En vue de mieux faire comprendre les enjeux et l’actualité de la situation politique d’Haïti, je décide de schématiser la scène politique haïtienne dans le but de permettre aux différents acteurs de mieux connaître leurs rôles et les impacts que ceux-ci ont ou peuvent avoir sur le devenir et les espérances du peuple haïtien.
Du point de vue pédagogique, cette schématisation permettra aux jeunes étudiants et universitaires de mieux comprendre la réalité de leurs pays ainsi que les limites et les mesquineries de chacun dans cette étape charnière de la redéfinition de la nation haïtienne sans oublier les nombreuses promesses des uns et des autres.
Évidemment, cette manière de faire ou du moins, cette méthodologie de lecture de la situation politique où tous les différents acteurs sont identifiés et catégorisés selon leurs alliances en fonction de leurs intérêts ou de leurs valeurs pourrait bien constituer une nouvelle approche pour certains ou plutôt une certaine récapitulation pour d’autres. Quoiqu’il en soit, je souhaite que chacun puisse en déduire ce que bon lui semble. C’est en tout cas l’un des objectifs qui sous-tend cette approche.
Les différents groupes dans l’opposition qui s’affrontent pour influencer le départ et l’après départ de Jovenel Moïse :
1- Le groupe Alternatif dont l’avocat André Michel
2- La passerelle dont la Fanmi Lavalas et plusieurs groupes populaires
3- Les Parlementaires dont les actuels sénateurs et anciens sénateurs, les députés et prochainement les anciens députés
4- La présidence ou le pouvoir en place dont Jovenel Moïse est le chef de l’exécutif
5- Les Médias, radio, télévisions
6- Les Organisations non gouvernementales ou de la société Civile, dont les chambres de commerces haïtiennes et étrangères en Haïti
Les gros secteurs qui tirent les ficelles en arrière scène de la politique en Haïti :
1- La bourgeoisie mulâtre Haïtienne
2- L’église Catholique dont le Nonce Apostolique et le Pape et les cultes réformistes
3- Les Ambassades étrangères dont celle des États-Unis, celle de la France, , celle du Canada, celle de la République Dominicaine, celle de la Jamaïque, celle du Brésil, celle du Chili, celle de Cuba, celle de l’Allemagne, celle de l’Espagne, celle du Royaume-Uni et celle du Venezuela
4- Les organisations régionales et internationales dont ONU, OEA, CARICOM, l’UNION EUROPÉENNE,
5- La Présidence d’Haïti ou l’exécutif ou encore le président Jovenel Moïse
Tout ceci dit, il faut reconnaître qu’actuellement en Haïti il y a plus ou moins cinq grandes visions qui s’affrontent sur la scène politique haïtienne concernant le départ de Jovenel Moïse du pouvoir.
De même, compte tenu de ces cinq visions il y aurait également cinq options ou risques possibles ce sont:
1- Une situation qui serait Révolutionnaire,
2- Une situation Contre-Révolutionnaire,
3- L’Occupation du pays par une Puissance Étrangère ( habituellement la peur d’une invasion américaine et de la République dominicaine),
4- Le remplacement du président pas un Membre de la Cour de Cassassions
5- Le Statu quo ou le maintien du président Jovenel Moïse au Pouvoir
1- Le statu quo que réclame une grande portion de la bourgeoisie mulâtre d’Haïti et le président Jovenel Moïse. C’est également la position de plusieurs grandes ambassades étrangères en Haïti dont celle du Canada, de la France, des États-Unis, du Mexique, de l’Espagne, du Brésil, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, du Japon, de la Corée du Sud, de la République Dominicaine et de la Jamaïque.
Et, ce groupe veut que Jovenel Moïse poursuive son mandat indépendamment de la volonté populaire et quelque soit les crimes commis par le président et ses supporteurs. Ils ne veulent pas changer le président, ils ne veulent pas le changement du système qui leur est toujours bénéfique, ils ne veulent pas une nouvelle répartition des richesses dans le pays. D’ailleurs, il faut bien ajouter les duvaliéristes comme Nicolas Duvalier qui espère pouvoir conquérir le pouvoir grâce à l’appui de ce groupe.
Bien entendu, si de façon générale on pouvait admettre que ceux qui supportent le statu quo constitueraient ce groupe ci-haut mentionné, par contre, ce groupe est capable de s’adapter lorsque lorsque la réalité des forces en présence changent car ce groupe ne joue qu’avec les gagnants ou qu’avec ceux qui contrôlent les pouvoirs. Ce groupe n’a pas d’amis, mais seulement des intérêts. Voilà ce qu’il faut garder à l’esprit lorsque l’on négocie avec ce groupe.
De toutes les façons, Jovenel Moïse ne fait que compter ses jours mais plus il résiste plus risque de laisser sa vie car ses exagérations ne cessent d’indigner la population et pourraient même pousser les masses populaires dont leurs organisations à devenir de plus en plus criminelles de telles sorte que ce soit Jovenel lui-même qui devienne l’unique cible de toutes les foules.
Évidemment, sur le plan politique, le retard dans sa démission est favorable aux groupes révolutionnaires puisque cela leur permet de reprendre le contrôle de la situation mais surtout de se renforcer dans les diverses régions du pays. Tout aussi avantageux pour les groupes de l’opposition et compte tenu du retardement de la démission de Jovenel, c’est la possibilité pour ces groupes de bien élaborer plusieurs projets tout en montant plusieurs commissions qui pourraient s’occuper des changements à apporter dans le pays. En tout cas j’espère que les groupes de l’opposition profitent de la résistance de Jovenel pour tout planifier.
2- Si le premier groupe veut garder le Président Jovenel Moïse coûte que coûte, il y a un autre groupe, un deuxième, qui veut le départ de Jovenel Moïse mais qui ne veut pas renverser tout le système actuel. Non seulement, il se compose de la bourgeoisie mulâtre et des hommes d’affaires étrangers, il y a au premier niveau de la scène politique nationale des politiciens petits bourgeois membres également des différents groupes de l’opposition dont l’avocat André Michel qui se dit Porte-parole du Secteur Démocratique et Populaire et signataire de l’alternative Consensuelle pour la Refondation d’Haiti. Aux côtés du jeune avocat il y a également un composé assez hétéroclite de sénateurs, commerçants, députés et quoi d’autres encore tels que: Youri Latortue, Reginald Boulos, André Michel, Schiller Louidor, Evaliere Beauplan, Joseph Lambert, Nènèl Cassy, Sorel Yacinthe.
Ce sont eux qui avaient proposé la commission qui aurait pour mission la passassion du pouvoir dont les noms suivants sont membres: Me Gervais Charles, l’ex-député Hugues Célestin, l’ancienne Mairesse de Pétion-Ville, Claire Lydie Parent, l’ex-colonel Himmler Rébu, l’écrivain Gary Victor, Augustin Antoine, Antoinette Duclair, Michel Legros et le Révérend Père Michel Frantz Grandois.
Notons que même ici, tous les secteurs qui sont représentés au sein de cette commission ne représentent pas tous les grands groupes d’intérêts dans le pays et au fond de cette représentation, il y a beaucoup d’odeurs de statu quo qui flotte dans l’air et on pourrait même se demander quel type de changement qui pourrait sortir de ce groupe aussi conservateur.
Et comme c’est souvent le cas je ne vois tous les représentants de la bourgeoisie mulâtre dont l’absence des Juifs, des Européens les hommes d’affaires français, les Norvégiens, les américains. Seulement les arabes en la personne de Réginald Boulos. Tout ceci pourrait expliquer une très grande faiblesse de cette commission.
Or, pour qu’une commission soit représentative de toutes les couches de la société il faut qu’elle reflète l’ensemble des intérêts réels dans le pays. Nous sommes très loin d’une proposition représentative et par conséquent non seulement elle ne l’était mais mieux encore, elle ne saurait être révolutionnaire.
Voilà pourquoi le président ne s’est pas senti menacé alors que plusieurs rêvent qu’il puisse démissionner facilement. Il faut pousser plus loin les menaces soit d’assiéger le président au Palais en lui coupant du reste du pays et de ses propres approvisionnements et également en maintenant la pression sur le président.
Évidemment la meilleure stratégie c’est d’arriver à offrir une bien meilleure proposition avec des gens qui inspirent de profondes convictions et susceptibles de faire tous les changements que le peuple espère pour tous les haïtiens. Tout compte fait, il revient seulement à l’histoire de nous dire plus tard comment et ce que ce groupe aura réglé. Mais j’ai encore beaucoup de doutes sur la bonne foi de ces membres.
Évidemment selon ce que j’ai entendu jusqu’à présent et par moment, ils ont un discours creux qui fait beaucoup de bruits mais il n’y a aucune conviction révolutionnaire dans leurs actions. Ce groupe croit pouvoir faire confiance à la Cour de Cassassions, comme le prévoit la constitution de 1987, ce que l’on fait habituellement, dans des situations pareilles, comme si cette Cour de Cassassions ne faisait pas non plus partie du vieux système que le peuple réclame son remplacement.
C’est une très mauvaise lecture de pouvoir croire que l’on pourrait confier le pouvoir à un membre de la Cour de Cassassions tout en espérant qu’ils ne prendra pas goût au pouvoir comme tant d’autres avant eux l’on déjà démontré. Sauf Ertha Pascal-Trouillot et Boniface Alexandre tous les autres anciens membres de la Cour de Cassassions qui étaient devenus président du pays avaient manifesté leurs intérêts pour rester au pouvoir.
C’est pour cette raison que je les appelle par leurs noms de petits bourgeois ou plus gentiment, des réformistes. Il faut bien reconnaître que le jeune avocat a tout son mérite pour ses engagements personnels néanmoins, nous osons supposer qu’il pourrait bien s’agir de quelques fautes d’approche et non de conviction tout en espérant qu’il se rejoigne dans ses positions premières tout en adaptant son discours. je reviendrai sur la notion d’adaptation dans un autre texte, mais ce que j’entend ici par adaptation c’est la capacité à prendre le plus vite possible les décisions dans les situations difficiles et complexes.
En d’autres termes, j’espère que maître André Michel opte pour un changement radical de tout le système tout en se mettant également disponible à assumer n’importe quelle fonction que l’histoire pourrait lui offrir au lieu de se donner un rôle de faiseur de président dans le pays.
D’ailleurs qu’il se le rappelle assez bien, qu’à travers toute l’histoire, tous les faiseurs de chefs avaient tous été assassinés par les chefs qu’ils avaient faits de leurs propres mains. En Haïti, il doit se rappeler du Général Kébreau qui avait écarté par François Duvalier. Personne ne peut faire mieux que nous surtout, lorsque c’est nous qui pouvons faire ce que nous voulons faire. Voilà pourquoi, le jeune avocat se doit de lutter ou de conduire les autres à le voir comme celui qui pourrait le plus capable de remplacer Jovenel Moïse et de ce fait, c’est le principal objectif de la politique, celui de prendre le pouvoir.
3- Un autre groupe, ce sont ceux qui proposent de choisir un conseil national de gouvernement qui serait composé de quelques grandes figures respectées et reconnues de tous dans le pays. Ces gens seraient plus pour certaines convictions qu’ils ont pu faire preuve dans le pays et de leurs engagements dans leurs lutte pour la stabilité du pays, pour le développement du pays et pour l’indépendance du pays. Ce serait un groupe modéré qui serait au service du pays et de tous les citoyens du pays.
4- Enfin, un autre groupe, veut tout chambarder, ils veulent un changement radical telle que nous le proposons depuis très longtemps sur notre blogue. Ce sont les masses populaires du pays, ceux-là qui qui manifestent vraiment dans les rues et qui espèrent un véritable changement dans le pays.
Ils sont représentés par une nouvelle structure sous la dénommée Passerelle composée des groupes d’extrême gauche 07 organisations de divers secteurs : les organismes de défense des droits humains, les principales associations patronales, les syndicats, des organisations paysannes telles que quatre G Kontre (Mouvement Paysans Papaye (MPP) ; Mouvman Peyizan Nasyonal Kongrè Papay) et Tèt Kole Ti Peyizan Ayisyen (TK) les deux protagonistes du Forum de Papaye et autres.
D’aucuns seraient tentés de qualifier le climat politique actuel d’Haïti de révolutionnaire en écoutant les revendications des masses populaires qui ne cessent de manifester leurs mécontentements face au régime de corruption de Jovenel Moïse depuis près d’un an. Cependant, compte tenu des leaders qui semblent avoir le contrôle de la lutte des couches les plus défavorisées du pays ainsi que les stratégies que ces mêmes pseudos leaders proposent, ce qui semble être pour le peuple une situation révolutionnaire ne semble pas être le cas pour ces leaders.
Évidemment, les leaders politiques haïtiens n’écoutent pas toujours le peuple pas plus qu’ils ne le comprennent dans ses revendications profondes de changer complètement le vieux système républicain qui n’a toujours rien fait pour être au service de grand peuple.
De même malgré les vestes révolutionnaires que plusieurs voudraient porter pour marcher avec le peuple haïtien dans ses revendications, il y a encore les politiciens de Port-au-Prince qui continuent de faire la politique sans les régions du pays et contre ces régions qui sont pourtant au cœur de l,ensemble des revendications et les desiderata du peuple surtout lorsqu’il demande le changement du système d’exploitation actuel qui divise le pays et qui soustrait le reste du pays de tous les projets de changements.
Bien entendu, il n’y a rien de nouveau dans la configuration sociale, politique et économique du pays, les politiciens actuels qui ont le contrôle du mouvement actuel ne sont pas différents de Toussaint Louverture ou de Alexandre Pétion ni non plus de Jean-Pierre Boyer, d’ailleurs ils leur sont des héritiers authentiques à la fois dans leurs stratégies que dans leurs discours qui demeurent petits bourgeois et de servitude.
Ce sont donc des réformistes et l’avocat André Michel qui semble avoir le leadership du mouvement actuel est le visage même de cette approche tant par ses propositions que par le discours et les arrogances qu’il fait preuve, dont les objectifs sont de remplacer l’équipe au pouvoir, prendre le contrôle des organismes vaches à lait de tous les derniers pilleurs des fonds publics du pays. Ôter Saint Pierre pour mettre Saint Jacques.
Revenons sur Maître André Michel que nous avons déjà critiqué pour ces appels à la violence voire incendiaire pour quelqu’un qui a étudié le droit et, qui fait preuve actuellement d’une trop grande naïveté dans ses propositions d’aller chercher un président à la Cour de Cassassions ou le choix d’un Premier Ministre au sein de la classe politique.
Bien entendu, nous souhaitions que l’avocat modère son discours en gardant seulement pour lui et sa formation politique les actions politiques concrètes par contre nous ne voulions pas qu’il devienne un réformiste ultra modéré prêt à offrir le pouvoir à quelqu’un de la Cour de Cassassions qui fait partie du système que l’on veut changer totalement. C’est en effet, notre principal point litigieux avec maître André Michel qui oublie que les revendications actuelles du peuple haïtien sont révolutionnaire parce qu’elles exigent de véritables changements dont le remplacement du système pourri actuel.
Un autre problème avec le leadership du mouvement actuel c’est la république décisionnelle de Port-au-Prince où ce ne sont que les politiciens de Port-au-Prince qui se réunissent dans un grand hôtel pour décider pour l’ensemble du pays et soi-disant au nom de toutes les revendications des masses populaires du pays. Or lorsque j’écoute tous les radios à travers le pays ce que plusieurs politiciens de Port-au-Prince ne font pas, partout dans le pays ce sont des demandes de participation de toutes les régions du pays, ce sont des représentations de ces régions dans le changement du système du pays; ce sont également de vraies et de meilleures répartitions des richesses du pays sur l’ensemble du territoire du pays.
Malheureusement, malgré la veste révolutionnaire que plusieurs leaders du mouvement actuel se disent porter sur leurs dos, tous ceux qui se réunissent pour offrir des alternatifs au régime en place, aucune région n’est représentée dans les négociations et moins encore la diaspora haïtienne qui supporte le mouvement mais également qui supporte financièrement les masses populaire à travers leurs transferts d’argent vers leurs proches et leurs parents dans le pays.
Tout naturellement, c’est en excluant les forces vives du pays comme les régions des différents départements du pays y compris la diaspora que les groupes de l’opposition de retardent le départ de Jovenel Moïse par cette manière de faire aussi longtemps que le mouvement reste un mouvement sous le leadership des petits bourgeois de la classe moyenne avec Maître André Michel à la tête.
Malgré tout, nous n’allons pas nous décourager ni arrêter de réclamer de vrais changements dans le pays plus particulièrement le changement de ce vieux système politique, économique et social qui ne peut et qui ne pourra jamais encourager le développement et le progrès de tous les haïtiens, parce que nous sommes nés pour toujours réussir.
Au contraire, nous irons jusqu’au bout de nos convictions avec le peuple en exigeant des élargissements du leadership du mouvement insurrectionnel actuel en Haïti. Et tout le monde doit reconnaître que le peuple haïtien ce sont tous les haïtiens de l’intérieur et à l’extérieur du pays. Ceux qui sont au pays de Port-au-Prince se doivent d’ouvrir les espaces qu’ils occupent sur la scène politique à toutes les régions du pays y compris la diaspora haïtienne vivant à l’étranger. Sans quoi, l’histoire risque de les manger en chemin car, ils se présentent plus comme des réformistes dans une conjoncture révolutionnaire telle qu’elle est actuellement. À bon entendeur, salut.
à suivre…
Hermann Cebert
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