» Un pacte de silence au sein de la société haïtienne autour de la corruption et de la médiocrité ».


Photo de Sonet Saint-Louis.

Comprendre le débat provoqué dans la presse entre les tenants du système traditionnel corrompu.

Il y a une forme d’amnistie arrangée et consensuelle pour tous les responsables de l’État en Haiti, accusés de crimes économiques et financiers. Ça, on le sait, on le découvre et on s’y est conformé.

On se demande, si les dénonciations de corruption portées contre le régime de Martelly étaient réellement fondées,
pourquoi Privert n’avait-il pas jugé bon de traduire les voleurs du bien public qu’il avait identifiés devant la justice haïtienne?

Pourquoi , n’avait -il pas eu au moins une commission d’enquête administrative sur les dénonciations de corruption qui pèsent sur les gouvernements de Martelly et de Préval, en ce qui attrait à l’utilisation des fonds de petrocaraibe et d’autres fonds de l’État?

Pourquoi, l’enquête de la commission dirigée par le sénateur Paul Denis reste t-elle jusqu’ici sans effet?

Dans ce pays, les contraires sont unis et sont opposés. Ils sont opposés par jalousie, mais unis dans le vol et dans la dissimulation des infractions économiques et financières dont ils se sont tous rendus coupables durant ces trente dernières années.

Οn sait que la République est dépourvue de tout, et incapable de servir les citoyens, mais on ne saura jamais les noms de ceux qui ont pillé l’État et vandalisé les maigres ressources du pays. Les dénonciations de chaque camp resteront sans effet, parce que le système en place se donne des moyens pour se renouveler et se perpétrer. Les accusations des uns portées contre les autres n’iront pas plus loin que le fond d’une assiette. On s’entend là-dessus. « Le seul consensus qui marche en Haiti, c’est le pacte de silence autour de la corruption ».

L’arrivée d’un nouveau régime au pouvoir montre toujours que le précédent est plus corruption et promet des redressements. Cela devient une chanson, une vraie rethorique dans la manière de gouverner et d’infantiliser le peuple. Les citoyens, de leur côté, assistent et constatent de manière impuissante que chaque équipe gouvernementale entraine le pays plus fond dans l’abime.

Aujourd’hui, le débat ne fait pas autour des réalisations matérielles de chaque gouvernement, mais autour de quel régime qui a le moins pillé la République.

Notre constat est que notre taux croissance diminue, la pauvreté et la misère augmentent dans le pays. Le pays, nous dit le premier ministre, est en situation de banqueroute. Or, la banqueroute est une faillite planifiée et provoquée, soit par la mauvaise gouvernance de l’État , soit par le pillage des ressources de l’État. Dans les deux cas, il faut chercher à déterminer les responsabilités.
Cette responsabilité, elle est à la fois politique et juridique.

Il y a quand même des questions à se poser. Mais avant tout, il n’y a pas de responsabilité qui ne soit pas passible de sanctions.

Des lors, on se demande, si l’État fait l’objet d’un tel pillage, mais combien de chefs de gouvernement ou de ministres qui ont été sanctionnés par les représentants du peuple pour leur mauvaise gestion de la chose publique? Où était passé le pouvoir de contrôle des élus du peuple au Parlement?

Le premier ministre, dans sa déclaration voulait- il, signifier aux citoyens, que le pouvoir de contrôle détenu par les représentants du peuple n’a jamais été exercé dans l’intérêt de la société ? A quoi sert finalement la démocratie représentative, si le rôle du citoyen est réduit finalement à légitimer par son vote la corruption des gouvernants et des élus?

Le constat de la généralisation de la corruption n’est pas un fait banal. Il me semble que dans cette société la corruption n’est pas un fait sur lequel on doit inviter les institutions et les citoyens à prendre position. La corruption apparait comme un fait naturel avec lequel nous sommes appelés à nous conformer.

La société haïtienne n’est pas une société de sanction. Nous sommes pris dans un cercle vicieux. On s’arrange en toute impunité pour que les corrompus et les criminels d’hier deviennent des gouvernants d’aujourd’hui. Partout, on dénonce la corruption, mais chacun, dans son camp, a son petit lot de corrompus et de corrupteurs qu’il veut protéger et épargner de la sanction sociale et de la déchéance politique.

Le travail de la commission d’éthique et anti- corruption semble être pervertie par la force du système. Pour que ce travail aboutisse, il ne faut pas que la lutte contre la corruption soit menée de manière selective et partisane. elle doit être générale, totale et globale. Les citoyens veulent savoir comment fonctionne ce système, et qui sont les corrompus dans notre société?

Le gouvernement de Martelly ne peut pas être tenu comme le seul responsable du désastre national. La castatrophe actuelle est le résultat des décisions économiques et politiques irrationnelles et la mauvaise gestion du pays par des régimes corrompus qui se sont succédés à la tête de l’État d’Haiti au cours de ces trentes années. Tout le monde est mêlé dans la sauce, tout le monde est mouillé, la corruption est dans toutes les chemises.

On oublie trop vite dans ce pays. « Amnésie collective » On oublie que, c’est le ministre des finances de Privert qui avait vendu pour le compte du gouvernement de René Preval toutes les entreprises publiques haitiennes en application du programme d’ajustement structurel décidé et imposé par les institutions financières internationales. Depuis lors, Haiti se trouve dans une situation de cessation de production. Ce ministre des finances de l’ère Privert est un « petit bourrique », je l’ai entendu, comme d’habitude, il va continuer à braire sur les stations de radio de la capitale pour defendre sa gestion calamiteuse au nom de sa clique. Ses propos insensés et maladroits ne peuvent convaincre que ses petits amis idiots suspendus à ses lèvres infectés par la politique néolibérale, destrictrice de toutes les conquêtes sociales et des libertés fondamentales.

On s’étonne que le premier ministre Lafontant pointe seulement l’administration Privert dans le pillage des caisses publiques. Cela devient une réthorique, chaque nouveau gouvernement accuse l’ancien de corruption et de malversations. Tant que ça change, ça devient pire en Haïti. Comment arrive -t-on, à installer la mafia d’État à la tête du pays ? Comment fonctionne ce système?

L’état des lieux, l’état de corruption, l’état d’impuissance….face à une situation pourrie.

L’état des lieux réalisé par le premier ministre est l’état de ses propres désaveux politiques, de son incapacité à traquer les dilapidateurs des fonds publics, et de son ignorance dans la gestion des affaires publiques.

La conférence de presse du premier ministre
remet totalement en question la déclaration politique générale et l’engagement qu’il a pris devant le chambres. Il nous dit qu’il s’était engagé devant les élus du peuple sur des données économiques sociales et politiques qui étaient totalement fausses. Des données qui n’avaient rien à voir avec l’état général du pays et l’administration publique. Après une telle déclaration, les parlementaires, s’ils étaient imbus de leur véritable mission auraient du contraindre le premier ministre à la démission .

Quelle idée que le premier ministre avait-il de l’État d’Haïti et de l’administration publique
en particulier, avant l’élaboration de son énoncé de politique générale?

Par ce constat, le premier ministre Lafontant a- t-il admis que sa déclaration de politique générale présentée devant les chambres et adoptée par les parlementaires a été truffée de mensonges. Mais sur quoi s’était- il réellement basé pour élaborer ce document de programme ?

Dans quel sens, l’état des lieux pourrait servir de base factuelle à l’élaboration de la déclaration de politique générale?

Une petite démarche méthodologique ne serait ce que, pour clarifier une situation confuse.

La déclaration de politique générale est un document de programme. Elle doit être techniquement bien préparée. Suivant la Constitution, le premier ministre, une fois nommé et installé dans ses fonctions, doit se présenter devant les chambres pour solliciter un vote de confiance sur le programme de son gouvernement.

Dans quel délai le premier ministre, après son installation devra se présenter devant les chambres pour demander la ratification de son document de politique générale?

Ce délai n’est pas défini dans la Constitution. Il est certes, tout le temps que prend le premier ministre pour être en contact avec les grands dossiers de l’État. C’est le temps à partir duquel il devra réaliser l’état des lieux et connaitre la situation exacte et globale du pays et de l’administration publique.

Cet état des lieux, ou ce constat le permettra de trouver des éléments factuels à l’élaboration de déclaration de politique générale.

Il est évident que sans cette connaissance des faits et de la réalité, le premier ministre risque de se tromper et mentir au pays.

Il s’agit là, à notre avis, d’une analyse technique de la Constitution que les juristes n’ont jamais pris en compte dans le cadre de la réalité du fonctionnement de notre régime.

Comme nous sommes dans un régime parlementaire, le gouvernement ne peut fonctionner réellement sans les chambres, c’est pourquoi, dans les semaines qui ont suivi l’installation du gouvernement, le premier ministre et son équipe devront se présenter devant les chambres.

Notre approche tend à démontrer que, non seulement, l’installation du premier ministre et ses ministres avant la présentation de son programme de gouvernement est constitutionnelle, mais répond à une certaine technicité propre au régime parlementaire.

Il s’ensuit donc que le premier ministre ne peut se présenter devant les chambres sans connaitre la situation de l’administration publique dont il est le chef.

C’est à partir de l’état des lieux qu’on formule les priorités du gouvernement. C’est à partir des priorités qu’on élabore les objectifs stratégiques. C’est à partir des objectifs stratégiques, généraux et spécifiques qu’on dresse les plans opérationnels des ministères , et enfin c’est à partir des plans opérationnels et d’autres considerations qu’on décide et planfie le budget de l’État. Il n’y a pas de déclaration de politique générale sans la formulation des objectifs à atteindre.

En somme, c’est l’état des lieux entrant qui permettra aux parlementaires d’évaluer les résultats, les progrès réalisés, les manquements. C’est la comparaison de l’état des lieux entrant avec l’état des lieux sortant qui permettra finalement dresser le bilan de l’équipe gouvernementale.

En vérité, nous sommes en face de ce que nous appelons ‘un « cas -problème ». Donc, le gouvernement n’a pas de programme. Il a amené malheureusement les parlementaires peu imbus de leur fonction, avec des promesses fallacieuses, à prendre position sur un texte élabore à partir des données fausses, basées sur une réalité mal diagnostiquée et identifiée. Un tel constat aurait dû amener le premier ministre Lafontant à définir deux objectifs stratégiques: la lutte contre la corruption et la réforme de l’État. Or, il me semble que ces objectifs sont absents dans le document de programme du premier ministre.

De notre constat, nous arrivons à la conclusion que le document de programme gouvernemental était basé sur un diagnostic fictif. Il était tout simplement destiné à la consommation de nos parlementaires en quête de réalisation dans leur circonscription. La stratégie est erronée, il nous faut donc recommencer, sinon, on risque de passer à côté de nos vraies priorités.

Nous sommes fatigués avec ces politiciens sans méthode, fabriqués de toutes pièces par nos laboratoires. Il nous faut penser en vérité à quelque chose d’extra pour ce pays. La médiocrité suprême doit enfin cesser de donner le ton à ce pays. Vous êtes tous des incapables, vous n’avez pas de bilan, taisez vous, nous sommes ivres de vos bêtises. Vous êtes tous nuls, puisque l’intelligence, c’est avant tout la capacité de résoudre les problèmes. Dites au pays quel problème avez vous déjà résolu pendant ces trente dernières années?

Me Sonet Saint-Louis