Affaire Brandt : Que peut signifier le silence des secteurs organisés de l’oligarchie ?
Publié le lundi 5 novembre 2012
Les dégâts causés par le cyclone SANDY qui ont nettement approfondi la destruction environnementale et socio-économique du pays viennent se greffer sur l’affaire Brandt qui, paradoxalement, semble susciter beaucoup plus de préoccupations.
C’est ainsi que ce dossier continue de susciter des interrogations diverses. Par exemple, d’aucuns n’hésitent pas à faire référence, à tort ou à raison, à la règle de l’Omerta (Loi du secret et du silence) concernant le silence prolongé des organisations du secteur des affaires par rapport au dossier Brandt. Alors que, en raison de cette affaire, le secteur du « big business » est la cible des critiques les plus osées, dont certaines ouvertement injustes, tendancieuses, simplistes et même fantaisistes, voilà qu’il se tait, royalement !. Pourtant, tout le monde sait que la nouvelle a eu l’effet d’une bombe. Partout ! Y compris, et pour cause, dans le secteur des affaires.
Dans d’autres pays, des associations du monde des affaires se seraient officiellement prononcées sur le caractère strictement personnel de la responsabilité pénale, pour rejeter les amalgames tendant à étendre à l’ensemble de celui-ci la pratique avilissante pour laquelle un riche et puissant homme d’affaires a été épinglé : le kidnapping. De fait, outre les allégations tout à fait justifiées sur des pratiques hors normes ayant cours au sein de ce qu’on se plait à appeler « élite économique », l’affaire Brandt a donné lieu à des tentatives d’amalgame et de mystification tendant, pour certaines, à dédouaner d’autres secteurs impliqués dans la perpétration de crimes et d’autres, cherchant à relancer la sordide question de couleur qui a déjà fait tant de tort à notre pays. Il faut souligner cependant que l’orientation du pouvoir actuel par rapport à la même question de couleur, constitue un cadre idéal, sinon un prétexte, pour la dangereuse résurgence d’une telle problématique.
Alors, dans certains pays, peut-être que les associations du monde des affaires ne se seraient pas tues. Elles en auraient profité pour affirmer, par exemple, leur distance par rapport aux pratiques délictueuses et avilissantes de la part de qui que ce soit. Ce serait aussi l’occasion pour elles d’apporter leur ferme appui au principe d’une justice impartiale, sereine et juste envers et contre tous. Cela n’équivaudrait certainement pas à jeter en pâture, à « lâcher » un membre du secteur soupçonné ou accusé d’actions malhonnêtes. Mais, une telle posture aurait la vertu d’empêcher que l’affaire soit présentée comme une tare affectant l’ensemble du monde des affaires.
Dans un milieu comme le nôtre, il va sans dire qu’une classe d’affaires, engagée dans une véritable dynamique de développement et de progrès, aurait jugé utile que l’opinion publique croit en ses vertus cardinales de rectitude et de professionnalisme. Une telle classe agirait de telle sorte que le public soutienne, développe et honore l’esprit d’entreprise. L’action viserait aussi à porter ce dernier à cesser de soupçonner la réussite et la richesse ; à croire aux résultats de l’effort bien conçu et aux fruits de la gestion efficace. Le silence par rapport à l’affaire Brandt du secteur du « big business » (apparenté à la règle de l’Omerta) atteste de la non disponibilité d’un tel état d’esprit dans la « classe d’affaires ». Est-ce à dire que, dans ce milieu, on sous-estime l’importance de l’opinion publique ? On n’y accorderait aucune importance aux principes modernes de communication et de relations publiques ? Les affaires des « Gran nèg » ne mériteraient pas d’être étalées et n’intéresseraient pas l’homme de la rue ! La légalité et/ou l’illégalité des actes des nantis ne seraient pas du domaine public !
Le silence dans l’affaire Brandt de l’oligarchie du pays signifie-t-il la solidarité à tout prix entre les membres de celle-ci ? En quoi des membres de cette dernière se sentent-ils concernés par les actes répréhensibles que perpétrerait un quelconque membre du secteur ?
Même par esprit de corps ou par sentiment d’appartenance, les secteurs organisés de l’élite économique auraient, en toute logique, l’obligation de réclamer un traitement juste et correct du dossier de leur membre incriminé. N’était-ce pas à eux qu’il revenait prioritairement, et non au premier ministre Laurent Lamothe, de mettre en garde contre les tentatives de mise en cause de la famille Brandt et de tout le secteur des affaires dans le kidnapping et les pratiques délictueuses en général ? Ne courent-ils pas le risque de nous amener à la conclusion que ce manquement de leur part correspond au fait qu’ils sont au courant de l’ampleur de tels phénomènes en leur sein et que, de ce fait, ils craignent de n’être pas moralement qualifiés pour se démarquer par rapport à certains des leurs pris la main dans le sac ?
Parlant de la règle du silence en vigueur dans les milieux en question, on est en droit de se demander si les secteurs organisés du « big business » mesurent déjà l’ampleur des conséquences, pour eux, d’une éventuelle inculpation de Clifford Brandt aux Etats-Unis, suite à l’immixtion du FBI dans le dossier ? Ceci ne devrait-il pas les motiver, au moins, à exiger que l’affaire soit traitée souverainement et exclusivement par la justice haïtienne ?
Mais, là, on doit avouer qu’il y a des données qui ne sont pas à notre portée, comme celles relatives à la nationalité. Qui est qui dans cet univers ? Quand le FBI s’invite chez nous, a-t-il forcément affaire à des nationaux ? De quel droit pourrait-on se permettre d’interdire au FBI ou à la GRC ou à toute autre super-police de n’importe quel puissant pays, d’investiguer les actes posés en Haïti par des individus détenant une panoplie de passeports ?
Certains diront, à l’occasion de l’affaire Brandt, que la classe d’affaires traditionnelle souffre d’un grave problème d’organisation. D’autres affirmeront qu’il lui faut des figures de proue capables de la sortir de l’informalité, de l’anonymat et même de la torpeur. Cela servirait peut-être à la rendre plus efficace, d’abord dans ce qui a rapport avec sa propre raison d’être : le business. Les hommes d’affaires haïtiens ont besoin d’être mieux organisés pour défendre plus efficacement leurs intérêts par rapport aux politiques d’Etat dans les domaines économiques, financiers et fiscaux ; par rapport aux investissements directs étrangers et plus précisément au mode d’insertion de capitaux étrangers dans un cadre comprenant des avantages et des intérêts acquis et solidement constitués.
Pour leur part, des porte-parole du secteur des mouvements sociaux (altermondialistes pour la plupart) riront peut-être à notre barbe en considérant comme absolument pieux nos vœux d’une élite économique organisée et responsable. Ils y voient en effet, comme en attestent leurs différentes prises de position dans les médias, un monde interlope de flibustiers, d’arnaqueurs, de spéculateurs, de courtiers de firmes internationales, de revendeurs, d’importateurs indifférents au développement endogène et donc hostiles aux investissements aptes à générer des emplois durables. Cette situation serait en rapport avec la dépendance accrue du pays et la constante liquidation de nos ressources pour lesquelles d’autres facteurs entrent en ligne de compte.
Ils peuvent aussi ironiser, en soutenant que le secteur dont nous parlons est une véritable jungle où les gros dévorent les petits et où le rapport de force explique qu’il ne puisse parler d’une seule voix, qu’il ne puisse être représentatif de ses propres intérêts, encore moins de ceux du pays.
Si tel est le cas, on comprend alors que, dans ce secteur, les sorts et les destins sont absolument personnels. Le cas de Brandt est le cas de Brandt !
L’intérêt du pays dans cette affaire se situe à un niveau qui dépasse le cercle étroit des hommes et femmes d’affaires. Qu’ils se prononcent sur la question, ce serait mieux pour eux et pour leur secteur. Qu’ils ne le fassent pas ne dispense pas les autres secteurs de la société civile de leur devoir d’implication dans le dossier. Sans esprit de vendetta, il importe que la vigilance soit aujourd’hui des plus militantes afin que la justice suive son cours dans cette affaire importante. Il y va de notre sécurité, du bon fonctionnement de la justice et de la nécessité de porter un puissant coup d’arrêt au phénomène des fortunes illicites et ténébreuses…
Marvel Dandin
Clifford Brandt et ses codétenus transférés à la Croix-des-Bouquets
Le commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Lucmane Délile, confirme, sans pouvoir l’expliquer, cette décision d’incarcérer le puissant commerçant et présumé kidnappeur dans la nouvelle prison civile moderne où seuls les condamnés devraient séjourner
Publié le lundi 5 novembre 2012
Le riche homme d’affaires Clifford Brandt Junior et quatre autres personnes accusés tous d’implication dans divers enlèvements, dont celui de Coralie et Nicolas Moscoso, le mois dernier, ont été transférés à la prison civile fraîchement construite à la Croix-des-Bouquets (nord-est de Port-au-Prince), a annoncé lundi le nouveau chef du parquet de la capitale, Lucmane Délile.
Au micro de Radio Kiskeya, le commissaire du gouvernement a annoncé l’arrestation de quinze suspects dans le cadre de l’enquête ouverte sur ce dossier très suivi, sans être en mesure de préciser les raisons à l’origine du transfert de Brandt dans un centre carcéral moderne flambant neuf réalisé avec le financement du Canada et destiné en principe aux condamnés.
Auparavant, l’entrepreneur et ses présumés complices -qui étaient attendus au Pénitencier National, la prison centrale- avaient été placés en détention pour des « raisons de sécurité » à la maison d’arrêt de Carrefour dénommée Omega, suscitant bien des interrogations sur les motivations d’une telle décision.
Me Lucmane Délile, qui exhorte la population à soutenir la croisade anti-kidnapping qu’il avait annoncée, la semaine dernière, lors de son investiture, a insisté sur la capacité de ce phénomène à empoisonner le climat des affaires et empêcher l’arrivée de nouveaux investissements en Haïti.
Afin de s’assurer de l’efficacité de son action à un poste particulièrement volatile, le chef du parquet de Port-au-Prince affirme avoir déjà rencontré ses collaborateurs et les différents magistrats de sa juridiction.
Représentant de l’une des familles les plus influentes du secteur privé haïtien, Clifford Brandt, serait, selon des informations fiables, depuis 2008, à la tête d’un redoutable réseau de kidnappeurs qui ciblait des hommes d’affaires et narcotrafiquants ayant amassé une importante fortune.
Des agents du FBI, la police fédérale américaine, sont associés aux investigations en cours et s’intéresseraient à la présence parmi les anciens otages de ressortissants des Etats-Unis.
Dans le cadre du démantèlement de ce gang suite à l’arrestation, le 22 octobre, de son présumé leader -qui aurait lui-même montré à la police le lieu de séquestration des jeunes Moscoso, lors de leur libération- quatre policiers, parmi eux, le responsable de l’unité de sécurité présidentielle Cat Team, Marc Arthur Phébé, ont été mis en isolement.
Un avis de recherche a été émis contre l’ancien inspecteur de police, Edner Comé, considéré comme le bras droit du commerçant.
Enfin, les scellés restaient apposés sur les locaux, à Delmas 2 (centre-nord de la capitale), de la maison Mazda ou Compagnie haïtienne de moteurs, entreprise familiale des Brandt. spp/Radio Kiskeya
Référence du lien: http://www.radiokiskeya.com/spip.php?article9256
http://www.radiokiskeya.com/spip.php?article9255
En savoir plus sur Le Vrai Discours Actuel de Hermann Cebert
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.