L’argument des 5 % du référendum 1995 de Jacques Parizeau pour supporter l’approche d’exclusion des communautés culturelles dans la charte des valeurs québécoises de Bernard Drainville


Sur le plancher des vaches

Katia Gagnon La Presse

Juillet 2013. Bernard Drainville est assis à la table familiale, chez ses parents, à l’île Dupas. Il est avec son fils Mathis, 9 ans, dernier de ses trois enfants. « Moi, je ne suis pas un vrai Québécois, lui dit Mathis. Je suis un Coréen. »

Quelques semaines avant que n’éclate au Québec un débat déchirant sur l’identité, Bernard Drainville a dû faire face à la propre crise d’identité de son fils adopté en Corée. « Je l’ai vu en train d’expliquer à Mathis qu’il était un Québécois d’origine coréenne. Qu’on était tous égaux. Sur les problèmes identitaires, on n’avait pas besoin d’aller bien loin… », raconte sa sœur Hélène.

La famille Drainville, de 6 enfants, compte 16 petits-enfants, dont 5 ont été adoptés à l’étranger. La chose en dit long sur la fratrie, où l’entraide a toujours primé tout, dit Hélène Drainville. « Sur une ferme, on apprend à travailler. Et on apprend la solidarité », souligne Bernard, qui est l’aîné de la famille.

Son enfance rurale à l’île Dupas a profondément marqué Drainville. Un petit village de 400 personnes, relié au continent par un pont à partir de 1945. Une communauté « chrétienne », tient-il à préciser. « Tout tournait autour de l’église. » Les rejetons de la famille Drainville élargie formaient au bas mot la moitié de la chorale de l’église.

« On était soit fils de cultivateur, soit fils d’ouvrier. Il n’y avait pas de notables », raconte Drainville.

Le débat a toujours fait partie de la famille : trois des six enfants ont participé à des concours oratoires. « On a été élevés avec Bernard Derome, La semaine verte et le hockey, dit sa sœur. On a toujours discuté. On a toujours débattu. C’est généralement Bernard qui lançait les discussions sur ce que le curé n’avait pas dit à la messe. »

Chaque année, la famille se retrouve encore à la cabane à sucre familiale pour aider le patriarche à entailler les érables. Et à chaque Noël, Victor Drainville aménage dans sa grange « le Centre Bell de l’île Dupas », où on convie tout le voisinage à jouer au hockey.

Cette enfance à l’eau d’érable a-t-elle jeté les bases des « valeurs québécoises » du futur ministre ? En tout cas, les Québécois de souche semblent s’y retrouver : même si l’intelligentsia montréalaise l’a vertement décrié, les deux tiers des francophones appuient, pour l’instant, son projet de charte.

Avant de lancer son projet de loi, Drainville a longuement consulté un réseau de contacts de tous horizons, bâti au fil des ans. Un réseau qui peut devenir la base d’une belle organisation politique, observe Lisette Lapointe. Bernard Drainville, futur chef du PQ ? Louisette Pagé a son conseil, tout prêt. « C’est du bon bois pour en faire. Mais pas tout de suite. Il faut qu’il apprenne à prendre son temps. »

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