La construction de ma représentation de Dieu étant enfant:

Quand j’étais jeune, je voulais voir Dieu, plus particulièrement, le rencontrer pour qu’il me permette d’avoir tout ce que je voulais comme cadeau et surtout des pouvoirs en vu d’obtenir tout ce que je voulais. Je voulais surtout lui demander de donner beaucoup d’argent à ma mère pour qu’elle puisse m’acheter tout ce que je voulais. C’est ainsi que je demandais souvent aux adultes, à mon beau-père, aux prêtres et aux professeurs de m’expliquer qui était Dieu et pourquoi je n’arrivais pas à le voir et à le rencontrer.
Je me souviens même qu’en plusieurs occasions que j’avais la chance de rencontrer des prêtres, je les posais toutes les sortes de question dont le Père Nantin qui était responsable de l’Église Saint-Antoine à l’avenue jules pouplard. Il me demandait de regarder les statues, les images dans l’Église ainsi que le Christ sur la Croix en me disant que c’était Dieu.
Une fois je lui ai même demandé pourquoi Jesus lui ressemblait plus que moi, il m’avait dit peu importe comment Jésus était, en tant que fils unique de Dieu, il nous ressemblait tous. Alors je lui avait dit pourquoi il ne mettait pas un Jésus et un Dieu qui était noir côte à côte dans l’église comme ça les autres enfants ne viendraient pas lui poser les mêmes questions.
Il m ‘a demandé s’il y avait d’autres enfants qui se posaient les mêmes questions que moi, je lui ai dit que je ne savais pas. C’est ainsi qu’il m’avait dit, ce n’était pas parce que je posais beaucoup de questions et surtout ces questions-là que les autres enfants se posent les même questions que moi. Pendant très longtemps j’avais gardé les réponses de Père Nantin dans ma tête et j’ai longtemps pensé qu’il savait quelque chose mais qu’il ne voulait pas bien me l’expliquer.
Une autre fois, je me souviens également être allé le voir pour lui demander ce qu’il disait tout bas lorsqu’il soulevait ses deux mains avec l’hostie et le vin en l’air, il m’avait dit que c’était une manière d’offrir à Dieu le fruit de leur travail. Là encore, je doutais de sa sincérité parce que je pensais qu’il disait quelque chose de secret qu’il ne voulait pas que tout le monde entende et je le regardait toujours droit dans les yeux pour essayer d’entendre ce qu’il disait mais qu’en réalité qu’il semblait chuchoter.

Une fois de plus j’ai longtemps pensé que les prêtres savaient certains secrets qu’ils étaient les seuls à savoir et qu’ils ne nous laissaient pas entendre. D’ailleurs, jusqu’à ma première communion, je pensais que tous les prêtres étaient des blancs et tous les prêtres blancs étaient Dieu parce qu’ils ressemblaient tous à Jésus qui était le fils de Dieu et qui était blanc aussi.
Ainsi, dans ma tête, les blancs étaient Dieu. De même, je constatais que toutes les personnes blanches ( mulâtres, juifs, arabes) amis de ma mère vivaient dans de belles maisons et qu’ils vivaient très bien. Tandis que dans mon quartier il y avait beaucoup de personnes pauvres.
C’est ainsi, lors de mon premier examen pour ma première communion, j’ai eu le choc de passer mon premier examen devant un monsieur noir à qui j’avais demandé s’il était prêtre. Il m’a répondu oui. Par la suite, il m’a demandé pourquoi je lui ai posé cette question, je lui ai expliqué que tous les prêtres que j’ai vu étaient des blancs et je ne crois pas qu’il soit prêtre parce qu’il est noir comme moi.
Il m’ a répondu, non mon garçon, il y a toutes les sortes de prêtres, il y a des noirs, des blancs, des chinois et des dominicains. Je lui ai dit dans ce cas, vous n’êtes pas de vrais prêtres parce que vous ne ressemblez ni à Jésus et ni aux saints ( les statues) dans l’église. Il m’a dit qu’il y a une vierge qui est noire et il y avait un mage qui avait vu dans le ciel l’étoile de la naissance de Jésus qui était noir. Je lui ai dit pourquoi ils ne sont pas dans l’église.
Il ne m’a jamais répondu à cette dernière question et, il m’a expliqué que je n’étais pas là pour lui poser des questions mais pour répondre à ses questions sur le petit catéchisme. Je lui ai dit que je voulais voir Dieu est-ce qu’il sait comment je pouvait le rencontrer et lui parler. Il m’a simplement dit qu’il fallait prier et c’est seulement dans mon cœur que je pouvait voir Dieu.
Voulez-vous connaitre la fin de ma rencontre avec le prêtre lors de mon premier examen pour ma première communion?
D’abord je dois vous dire que je n’avais pas réussi mon premier examen pour ma première communion. J’ai dû attendre l’année prochaine pour repasser mon examen cependant, cette fois-là je n’ai pas posé de question et je répondais seulement aux trois questions que le prêtre m’avait posées car je connaissais tout le petit catéchisme par cœur.
Je n’avais rien fait pour me préparer cette fois-là étant donné que je l’avais appris lors de mon premier examen. Ce fut donc à mon deuxième examen que j’ai pu réussir mon examen pour ma première communion. J’avais raté le premier parce que je posais trop de question.
Tout cela est resté très longtemps dans ma tête et développait ma crainte de tous les adultes. En fait, tout cela m’avait poussé à douter des gens surtout les personnes qui savent lire et sont allés à l’école. Pour moi, jusques là, les prêtres avaient des secrets sur Dieu mais parce qu’ils ne voulaient pas que tout le monde sache ces secrets là, ils n,acceptaient que les enfants les posent trop de question.
Évidemment, il faut bien vous mettre dans la tête d’un petit garçon que j’étais qui naïvement voulait voir Dieu et rencontrer Dieu, alors que ceux qui nous enseignent à l’aimer, à l’adorer et à faire sa volonté refusent de nous dire où et quand est-ce que l’on peut le voir et le rencontrer.

De même, le petit garçon que j’étais, essayait de comprendre pourquoi le Dieu qu’on lui demande de prier tous les jours était blanc, son fils qui est mort crucifié sur la croix était aussi blanc, ainsi que tous les saints dans l’Église qui étaient des blancs alors que lui il était noir. Il voulait simplement savoir pourquoi il n’y avait pas de saint noir, de fils de Dieu noir qui lui ressemblerait. Il voulait savoir mais personne dans son entourage n’était en mesure de lui fournir toutes les réponses à toutes ses questions.
Avec recul aujourd’hui, donc quelques décennies après, je revois le petit garçon curieux que j’étais et qui essayait de comprendre l’une des questions les plus complexes et à laquelle que personne ne peut répondre même aujourd’hui encore. Il était très déçu de tous les adultes qui étaient supposés tout savoir selon lui mais qui n’avaient pas le courage de lui dire qu’ils ne savaient pas.
Les adultes ont pris mes questions pour les questions d’un enfant et ils ont traité mes questions comme telles. Cependant, ils avaient l’obligation de me donner des réponses intellectuelles et savantes alors même que j’étais enfant. J’étais en train de me construire une représentation de Dieu, ils n’ont pas pu tenir compte du pouvoir de mes questions sur la façon que j’allais voir le monde.
Après cette première grande période marquante de ma façon de penser, d’imaginer et de croire en Dieu, j’avait terminé mon primaire et cette fois-là j’étais encore plus content lorsque ma mère m’avait fait passer mon examen pour entrer à l’école nationale des arts et métiers, les salésiens. Là je me disais que je vais être avec des prêtres et je leurs poserai toutes mes questions.
Voyons voir.
Arrivé chez les salésiens, j’étais très enthousiaste car désormais j’étais à l’école des prêtres. mieux encore, j’ai rencontré des prêtres noirs, des frères et des diacres noirs et qui sont des haïtiens noirs.
C’est ainsi, dès la première année, je me suis fait ami avec les prêtres dont le père Serge Lamorthe, le directeur de l’école et qui était très gentil avec moi. Il était calme et il ne refusait aucune de mes questions. C’est le cas pour le frère Maître Sanon, lui, il était ou du moins il paraissait être très sévère mais, il était d’une très grande gentillesse et très respectueux. Je me souviens plus particulièrement de Père rené Mésidor qui nous enseignait le catéchèse en première et en deuxième année.
Avec le père René, c’était l’apprentissage du Créole, de la précision des mots et du bien dire et du bien parlé. Il nous définissait n’importe quel mot à partir de la racine du mot soit le grec ou le latin. C’était un vrai passionné du créole et je crois que c’est bien lui qui m’avait donné l’amour du Créole et la linguistique du créole. On discutait beaucoup, en fait j’apprenais beaucoup avec lui et il m’a donné le goût de bien parler et de bien dire.
En ce qui concerne Père Lamorthe lui que l’on appelait le père directeur, il était un vrai et pure catholique. Il donnait toujours des références dans la bible et il me demandait de lire moi-même les textes de référence et par la suite, il m’expliquait ce qui était dit dans le texte du point de vu de l’église catholique. Avec le père Lamorthe, j’apprenais à lire la bible avec des yeux de l’histoire car il me faisait découvrir les contextes, les personnages de la bible.
Aujourd’hui encore, quand je lis la bible, je pense à ses explications et à ses références. Mais surtout je pense à ce qu’il m’avait dit une fois, Hermann, tu as à l’intérieur de toi une petite voix qui te parle et cette petite voix c’est le Christ lui-même, il est l’Esprit saint. Écoute-le dans ton cœur quand tu es seul ou que tu te sens en danger, il ne peut pas te tromper.
Il y avait d’autres prêtres que j’ai rencontré chez les Salésiens et tous dans l’ensemble ont eu des impacts sur ma foi et sur mes relations avec Dieu. Il y avait le Père Laneault l’ancien économe de l’école et qui avait été remplacé par le Père Paul qui était également belge. Le père Laneault semblait être toujours occupé et il ne répondait pas à mes questions. À chaque fois que tu essaye de l’arrêter pour lui poser une question, il semblait être dérangé. Avec le temps j’avais appris à le saluer tout comme il était toujours prêt à te saluer. Enfin pour le Père Paul plusieurs étudiants nous disaient de garder nos distances vis-vis de lui même s’il était très gentil et qu’il aimait raconter des histoires en créole.
C’est chez les Salésiens que j’avais rencontré le Père Jean-Bertrand Aristide qui était venu remplacé Maître Sanon transféré aux Cayes. Cependant, on le connaissait bien avant qu’il arrive à l’école parce qu,il écrivait dans le journal La Phalange alors qu’il étudiait en Israël et en Palestine. Il écrivait sur la situation des palestiniens en faisant toujours des références à la bible. Un jour j’écrirai un plus long texte sur ce que j’ai appris avec lui et en quoi il m’a influencé dans certains aspects de ma vie.
Vous vous demandez où sont passées les questions qui me trottaient dans le tête quel chemin elles ont pris dans ma vie. Je dois vous dire que les salésiens c’est une école technique qui préparent les garçons à devenir des professionnels en acquérant un métier manuel et de ce fait on forme des garçons à devenir des adultes et c’est rapidement que l,on doive prendre et choisir son chemin.
Évidemment cette rencontre chez les salésiens c’est une rencontre avec la vie et on devient rapidement matures. C’est très rapidement que je me suis formulé des stratégies de croire en Dieu et développer mes propres relations et mes propres intimités avec Dieu. Et, ce faisant je commençais avec Dieu comme Esprit, puis une Force, un Pouvoir intérieur de moi sans passer par personne pour le rencontrer. Il était une partie de moi, à l’intérieur de moi avec qui je pouvais rentrer en contact dans mon sommeil et dans chaque instant de ma vie. De plus, c’est en étant chez les Salésiens que j’allais découvrir le Yoga, le Mantra et la Méditation.
à suivre…
Hermann Cebert
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