libre pratique du
navire ne pourra avoir lieu que lorsque la désinfection de ces articles
aura été complètement effectuée.
— 166 —
Dans les autres cas, le navire et les passagers seront soumis à la stricte
quarantaine.
7. Si le temps écoulé depuis le dernier cas de maladie contagieuse n'a
pas atteint le maximum de la période d'incubation, et si le navire est
dans le cas prévu au paragraphe 5, les voyageurs pourront être soumis
à une quarantaine supplémentaire de la durée nécessaire pour compléter
le nombre de jours exigé pour le maximum de la dite période d'incuba-
tion. Cette quarantaine supplémentaire se fera à bord du navire, s'il n'y
a pas de locaux disponibles à la station de quarantaine.
8. Si le navire, au moment de son arrivée, a quelques personnes à
bord atteintes de maladie contagieuse, ces personnes devront être pla-
cées dans l'hôpital flottant, et les passagers subiront la quarantaine dans
la station flottante à ce destinée. La durée de la quarantaine, en ce cas,
devra être comptée à partir plus haut.
Cette patente devra être soumise au visa des autorités sanitaires des
ports des nations contractantes auxquels le navire peut toucher, et elle
sera remise aux autorités du dernier port de destination.
1. La certification des patentes de sauté sera soumise au payement
d'un droit consulaire.
2. Le visa consulaire sera donné au verso de la patente de santé et lé-
galisé par l'apposition du sceau du consulat.
3. Lorsque, après informations et connaissance sérieuse des faits, le
consul n'aura aucune remarque à faire au sujet des déclarations de la.
— 172 —
patente de santé, elle sera simplement visée ; s'il en est autrement, le
consul écrira de sa main, au-dessous du visa, les observations qu'il croira
devoir faire en rectification de ces déclarations.
Les patentes ainsi rectifiées, après avoir été certifiées au premier port
des nations contractantes où le navire touchera, devront être accompa-
gnées (l'un bulletin de santé signé par les autorités sanitaires du même
port, et dans lequel sera indiqué le traitement auquel le navire aura été
soumis.
La remise de ce bulletin sera mentionnée au-dessous du visa.
4. Les consuls des nations contractantes aux ports de départ devront
s'efforcer de connaître par l'entremise des autorités sanitaires de la loca-
lité, ou par tous autres moyens en leur pouvoir, les conditions sanitaires
exactes de ces ports, et dans le cas où ils rectifieraient la patente de santé,
ils devront informer aussitôt les autorités sanitaires de leurs pays, qui
donneront de suite avis des motifs de la rectification aux autres nations
contractantes.
5. Si les rectifications mentionnées au paragraphe 3 doivent être faites
par les consuls de plusieurs des nations contractantes, la patente de
santé devra être communiquée par les autorités sanitaires du premier
port où le navire aura touché à celles du premier port de la nation voi-
sine, et par ces dernières autorités à celles des ports suivants, toujours
accompagnée d'un bulletin de santé.
6. Les navires à destination de ports appartenant à différentes nations
devront se procurer successivement, dans chacun de ces ports, des bulle-
tins de santé que le capitaine remettra aux autorités du dernier port
d'arrivée.
7. Les nations contractantes reconnaissent deux espèces de patentes:
la patente nette et la patente chargée. La patente nette est celle qui ne
relate aucun cas de maladie exotique pestilentielle au port de départ ou
aux ports de relâche, et la patente chargée est celle qui mentionne des
cas isolés ou épidémiques des dites maladies.
. 8. Les vaisseaux de guerre des nations amies recevront leurs patentes
de santé sans aucun frais.
Article 11.
Les nations contractantes sont d'accord pour créer un corps d'inspec-
teurs de navires, composé de médecins salariés par leurs G-ouvernements
respectifs. Leur mission spéciale à bord des navires qui leur seront assi-
gnés sera de veiller à l'observation des mesures prescrites en faveur de
la santé des passagers et de l'équipage ; ils devront aussi noter tous les
incidents qui pourront survenir au point de vue sanitaire pendant le
voyage et en faire uu rapport aux autorités sanitaires du port de desti-
nation.
1. Les inspecteurs des navires seront des fonctionnaires du service sa-
nitaire de la marine de leurs pays respectifs, et seront sous les ordres de
leurs chefs respectifs, dont les instructions devront être fidèlement rem-
phes.
2. Les inspecteurs des navires seront nommés par le Gouvernement
par voie de concours ; et la désignation des navires sur lesquels ils seront
placés appartiendra aux chefs des services sanitaires respectifs.
3. Le programme et les conditions du concours seront déterminés par
— 173 —
les règlements sanitaires internationaux, ainsi que les charges et les pou-
voirs des inspecteurs placés à bord, des navires.
Article 12.
Les parties contractantes sont d'accord pour établir dans leurs ports
respectifs deux espèces de quarantaine:
(a) Une quarantaine stricte.
(&) Une quarantaine d'observation.
1. La quarantaine fixe consistera dans l'isolement rigoureux du navire
pendant tout le temps exigé pour la désinfection et l'assainissement des
objets infectés par le choléra, la fièvre jaune ou la peste d'Orient, et pen-
dant la durée maximum de la période d'incubation de ces maladies pes-
tilentielles.
2. La quarantaine d'observation consistera dans l'isolement rigoureux
du navire pendant le temps nécessaire pour faire à son bord une inspec-
tion sanitaire, et pendant la durée maximum de la période d'incubation
des maladies exotiques pestilentielles, au cas où le naviie a été à la mer
moins de huit jours s'il s'agit de choléra, moins de dix jours s'il s'agit de
la fièvre jaune, et enfin moins de vingt jours, s'il s'agit de la peste d'O-
rient.
3. La stricte quarantaine devra être appliquée :
1° Aux navires infectés ;
2° Aux navires à bord desquels seront survenus des cas de maladie
non spécifiées et dont, lors de la visite sanitaire, on n'a pas eu connais-
sance ;
3° Aux navires, quittant des ports dans lesquels existent des maladies
pestilentielles, si ces navires n'ont pas rempli les formalités sanitaires
exigées au point de départ, ou durant le voyage, lors même qu'il n'y au-
rait eu à bord aucun cas réel ou présumé de maladie pestilentielle.
4. La durée de la quarantaine stricte sera déterminée par le maximum
de la période d'incubation des maladies pestilentielles, savoir : huit jours
pour le choléra asiatique, dix jours pour la fièvre jaune, et vingt jours
pour la peste d'Orient.
Ce délai devra être compté de deux manières :
1° De la date du dernier décès causé par ces maladies pestilentielles,
ou de la guérison du dernier cas de ces mêmes maladies survenues à
bord pendant la durée du voyage ;
2° De la date de débarquement des passagers à l'hôpital de quaran-
taine.
5. La stricte quarantaine partira de la date à laquelle a pris fin, par
décès ou par guérison, le dernier cas de maladie pestilentielle survenu à
bord pendant le voyage, lorsque :
(a) Le navire appartient à la première classe;
Ib) L'inspecteur sanitaire des navires, résidant à bord, certifiera la
date précise du dernier cas de maladie, l'observation rigoureuse de toutes
les mesures de désinfection prescrites dans les instructions que l'inspec-
teur aura reçues de ses chefs, et l'état parfait de la santé à bord.
Dans l'un et l'autre cas, il ne sera donné suite aux prescriptions conte-
nues dans cet article, qu'à condition que les autorités sanitaires auront
vérifié l'exactitude des informations données.
6. Lorsque, après la terminaison du dernier cas de maladie, la durée du
voyage du navire aura égalé ou dépassé le maximum de la période d'in-
— 174 —
•cubation des maladies pestilentielles, le navire sera soumis à une qua-
rantaine d'observation de quarante-huit heures.
7. Si le temps écoulé depuis le dernier cas de maladie pestilentielle est
moins long que le maximum de la période d'incubation, et que le navire
appartienne à la première classe, ce navire ne pourra être admis à la libre
pratique qu'après une quarantaine d'observation, dont la durée sera du
nombre de jours nécessaires pour compléter ledit terme du maximum
de la période d'incubation. Si le voyage, après la terminaison du dernier
cas de maladie, avait eu une durée égale au maximum de la période
d'incubation moins un jour, le navire ne sera cependant admis à la libre
pratique que quarante-huit heures après l'expiration du maximum de
cette période d'incubation. La quarantaine sera subie par les passagers
dans l'hôpital de quarantaine, à moins que cet hôpital ne puisse les rece-
voir, auquel cas, la quarantaine sera subie à bord du navire.
8. Si, au moment de l'arrivée, il y a à bord quelques cas de maladies
pestilentielles, les personnes atteintes seront transférées à l'hôpital flot-
tant, et les passagers soumis à la quarantaine dans l'hôpital de qua-
rantaine. Dans ce cas, la quarantaine commencera à partir du jour de
l'entrée des passagers à l'hôpital.
Le navire et la cargaison devront être aérés et désinfectés conformé-
ment aux prescripti(ms des règlements sanitaires internationaux.
9. Les navires de la seconde classe seront soumis aux règles énoncées
dans le paragraphe précédent lorsqu'il sera survenu à leur bord des cas
de maladies pestilentielles, même si ces maladies n'existaient plus au
moment de leur arrivée.
10. Les vaisseaux suspects, dont le voyage se sera fait en moins de
temps que la durée maximum de la période d'incubation des maladies
contagieuses, ne seront admis à la libre pratique qu'autant qu'ils auront
subi une quarantaine d'observation, dont la durée sera du nombre de
jours nécessaires pour compléter le maximum de la période d'incubation.
Si le voyage prenait lin la veille du dernier jour de la période maximum
d'incubati(m des maladies pestilentielles, ces navires ne seront admis à
la libre pratique que quarante-huit heures après l'expiration du dit
délai dans le cas où ils viendraient d'un port infecté, et vingt-quatre
heures après l'expiration du même délai dans les autres cas.
11. Les navires suspects qui, pour accomplir leur traversée, mettront
un temps plus long que le maximum de la période d'incubation de la
maladie pestilentielle dont on veut se garantir, seront admis à la libre
pratique après une quarantaine d'observation de quarante-huit heures
s'ils viennent d'un port infecté, et seulement de vingt-quatre heures
dans les autres cas.
Pendant cette quarantaine, les inspections prescrites par les règle-
ments sanitaires internationaux devront être effectuées.
Article 13.
La déclaration qu'un port est infecté aura pour conséquence l'inter-
diction sanitaire des navires qui seront partis de ce port dans une
période précédant la date de cette déclaration, savoir : vingt jours pour
la peste orientale, dix jours pour la fièvre jaune, et huit jours pour le
choléra asiatique.
Article 14.
. La déclaration qu'une épidémie a pris fin dans un port ne dispensera
— 175 —
>pas les navires d'être soumis à l'interdicton sanitaire s'ils ont quitté ce
port avant l'expiration d'un délai de vingt jours pour la peste orientale,
dix jours pour la fièvre jaune, et huit jours pour le choléra asiatique.
Article 15.
Les règlements prescrits pour les ports seront appliqués aux ports en
rivière ouverts aux navires venant de la mer.
Article 16.
Les mesures sanitaires que les parties contractantes adopteront dans
l'intérieur de leur territoire ne sont pas visées dans la présente conven-
tion.
Article 17.
Les nations contractantes pourront établir des cordons sanitaires inter-
nationaux; elles prennent l'engagement, en ce cas, de ne pas retenir les
voyageurs plus longtemps que la durée de la période maximum d'incu-
bation de la maladie pestilentielle dont elles tiennent à se garantir, et
d'établir les hôpitaux nécessaires où les voyageurs retenus auront à
subir la quarantaine prescrite, laquelle sera régie par les mêmes règle-
ments que ceux édictés pour les quarantaines maritimes, autant que ces
règlements peuvent leur être applicables.
Julio Rodriguez, Délégué de la Bolivie.
Andrés s. Munos, Délégué de la Bolivie.
Frederico Pu&a Borne, Délégué du Chili.
Celso Bambarén, Délégué de l'Equateur.
Francisco Rosas, Délégué du Pérou.
J. LiNO Alareo, Délégué du Pérou.
José Mariano Macedo, Délégué du Pérou.
Lima, 12 mars 1888.
Pour copie conforme :
Andrés s. Munoz,
Secrétaire du Congrès.
ANNEXE No. 12.
RAPPORT DE LA COMMISSION DES DROITS DE PORT.
FRAIS DE PORT.
Selon les documents fournis à la Commission et les informations
prises par elle, les droits et frais des ports actuels des nations représen-
tées à cette Conférence sont les suivants :
Droits d'amarrage, d'ancrage, de pilotage, de patente de santé ; frais
•d'allège ; droits de ports, de recette et de manifeste ; frais de capitaine
de port, de départ, de chargement et de déchargement de la cargaison,
•de télégraphe, d'entrée, de tonnage, de phares, d'inspection sanitaire,
— 176 —
de péage des forts ; ainendes pour défaut de papiers; frais d'hôpital ;
amendes pour absence du navire de l'officier de la marine nationale, du
rôle de l'équipage, et droits de wharfage.
Le tableau annexé au présent rapport indique, par catégorie, la
nature et le nombre des droits compris dans la liste sus énoncée, récla-
més par chaque nation respectivement, ainsi que le montant de chacun
de ces droits.
Il est évident qu'il n'y a uniformité ni dans la nature des droits impo-
sés aux navires, ni dans le montant des droits qu'ils doivent acquitter.
Ainsi, par exemple, tandis que dans certains ports les navires doivent
payer les droits de quai, de pilotage, de tounage, d'ancrage, de phares,
indemnité d'admission, frais de rôle d'équipage et de patente de santé,
droits de port et indemnité au capitaine du port; dans d'autres contrées,
les navires n'ont à acquitter que les droits d'entrée et de tonnage.
Les différences dans le montant de ces droits sont également très
considérables. Ainsi, par exemple, le droit de tonnage dans certaines
contrées américaines varie de un dollar à trois cents par tonne.
La Commission estime que, sans préjudice pour les services auxquels
ils se rapportent, les droits et frais de port peuvent être rendus unifor-
mes par l'adoption d'un droit unique de tonnage.
La plupart des droits imposés étant basés sur la capacité ou la charge
du navire, et les compensations pour les différents services rendus à ce
dernier étant proportionnées à son tonnage enregistré, il paraît inutile
de conserver ces nomenclatures si nombreuses et si gênantes, actuelle-
ment en usage, et qui non seulement forcent le marchand de s'assurer
(non sans grande difficulté) quels sont les droits réclamés dans un pays
donné et à combien ils s'élèvent, mais encore lui rendent presque
impossible l'estimation des frais qu'aura à supporter un navire pour
l'exécution d'une charte-partie.
La Commission est aussi d'avis qu'il serait très avantageux pour le
développement des intérêts du commerce et de la navigation, et sans
préjudice bien grave pour les revenus publics de nos Gouvernements
respectifs, de fixer ce droit unique à dix cents par tonneau, payable une
seule fois par année.
Le payement de ce droit, naturellement, ne dispenserait pas les
navires de payer les expertises et autres services rendus par des per-
sonnes privées, que ces services résultent de contrats particuliers ou
d'arrangements intervenus en conformité de tarifs fixés par les lois ou
ordonnances du pays. Ce droit de tonnage ne saurait non plus couvrir
des services tels que l'usage des wharfs ou quais, des entrepôts ou des
docks qui ne sont point établis pour un service public et sans compen-
sation, car le droit en question ne comprend que les charges actuelle-
ment imposées aux navires dans un intérêt purement fiscal.
La Commission demanderait bien à la Conférence de recommander
l'abolition complète de tous les droits et frais de port, dans l'intérêt de
la navigation et du commerce, estimant que la suppression de ces droits
serait plus que compensée par la réduction des frais de transport et la
diminution du prix des marchandises ; mais elle (la Commission) ne se
croit pas autorisée à formuler une semblable recommandation, ayant
seulement mission d'indiquer un moyen de rendre uniformes tous les
droits de port.
En conséquence, la Commission a l'honneur de proposer à la Confé-
— 177 —
rence de recommander aux Gouvernements des diverses nations ici
représentées : *
Premièrement. Que toutes les charges imposées aux navires comme
droits de port soient réduites à un impôt unique, désigné sous le nom
de droit de tonnage.
Secondement. Que le montant de ce droit ne dépasse pas dix cents
par tonneau, payable une seule fois dans l'année. Pour fixer le payement,
l'année sera considérée comme commençant le premier jour de janvier
et finissant le 31 décembre.
Troisièmement. Que le navire qui aura acquitté ce droit de tonnage
dans un port sera exempt de ce droit dans tous les autres ports de la
même nation, sur la présentation d'un certificat de payement délivré par
les autorités compétentes.
Quatrièmement. Que les navires ci- après seront exempts de ce droit
de tonnage, savoir :
1. Les navires de guerre et de transport;
2. Les navires de moins de vingt-cinq tonneaux;
3. Les navires obligés de relâcher dans un port par suite d'avaries
éprouvées en mer.
NiCANOE Bolet Peeaza.
Emilio C. Vakas.
Clément Sttjdebakee.
Washington, 5 mars 1890.
ANNEXE No. 13.
RAPPORT DE LA COMMISSION SUR LES HONORAIRES
CONSULAIRES.
L'honorable Conférence a chargé la Commission d'étudier et de pro-
poser le meilleur mode pour établir un système uniforme des honoraires
dus aux consuls.
L'examen comparatif des règlements sur cette matière a conduit la
Conférence à cette conclusion que, dans les limites qui lui avaient été
assignées, le résultat désiré ne pouvait être atteint que d'une manière à
la fois partielle et incomplète.
Les honoraires ou indemnités accordés aux consuls dépendent de la
nature des services qu'ils sont appelés à rendre ; il est nécessaire, pour
arriver à une uniformité de tarifs, que les actes des agents consulaires
des diflerentes nations représentées à cette Conférence soient de la
même nature.
C'est là ce qui manque dans les règlements consulaires actuellement
en vigueur.
* Ces conclusions du rapport ont subi, en Conférence générale, certains amendements.
On trouvera à la page 65 le texte des recommandations déânitivemeut adoptées par la Con-
férence.
— 178 —
A part des actes se référant spécialement à la navigation et au com-
merce, et pour lesquels il serait facile d'établir un tarif uniforme, il y a
un grand nombre d'actes qui sont, ou seulement stipulés par les règle-
ments d'une seule des nations ici représentées, ou tellement différents
dans leurs détails et dans leur classification, qu'il est impossible de faire
un chiôre uniforme d'honoraires.
Votre Commission, cependant, ne croit pas impossible d'établir un
règlement identique des fonctions des agents consulaires des nations
américaines; mais comme, d'un côté, nous ne nous sommes pas considé-
rés — par notre mandat — suffisamment autorisés pour étudier cette
question, et, d'un autre côté, le peu de temps qui reste aux honorables
Délégués pour examiner les nombreux sujets soumis à leurs délibéra-
tions ne leur permettrait pas une étude approfondie de la matière dont
il s'agit, nous avons pensé qu'il était préférable, pour arriver à un résul-
tat pratique, de vous soumettre la résolution suivante :
Eésolu :
Qu'il soit recommandé aux Gouvernements représentés à cette Confé-
rence de préparer une nomenclature uniforme des actes réclamant l'in-
tervention des agents consulaires, fixant le maximum des honoraires
attribués à chacun de ces actes, spécialement à ceux relatifs à la navi-
gation et au commerce.
NiCANOE BOLEÏ PeRAZA.
Emilio C. Varas.
Clément Studebaker.
Washington, D. C, 20 mars 1890.
^]N':n"exe: n"o. 14.
CONFÉRENCE INTERNATIONALE AMÉRICAINE.
RAPPORT SUR LES POIDS ET MESURES.
A VHonorable Conférence Internationale Américaine :
■" La Commission chargée par l'honorable Président d'étudier l'opportu-
nité de l'adoption, par toutes les nations ici représentées, d'un système
uniforme de poids et mesures, a l'honneur de vous soumettre le rapport
suivant :
"La nécessité d'établir une unité de comparaison pour toutes les choses
susceptibles d'être pesées ou mesurées a toujours été reconnue depuis la
plus haute antiquité, ou plutôt depuis que le droit de propriété étant
proclamé, la vente ou l'échange des marchandises s'établirent définitive-
ment dans la pratique.
L'histoire montre que cette unité de comparaison était empruntée gé-
néralement à quelque partie du corps humain.
Les Hébreux, aussi bien que les Carthaginois, les Phéniciens et les
Egyptiens, avaient adopté, pour leur principale mesure de longueur, le
pied.
— 179 —
Plus tard, les Grecs et les Romains ajoutèrent, au nombre de leurs me-
sures, le doigt, le pouce, la main, la brasse, le pas, le double-pas, etc.,
désignations qui indiquent la source d'où elles dérivent.
Telles sont les mesures qui, même après bien des siècles écoulés, ont
été en usage dans le plus grand nombre des nations civilisées.
Mais les dimensions du corps bumain étant variables, les mesures ba-
sées sur ces dimensions étaient nécessairement arbitraires. Aujourd'hui
même les savants ne sont pas d'accord sur la mesure exacte du pied grec
et du pied romain, et à cet égard leurs appréciations indiquent des dif-
férences sensibles.
Il est donc évident qu'un tel étalon de mesure n'a pas et ne peut pas
avoir une base constante et uniforme, même à une époque dounée, et en-
core moins à des époques différentes, ou s'appliquant au même moment
à des populations différentes.
Ces considérations déterminèrent l'Assemblée Constituante en France,
dans la dernière décade du dix-buitième siècle, à adopter comme base
du système de mesure une dimension unique et invariable, susceptible
d'être contrôlée en tout temps.
Par décret du 8 mai 1790, sur la proposition de M. de Talleyrand, il
fut ordonné qu'une Commission, composée de savants français désignés
par l'Académie, serait chargée de mesurer la longueur d'un pendule sim-
ple marquant une seconde au niveau de la mer sous la latitude de 45°.
Le même décret stipulait que le Gouvernement devrait demander au roi
d'Angleterre de nommer une Commission choisie dans la Société Royale
de Londres pour s'entendre avec la Commission française, afin d'établir
un système commun de poids et mesures et d'en recommander l'adoption
aux autres nations.
Les délégués français, nommés par l'Académie, étaient Lagrange, La-
place, Monge et Condorcet. Le Gouvernement anglais déclina l'invitation
qui lui était faite, donnant comme raison de son refus les dissensions po-
litiques qui agitaient la France à ce moment.
La Commission française, abandonnant la première idée qui consistait
à déterminer la longueur d'un pendule marquant des secondes, se deman-
da s'il ne serait pas préférable de prendre, comme unité de longueur, une
fraction du méridien terrestre. Cette idée fut adoptée. Mais dans la
crainte que les nations dont le territoire n'était pas traversé par le 45me
degré ne soulevassent quelques difficultés pour accepter le nnuveau sys-
tème, la Commission présenta le 17 mars 1791, à l'Assemblée Naticmale,
un rapport dans lequel elle proposait d'adopter comme unité fmdaraen-
tale le dix-millionièuie du quart du méridien tenestre, et de donner à
cette unité le nom de mètre. Conformément à ces recommandations,
Mechain et Delambre furent chargés de la délicate mission de mesurer
l'arc du méridien compris entre Dunkerque et Barcelone. Mechain et
Delambre trouvèrent que le quart du méiidien représentait 5,130,740
toises, résultat qui fut adopté par le Corps législatif le quatre Messidor,
an VII (22 juin 1799).
La même mesure de longueur servit également de base pour établir
l'unité de. poids appelée gramme, adoptée par la loi du 16 Germinal,
an III. C'est le poids, dans le vide, d'un centimètre cube d'eau distillée,
prise à son maximum de densité, lequel correspond à la température de
4° centigrades au-dessus de zéro.
La nomenclature significative de ce système, avec ses préfixes concis,
— 180 —
les séries ascendantes et descendantes de ses multiples et de ses sous-
multiples et la facilité avec laquelle il se prête au calcul décimal, tousses
avantages en font un système simple et admirable, le seul digne d'êtrfr
adopté par toutes les nations civilisées.
En 1873, une Commission, connue sous le nom de "Commission Inter-
nationale du Mètre," se réunit à Paris dans le but de s'entendre sur
l'adoption d'un système universel de mesures. L'Angleterre, la
Russie, l'Autriche, l'Allemagne, la Bavière, le Wurtemberg, la Suisse,
l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Belgique, la Hollande, la Suède, le
Danemark, la Turquie, les Etats-Unis et quelques-unes des Républiques
hispano-américaines étaient représentés à cette Commission par des sa-
vants distingués. Après une discussion approfondie, on abandonna l'idée,
d'abord mise en avant, d'un nouveau mesurage du méridien terrestre,
reconnaissant que cette opération présenterait de grandes difficultés sans
donner de résultats absolument certains, et il fut décidé d'adopter le
mètre français, dont l'étalon est conservé aux Archives de France.
La même décision fut prise à l'égard du kilogramme comme unité de
poids.
La Commission a également adopté la recommandation de certaines-
précautions nécessaires pour assurer l'exactitude du mètre-étalon con-
formément aux dimensions établies.
Enfin, une Convention, ayant pour but l'unification internationale et
la perfection du système métrique, a été signée à Paris le 20 mai 1875, et
ratifiée par les Gouvernements des nations suivantes : la Suisse, l'Alle-
magne, l'Autriche- Hongrie, la République Argentine, le Danemark,
l'Espagne, l'Italie, le Pérou, le Portugal, la Belgique, le Brésil, les Etats-
Unis, la France, la Russie, la Suède et Norvège, la Turquie et le Vene-
zuela.
Les nations ci-après ont adhéré ultérieurement à cette Convention,
savoir : la Serbie en 1879 ; la Roumanie en 1882 ; la Grande-Bretagne'
en 1884 et le Japon en 1885. Les républiques du Chili, de la Colombie, de
l'Equateur, de la Bolivie, de Costa-Rica, du Mexique, de San Salvador et
de l'Uruguay,ont également adopté ce système.
Dans un récent discours prononcé devant l'Académie des Sciences, à
Paris, M. de Malarie disait :
" Qu'en 1877, l'usage du système métrique était obligatoire dans
diverses parties du globe ; qu'il était le seul employé par 302,000,000'
d'individus; que, dans le cours de dix ans, il avait été adopté par
53,000,000 de personnes en plus; que, dans la même année 1877, diverses
contrées, contenant une population de 97,000,000 d'habitants, avaient
volontairement adopté ce système; qu'il était reconnu par les lois en
Russie, en Turquie et dans les Indes Britanniques, dont la population
était, en 1877, de 395,000,000 d'habitants, ce qui, pour une période de
dix ans, constituait une augmentation de 545,000,000 d'adhérents. En
Chine, au Japon et au Mexique, le système décimal prévaut, mais non
encore le système métrique. Ce dernier a été adopté et admis, comme
mesure légale, par 794,000,000 d'individus, et le système décimal est
suivi par 470,000,000 de personnes dans les trois Etats ci-dessus nommés.
Il n'v a plus que 42,000,000 d'individus qui continuent à compter d'après
l'ancien système des poids et mesures, et n'ont pas encore adopté le
système décimal."
Le Gouvernement des Etats-Unis a reçu récemment les fac-similé
— 181 —
officiels du mètre et du kilogramme adoptés P^jJ^^^^^^f Çfi^^^
tioTifllft dn Mètre, tenue à Paris au mois de septembre de ianpee aer
nTère et ef boîtes renfermant ces étal(ms ont été ouvertes officiellement
îe 2 du P ésent mois, à la Maison Blanche en Présence du Président d^
la République et des autres membres du Gouvernement, et d'un certain
nomb?e de notabilités, invitées spécialement à cette cérémonie.
TEXTE DE LA EECOMMANDATION ADOPTÉE PAU LA CONEÉRENCE.
Les avantages qu'offre le système métrique et décimaUont si end^^^^
et ce système a été déjà adopté par un si grand nombre de puissances,
que votre Commission vous propose de voter la résolution suivante :
Ouela Conférence Internationale Américaine recommande l'adoption
du système métrique et décimal à celles des nations ici représentées
qui ne l'auraient pas encore admis.
Washington, 15 janvier 1890.
ANNEXE No. 15.
CONFÉRENCE INTERNATIONALE AMÉRICAINE.
RAPPORT SUE LES BREVETS D'INVENTION ET LES MARQUES DE FABRIQUE
A VHonoraUe Conférence Internationale Américaine :
D'après les termes de l'invitation faite par le ^o^^^rnement des Etats-
Unis aux autres Gouvernements de l'Amérique et ceux de l'acte du
cSgrâ, en vertu duquel cette invitation a été adressée, cette Confe-
renc?estre°uniepour étudier, entre autres questions, les mesures propres
Santiria propriété littérkire et artistique, celle des brevets d'inven-
tion et des marques de fabrique, appartenant aux ctoyens de chacun
des Etats représentés à cette Conférence sur le territoire de chacun des
^'^Le droit de chaque individu à la propriété des fruits de son intelli-
gence, qu'il s'agisse de travaux littéraires et scientifiques, ou d'œuvres
iSques, est proclamé par toutes les nations civihsees, protège par la
loi et chez quelques-unes d'entre elles, ce droit est même garanti
expressément par la Constitution. Toutes les nations américaines proté-
gea pToprie^té artistique et littéraire. Toutes ont inscrit dans leurs
fodes des dispositions spéciales, en vertu desquelles le droit de la pro-
Siété de l'auteur ou de l'artiste sur ses œuvres est reconnu et garanti,
S Men en faveur des citoyens de ces pays qu'en faveur des étrangers
.quf^vent sous la protection de leurs lois; «t la violation de ces droits
est nunie conformément aux dispositions législatives de chaque Etat.
Le Toit de propriété pour les produits industriels reçoit la même
protection et les mêmes garanties. L'individu qui découvre un nouveau
IrSduit industriel, ou qui invente de nouveaux procédés de préparation
— 182 —
ou de fabrication, ou qui perfectionne ceux déjà, connus, contribue par sa
découverte ou sou invention au développement de l'industrie et ii l'aug-
mentation de la richesse publique; il a donc sur son invention ou sa
découverte un droit aussi évident et aussi indéniable aux yeux de la loi
de toutes les nations civilisées, que celui du manufacturier sur les pro-
duits de sa fabrique, ou celui du travailleur h son salaire quotidien.
A raison du développement industriel à cette époque, et de l'accroisse-
ment ccmtinu du commerce international, on attache une très grande
importance aux signes et marques employés par les fabricants pour dis-
dinguer les produits de leur manufacture, et par les négociants pour
caractériser les marchandises qu'ils mettent dans le commerce, marques
et signes ordinairement désignés sous le nom de marques de fabriques
du manufacturier ou du marchand. Le commerçant ou marchand qui,
par la supériorité des articles portant sa marque se fait une réputation,
acquiert le droit que cette marque soit protégée et défendue par la loi ;.
et ceux qui attentent à ce droit, soit en se servant illégalement d'une
marque appartenant à autrui, soit en contrefaisant cette marque, doivent
être punis.
En agissant ainsi, on protège non seulement le fabricant et le ven-
deur, mais aussi l'acheteur qui, généralement, se décide dans le choix d'urt
article d'après la marque de fabrique qui lui a valu sa réputation sur le
marché. Lorsqu'une marque de fabrique connue est illégalement em-
ployée ou imitée, avec l'intention de fournir au consommateur un article
de nourriture altérée, la fraude acquiert un caractère spécial de gravité,
car, en même temps que le droit du propriétaire de la marque employée
illégalement ou contrefaite est violé, et que l'acheteur, victime de ce
mensonge, est trompé, la santé du consommateur est souvent compro-
mise, et quelquefois sa vie même est mise en danger.
En général, les lois relatives à la propriété littéraire, artistique et in-
dustrielle ne protègent, dans chaque pays, que le propriétaire, citoyen ou
résident de ce pays, mais permet tacitement la violation sur son terri-
toire de ces mêmes droits de propriété, garantis par d'autres nations.
Même dans les pays où la propriété mobilière de l'étranger est protégée
par les lois, du moment où elle est entrée sur le territoire national, et où
la propriété de l'étranger non résidant est respectée à l'égale de celle du
citoyen ou sujet, aucune garantie n'est accordée à l'auteur, à l'inven-
teur, à l'artiste pour ses droits de propriété, lesquels, à raison de leur
nature immatérielle et non tangible, sont plus faciles à violer. Henry
Clay disait, en parlant au Sénat des Etats-Unis, en 1837, sur la pro-
priété littéraire :
'^ Uu marchand anglais peut transporter aux Etats-Unis un ballot de
marchandises, et du moment où ces marchandises sont entrées sous la
juridiction de nos lois, elles trouvent une protection et une sécurité
absolues. Mais, si l'ouvrage d'un auteur anglais est apporté aux Etats-
Unis, il devient la propriété de tout résidant et peut-être reproduit sans
aucune indemnité pour l'auteur. Nous serions tous indignés si la loi
tolérait la moindre infraction aux droits de propriété quand il s'agit de
marchandises, et, cependant, pour les ouvrages des auteurs qui sont
incontestablement leur propriété, ces mêmes droits sont journellement
violés, sans que l'on puisse même invoquer le secours de la loi pour les
protéger."
Cette protection — que l'on peut appeler internationale — du droit
— 183 —
S\e burde if J^néralisïr! r^LTlL^ort^nts commentaires les-
^ffi^l^n Mt^les PuissL^^^^^^^ à cette Conférence consti-
vautoritédr la Confédération Suisse, bureau dont les fonctions furent
arrêtées d'un commun accord entre les parties contractantes.
En sénéral les puissances européennes n'ont accorde la protection de
leurs lois en ce Jui concerne la"^ propriété des étrangers, qu'à titre de
PmirtoSrécioroque et en vertu de stipulations expresses, mserees dans
Z crvent?ons ^Xernationales. Comme pour la propriété littéraire et ar-
ttstire 5^ t à laTSice que revient l'honneur d'avoir la P^ei^iere pro-
clamé lé principe large et absolu de la protection internationale en fait
Sp nronriété industrilue. Le '' Congrès International de la Propriété In-
dLS™'tenn Paris en 1878, lous les auspices du Gouvernement
français avait bien compris dans le programme de ses travaux toutes les
aSirns râXesàla- tenant à rester
S îeriimitfs de sa mis^n^l a ^^^leraent reoo^mjMe^^^^^^
nements d'ouvrir des négociations pour arriver a Tuniformite de a legis a
Soldes puissances sur cet important sujet. La Conférence de 1880 reu-
nie également à Paris, a donné une forme pratique «t définitive aux de
claratioos faites en 1878 et, dans le but projeté, a prépare un projet de
— 184 —
convention internationale, en vertu de laquelle les nations adoptant ces
principes constitueraient une union où la propriété industrielle obtien-
drait une protection uniforme devant toutes les cours de justice.
Néanmoins, cette Convention ne fut pas ratifiée par les Grouvernements,
et ce n'est qu'en 1883 que l'Union pour la Protection Internationale de
la Propriété industrielle put être réalisée. Aux termes d'une Convention
.signée à Paris le 20 mars 1888 par les représentants de la France, de la
Belgique, du Brésil, de l'Espagne, du Guatemala, de l'Italie, de la Hol-
lande, du Portugal, de San- Salvador, de la Serbie et de la Suisse, ces
nations ont constitué une Union pour la Protection de la Propriété indus-
trielle. Il a été, en outre, convenu que cette propriété, dans la plus large
acception du mot, jouirait, dans chacune des contrées faisant partie de
l'Union, de tous les avantages accordés par les lois respectives des Etats
à leurs citoyens ou sujets. Des di'spositions spéciales ont été formulées
dans le but de protéger les noms des maisons de commerce et de faciliter
les poursuites des contrefacteurs de marques de fabrique. Enfin, il a été
décidé d'organiser un '• Bureau International de la Propriété Indus-
trielle" dont les frais seraient supportés par les puissances contractantes
et qui serait placé. sous la direction et le contrôle de l'administration su-
périeure de la Confédération Suisse. Les ratifications des Gouvernements
furent prompt'ement échangées et, conformément aux termes de la Con-
vention, le Bureau international a été établi à Berne sous l'autorité du
Gouvernement suisse.
Le grand honneur d'avoir été les premiers à reconnaître, sur ce conti-
nent, et à établir solennellement les vrais principes législatifs pour met-
tre un terme aux difficultés qui résultaient de la difi"érence de législation
entre les nations, et de consacrer, parmi ces principes, celui de la protec-
tion internationale de la propriété littéraire, artistique et industrielle,
revient au récent Congrès de droit international privé de Montevideo,
réuni en vertu de l'invitation adressée par les Gouvernements de la Ré-
publique Argentine et de la République de l'Uruguay aux autres puis-
sances de l'Amérique du Sud. Dans les trois traités relatifs aux droits
d'auteurs en littérature et en œuvres d'art, aux marques de fabrique et
aux brevets d'invention, signés par les reorésentants de la République
Argentine, de la Bolivie, du Brésil, du Chili, du Paraguay, du Pérou et
de la République de l'Uruguay, qui assistaient au dit Congrès, votre
Commission des patentes et des marques de fabrique a trouvé, mis en
relief, les principes qui, à son avis, doivent être adoptés sur tout ce con-
tinent par les nations représentées à cette Conférence, afin d'assurer une
protection efficace aux droits de propriété littéraire, artistique et indus-
trielle.
Dans ces traités, en effet, les travaux littéraires et artistiques, les
marques de fabrique, les patentes ou inventions sont définis en termes
clairs et précis ; les droits des auteurs ou artistes, des propriétaires de
marques de fabrique, et des inventeurs que les parties contractantes en-
tendent garantir et protéger, sont également bien expliqués, ainsi que
les formalités à observer pour obtenir cette garantie et cette protection,
les limites de ces droits, et la manière de les exercer. Toutes les difficul-
tés qui pouvaient résulter, sur ces divers sujets, de la divergence de lé-
gislation entre les divers Etats contractants, ont été résolues avec clarté
et précision par des dispositions qui ont su respecter le droit souverain
de chaque Etat en matière législative. Ainsi, par exemple, il a été décidé
— 185 —
à propos des droits d'auteur, en fait d'ouvrages littéraires ou artistiques,
que les auteurs ou artistes jouiraient des privilèges à eux accordes par
les lois de l'Etat où la publication ou la production a été faite a 1 origine,
mais qu'aucun Etat n'était forcé de reconnaître ces droits pour une durée
plus longue que celle consentie aux auteurs et aux artistes par ses pro-
Les droits de propriété pour les marques de fabrique accordés dans une
contrée sont reconnus dans les autres, mais en tenant compte des lois de
ces dernières ; et, pour bénéficier du droit consenti à une invention pour
laquelle un brevet a été obtenu dans un de ces pays, 11 est nécessaire de
faire enregistrer ce brevet dans chaque autre pays où l'on sollicite sa
reconnaissance, et ce, selon les formalités exigées par la loi de ce pays.
Quant à la durée de ces brevets, le même principe, précédemment men-
tionné pour les droits d'auteur en fait de production littéraire et artisti-
que, reçoit son application, et en outre, il est déclaré que la durée du
brevet peut être limitée dans chaque Etat au temps prescrit par les lois
du pays dans lequel la patente a été délivrée en premier lieu, lorsque
cette période est la moins lougue. Il a été encore prévu que les questious
de priorité pour une invention seraient résolues conformément à la date
de la demande des brevets respectifs dans les pays où ils ont ete obte-
nus. Enfin ces mêmes traités établissent en principe que ceux qui violent
les droits de propriété ainsi reconnus et garantis peuvent être légalement
poursuivis devant les tribunaux du pays où le délit a été commis.
La Commission des patentes et marques de fabrique prend la hberte
d'annexer au présent rapport des exemplaires de ces traités du Congrès
de Montevideo. Et dans la persuasion où elle est que l'adoptiou par les
nations ici représentées des justes principes invoqués par ces traites, et
leur addition à leur législation, assureront la protection des droits de
propriété littéraire, artistique et industrielle, votre Commission soumet à
l'examen de la Conférence la résolution ci- annexée. Si les traites sus-
mentionnés sont ratifiés par les nations qui les ont signés, et qu'ils soient
en outre adoptés par les Républiques de la Colombie, de l'Equateur et
du Venezuela, qui, quoiqu'elles aient approuvé la réunion de ce Congrès,
n'ont pu y prendre part à raison des exigences du temps, ces principes
auraient, sur cette matière, force de loi pour toute l'Amérique du Sud.
Dans l'Amérique Centrale et dans l'Amérique du Nord, ils peuvent avoir
la même autorité, si, conformément aux ternaes de l'article 6 du proto-
cole additionnel du Congrès de l'Amérique du Sud, les nations signatai-
res consentent, comme il y a lieu de l'espérer, à l'adoption de ces traites
par les nations qui n'avaient pas été invitées à y assister, dans la même
forme que celle des nations qui, quoique approuvant la réunion, n'ont
pu y prendre part.
RECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAE LA CONEÉRENCE.
Attendu que la Conférence Internationale Américaine est d'avis que
les traités relatifs aux droits de propriété littéraire et artistique, aux pa-
tentes et aux marques de fabrique, conclus par le Congrès de l'Amérique
du Sud, de Montevideo, garantissent et protègent entièrement les droits
de propriété qui en font l'objet,
Que la Conférence recommande, tant aux Gouvernements de l'Améri-
que qui, ayant accepté la proposition de réunir ce Congrès, n'ont pu
— 186 —
prendre part à ses délibérations, qu'à ceux qui n'y ont pas été convoqués,,
mais qui sont représentés à la présente Conférence, d'adopter les dit*
traités.
APPENDICE.
TRAITÉ CONCERNANT LES DROITS D' AUTEUR POUR LES OUVRAGES
LITTÉRAIRES ET ARTISTIQUES.
Son E le Président etc., etc., ayant
eu pour agréable de conclure entre eux un traité sur les droits d'auteur
relatifs aux ouvrages littéraires et artistiques, par l'entremise de leurs
plénipotentiaires réunis en Congrès dans la ville de Montevideo, sur l'in-
vitation des Gouvernements de la République Argentine et de la Répu-
blique Orientale de l'Uruguay :
Son Excellence le Président de la République de représenté
par M etc.,
Lesquels, après s'être communiqué leurs pleins pouvoirs respectifs qui
ont été reconnus en due forme, et après une discussion approfondie du
sujet dont il s'agit, ont arrêté les dispositions suivantes :
Article premier. — Les Etats contractants s'engagent à reconnaî-
tre et à protéger les droits des propriété littéraire et artistique, selon les
conditions du présent traité.
Art. 2, — L'auteur d'un travail littéraire et artistique et ses héritier»
jouiront, dans les Etats contractants, des droits à eux accordés par les
lois de l'Etat dans lequel a eu lieu la publication ou la production origi-
nale de ce travail.
Art. s. — Le droit de l'auteur sur la propriété d'un travail littéraire
ou artistique comprend le droit de disposer de ce travail, de le publier,
de le céder à d'autres personnes, de le traduire ou d'en autoriser la tra-
duction, et de le reproduire sous quelque forme que ce soit.
Art. 4. — Aucun Etat ne sera obligé de reconnaître le droit de pro-
priété littéraire et artistique pour une période plus longue que celle ac-
cordée aux auteurs de cet Etat. La période pourra être limitée à celle
prescrite dans la contrée d'origine, lorsque cette période sera la plus
courte.
Art. 5. — Par travaux littéraires et artistiques, il faut entendre tous
les livres, brochures, ou autres écrits, ouvrages dramatiques ou musico-
dramatiques, chorégraphies, compositions musicales, avec ou sans paro-
les, dessins, peintures, sculptures, gravures, photographies, lithogra-
phies, cartes de géographie, plans, esquisses, ouvrages plastiques relatif»
à la géographie, à la topographie, à l'architecture et, en général, à toutes
les sciences ; et, finalement, toute production dans le domaine de la litté-
rature ou de l'art qui peut être publiée par l'imprimerie ou reproduit
de quelque façon que ce soit.
Art. 6. — Les traducteurs d'ouvrages pour lesquels il n'a pas été pris
de droits d'auteur, ou dont les droits d'auteur sont expirés, jouiront pour
leurs traductions des droits énoncés dans l'article 3, mais ne pourront
empêcher la publication d'autres traductions des mêmes ouvrages.
Art. 7. — Les articles de journaux peuvent être reproduits à la condi-
tion d'indiquer le journal auquel ils sont empruntés. Sont exceptés, ce-
pendant, les articles relatifs aux sciences et aux arts, et ceux dont la.
reproduction est interdite par leurs auteurs.
— 187 —
Abt. 8. — Les discours prononcés ou lus dans les assemblées délibé-
rantes, devant les tribunaux et dans les aieetings publics, peuvent être'
reproduits dans la presse sans aucune autorisation.
Art. 9. — Sous le titre de reproductions illicites doivent être classées
toutes les appropriations indirectes et non autorisées des ouvrages litté-
raires ou artistiques, qui sont désignés par les appellations diverses d'a-
daptations, arrangements, etc., etc., et qui ne sont en réalité qu'une
reproduction, sans aucun des caractères d'une œuvre originale.
Art. 10. — Le droit d'auteur doit être accordé, à défaut de preuves-
contraires, en faveur de toute personne dont le nom ou le pseudonyme
est inscrit sur l'ouvrage littéraire ou artistique eu question. Si les auteurs
ne veulent pas faire connaître leurs noms, ils devront informer les édi-
teurs que les droits d'auteur leur appartiennent.
Art. 11. — Ceux qui portent atteinte à la propriété littéraire ou artis-
tique seront poursuivis devant les tiibunaux, et jugés selon les lois du
pays où le délit a été commis.
Art. 12. — La reconnaissance du droit de propriété d'un ouvrage
littéraire ou artistique ne peut interdire aux Etats contractants la faculté
de prohiber, par de justes lois, la reproduction, la publication, le colpor-
tage, la représentation ou l'exhibition des sujets regardés comme «iontrai-
res aux bonnes mœurs.
Art. 13. — La ratification simultanée par toutes les nations contrac-
tantes ne sera pas nécessaire à la validité du présent traité. Les puis-
sances qui l'adopteront feront connaître leur adhésion aux Gouvernements-
de laEépublique Argentine et de la République Orientale de l'Uruguay,
qui en informeront les autres nations contractantes. Cette formalité
tiendra lieu de ratification.
Article 14. — Après l'échange des ratifications faites de la manière in-
diquée au précédent article, ce traité continuera d'être en vigueur pour
une période de temps illimité.
Art. 15. — Si quelqu'une des nations contractantes estimait devoir
faire cesser le dit traité, ou y apporter quelques modifications, la dite na-
tion devra en informer les autres parties contractantes ; mais elle ne
pourra se retirer de l'Union que deux ans après la date de la notification
de sa volonté à cet égard, afin que pendant ce temps il soit pris des me-
sures pour arriver à un nouvel arrangement.
Art. 16. — Les dispositions de l'article 13 sont applicables à toutes les.
nations qui, (quoique non représentées à ce Congrès, désireraient adopter
le présent traité.
En foi de quoi, les plénipotentiaires des nations ci-dessus désignées ont
signé et scellé le présent acte, rédigé au nombre de. . . . exemplaires,
dans la ville de Montevideo, le. . . . du mois de janvier, en l'année 1889.
L. S. {Suivent les signatures.)
TRAITÉ CONCERNANT LES MARQUES DE FABRIQUE.
Son Excellence, le Président de laEépublique de. ..... . etc., etc.»
ayant résolu de contracter un traité concernant les marques de fabrique
par l'entremise de leurs plénipotentiaires respectifs réunis en Congrès dans
la ville de Montevideo, sur l'invitation des Gouvernements de la Répu-
blique Argentine et de la République Orientale de l'Uruguay ;
Son Excellence le Président de la République de représenté
par M , etc..
— 188 —
Lesquels après s'être communiqué leurs pleins pouvoirs qui ont été re-
connus être en due forme, et après une discussion approfondie du sujet
dont il s'agit, ont arrêté les dispositions suivantes :
Article premier. — Toute personne à laquelle il sera accordé dans
l'un des Etats contractants le droit exclusif à une marque de fabrique,
jouira du même privilège dans les autres Etats, mais en se conformant
aux conditions et formalités exigées par les lois de ces Etats.
Art. 2. — La propriété d'une marque de fabrique comprend le droit
d'en user, de la vendre ou de la céder.
Art. 3. — Par maïques de fabrique, on doit entendre les signes, em-
blèmes ou devises extérieurs, que le marchand ou le fabricant adopte et
applique à ses produits, afin de les distinguer des articles similaires des
autres marchands ou fabricants.
A cette classe de marques appartiennent les devises ou dessins qui, au
moyen d'un tissage ou d'un timbre, sont appliqués aux produits mis en
vente.
Art. 4. — La contrefaçon ou l'altération des marques de fabrique est
poursuivie devant les tribunaux conformément aux lois de l'Etat sur le
territoire duquel la fraude a été commise.
Art. 5. — La ratification simultanée de toutes les nations contractan-
tes ne sera pas nécessaire à la validité du présent traité. Celles qui l'a-
dopteront feront connaître leur adhésion aux Grouvernements de la Répu-
blique Argentine et de la République Orientale de l'Uruguay, qui en
informeront les autres nations contractantes. Cette formalité tiendra lieu
d'échange de ratifications.
Art. 6. — Après l'échange des ratifications fait de la manière indiquée
à l'article précédent, le traité restera en vigueur pour une période de
temps illimité.
Art. 7. — Si l'une des nations contractantes estimait devoir faire ces-
ser le présent traité, ou y apporter quelque modification, la dite nation
devra en informer les autres parties contractantes, mais elle ne pourra
se retirer de l'Union que deux ans après la date de la notification de sa
volonté à cet égard, afin que pendant ce temps on puisse aviser à de
nouveaux arrangements.
Art. s. — Les dispositions de l'article 5 sont applicables à toutes les
nations qui, quoique n'ayant pas été convoquées à ce Congrès, désire-
raient adopter le présent traité.
En foi de quoi les plénipotentiaires des nations sus-énonoées ont signé
et scellé de leurs sceaux le présent traité, rédigé en. ...... exem-
plaires, dans la ville de Montevideo, le. . . . jour du mois de janvier en
l'an 1889.
L. S. (Signatures.)
traité concerîtant les brevets d'invention.
Son E le Président de la République de etc., etc.,
ayant résolu de contracter un traité concernant les brevets d'invention
par l'entremise de leurs plénipotentiaires réunis en Congrès dans la ville
de Montevideo, sur l'invitation des Gouvernements de la République
Argentine et de la République Orientale de l'Uruguay ;
Son Excellence le Président de la République de. . • repré-
senté par M etc.,
— 189 —
Lesquels après s'être communiqué leurs pleins pouvoirs et les avoir
reconnus en bonne forme, et après une discussion approfondie du sujet
dont il s'agit, ont arrêté les stipulations suivantes :
Article premier. — Toute personne qui aura obtenu un privilège
ou brevet d'invention dans un des Etats contractants jouira, dans tous
les autres, des droits d'inventeur, à la condition que dans le délai
d'une année au moins, il aura réclamé l'enregistrement de son brevet
dans la forme prescrite par la loi du pays auquel il demande cette recon-
naissance. „ „ , 1 1 . -,
Art. 2. — La durée de ce privilège sera celle fixée par les lois du pays
où il devra être exercé, mais cette durée pourra être limitée au temps
prescrit par les lois de l'Etat dans lequel le brevet original a.été délivré,
si cette durée est la plus courte.
^HT. 3. — Les questions de priorité d'invention seront résolues d après
la date de la demande des brevets respectifs dans le pays où ils ont été
accordés.
^liT. 4. — Par invention ou découverte, il faut entendre toute nou-
velle méthode, tout nouvel appareil mécanique ou manuel, pour la ma-
nufacture des produits industriels ; la découverte de tout nouveau pro-
duit industriel, et l'application de méthodes perfectionnées donnant un
résultat supérieur à ceux connus jusqu'alors.
Il ne sera pas accordé de brevets d'invention :
1. Aux inventions ou découvertes déjà rendues publiques dans l'un
des Etats contractants, ou dans d'autres Etats non liés par le présent
2. A celles contraires aux bonnes mœurs ou aux lois des pays où ces
brevets doivent être délivrés ou reconnus.
Art. 5. — Les droits de l'inventeur comprennent ceux d'user de son
invention et de la transférer à d'autres.
Art. 6. — Seront poursuivis et condamnés suivant les lois du pays ou
le délit aura été commis, tous ceux qui, en quelque façon, porteraient
atteinte aux droits de l'inventeur
Art. 7. — La ratification simultanée de toutes les nations contractan-
tes ne sera pas nécessaire pour la validité du présent traité. Celles qui
l'adopteront feront connaître leur adhésion aux Grouvernements de la
Képublique Argentine et de la République Orientale de l'Uruguay, qui
en informeront les autres nations contractantes. Cette formalité tiendra
lieu d'échange de ratifications.
Art. 8. — Après l'échange des ratifications, fait de la manière indi-
quée à l'article précédent, le traité restera en vigueur pour une période
de temps illimité.
Art. 9. Si l'une des nations contractantes estimait devoir faire ces-
ser le dit traité, ou y apporter quelque modification, la dite nation devra
en informer les autres Etats contractants, mais elle ne pourra se retirer
de l'Union que deux ans après la date de la notification de sa volonté à
cet égard, afin que pendant ce temps il soit avisé au moyen de conclure
de nouveaux arrangements.
Art. 10. — Les dispositions de l'article 7 sont applicables a toutes les
nations qui, quoique n'ayant pas été convoquées à ce Congrès, désire-
raient adopter le présent traité.
En foi de quoi, les plénipotentiaires des nations ci-dessus désignées,
— 190 —
■ont signé et scellé de leurs sceaux le présent acte rédigé en. . . . exem-
plaires, dans la ville de Montevideo, le. . . . du mois de janvier, en l'an
1889.
L. S. (Signatures.)
^:n"ne:xe :no. 16,
COMMISSION SUE L'EXTRADITION.
La Conférence Internationale Américaine a décidé de :
1° Recommander aux Gouvernements des nations latines américaines
l'examen du traité des lois pénales internationales rédigées à Montevideo
par le Congrès de l'Amérique du Sud en 1888, afin que dans l'année à
partir de la clôture définitive des travaux de cette Conférence, ils fassent
connaître leur adhésion au dit traité, et au cas où cette adhésion ne serait
pas entière, les réserves ou les stipulations qu'ils stipulent.
2° Recommander en même temps que des traités d'extradition soient
conclus entre le Gouvernement des Etats-Unis de l'Amérique du Nord,
et chacun des Gouvernements de l'Amérique Latine, qui n'en auraient
pas encore conclu.
APPENDICE.
PROJET DE TRAITÉ SUE LE DROIT PÉNAL INTERÎfATIONAL.
TITRE PREMIER.
De la Juridiction.
Article premier. — Les crimes et délits commis dans les limites de
la juridiction territoriale d'une nation seront punis selon les lois de cette
nation ; et les coupables, quelle que soit leur nationalité ou la nationalité
de la victime, ou de la partie lésée, seront poursuivis devant les tribu-
naux du pays où le fait a été commis.
Art. 2. — Les actes criminels accomplis dans un Etat, mais qui por-
tent atteinte exclusivement à des droits et à des intérêts protégés par
les lois d'un autre Etat, tomberont sous la juridiction de l'Etat lésé et
seront punis conformément aux lois de cet Etat.
Art. 3. — Lorsqu'un acte coupable lèse plusieurs Etats, cet acte res-
sortira de la juridiction de l'Etat dans lequel le délinquant a été arrêté.
Si le délinquant a cherché un refuge dans un Etat autre que ceux lésés
par son acti(m criminelle, c'est à la juridiction de l'Etat qui, le premier,
aura demandé son extradition, qu'appartiendra l'instance.
Art. 4. — Dans les cas prévus par l'article qui précède, s'il n'y a qu'un
coupable, il n'y aura qu'une instance, et la peine encourue sera le maxi-
mum de celles fixées par les lois pénales des divers Etats lésés.
Si la pénalité reconnue la plus forte n'est pas admise par les lois de
l'Etat où le jugement doit être prononcé, la peine s'en rapprochant le
plus sera appliquée.
— 191 —
Le tribunal, en tout cas, devra aviser le pouvoir exécutif du commen-
cement de la procédure, afin que notification formelle en soit donnée aux
Etats intéressés. . ,
Aet 5 — Chacun des Etats contractants aura le pouvoir d'expulser
de son'te'rritoire, conformément à ses lois, tout coupable qui s'y réfugie-
rait après qu'il en a été donné avis à l'Etat contre lequel le crime aura
été commis, aucune instance en extradition n'est engagée contre le cou-
^\et 6 — Les actes commis dans le territoire d'un Etat qui ne sont
passibles" d'aucune pénalité d'après ses lois, mais qui sont punis par
les lois du pays où ils peuvent produire leurs effets, ne pourront donner
lieu à aucune instance judiciaire dans ce dernier Etat, à moins que l'au-
teur de ces actes ne soit trouvé sur son territoire.
Cette règle recevra son application pour tous les actes coupables ne
donnant pas lieu à l'extradition. , .-.m-^
^jix 7 — Pour la poursuite et le jugement des crimes et délits com-
mis par l'un des membres d'une légation, ou observera les règles du droit
public international.
Art 8 — Les crimes et délits commis en haute mer ou en eaux neu-
tres, abord des navires de guerre ou des navires marchands, seront
poursuivis et punis conformément aux lois de l'Etat soua le pavillon du-
quel naviguent ces navires. .,,-,. . -,
Art 9. — Les crimes et délits commis a bord d'un navire de guerre,
lorsqu'il est dans les eaux d'une nation étrangère, seront poursuivis et
punis par les tribunaux de l'Etat auquel appartient ce vaisseau, et con-
formément aux lois de cet Etat. . ^ i,
La même règle s'appliquera aux actes coupables commis, en dehors
du navire, par les hommes de l'équipage ou par les personnes employées
à bord si les dits crimes ou délits affectent seulement la loi ou les règle-
oments 'de discipline en vigueur à bord de ce vaisseau. Mais si, dansles
crimes et délits ci-dessus visés, commis hors du navire, se trouvent im-
pliquées des personnes n'appartenant pas au navire, la juridiction
compétente sera celle de l'Etat dans les eaux territoriales duquel se
trouve ce navire. . s , -, -,, • a
Art. 10. — Les crimes ou délits comnîis à bord d'un vaisseau de
.guerre ou d'un navire marchand, dans les conditions indiquées à l'ar-
ticle 2, devront être poursuivis et punis conformément aux dispositions
de cet article. . . , -, -,,
Art. 11. — Les crimes ou délits, commis à bord d'un navire mar-
chand, devront être poursuivis et punis conformément aux lois de
l'Etat dans les eaux duquel se trouve ce navire.
Art. 12. — Au point de vue de la juridiction, on appelle eaux d'nn
j:tat celles qui sont comprises dans un rayon de cinq milles, à partir de
la côte du continent ou de la côte de l'île formant le territoire de cet
Etat
Art. 13. — Les actes de piraterie, tels qu'ils sont définis par le Droit
International Public, seront soumis à la juridiction de l'Etat entre les
mains duquel les coupables sont tombés.
, ^p,T. 14. — Les poursuites criminelles pourront être arrêtées par les
délais de prescriptions admis dans le pays ayant juridiction pour con-
naître et punir les crimes commis. L'expulsion des coupables sera faite
également d'après les lois du même Etat.
— 192 —
TITRE II.
Bu Droit d'Asile.
Art. 15. — Le coupable qui se sera réfuejié sur le territoire d'un Etat
ne pourra être remis aux autorités d'un autre Etat que sur une demande
d'extradition et après l'accomplissement desformalités requises àceteffet.
Art. 16. — Le dioit d'asile est inviolable pour les délinquants politi-
ques, mais l'Etat a le devoir d'empêcher cette classe de réfugiés de
commettre, sur son territoire, aucun acte pouvant attenter à la tran-
quillité publique de l'Etat contre lequel le délit a été commis.
Art. 17. — Les individus accusés de crimes ou délits n'ayant pas un
caractère politique, et qui se réfugient dans une légation, devront être
remis aux mains des autorités locales par le chef de la dite légation,
soit sur la requête du secrétaire d'Etat des affaires étrangères, soit motu
proprio. Mais s'il s'agit de délinquants politiques réfugiés dans une lé-
gation, cette légation deviendra pour eux un asile, dont l'inviolabilité
sera respectée. Le chef de la légation, cependant, devra donner immé-
diatement avis au Gouvernement près duquel il est accrédité de ce qui
se passe, et le dit Gouvernement aura le droit de demander que les
réfugiés soient expulsés du territoire national dans le plus bref délai.
Le chef de la légation aura, de son côté, le droit d'exiger toutes les ga-
ranties nécessaires pour que l'expulsion des dits réfugiés s'effectue sans -
préjudice de l'inviolabilité attachée à leurs personnes.
La même règle sera applicable aux individus qui se seront réfugiés à .
bord d'un navire de guerre se trouvant dans les eaux de l'Etat.
Art. 18. — Les dispositions de l'article 15 ne pourront s'appliquer aux .
déserteurs des navires de guerre se trouvant dans les eaux d'un Etat.
Les dits déserteurs, à quelque nationalité qu'ils appartiennent, de-
vront être arrêtés par les autorités locales, sur la preuve de leur identité,
lorsque la légation, ou à défaut de la légation, le consul de la contrée à
laquelle appartiennent ces déserteurs en auront fait la requête.
TITRE III.
De VExtradition.
Art. 19. — Chaque nation est obligée de se remettre l'une à l'autre
les coupables qui se sont réfugiés sur son territoire dans les cas suivants,
savoir :
1. Que la nation qui réclame la remise du coupable ait juridiction
compétente pour juger et punir le crime dont le réfugié est accusé;
2. Que ce crime ait un caractère de gravité qui autorise l'extradition ;
3. Que la nation réclamant l'extradition ait fourni tous les documents
qui, selon ses propres lois, autorise l'arrestation et le jugement du cou-
pable ;
4. Que l'action contre le coupable ne soit pas prescrite d'après les lois
de l'Etat qui demande l'extradition;
5. Que le coupable n'a pas été déjà puni pour le même crime, et n'ait
pas purgé sa condamnation.
Art. 20. — L'extradition devra recevoir sa complète exécution et, en
aucun cas, ne pourra être empêchée par la nationalité du coupable.
Art. 21. — Les crimes pour lesquels l'extradition pourra être deman-
dée sont les suivants :
— 193 —
1. Pour les simples prévenus, ceux qui, d'après les lois du pays de-
mandant l'extradition, sont punis d'un emprisonnement de deux années
au moins ou d'une pénalité équivalente;
2. Pour les condamnés, ceux qui entraînent un emprisonnement d'un
an au minimum.
Art. 22. — L'extradition ne pourra être accordée pour les faits ci-
après: duel, adultère, écrit diffamatoire, trahison. Mais les crimes de
droit commun, connexes avec les actes ci-dessus, seront soumis à l'ex-
tradition.
Art. 23. — Les crimes politiques, attentant à la sûreté intérieure ou
extérieure de l'Etat, ou les crimes de droit commun, connexes avec eux,
ne seront pas susceptibles d'extradition.
La détermination du caractère de ces crimes appartient à la nation à
laquelle l'extradition est demandée, et ce droit sera exercé conformé-
ment aux dispositions des lois les plus favorables au coupable.
Art. 24. — Aucune action civile ou commerciale, engagée contre le
coupable, ne pourra empêcher l'exécution de l'extradition.
Art. 25. — L'extradition du coupable pourra être retardée aussi
longtemps qu'il sera nécessaire pour purger une condamnation encourue
par lui dans l'Etat auquel il est réclamé, mais la procédure d'extradi-
tion ne sera pas suspendue par cette circonstance.
Art. 26. — Les personnes dont l'extradition aura été accordée ne
pourront jamais être poursuivies ni condamnées pour crimes politiques
commis antérieurement, ou pour d'autres actes connexes avec ces crimes;
mais les dites personnes peuvent être poursuivies et condamnées dans
le pays auquel elles ont été remises, et avec le consentement préalable
de l'Etat qui les a livrées, pour tous crimes et délits soumis à l'extra-
dition, quoique non spécifiés dans la demande d'extradition.
Art. 27. — Lorsque les demandes d'extradition sont adressées par
plusieurs Etats et pour différents crimes ou délits, la remise du coupable
doit être faite à l'Etat contre les lois duquel l'offense commise a été la
plus grave. Si les crimes sont d'égale gravité, la remise du coupable doit
être faite à la nation qui, la première, a formulé sa demande. Mais si
toutes les demandes portent la même date, la remise en sera faite à la
volonté et au choix du Gouvernement accordant l'extradition.
Art. 28. — Si, après la remise du coupable, une nouvelle démande
d'extradition est adressée par un autre Etat, il sera loisible à l'Etat qui
a accordé la première extradition d'accéder à cette demande ou de la
rejeter, excepté toutefois dans le cas où le prisonnier aurait été mis en
liberté.
Art. 29. — Lorsque le crime pour lequel l'extradition d'un individu
est demandée est puni de mort, la nation qui accorde l'extradition peut
demander, comme condition de son concours, la commutation de la
peine et l'application de la pénalité immédiatement inférieure.
TITRE IV.
Procédure en Extradition.
Art. 30. — Les demandes d'extradition devront être présentées par
l'intermédiaire des légations ou des agences consulaires respectives et,
dans le cas où il n'y en aurait pas d'établies, ces demandes seront direc-
— 194 —
tement présentées de G-ouvernement à Gouvernement, et elles devront
être accompagnées nécessairement des documents suivants :
1. Pour les simples prévenus, par une copie légalisée du texte de la
loi criminelle, applicable au crime ou délit pour lequel est faite la de-
mande d'extradition, et du mandat d'arrêt et autres papiers indiqués
dans le No. 3 de l'article 19 ;
2. S'il s'agit d'un condamné, par une copie de la sentence définitive
prononcée contre le coupable, et par des documents également légalisés
prouvant que la personne condamnée a été assignée et a été présentée au
jugement ou légalement condamnée comme contumace.
Art. 31. — Si le Gouvernement auquel a été adressée la demande
d'extradition estime qu'il n'y a pas lieu de l'accorder, pour défaut de
formes dans les documents fournis, il devra les retourner au Gouverne-
ment demandeur, avec indication précise des formalités omises.
Art. 32. — Si la demande d'extradition est régulière, le Gouverne-
ment auquel elle est faite adressera tous les papiers au juge ou au tri-
bunal compétent, lequel ordonnera l'arrestation du coupable s'il le juge
nécessaire, conformément aux dispositions du présent traité.
Art. 33. — Dans tous les cas où, conformément aux dispositions de ce
traité, l'arrestation doit avoir lieu, il sera donné à l'accusé, dans les
vingt-quatre heures de son arrestation, communication des causes et
motifs de cette arrestation, et du droit qui lui est accordé en vertu de
l'article suivant.
Art. 34. — Le prisonnier sera autorisé, dans le délai de trois jours
pleins, à compter de la date de son premier interrogatoire, à s'opposer
à son extradition pour les raisons suivantes :
1. Qu'il n'est pas la personne pour laquelle la demande d'extradition
est formulée ,
2. Que les documents de cette demande ne sont pas réguliers ;
3. Que le délit dont il est accusé n'est point soumis à l'extradition.
Art. 35. — La preuve de ces affirmations, dans le cas où elle serait
nécessaire, sera admise dans les formes de procédure et dans les délais
prescrits par les lois de l'Etat auquel l'extradition est denmndée.
Art. 36. — Après la production des preuves, le juge ou le tribunal
décidera dans un délai de dix jours, sans autre procédure, si l'extradi-
tion doit ou non être accordée.
Un appel contre cette décision pourra être fait dans un délai de trois
jours deva^nt la cour compétente, et cette cour devra rendre sa sentence
dans le délai de cinq jours.
Art. 37. — Si la décision prise est d'accorder l'extradition, le tribu-
nal qui aura rendu cette décision devra immédiatement en aviser le
pouvoir exécutif pour que celui-ci fasse la remise du prisonnier.
Si la décision est de refuser l'extradition, le juge ou le tribunal ordon-
nera immédiatement la mise en liberté du prisonnier et en avisera le
pouvoir exécutif en lui adressant une copie de sa décision.
Si l'extradition est refusée par suite d'insuffisance de documents, l'in-
stance sera reprise dès que le Gouvernement, dont la demande a été
rejetée, fournira de nouveaux documents ou complétera ceux déjà remis.
Art. 38. — Si le prisonnier acquiesce à sa remise aux mains de l'auto-
rité qui le réclame, la cour prendra acte de cet acquiescement et rendra
une décision accordant l'extradition.
Art. 39. — Tous les articles ou objets trouvés en la possession du cou-
— 195 —
pable, et ayant un rapport quelconque avec le crime ou délit pour lequel
l'extradition est sollicitée, devront être remis en même temps que le pri-
sonnier.
Ceux qui seraient trouvés en la possession d'autres personnes ne pour-
ront être remis sans que le possesseur ait été entendu, et une décision
prise à l'égard de ses afQrmations.
Aet. 40. — Lorsque l'extradition se fera par voie de terre, le Gouver-
nement qui doit remettre le prisonnier sera obligé de le conduire à la
frontière soit de l'Etat demandeur, soit de l'Etat dont il doit traverser le
territoire.
Lorsque l'extradition s'opérera par mer, ou par voie fluviale, le pri-
sonnier sera remis aux agents de la nation demanderesse au port d'em-
barquement.
La nation qui demande l'extradition aura toujours le droit d'envoyer
un ou plusieurs agents de police pour la garde du prisonnier; mais les
fonctions et les pouvoirs de ces agents seront soumis à l'autorité de la
police du pays faisant la remise du prisonnier.
Art. 41. — Dans le cas où l'extradition a été accordée, mais où, pour
l'exécuter, il faut traverser le territoire d'un autre Etat, ce dernier don-
nera la permission de le faire, sur la simple remise, qui devra lui être
faite par voie diplomatique, d'une copie authentique du décret par lequel
l'extradition a été accordée.
Si la permission est accordée, les dispositions du troisième paragra-
phe de l'article précédent recevront leur application.
Art. 42. — Les dépenses qu'entraînera la demande d'extradition jus-
qu'au moment de la remise du prisonnier seront supportée par l'Etat au-
quel la demande est adressée ; mais toutes les dépenses ultérieures se-
ront à la charge de l'Etat qui a fait la demande.
A-RT. 43. — Lorsque l'individu dont l'extradition a été accordée n'est
qu'un prévenu, le Gouvernement auquel le prévenu a été remis devra
communiquer au Gouvernement qui a accordé l'extradition la décision
rendue dans l'instance pour laquelle la demande a été accordée.
TITRE V.
De V arrestation préventive.
Art. 44. — Eu cas d'urgence, l'Etat auquel est adressée une demande
d'extradition, ordonnera l'arrestation préventive du coupable, s'il en est
requis, par poste ou télégraphe, par l'Etat sollicitant l'extradition, à la
condition, cependant, qu'il soit affirmé qu'un jugement ou un mandat
d'arrêt a été rendu, et que la nature du crime ou délit commis soit clai-
rement établie ou définie.
Art. 45. — L'individu ainsi arrêté devra être remis en liberté si, dans
les dix jours qui suivront l'arrivée du premier courrier expédié après la
date de la demande d'arrestation préventive, il n'est formulée aucune de-
mande d'extradition.
Art, 46.— Dans tous les cas d'arrestation préventive, la responsabilité
d'un tel acte incombe à l'Etat qui l'a sollicité.
Dispositions Générales.
Art. 47. — La ratification simultanée du présent traité par toutes les
nations contractantes ne sera pas nécessaire pour sa validité. L'Etat qui
— 196 —
approuve ces dispositions devra communiquer son adhésion aux Gouver-
nements de la République Argentine et de la République Orientale de
rUruftuay, qui en aviseront les autres Etats contractants. Cette commu-
nication tiendra lieu d'échange de ratifications.
Art. 48, — Après l'échange des ratifications faites de la manière re-
portée dans l'article précédent, le traité restera en vigueur pendant une
période de temps illimitée.
Art. 49. — Si l'une des nations conti'actantes jugeait devoir cesser
d'adhérer au présent traité, ou désirait en modifier quelques dispositions,
il lui serait loisible de le faire, pourvu qu'elle en donne avis aux autres
nations contractantes ; mais elle ne sera relevée de ses engagements
qu'après l'expiration de deux ans, à dater de la notification ci-dessus,
délai qui sera employé à s'entendre sur les bases d'un arrangement nou-
veau.
Art. 50. — Les dispositions de ce traité seront applicables seulement
aux crimes ou délits commis pendant qu'il aura été en vigueur.
Art, 51. — Les dispositicms de l'article 47 S(mt applicables aux na-
tions qui n'ont pas pris part au Congrès, mais qui désirent adhérer au
présent traité.
ANNEXE ]Sro. 17.
CONFÉRENCE INTERNATIONALE AMÉRICAINE.
rapport de la commission des questions relatives ATT DÉVE-
LOPPEMENT DE LA PROSPÉRITÉ GÉNÉRALE.
PLAN d'arbitrage.
Les Délégués de V Amérique du Nord, de V Amérique Centrale et de
V Amérique du Sud réunis en Conférence :
Croyant que la guerre est le plus coûteux, le plus cruel, le plus stérile
et le plus dangereux expédient pour le règlement des difificultés inter-
nationales ;
Reconnaissant que l'élévation des principes moraux qui régissent les
sociétés politiques a fait naître une aspiration ardente en faveur du
règlement pacifique de ces difficultés ;
Animés par la conviction des grands avantages moraux et matériels
qu'ofi"re la paix à l'humanité, et croyant que les dites nations respecti-
vement se trouvent actuellement dans des conditions particulièrement
favorables pour la substitution de l'arbitrage aux luttes à main armée ;
Convaincus, par leur réunion amicale et leurs relations cordiales dans
cette Conférence, que les Républiques Américaines également soumises
aux principes, aux devoirs et aux responsabilités du Gouvernement
populaire, et liées entre elles par des intérêts vastes et croissants, peu-
vent, dans la limite de leur propre sphère d'action, maintenir la paix et
le bon vouloir entre les habitants de leurs territoires respectifs ;
— 197 —
Et considérant qu'il est de leur devoir de donner leur assentiment
aux principes élevés, autorisés par les traditions, soutenus par la raison
publique et proclamés par l'humanité entière pour la protection des
Etats faibles, pour l'h-mneur des forts et pour le bien-être de tous
Recommandent solennellement à tous les G-ouvernements qui les ont
accrédités à la présente Conférence de conclure un traité uniforme d'ar-
bitrage dans les termes suivants : , ^. ^ ^ r^ .. ^4- /.„ o„/i
Article premier. - Les Républiques du Nord, du Centre et du Sud
de l'Amérique adoptent, par ces présentes, l'arbitrage comme principe
de droit international américain pour le règlement des difficultés, dis-
putes et controverses qui peuvent s'élever entre deux et plusieurs d en-
■{■i»p pllpo
Art 2 — L'arbitrage sera obligatoire dans toutes les controverses
concernant les privilèges diplomatiques ou consulaires, les frontières, les
territoires, les indemnités, les droits de navigation, la validité, l'inter-
prétation et l'exécution des traités. , ^ ^. „ i„„
Art 3 —L'arbitrage sera également obligatoire dans toutes les
controverses, autres que celles mentionnées dans l'article qui précède,
quels qu'en soit d'ailleurs l'origine, la nature ou l'objet, sous la seule
exception mentionnée dans l'article qui suit. „ . . .
Art 4 — Les seules questions exceptées sont celles qui, au jugement
exclusif de l'une des nations engagées dans la controverse, pourraient
compromettre son indépendance. Dans ce cas, l'arbitrage sera facultatit
pour cette nation, mais si elle le requiert, il sera obligatoire pour la par-
Art 5 — Toutes les controverses, tous les différends actuellement
existants ou qui pourront surgir par la suite seront soumis à l'arbitrage,
même s'ils ont pour origine des faits antérieurs au présent traite. ^
Art 6. — Ne pourra être remise en question, en vertu du présent
traité, aucune controverse au sujet de laquelle serait déjà intervenu un
arrangement définitif entre les parties. En pareils cas, on ne pourra re-
courir à l'arbitrage que pour régler les questions concernants la validité,
l'interprétation ou l'exécution du dit arrangement.
Art. 7. —Le choix des arbitres n'est assujetti a aucune hinite, â au-
cune préférence. Pourra être désigné comme arbitre tout Gouverne-
ment entretenant des relations amicales avec la nation opposée à celle
qui aura choisi ce Gouvernement. Les fonctions d'arbitre peuvent aussi
être confiées aux tribunaux judiciaires, aux corps savants, à des tonc-
tionnaires publics ou à de simples particuliers, qu'ils soient ou non ci-
toyens de l'Etat qui les a choisis.
Art. 8. — Le Tribunal arbitral peut être compose d'une seule ou de
plusieurs personnes. Pour que le tribunal soit unipersonnel, il est néces-
saire qu'il soit élu d'un commun accord par les parties. S'il est compose
de plusieurs personnes, elles peuvent être choisies de commun accord
par les nations intéressées. A défaut d'accord, chaque nation ayant un
intérêt distinct dans la question en débat aura le droit de nommer un
arbitre pour sa part. ,, ...
Art. 9. — Toutes les fois que le Tribunal se composera d'arbitres .
nombre pair, les nations intéressées désigneront un sur-arbitre qui déc-
dera de toutes les questions sur lesquelles les arbitres ne pourront s a-
corder. Si les nations intéressées ne peuvent s'accorder sur le choix d i
sur-arbitre, ce choix sera déféré aux arbitres déjà nommés par elles.
— 198 —
Art. 10. — Le choix d'un sur-arbitre et son acceptation devront avoir
lieu avant l'audition par les arbitres des questions soumises à leur déli-
bération.
Art. 11. — Le sur- arbitre ne pourra siéger comme membre du Tri-
bunal ai'bitral ; ses pouvoirs et son devoir se borneront à trancher les
questions, la principale comme les incidentes, sur lesquelles les arbitres
ne pourront pas s'accorder.
Arï. 12. — En cas de mort, démission ou empêchemept des arbitres
ou du sur-arbitre, il sera pourvu à leur remplacement de la même ma-
nière qu'ils avaient été choisis eux-mêmes.
Art. 13. — Le Tribunal arbitral tiendra ses séances au lieu qui aura
été désigné par les parties intéressées; au cas où les parties auront omis
de désigner ce lieu ou n'auront pas pu s'accorder à ce sujet, le choix en
sera décidé par le Tribunal.
Art. 14. — Quand le Tribunal sera composé de plusieurs arbitres,
l'action de la majorité absolue de ses membres ne sera ni paralysée ni
restreinte par l'absence ou la retraite de la minorité. En pareil cas, la
majorité devra poursuivre, au contraire, l'accomplissement de ses
devoirs, et résoudre les questions soumises à sa considération.
Art. 15. — La décision de la majorité absolue des membres du Tri-
bunal arbitral sera définitive tant sur la question principale que sur les
questions incidentes, à moins que dans la convention déférant la ques-
tion à l'arbitrage, il n'ait été expressément stipulé que l'unanimité des
voix sera essentielle pour la validité du jugement arbitral.
Art. 16. — Les dépenses générales de l'arbitrage seront également
réparties entre les Grouvernements qui y auront eu un intérêt ; mais les
frais auxquels pourront donner lieu, pour chaque partie, la préparation
et la présentation de ses moyens de défense resteront à sa charge.
Art. 17. — Toutes les fois qu'il se produira une dispute, les nations
intéressées nommeront des tribunaux d'arbitrage conformément aux
dispositions des articles qui précèdent. Ne pourront être écartées ces
dispositions, ni des tribunaux d'arbitrage institués sur d'autres bases,
que du consentement mutuel et libre de toutes les nations intéressées.
Art. 18. — Le présent traité aura une durée de vingt années consécu-
tives, qui commenceront à courir de la date de l'échange des ratifications.
Après l'expiration de cette période, il continuera à être en vigueur jus-
qu'à ce que l'une des parties contractantes ait notifié à toutes les autres
son désir d'y mettre fin. Dans ce cas, le traité restera obligatoire pen-
dant une année entière pour la nation qui aura fait cette notification et
à partir de la date de celle-ci.
Néanmoins, il demeure entendu que la retraite d'une ou plusieurs des
nations contractantes n'invalidera pas le traité à l'égard des autres parties.
Art. 19. — Le présent traité sera ratifié par toutes les nations qui
l'approuvent, suivant leurs formes constitutionnelles respectives, et les
ratifications seront échangées dans la ville de Washington, au plus tard
le 1er mai de l'année de N. S. 1891.
Toute autre nation peut accepter le présent traité et y devenir partie,
en en signant une copie dont le dépôt sera confié au G-ouvernement des
Etats-Unis, qui en donnera connaissance à toutes les autres parties con-
tractantes.
En foi de quoi, les plénipotentiaires soussignés ont apposé aux pré-
sentes leurs signatures et leurs sceaux.
— 199 —
Fait dans la ville de WasMngton en copies, en anglais, en
espagnol et en portugais, ce jour du mois de mil
huit cent quatre-vingt-dix.
II.
RECOMMANDATIOÎTS AUX PTJISSANCES EUEOPÉBÎTNES.
La Conférence Internationale Américaine décide :
La Conférence, ayant recommandé l'arbitrage pour le règlement de
toutes les disputes pouvant s'élever entre les nations de l'Amérique, se
nermet d'exprimer son vœu que toutes les coutroverses qui pourront
surgir entre elles et les nations de l'Europe soient réglées par ce même
moyen amical. ^ , , /i„„ „„
Elle recommande, en outre, que le Gouvernement de chacune des na-
tions ici représentées communique ce vœu à toutes les puissances amies.
III.
DU DROIT DE CONQUÊTE.
La Conférence Internationale Américaine :
Considérant qu'elle resterait au-dessous de sa mission, en ce que celle-
ci offre de plus élevé dans sa conception, si elle s'abstenait de consacrer
ses aspirations pacifiques et fraternelles par des déclarations tendant a
consolider la stabilité des nations et à assurer entre tous les Etats de ce
continent des relations internationales conformes a la justice.
Il est recomaudé instamment aux Gouvernements représentes a la
Conférence d'adopter les déclarations suivantes : , ^ •.
1 Le principe au droit de conquête ne sera point admis par le droit
nublic américain pendant l'existence du traité d'arbitrage.
2 Toute cession de territoire faite pendant l'existence du traite d ar-
bitrage sera nulle si elle a été obtenue par des menaces de guerre ou
la pression d'une force armée. , ^ . -, • ^ *.
3 Toute nation qui aura été ainsi forcée de faire des cessions de ter-
ritoire pourra demander que la validité de ces cessions soit soumise a
4. Toute renonciation au droit d'arbitrage, faite dans les conditions
indiquées en l'article 2, sera nulle et non avenue.
LBiVly'07
^id^o
RAPPORT
ADRESSE AU
Gouvernement d'Haiti
PAE
MR. HANNIBAL PRICE
DELEGUE A LA
Conférence InterDationale ibé
TENUE A
WASHINGTON, ETATS-UNIS
DU 2 Octobre 1889 au 19 Avril 1890
NEW YORK
IMPRIMERIE FRANÇAISE LOUIS WEISS & CO.
Nq. 116 FULTON STREET
1890
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