Comment comprendre le dilemme de nos projets de reconstruction d’Haïti: la nécessité d’innover de nouvelles stratégies locales et communautaire inclusive


Le philosophe éveilléUne fois de plus, et comme c’est toujours le cas à chaque catastrophe, à chaque crise, à chaque désastre, tout le monde veut sa grande part du gâteau de la misère du peuple haïtien.

D’un côté on a les grandes industries de la coopération internationale, dont les agences et les Organisations Non Gouvernementales (ONG); d’un autre côté, on a les gouvernements dont les ministres, les premiers ministres et les députés et les magistrats des villes, les sénateurs et les délégués départementaux sans oublier le président du pays.

En effet, parmi les questions qui se trouvent sur toutes les lèvres actuellement nous avons: Comment sera la reconstruction du pays? Est-ce que l’on va finir par faire quelque chose qui permet de régler une fois pour toute cette fragilité qui semble bien nous caractériser? Le peuple haïtien aura-t-il droit au chapitre? Est- ce que les fonds collectés et amassés seront véritablement acheminés vers les populations touchées et affectées par la catastrophe?

Évidemment, je pourrais en poser d’autres questions identiques et qui vont dans le même sens, mais ce ne sont plus ces questions qui m’intéressant dans ce présent article.

Car, toutes ces questions avaient déjà été posées et tout le monde connait également ce qu’il faut faire pour que celles-ci trouvent leurs réponses et leurs explications chez les décideurs et les autorités nationales et internationales qui ne rêvent qu’à s’enrichir sur le dos du peuple haïtien et plus particulièrement sur le dos des masses démunies du pays.

Très certainement, on doit toujours penser à tout inventer pour sortir Haïti de l’ensemble de ses difficultés malheureusement nous refusons également de bien utiliser nos méthodes traditionnelles mêmes si un grand nombre de ces méthodes avaient été mal exploitées voire utilisées pour détruire toutes nos formes de solidarités et de coopérations sociales et économiques.

Pourtant malgré tous les abus dont le peuple haïtien a été victime en ce qui concerne les organisations coopératives et sociales, nous sommes obligés aujourd’hui de les réactualiser afin de faire face à un grand nombre de défis qu’aucun individu ne peut prétendre résoudre tout seul.

Bien entendu, notre histoire récente de gestion des catastrophes ne semble nous apprendre rien de concret puisque ce sont les individus qui se remplacent tandis que les intérêts, les rôles et les fonctions demeurent intacts.

Nous avions observé impuissants les ONG se ruer vers Haïti lors du tremblement de 2010 avec des milliers de porte avions et d’hélicoptères créant un véritable blocus dans le ciel Haïtien sans aucune coordination entre ces offreurs internationaux d’aides aux victimes de 2010.

Aujourd’hui encore, ce ne sont plus les étrangers qui se font la queue-leu-leu dans les régions touchées mais, ce sont les politiciens qui se livrent un combat aux enchères comme pour montrer qu’ils sont en train d’aider le pays. Images par images, vidéos par vidéos se publient sur les réseaux sociaux montrant des politiciens en train de venir en aide au peuple haïtien.

Photo de Foxtrot Juliette Bravo.

Mais nous savons très bien qu’il s’agit bien d’une véritable guerre d’image qui se fait actuellement dans le pays compte tenu les enjeux électoraux actuels chacun essaye de se prouver meilleur que les autres. Et cette photo témoigne assez bien cette guerre et cette course à l’aide aux populations affectées par l’ouragan Mathieu.

Photo de Fondation Rose et Blanc.

Nous sommes là devant une catastrophe qui a ravagé plus de 50% du pays et nous affichons sans gêne nos divisions et nos préjugés sans respects pour tous les victimes ni à leurs mémoires. Pourquoi ne pas avoir décidé de travailler en commun accord et ensemble à travers une structure de rapprochement et de conciliation entre les groupes et les idéologies apparemment opposés.

« Nou pa dwe neglije sak pi fèb yo, yo bezwen lanmou ak sipò nou tout »

À constater la présence de tous les politiciens dans les zones et les régions sinistrés, tout devait pourtant indiquer de la disponibilité de tous. Par conséquent, pourquoi le gouvernement et la présidence n’avait pas choisi de former une commission de gestion de cette catastrophe mettant ensemble tous les anciens présidents comme Jean-Bertrand Aristide, Joseph Michel Martelly, René Préval.

Pourquoi ne pas faire appel à Michèle Bennett pour représenter Haïti en Europe en vue de collecter des fonds pour les victimes. Pourquoi ne pas faire appel aux anciens généraux comme Raoul Cédras, Henri Namphy, Hérard Abraham, Prosper Avril qui connaissent très bien les différentes régions du pays pour coordonner la planification et la gestion de cette catastrophe.

Ce sont là des rôles et des fonctions que ces personnes voudraient peut-être bien remplir pour pouvoir se faire pardonner mais surtout pour pouvoir assurer leur retour et leur réintégration à la vie économique et sociale du pays. Tant que nous ne décidons pas de trouver des solutions ensembles en nous impliquant les uns aux côtés des autres nous seront toujours retenus par nos divisions.

Cela étant dit et les images sont là pour prouver les luttes paroissiales que nous nous livrons entre nous et ce même dans le cadre des catastrophes qui détruisent et ravagent notre pays et nos populations haïtiennes.

Nous devrions avoir honte de nous montrer si divisés et terriblement égoïstes dans nos choix et à travers nos décisions. Nous alimentons  les préjugés que les autre ont et continuent d’avoir de nous. Pourtant nous aurions dû comprendre et utiliser ces catastrophes pour nous préoccuper de nos conditions de peuple fier et orgueilleux.

Car, somme toute, toutes ces calamités, toutes ces catastrophes veulent peut-être nous dire et nous montrer toutes les laideurs de notre pays; toutes les misères, les crasses, les insalubrités, l’archaïsme de nos institutions, de nos structures, nos retards comme peuple et comme société humaine de telle sorte que c’est la nature elle-même qui nous oblige à nous enfin nous prendre en main dans l’unité et par la fraternité.

Malheureusement, nous refusons d’apprendre ces belles leçons de cette mère nature même si nous ne sommes pas dupes que ce sont les conséquences de plusieurs facteurs qui nous peuvent également nous infliger ces leçons de nous unir et de nous solidariser entre nous en coopérant les uns avec les autres.

Reconstruire Haïti ne sera pas l’œuvre d’un gouvernement ni d’un président ou d’un premier ministre. Ça doit être l’action et la participation de tout un chacun à travers des organisations sociales économiques et communautaires issues de nos différentes régions.

C’est ce que je veux appeler la stratégie locale, communautaire  et inclusive de la reconstruction du pays.

Local parce que chez nous comme partout ailleurs évidemment, nous avons une forte appartenance régionale que le pays doit réactualiser en vue d’inciter les communautés haïtiennes à retourner vers leurs régions respectives pour y investir mais pour faire véritablement quelque chose que sa région natale peut profiter.

En ce qui concerne le communautaire, c’est le lieu du rassemblement de l’ensemble des idées, l’ensemble des projets afin d’évider les doublements de projet et mieux canaliser les énergies et les ressources au meilleur endroit.

Mieux encore, c’est grâce aux groupes communautaires, et associations régionales que les institutions étatiques peuvent assurer les diverses formes de spécialisations régionales à travers des politiques globales et nationales sur l’ensemble des régions du pays.

Enfin une démarche et une approche inclusive de tous les haïtiens qui permettent de surmonter les obstacles idéologiques qui nous tirent encore vers l’arrière. Il nous faut intégrer les communautés haïtiennes vivant à l’étranger dans les projets régionaux et communautaires. Non pas comme des observateurs mais comme partie intégrante et prenante de l’ensemble de la reconstruction.

Il est vrai que la seule chose que veulent les politiciens locaux haïtiens c’est le financement et l’aide de la diaspora sans aucune présence effective dans les affaires du pays sous prétexte de ne pas bien connaitre le pays ou également sous prétexte d’avoir perdu ou oublié la réalité de terrain du pays. Mais

à suivre…

Hermann Cebert