Mélanie, Azibe, Mantout, Languichatte debordus: ginette Beaubrun mérite maintenant une pension de l’État de Haïti


Pou sa ki pa konn Melani Les moins de 20 ans peuvent ne pas connaître Mélanie. C’est en fait comme une sœur siamoise de Ginette Beaubrun, l’épouse de Théodore Beaubrun alias Languichatte.

Entre 1980 et 1991, la jeune épouse du célèbre comique a elle-même demandé de jouer « Mélanie », la bonne de la famille Débordus dans la pièce « Languichatte au XXe siècle ». ¨Parce qu’à mon avis, dit-elle, c’était le plus comique¨. Pour ce faire, Mme Beaubrun avait dit se remémorer les manières des bonnes chez ses parents. ¨Pour moi, ce n’était point difficile¨, avoue-t-elle.

Au fil de plus de 200 épisodes, Mélanie s’est révélée une servante qui tenait à ce que ses employeurs l’écoutent et la considèrent comme un être humain mais pas juste comme une bête de somme. L’actrice affirme avoir senti dans sa peau la douleur que ces travailleuses acharnées pouvaient ressentir il y a plus de vingt ans. Elle se dit heureuse de constater aujourd’hui qu’il y a une amélioration dans la façon dont leurs employeurs les considèrent. ¨

Autrefois, témoigne-t-Ginette, elles étaient illettrées, vêtues de haillons, souvent on ne voulait pas les payer ; aujourd’hui on en voit qui ont fait au moins la classe de troisième, elles peuvent partir magasiner avec une liste, elles ont un cellulaire et peuvent communiquer avec leurs enfants tandis qu’elles travaillent.¨ D’un autre côté, de son aveu, elle était, à elle seule, dans ce feuilleton, une allégorie des masses paysannes des eighties qui se battaient du bec et des ongles pour se faire accepter par un establishment en permanence dans la condescendance et reclus dans un entre-soi.

Comment elle a su dompter son veuvage Voilà 17 ans depuis que Théodore Beaubrun est parti au ciel. Le temps passe vite pour Ginette, qui continue encore à consacrer plus de temps à son atelier de couture. ¨Teyat pa bay an Ayiti, je devais m’occuper de mes trois enfants¨, dit-elle avec un peu d’humour. Ce n’est un secret pour personne que chez nous il n’y a pas de royalties, mais pour une légende de la trempe de Languichatte, un soutien des autorités à sa famille moyennant quelques allocations périodiques ne fâcheraient personne.

 Il n’en est rien. Quand la veuve éplorée est allée quelques années après faire l’inventaire de plus de trente ans de production de son légendaire mari à la TNH, média producteur de la plupart, la nonchalance des responsables à l’époque pouvait révulser quiconque au plus haut point. ¨Madanm, pifò kasèt videyo yo gate, de oubyen twa w ap jwenn yo pa nan lòd¨, lui a-t-on lancé.

Pire, aux Etats-Unis, dans des villes comme New York, Boston, Miami, là où il y a le fort peuplement d’Haïtiens, on réédite en digi-pack ou autres formats de temps en temps des épisodes de Languichatte. ¨Nou pa jwenn on goud, epi nou pa gen anyen pou wè ak aktivite komèsyal sa¨, précise la comédienne. Elle nous a conté une anecdote vieille de quelques années à l’appui.

¨A l’aéroport, me trouvant dans la ligne d’embarquement, j’ai vu venir un vendeur de CD qui me propose d’acheter quelques épisodes. Je me suis mise à rire. L’homme, qui n’entendait que vendre son produit, demanda à ceux qui observaient la scène pourquoi je riais.

Ces derniers lui ont demandé à leur tour s’il vivait sur Mars, s’il n’a pas assez de jugeote pour remarquer que la dame sur la pochette est bien celle qui se trouve devant lui !¨ Des actions, Mme Beaubrun en a entreprises. Elle a contacté le BHDA il y a cinq ans, les actions de l’institution ont été inefficaces. Actuellement, c’est son fils aîné prénommé Ralph qui a la balle en main.

Détenteur d’un master en mathématiques appliquées en France, il a pu fréquenter du monde qui l’ont référé à une institution à Genève (Mme Beaubrun ne pouvait pas se rappeler du nom) qui peut aider à restituer l’œuvre du grand comédien et freiner le pas au plagiat.

Son regard sur le théâtre aujourd’hui Celle qui incarnait Mélanie dit féliciter les jeunes acteurs pour leur bravoure, car elle se demande comment ils entretiennent leur passion dans un pays où le théâtre est traité en parent pauvre. ¨

Contrairement à la musique qui est largement sponsorisé, le théâtre, lui, suppose un bénévolat. Il n’y a même pas de salles adéquates à la pratique de ce métier. Le théâtre national, vu son positionnement, a juste la valeur d’un joli bâtiment, a-t-elle laissé entendre. Son plus grand espoir Son plus grand espoir : remonter sur scène ! ¨

La nuit, confie-t-elle, aujourd’hui encore, je suis hantée par Mélanie, elle parle en moi, elle me suit à chaque pas. Je regrette cette belle équipe dont Azibe, Languichatte, Mantoute. Je veux faire du théâtre même si à mon âge je dois me contenter d’un rôle de grand-mère, de vieille dame voire de Mélanie devenue vieille. Lol.¨