(Propos du Lieutenant-Général retraité Prosper Avril Major de la Promotion (10 octobre 2009) Chers invités, Permettez-moi d\’abord de remercier mes camarades de m\’avoir fait l\’insigne honneur de me désigner, en tant que Major de la Promotion, pour exprimer leurs sentiments en ce grand jour de la célébration du Jubilé d\’or de la Promotion Lysius Félicité Salomon Jeune, notre promotion. Je salue les épouses des camarades décédés ainsi que les parents, confrères et amis qui ont eu l\’obligeance de faire le déplacement pour venir participer avec nous à cette réunion du souvenir. Un grand merci à notre distinguée consoeur Camille Sylaire qui traduit le sentiment de nos épouses en ce jour. Mes remerciements également au Lieutenant François Benoît, notre instructeur émérite, pour ses propos d\’encouragement et de solidarité en cette occasion solennelle. Je salue spécialement la présence parmi nous, ce soir, du Sénateur Youri Latortue, du ministre Patrick Delatour, du Représentant de l\’Association Militaire d\’Haïti, Joseph D. Alexandre, du farouche défenseur des Droits de l\’Homme, le professeur Gérard Gourgue, de la Congresswoman Corinne Brown de Floride, du colonel Jean Valmé, notre ancien instructeur, et particulièrement du Congressman James Oberstar, notre professeur d\’Anglais à l\’Académie Militaire qui, malgré son emploi du temps très chargé, a décidé de faire le voyage en Haïti pour nous assister en ce grand jour.
Chers amis invités, Il y a juste cinquante ans, cinquante jeunes Haïtiens, choisis parmi une cohorte de 950 candidats au concours d\’admission à l\’Académie Militaire d\’Haïti embrassaient la carrière militaire, une profession les plaçant dans la lignée des défenseurs de ce coin de terre légué par nos Ancêtres. Une carrière difficile, certes, mais exaltante ; une profession dont les servitudes imposées sont nombreuses, mais qui comporte également ses grandeurs. Difficile, dangereuse, contraignante, ces caractéristiques de notre choix s\’étalaient à nu dès le premier contact avec ceux qui devaient être nos futurs instructeurs. En effet, le premier jour des épreuves écrites auxquelles étaient soumis les postulants, il s\’agissait de développer un thème très suggestif de l\’ampleur de la tâche qui nous attendait : «Il faut aller à la vie comme on va au feu, bravement, sans se demander comment on reviendra». A travers ce sujet d\’examen proposé, les enjeux s\’annonçaient donc clairs et nets. Le jour de notre arrivée, l\’Officier en charge sollicitât notre attention première sur l\’inscription portée au-dessus de la grande barrière d\’entrée : «HONNEUR ET PATRIE». Ce slogan devait, dès ce jour de notre engagement, constituer le leitmotiv de toutes nos actions. Puis, après une réception des plus mémorables où les beaux costumes que nous portions étaient, en un clin d\’oeil, transformés en lambeaux, il nous fut présenté, pour être rempli et signé, un formulaire qui n\’était autre qu\’un testament olographe. Avant d\’intégrer le métier de soldat, il pouvait arriver de perdre la vie, sans préavis. Puis, après avoir réparti les 50 cadets en 6 chambrées, un numéro était attribué à chacun d\’eux, par ordre alphabétique : 1ère chambrée : Abraham Hérard, Avin William, Avril Prosper, Cabrol Raymond, Charles Serge Elie, Chassagne Jean-Claude, Chavannes Roland et Délice Marcelin ; 2ème Chambrée : Désir Wilson, Dorsainvil Carl, Forestal Guy, Frédéric Albert, Gay Roger, Germain Fritz, Germain Lothanie et Goin Charles Yvon ; 3ème Chambrée : Guillaume Raymond, Hilaire Maurice, Honorat Ernst, Jean Francis, Jean Gracia, Jean-Baptiste Antoine, Jean-Baptiste Guy-Serge, Jean-Baptiste Wilson et Jean-Pierre André ; 4ème Chambrée : Jean-Poix Antonio, Jodesty Weber, José Yves, Joseph Denizard, Lacrète Gérard, Laforest Joseph, Lamour Marc, Laurenceau Jean-Claude et Mardy Arnel ; 5ème Chambrée : Maxi Senor, Orcel Emmanuel, Painson Gabriel, Pierre Luckny, Monestime Prévost, Mompoint Renaud, Obas Pierre-Michel et Paul Jean-Claude ; 6ème Chambrée ; Pierre-Jérôme Eric, Pouponneau Charles, Reid Ralph, Rémy Alix, Romulus Fritz, Saint-Louis Acédius, Sicard Nisard, et Sylaire Avenant. EN citant ces noms, nous frémissons d\’émotions et sentons très fortement la présence en cette enceinte de nos camarades disparus.
Dix-neuf d\’entre sont partis pour l\’au-delà, à savoir: Raymond Cabrol, Marcelin Délice, Wilson Désir, Carl Dorsainvil, Albert Frédéric, Fritz Germain, Charles Yvon Goin, Maurice Hilaire, Ernst Honorat, Wilson Jean-Baptiste, Weber Jodesty, Joseph Laforest, Prévoist Monestime, Renaud Mompoint, Pierre-Michel Obas, Jean-Claude Paul, Ralph Reid, Alix Rémy et Avenant Sylaire. Quant aux instructeurs, ils étaient au nombre de vingt cinq. Ils ont pour noms : Lucien Alerte, Gérard Balmir, François Benoît, Roger Cazeau, Jean-Baptiste Georges, Géard Gourgue, Jean-Baptiste Hilaire, Serge Hilaire, Gabard Jonquille, Roland Jean-Louis, Joseph Lamarre, Joseph Laroche, Panestecker Laroche, Wilthan Lhérisson, Edner Christian Théodore, Jean Valmé et Yves Volel. Eux tous travaillaient sous la supervision des directeurs Harry Neptune d\’abord, puis, Claude Raymond. Du côté des Instructeurs également, nous avons à déplorer des départs. Parmi eux, quinze ont quitté ce monde, dont Lucien Alerte, Roger Cazeau, Jean-Baptiste Georges, Gérard Gourgue, Serge Hilaire, Gabard Jonquille, Joseph Lamarre, Joseph Laroche, Wilthan Lhérisson, Edner Nelson, Harry Neptune, Serge Péan, Claude Raymond, Vincent Tavernier et Yves Volel. A la mémoire des Instructeurs et des camarades décédés, je demande à l\’assistance de bien vouloir observer debout une minute de recueillement… Merci. Notre Promotion est baptisée Lysius Félicité Salomon Jeune, un nom qui restera gravé dans les annales de l\’Histoire pour son courageux discours prononcé à la Cathédrale des Cayes, le 29 octobre 1845. Pour la première fois, depuis le crime abominable du Pont Rouge, un citoyen avait osé faire publiquement le panégyrique de Jean-Jacques Dessalines, le Fondateur de notre Indépendance. Salomon Jeune était alors Administrateur des Finances du gouvernement de Louis Pierrot qui, suite à ce discours, ordonna que, pour rappeler la mort de Dessalines, des cérémonies religieuses soient tenues dans tout le pays le 17 octobre de chaque année. Jean-Jacques Dessalines est, depuis, réhabilité à la mémoire de la Nation. Voilà le symbolisme que nous inspire le patronyme de Salomon : patriotisme, respect du culte des Ancêtres. De plus, Salomon Jeune, devenu Président de la République, fit promulguer, en 1881, une loi portant création de la première Ecole Militaire du pays. Une mission militaire française, sous la direction du Commandant Léon Durand, officier d\’Etat-major de l\’Armée française, aida à en jeter les fondements. Plus tard, en l\’année 1903, une Compagnie d\’instruction fut créée afin d\’améliorer la qualité du personnel militaire haïtien.
Cette Compagnie, baptisée «Le Giboziens», du nom de son «Superviseur» le capitaine français Alphonse Giboz, comprenait des officiers diplômés des meilleures écoles ou Académies militaires de France, tels Xavier Latortue de Polytechnique, Léonce Laraque et Alfred Nemours de l\’Académie Saint-Cyr et Saumur. En l\’année 1916, sous l\’Occupation américaine, fut créée une seule et unique organisation englobant toutes les forces militaires et de police du pays : la Gendarmerie d\’Haïti, successivement dénommée Garde d\’Haïti, Armée d\’Haïti, et Forces Armées d\’Haïti, tout en gardant les mêmes structures et les mêmes uniformes. Mais ce n\’est qu\’en 1921 que fut remise en fonctionnement dans des locaux aménagés finalement à Sans Fil, l\’Ecole Militaire d\’Haïti qui reçut en cette année sa première classe d\’Elèves-officiers. Depuis, neuf classes y ont été formées sous la direction d\’officiers américains. Les voici, avec les majors de ces promotions : 1-1921- c\’est la Promotion de Gustave Laraque, 2- 1922- Durcé Armant, 3- 1925 – Astrel Roland ; 4- 1928 : Henri Fils-Aimé ; 5- 1930- Marc Colimon ; 6- 1931 : Pierre Armand ; 7- 1933- Lucien Mangonès ; 8- 1938- marcel Colon ; 9- 1941 : Lionel Fombrun. Au mois de novembre 1943, l\’Ecole Militaire d\’Haïti fut baptisée «Académie Militaire d\’\’ Haïti» au moment de l\’installation du premier directeur haïtien de cette institution, le Major Antoine Levelt. Le 3 janvier 1944, fut recrutée une classe assez nombreuse de cadets dont cinquante-cinq furent commissionnés sous-lieutenants avec Antonio Doublette comme major de la promotion. En l\’année 1952, l\’Académie Militaire d\’Haïti fut transférée dans des bâtiments nouvellement construits à Frères, Pétion-Ville. Depuis ce transfert, elle a formé quinze classes de cadets dont la nôtre. Dès lors, s\’est établi l\’usage de doter chaque Promotion d\’un patronyme : 1- 1952- C\’est la promotion de Jean-Baptiste Hilaire baptisée : Tri-Cinquantenaire ; 2- 1954 Jean-Baptiste Pluviose (Pierre Sully) : 3- 1955 – Serge Charles (Cette promotion commissionnée en pleine période de crise politique (1957), n\’a pas eu de nom) ; 4- 1956 : François Benoit (Capois-La-Mort) ; 5- 1958 : Donald Manigat (Jean-Jacques Dessalines) 6- 1959 : Prosper Avril (Lysius Félicité Salomon Jeune). A partir d\’octobre 1961, l\’Académie Militaire d\’Haïti connut une période d\’éclipse de dix années. Remise en fonctionnement en 1971, elle a formé, depuis, neuf autres classes de Cadets : 1- 1971 – C\’est la Promotion de Raoul Cédras baptisée : Jean-Claude Duvalier ; 2- 1974 : Ernst Prud\’homme (François Duvalier) ; 3- 1978- Jean Thomas Cyprien (Toussaint Louverture) ; 4- 1980 : Hernst Mompoint (Henry Christophe) ; 5- 1981 : Jackson Joanis (Caonabo) ; 6- 1982 : Lesly Mendès Pétion (Charlemagne Péralte) ; 7- 1984 : Dieudonné Louicin (Charlotin Marcadieu) ; 8- 1987 : Youri Latortue (Cacique Henri) ; et enfin 9- 1991 : Jean Lewis Bourgouin (Chéry Germain). Telle est l\’historique de l\’Académie Militaire d\’Haïti qui a formé tant de citoyenssée dans ce centre a toujours été de la meilleure qualité.
A ce point de vue, la promotion Lysius Félicité Salomon Jeune a été bien servie. Nous ne saurions jamais oublier la rectitude d\’un Henry Neptune, l\’intransigeance d\’un René Prosper, la perspicacité du mathématicien Roland Jean-Louis, la fermeté d\’un Yves Volel ou la force de caractère d\’un François Benoît. Que dire de l\’équipe des jeunes sous-lieutenants toujours collés à nos trousses, Serge Hilaire, Wilthan Lhérisson et Roger Cazeau ? Pour eux, «lorsque le Cadet paraît fatigué, il est à même de réaliser le double de ce qu\’il a déjà fait» ! Lequel d\’entre nous n\’a-t-il pas en mémoire les dix points de la tenue du Cadet au «Garde-à-vous» ? Essayons avec moi : La tête droite, les yeux au front, le menton rentré, les épaules rejetées en arrière, la poitrine saillante, le ventre rentré, les hanches à niveau, les pouces sur la couture du pantalon, les jambes tendues sans raideur, enfin, les pieds formant un angle de 45º. Félicitations !!! En continuant à visionner le film des souvenirs qui ont marqué notre passage à l\’Académie Militaire, nous revoyons : Jean-Baptiste Hilaire, cet instructeur d\’une rare érudition ! Serge Péan, qui connaissait la position exacte et la structure sociale de chaque pays sur la planète ? Gabart Jonquille, le spécialiste de l\’artillerie ! Le méticuleux Jean Valmé dans son cours de Communications militaires ! Notre professeur d\’Hygiène et Sanitation, Panestecker Laroche qui, avec Gérard Balmir, veillait scrupuleusement sur la santé de chaque cadet ! Et James Oberstar, qui tenait à ce que notre Anglais soit châtié avant le voyage d\’entraînement prévu pour les Cadets aux Etats-Unis d\’Amérique ? En effet, tous les Cadets de la promotion eurent à suivre un stage d\’entraînement dans un camp du Marine Corps basé à Quantico, en Virginie. Là, nous avions, en l\’année 1960, bouclé avec succès le programme des études prévues, en compagnie de cadets et d\’élèves-officiers venus des Ecoles et Académie militaires des Etats-Unis et de pays alliés. Cette expérience nous a permis d\’apprécier la qualité de l\’enseignement dispensé en Haïti. Pour plusieurs matières portées au curriculum,, les Cadets Haïtiens ont été déclarés «outstanding», c\’est-à-dire, classés «hors concours». Nous éprouvons, ce soir, un immense plaisir à rendre cet hommage public à nos instructeurs. Nourris de la solide formation reçue, nous avons, à des degrés divers, servi notre pays à différents niveaux. Nombre d\’entre nous sont parvenus aux plus hautes sphères de la hiérarchie militaire ; deux ont accédé au poste de Commandant en Chef ; huit ont atteint le grade de général ; sept ont servi comme ministres de gouvernement; plusieurs, dans la diplomatie comme Ambassadeurs, Consuls, Attachés Militaires ; ils sont nombreux ceux qui ont occupé des positions de décisions dans l\’Administration publique.
Enfin, l\’un d\’eux, et je le dis en toute profonde humilité, après avoir été membre d\’un Conseil de Gouvernement, a accédé en pleine période de crise, à la plus haute fonction du pays : la présidence de la République. Tous, dans leurs sphères diverses d\’action ont prêté leurs services au pays, en faisant montre de dévouement, de compétence, de patriotisme. N\’est-ce pas là un bilan propre à justifier une fierté légitime ? Notre voeu le plus cher est de voir l\’Académie Militaire, notre Alma Mater, renaître de ses cendres pour continuer à former d\’autres générations de citoyens aptes à travailler à la grandeur de la Nation. Notre espoir en ce sens se raffermit de nos jours où l\’idée du retour de l\’Institution militaire, à coté de la Force de Police, est très favorablement accueillie par la majorité des citoyens, selon le rapport de la Commission convoquée à cet effet par le président de la République. Chers amis invités, Nous déplorons l\’absence involontaire de quelques-uns de nos camarades, malades ou empêchés, qui n\’ont pas pu répondre à ce rendez-vous. Par mon organe, ils vous envoient leurs salutations et leurs remerciements pour votre chaude présence. Chers camarades, Séparés en cours de carrière, dispersés après la retraite, aujourd\’hui, nous voilà réunis pour la grande retrouvaille. Louons Dieu de nous avoir permis de réaliser cette journée. Savourons ensemble, en compagnie de nos instructeurs, de nos confrères, de nos amis et des membres de nos familles, les délices de ce moment unique que le destin nous a procuré ! Que vive l\’Académie Militaire d\’Haïti ! Ad multos annos, chers camarades ! Merci
http://lenouvelliste.com/article4.php?newsid=75765
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