Un groupe d’étudiants répond au groupe de professeurs de l’UQAM : À l’UQAM, l’engagement politique étudiant ne cessera pas!


Suite à la récente lettre intitulée “À l’UQAM, l’intimidation doit cesser!”, il a semblé opportun de fournir une réponse étudiante. Nous souhaitons répondre, «sans ruses ni artifices, sans pressions ni sophismes, sans intimidation physique ou morale» à quelques-uns des arguments soulevés pour, semble-t-il, discréditer l’engagement d’une “minorité non représentative” d’étudiant-e-s.

Union libre, Volume 10, Numéro 1, 24 février 2015

À l’UQAM,  l’engagement politique étudiant ne cessera pas!

25 étudiant-es de la Faculté de science politique et droit de l’UQAM

Tout autant que les signataires de la dite lettre, nous sommes fièr-e-s du rôle que peut jouer notre université au sein du Québec, ainsi que dans la promotion d’un accès le plus large possible à une éducation supérieure de qualité. Nous sommes d’ailleurs convaincu-e-s que ce rôle ne peut être rempli sans des débats et des actions politiques denses et inclusifs, en nos murs comme à l’extérieur. À ce titre, nous tenons à dénoncer tout amalgame entre le travail quotidien d’étudiant-e-s (qui tentent par tous les moyens de combiner succès dans leurs études et vie politique universitaire dynamique) et des actes d’ “intimidation” et de “harcèlement”.

En ce sens, désirer aseptiser la spontanéité politique d’un corps étudiant qui se veut divers dans ses moyens d’action comme dans ses convictions n’est en réalité que donner un visage nouveau au vieux rêve libéral d’une vie politique instrumentale, procédurale, mécanique; bref, d’une vie politique réduite à la simple gestion administrative. Nous faisons quotidiennement le choix de défendre une conception de la politique qui, au contraire, s’arroge parfois le droit de bousculer l’ordre établi, mais toujours dans le but de vivifier des débats nécessaires; ce choix nous appartient et nous comptons bien poursuivre dans cette direction.

Si nous dénonçons une conception de la politique réductrice, sans aspérité et privée de ses aspects parfois incontrôlables, nous ne désirons pas pour autant tomber dans le procès d’intention. Nous estimons cependant fondamental d’exprimer notre surprise et notre déception de lire, parmi la liste des signataires d’une lettre s’illustrant par une novlangue cultivant la confusion, les noms de certaines personnes qui sont pourtant connues pour leur esprit nuancé et leur grande culture générale. La surprise et la déception sont d’autant plus grandes que le manque de considération langagière à la limite du populisme de bas étage que transpire cette lettre nous semble bien plus dommageable pour la crédibilité de l’UQAM qu’une quelconque levée de cours et les désagréments qui l’accompagnent.

Il est vrai que les grèves qui agitent parfois notre université ont un impact sur le calendrier académique; ayant nous-mêmes participé à certains de ces mouvements, nous connaissons les difficultés administratives qu’ils génèrent. Mais nous faisons le choix d’y voir une opportunité d’apprentissage alternatif plutôt qu’un handicap dans nos études. À la manière dont le soulignait un jour un penseur qui n’a guère perdu de son influence à l’UQAM : après avoir interprété le monde, n’est-il pas désormais temps de le changer?

À ce titre, permettez que nous nous interrogions également sur le réel engagement de l’ensemble des signataires de la lettre professorale envers la liberté intellectuelle et l’ouverture des débats. Il nous semble pour le moins ironique que ces mêmes professeur-e-s, pourtant muet-te-s lorsque des policier-e-s entrèrent sur les campus universitaires pour y faire régner l’ordre à coup de matraques, nous disent aujourd’hui que la liberté intellectuelle est mise en péril par des étudiant-e-s qui ne font, sommes toutes, que participer légitimement aux débats démocratiques et appliquer les décisions rendues à la majorité dans les instances prévues à ces fins.

Nous comprenons évidemment les désaccords qui peuvent être exprimés vis-à-vis de notre conception de la politique; le débat comme la confrontation sont des nécessités à toute vie démocratique, mais l’auto-critique en fait aussi partie. Que l’on nous permette donc de souligner l’ironie qu’une minorité, non-représentative de professeur-e-s du département de science politique, s’arroge la légitimité de critiquer la soi-disant non-représentativité d’une «minorité étudiante». Pointer cette ironie comme un manque de «respect et de sérieux» envers nous est un pas que la bienséance ne nous permettra pas de franchir. Sachez néanmoins que le sentiment est là, et que les gifles successives qu’on nous adresse ne seront pas oubliées.

Que l’on nous permette aussi de nous interroger un peu plus sur ce qui semble constituer un manque de perspective de la part des signataires de la lettre professorale. Si le but visé est véritablement la qualité de la formation universitaire, n’est-ce pas se tromper de cible que d’attaquer des étudiant-e-s qui désirent participer aux débats de manière démocratique et non pas sous les diktats imposés par une administration centrale occupée à justifier des coupures  (administration centrale dont la gestion catastrophique des finances a tout d’une mauvaise blague qui ne fait plus rire)? Peut-on réellement, en toute honnêteté, se permettre de taper allègrement sur les étudiant-e-s au nom de la liberté d’enseigner alors qu’ils et elles se battent précisément pour la liberté d’apprendre autre chose qu’un gloubi-boulga expéditif et soi-disant professionnalisant?

Enfin, nous nous interrogeons sur la stratégie initiée par une partie du corps professoral d’avoir recours à ce type de communication, alors même que les étudiant-e-s tentent de répondre à la menace qui pèse sur la société dans laquelle ils et elles sont appelé-e-s à participer en tant que citoyen-ne-s.

En guise de conclusion, nous notons avec stupeur que, contrairement aux attentes, les signataires de la lettre professorale ont omis un détail d’importance dans toute missive de ce genre: s’auto-proclamer “otages” du militantisme étudiant. Manquement qui, nous l’espérons, sera rattrapé lors des prochaines logorrhées turgeonesques à notre encontre.

ONT SIGNÉ

Laurent Alarie, étudiant à la maîtrise en science politique, UQAM

Déborah Andrades-Gingras, étudiante au baccalauréat en relations internationales et droit international, UQAM

David Audet, étudiant au baccalauréat en science politique, UQAM

Jordan de Bellescize, étudiant au baccalauréat en science politique, UQAM

Emilie Binette, étudiante au baccalauréat en relations internationales et droit international, UQAM

Camilo Céré-Escribano, étudiant à la maîtrise en science politique, UQAM

René Delvaux, étudiant à la maîtrise science politique, UQAM

Nelly Dennene, étudiante à la maîtrise en science politique, UQAM

Valérie Dubuc, étudiante à la maîtrise en science politique, UQAM

Mathieu Fraser Arcand, étudiant à la maîtrise en droit, UQAM

Delphine Gauthier Boiteau, étudiante au baccalauréat en sciences juridiques, UQAM

Vanessa Gauthier Vela, étudiante à la maîtrise en science politique, UQAM

Nichola Gendreau Richer, étudiant à la maîtrise en science politique UQAM

Olivier Grondin, étudiant au baccalauréat en relations internationales et droit international, UQAM

Caroline Jacquet, étudiante au doctorat en science politique, UQAM

Kim Joly,  étudiante à la maîtrise en science politique, UQAM

Catherine Loiseau, étudiante à la maîtrise en science politique, UQAM

Sonia Palato, étudiante à la maîtrise en science politique, UQAM

Benjamin Pillet, étudiant au doctorat en science politique, UQAM

Anne Plourde, étudiante au doctorat en science politique, UQAM

Fannie Poirier, étudiante au baccalauréat en science politique, UQAM

Sébastien Sinclair, étudiant à la maîtrise science politique, UQAM

Claudie Thibaudeau, étudiante à la maîtrise en science politique, UQAM

Anne-Marie Veillette, étudiante à la maîtrise en science politique, UQAM

Antony Vigneault, étudiant à la maîtrise en science politique, UQAM